Le vide plein et le plein vide

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و الصلاة و السلام على أشرف المرسلين
و على اله و اصحابه أجمعين

Le vide plein et le plein vide

Résumé du 15 Avril 2016
Jumu’a 7 Rajab 1437

Nous revenons une nouvelle fois dans la Hadra du lâm al-qabd, et de nouveau nous évoquons ce lâm qui nous dévoile peu à peu la Réalité de al-Insân al-Kâmil, c’est-à-dire la Réalité de sayidina al-Mustafa ﷺ , le Markaz du hâ’ al-hawiya. Il est ﷺ le joyau, le trésor caché de la Réalité des Secrets de la Seigneurie. Il est celui que le Vrai désigna dans le verset que nous traitions la semaine passée : « il se montra sous sa forme réelle (istawa), alors qu’il se trouvait à l’horizon supérieur. » et ne peut réaliser le degré de l’istiwa à l’horizon supérieur que celui dont l’intellect supérieur (la Lumière) est en état d’Union parfaite, celui qui s’est totalement effacé en cette Haqîqa divine. L’horizon supérieur, comme nous l’évoquions donc dernièrement, est le degré convenant au Nom « Allâh ». Lorsque donc nous parlons d’horizon supérieur, nous nous référons en cela à la Haqîqa de la Connaissance du Nom « Allâh », car elle désigne la finalité de l’ascension céleste, c’est-à-dire de l’élévation au sein des différents degrés de l’âme humaine. Et lorsque nous parlons d’ascension, il ne s’agit pas du déplacement d’un corps depuis un endroit vers un autre, mais plutôt de l’effacement progressif de ses différents degrés d’âme humaine. Lorsque donc il vit ﷺ la Haqîqa de sa nafs absolue, il se rapprocha de lui-même et s’éleva encore plus haut vers lui-même, depuis le degré de transcendance de l’Essence vers les degrés des lois du tachbîh par les Noms et Attributs. Il fut alors à portée de deux arcs, et devint de ce fait l’isthme (barzakh) réunissant les deux réalités, ou plus près encore. En réalité il n’y a ici ni descente ni rapprochement, mais plutôt le manifesté est celui qui se manifeste lui-même. Ainsi, le Point de départ en devint l’objectif ultime. Si tu traces un cercle, ton Point de départ finit de même par devenir ton Point d’arrivée et on constitue ainsi une bague (khatam), le khatam du Prophète ﷺ qui nous informa au sujet de lui-même dans plusieurs Hadîth et dit qu’il était le premier et le sceau (khâtim) des Prophètes. Ce Point de départ du khatam est donc le Point d’arrivée lui-même, c’est de cette manière qu’est mis en valeur le joyau de la bague… et si ce joyau était en était retiré, la bague ne serait plus qu’un simple anneau, dont on ne pourrait déterminer ni le Point de départ ni le Point d’arrivée. C’est donc par le joyau que le Vrai –subhânahu wa ta’ala– nous enseigna comment nous référer tantôt à l’antériorité tantôt à la postérité du khatam.

Par sa Lumière, il dévoila les ténèbres. Son existence est la Miséricorde même. Le Trône des formes apparentes disparut par la Lumière de Sa Miséricorde lorsqu’elle se manifesta, et son existence n’est autre que le Secret de cet istiwa. La grâce de son existence emplit l’existence toute entière, et l’istiwa évoqué dans ce verset en devient par là-même la parfaite mise en évidence de cet Insân al-Kâmil ﷺ. Il sut alors que l’apparence de son existence, ou des facettes apparentes des Noms divins, n’était autre que la manifestation de l’Essence elle-même, car le miroir de ce qui est néant n’est autre que ce qui existe, et parce que l’Essence ne peut être contemplée que dans le miroir des manifestations des Noms constituant ce néant. Si donc tu regardes ce néant, ou cette considération du néant au sein d’un cercle fermé (d’une considération donc limitée), tu verras que c’est en lui que sont apparus les Noms et Attributs divins. En ce sens le Hadîth nous dit : « Allâh créa la création dans les ténèbres, puis il projeta en eux de Sa Lumière. Celui donc qui recevra de cette Lumière sera guidé, tandis que celui à qui elle échappera sera égaré. » [Rapporté par Ahmad] Lorsque tu entends « Il projeta en eux de Sa Lumière », cela signifie la manifestation de l’Attribut et l’apparition de l’Ism. Celui donc qui recevra de cette Lumière sera guidé, c’est-à-dire celui qui parviendra et Connaîtra la Haqîqa de ce Nom et de cet Attribut, celui-là parviendra à la Haqîqa de la guidée. Quant à celui à qui cela échappera, celui-là sera égaré.

L’existence ne peut être vue que dans le miroir du néant, telle est la Haqîqa de « Allâh est la Lumière des cieux et de la terre » [s24.v35]. Car si cette Lumière n’avait pas pris forme et n’était pas apparue dans ces cieux et dans cette terre, qui correspondent à ce que l’on désigne par le néant, Le Nom comme la Lumière n’auraient pu être Connus. On retrouve là le secret du Hadîth : « Le croyant est le miroir de son frère. » Ainsi, si tu considères et réalises la Haqîqa de l’existence et du néant, tu constateras que tous deux sont en réalité frères d’une même mère : Oumm al-Kitâb, soit l’Essence divine. Ceci bien sûr sans considération du fait que l’Essence n’ait enfanté ni n’ait été enfantée, elle à qui rien ne ressemble. Mais plutôt il s’agit de comprendre que c’est l’Essence elle-même qui fit apparaître le néant et l’existant, lequel de par sa condition d’existant n’eut plus qu’à retourner à sa condition originelle et première : Oumm al-Kitâb. Et même si tu considères l’apparence physique et corporelle des choses, ceci est en réalité inclus dans la forme de al-Insân al-Kâmil, qui est tel qu’une partie de lui est pour lui tandis que l’autre est pour son Seigneur, raison pour laquelle Allâh –ta’ala– révéla Oumm al-Kitâb (la sourate al-Fâtiha) qui fut divisée en une partie pour le serviteur et une autre pour le Seigneur.
Dans un Hadîth qudsî, Allâh –ta’ala– dit : « J’ai partagé la prière en deux parts, l’une pour Moi, l’autre pour Mon serviteur, et à Mon serviteur ce qu’il demande. Si Mon serviteur dit : « Louanges à Allâh, Seigneur des mondes », Je dis :  » Mon serviteur M’a loué » » [Rapporté par Muslim].

Les deux frères que sont l’existence et le néant, sont en réalité leur mère elle-même, car ils ne sauraient constituer par eux-mêmes une ramification indépendante de leur origine. L’existence ne saurait exister d’une existence différente de celle qui est, de même que le néant ne saurait être d’un autre type dérivé du néant connu. Au contraire, tous deux sont retournés à la Haqîqa de Oumm al-Kitâb. C’est cela-même qui permit à sayidina ‘Ali (karramAllâhu wajhah) de dire, se basant sur une Science céleste, que l’ensemble du Coran se trouve réuni dans Oumm al-Kitâb, qui n’est autre que la Fâtiha, que la Fâtiha se trouve réunie dans la Basmala, etc.

Voilà pourquoi les Noms divins sont les différents degrés de l’apparition et de l’occultation théophanique, par ce que l’on considère comme Antérieur (awwaliya), médian (barzakhiya) et Postérieur (akhiriya). Et les formes de ces différents degrés sont ce dont Allâh –subhânahu wa ta’ala– nous informa concernant les affaires de ce bas-monde et de l’au-delà. Ce qui est apparent de ces degrés est l’Essence, exprimée par l’intermédiaire de la Lampe de l’existence, au centre de la Niche. Si donc tu considères les choses du point de vue de la création contingente confinée dans le khatam, soit dans cercle de la Niche… à ce moment-là, ta vision du cercle n’est plus la même que lors de la Lecture du hâ’ par le hâ’, puisque tu vois que le Point de départ du cercle devient son Point d’arrivée : il t’apparait alors clairement le joyau de l’anneau, devenu bague. Cela dit encore une fois, cela n’est pas le résultat d’une réflexion intellectuelle, mais plutôt ceci est issu du Livre d’Allâh –subhânahu wa ta’ala– qui dit, pour le cas de la première Lecture : « un exemple de Sa Lumière est semblable à une Niche ». Cette Niche a donc maintenant un début et une fin, et pour que la Niche soit véritable, son Point de départ doit être son Point d’arrivée lui-même. Le Vrai exprima ceci dans la suite du verset « une Niche dans laquelle se trouve une Lampe ». C’est justement de cette Lampe que nous traitons dans la deuxième Lecture, et nous commençons par vous faciliter la compréhension et le cheminement en vous précisant qu’il s’agit du centre du cercle, au lieu de parler d’un Point de départ et d’un Point d’arrivée. Il ne s’agit là en fait que d’une compréhension contingente et limitée au sein du cercle, une compréhension illusoire à laquelle s’est habitué la raison, du fait que le Point de départ soit le Point d’arrivée lui-même. Mais si nous disions que ce Point, ou ce joyau de la bague, est en réalité le centre du cercle… alors ta raison ne serait plus capable de comprendre la chose, parce qu’elle s’est habituée à une conception limitée et bien définie de ce qui en réalité est absolu. Pourtant, quelle que soit la forme sous laquelle cet absolu puisse être considéré comme limité, cette forme n’est que fana. En ce sens al-Mustafa ﷺ dit : « La terre par rapport au ciel de ce bas monde est comparable à un anneau dans un désert, idem pour le ciel de ce bas monde par rapport au ciel qui est au-dessus, et ainsi de suite jusqu’au septième ciel, lequel par rapport au Kursiy est comparable à un anneau dans un désert, et de même pour le Kursiy par rapport au ‘Arch ». Et si nous considérons cela sous le point de vue de la nafs, alors la nafs Ammâra par rapport à la nafs Lawwâma est comparable à un anneau dans un désert, la nafs Lawwâma par rapport à la nafs Moulhama est comparable à un anneau dans un désert… etc.
Et tu peux dire aussi que l’intellect premier par rapport à l’intellect second est comparable à un anneau dans un désert, que l’intellect second par rapport au troisième est comparable à un anneau dans un désert, etc.
Et si tu veux considérer cela dans la réunion de l’être humain, tu diras que la nafs par rapport à l’intellect est comparable à un anneau dans un désert, que l’intellect par rapport au cœur est comparable à un anneau dans un désert, que le cœur par rapport à la Lumière est comparable à un anneau dans un désert, que la Lumière par rapport au Secret est comparable à un anneau dans un désert… et tu peux poursuivre ainsi indéfiniment, car Il est tel que rien ne Lui ressemble, Il est le Premier sans antériorité, et Il est le Dernier sans postériorité. Et ce qui est vu de ces différentes facettes n’est autre que l’Essence, exprimée au travers du degré du Messager d’Allâh ﷺ manifesté au sein de chacune de ces facettes selon son degré… c’est-à-dire dans une forme physique illusoire et inexistante. Ainsi, par rapport à l’Esprit il constitue la Poignée de Lumière Primordiale, et par rapport au Secret il en représente la transcendance (tanzîh), ou dit autrement la toute première forme limitée et contingente de cette transcendance faisant apparaître le Kâf al-Ihsân… et ainsi de suite, tu te vois donc au final incapable de le désigner par les mots, et tu te trouves même incapable d’actionner ta langue pour en parler.

Sa Noble forme apparente et Lumineuse ﷺ fut donc suscitée en tant que support d’apparition des Noms mères, c’est-à-dire les Noms dont sont issus tous les autres Noms : al-Hayy, al-‘Alîm, al-Mourîd, al-Qâdir, al-Samî’, al-Basîr et al-Moutakallim. Ceci parce que son Essence ﷺ n’est autre que le support d’apparition de la graine de l’Essence Absolue qui fit germer les sept épis que sont les Attributs, de sorte que dans chaque épi se trouvent 100 graines. « Ceux qui dépensent leurs biens dans le sentier d’Allâh ressemblent à un grain d’où naissent sept épis, à cent grains l’épi. » [s2.v261]. C’est de là jaillirent les sept Lectures du Nom « Allâh ». Nous disons habituellement que chacune des sept Lectures est répartie en dix degrés, ce qui nous donne donc au total soixante-dix degrés, conformément au Hadîth : « Allâh a certes soixante-dix voiles de Lumière et de ténèbres, s’Il les ôtait les Souffles de Sa Face consumeraient tout ce sur quoi se poserait Sa Vue. ». Mais tu peux considérer ces Lectures d’un autre point de vue, en l’occurrence celui des Noms divins (100), et tu obtiens donc 700 degrés différents. Certes, le nombre des Beaux Noms d’Allâh est de 99 comme l’attestent les Hadîth authentiques, mais on complète les cents justement par cette graine première et originelle, que nous désignons dans notre tariqa par l’appellation de « Lamha ». Elle est le début de ce qu’on considère par le Point, de même qu’elle est sa finalité, et le Point n’est autre que le cercle lui-même. Celui donc qui déprécie la valeur de cette Lamha est dépourvu de toute science et de toute ma’rifa. Quant à celui qui la magnifie, quoi qu’il fasse il ne fait en réalité que rabaisser sa véritable valeur. Peu importe la manière dont tu t’y prennes pour la magnifier, cela ne se fait que par rapport à ton propre cheminement et à ton propre rapprochement d’elle… et tu demeures quoi qu’il arrive loin de la Haqîqa de l’Ordre qui l’accompagne. Si tu lui accordais toute l’importance qu’elle mérite, tu atteindrais en moins d’un instant la Connaissance des Sciences cachées, les Noms et les Secrets divins les plus sublimes se dévoileraient à toi … Mais à partir du moment où tu l’as regardé sans y prêter attention, elle t’a maintenu dans ton éloignement, et même elle t’a éloigné et a rendu difficile ton cheminement vers elle. Elle te fit tout perdre, jusqu’à ta raison et ton entendement, parce que tu t’imagines que c’est toi al-Akbar, alors que c’est elle. Et à chaque fois que tu t’imagineras être plus grand ou d’importance supérieure à elle, elle te plongera dans les affres du châtiment, tu te retrouveras dans un état d’éloignement et même de privation (salb) après l’octroi de la Grace divine.

La Graine Primordiale, ou Lamha, est la réunion de ses sept épis, ainsi que la réunion de ses 100 graines, et de là les Lois se multiplient à l’infini puisque chacune de ces 100 graines donne à son tour sept épis comprenant chacun 100 autres graines… Voilà pourquoi notre Seigneur dit dans le Coran : « Et dis : « Seigneur, accroit ma connaissance ! » » [s20v114], quant à celui qui limite la Connaissance d’Allâh à quelque chose qui puisse être atteint et cerné par la créature, celui-là est l’ignorant absolu. La Science d’Allâh n’a ni début, ni fin, mais les gens de Science l’ont décrite et ont dit qu’elle était Lumière, et que la Lumière d’Allâh n’était pas donnée au pécheur, à l’instar de l’Imâm as-Shâfi’i sous forme de vers :

« Je me suis plaint à Waki’ de ma mauvaise mémorisation
Il m’enjoignit alors à délaisser les péchés
M’informant que la Science est une Lumière
Et que le Lumière d’Allâh n’est pas donnée au pécheur. »

Si tu t’imagines que cette Science est accessible par la réflexion intellectuelle, ou qu’elle est accessible malgré l’accomplissement de petits et grands péchés, sache que tu en demeures éloigné et que tu n’en goutes pas la moindre graine… car comme nous l’avions dit, c’est dans cette graine que l’on retrouve toute chose. Ceci excepté si tu reviens sur le droit chemin, au suivi du maître de cette Haqîqa, sayiduna al-Mustafa ﷺ : c’est alors que tu connaîtras ce bas monde et l’au-delà. C’est alors que tu connaitras le Barzakh et que tu deviendras toi-même le Roi (al-Malik), car après que te soient apparus les rois de parties de cette terre, Allâh mettra sous ton commandement l’univers tout entier.

Nous disions donc qu’il n’y a ni début, ni fin, et quel meilleur exemple que celui du divin, pour celui qui accède à la réalité du Nom al-Mounfiq (Celui qui pourvoit), qui lui-même n’est que la forme manifestée du Nom al-Bâsit, Celui « dont les deux Mains sont largement ouvertes » [s5.v64]. Il pourvoit donc de Ses bienfaits Son serviteur comme Il le veut, et Ses deux Mains sont dirigées vers la création de Adam (‘alayhi s-salâm) de sorte que cette grâce divine emplisse l’ensemble de sa constitution… Ce verset recèle de grands Secrets échappant totalement aux pensées et aux intellects créés et limités, mais si tu reviens vers Allâh et que tu détiens ne serait-ce qu’un atome de Lumière, alors tu comprendras les Hadîth disant que Allâh créa (khalaqa) Adam, ou construit (banâ), ou fabriqua (sana’a) selon les versions : de Ses Nobles Mains. Un autre verset dit d’ailleurs : « Ô Iblîs, qui t’a empêché de te prosterner devant ce que J’ai créé de Mes mains ? » [s38.v75]. Si tu parviens au tafsîr de cela, tu auras alors atteint le khayr dans sa totalité. Mais bien sûr tu ne pourras comprendre cette Haqîqa que par une minutieuse réalisation des différents degrés du cheminement, sachant qu’une seule graine donne sept qui chacun donnent cent, qui chacun donnent de nouveau sept, puis cent… plonge ainsi donc au plus profond des ramifications, et étudie la toile de l’araignée, sachant bien que « la maison la plus fragile est celle de l’araignée » [s29.v41]. L’araignée construit sa toile, qui n’est qu’un assemblage de nœuds, en débutant par un seul et même nœud… étudie donc la réalité de ce nœud originel, afin de comprendre celle de tous ceux qui viennent après.

Mais étant donné que toute graine que l’on voit provient d’un épi, et que tout épi que l’on voit provient d’une graine… quelle est l’élément premier, et quelle est la ramification ? Pour ce qui est de la Lamha de Lumière, lorsque tu la vois c’est à la fois l’élément premier et la ramification que tu vois. Ici ta compréhension se brouille, et même si tu prétends avoir compris par la Réunion (jam’), l’épi vient et te répond qu’au contraire, tu es encore loin de la compréhension. Et si tu parviens à la Connaissance de la différenciation (farq), la Haqîqa de la Lamha vient et te dit que tu es loin de la réalisation de la réunion (jam’). Ainsi, peu importe la manière avec laquelle tu considères la chose, tu constateras toujours que tu t’enfonces, et non pas que tu t’élèves… excepté si tu t’accomplis dans le suivi total du Prophète ﷺ, en magnifiant et en sacralisant ce vers quoi tu te diriges, c’est alors par ton acte de le magnifier que tu t’abaisse, et par cette descente que tu atteins la Connaissance de ce qui est élevé.

Al-Haqq est au sein des Réalités (Haqâ’iq) à l’image du chiffre un au sein de l’ensemble des nombres… c’est-à-dire que peu importe le nombre considéré, sa réalité se fonde toujours sur le un. Dit autrement : 2 = 1+1 ; 3 = 1+1+1 ; etc…
De même donc, al-Haqq –subhânahu wa ta’ala– est la Réalité de tous les degrés constituants de cet univers, ainsi que de ses formes créées, quand bien même leurs couleurs, leurs apparences et leurs noms puissent différer les uns des autres. C’est pour cela que le Shaykh al-‘Alawiy (quddisa sirruh) dit dans ses Hikam : « Il ne s’agit pas de Le Connaître dans tous Ses Beaux Noms, mais plutôt de Le Connaitre dans chaque son prononcé et chaque sens profond : « Et Il enseigna à Adam l’ensemble de tous les noms »[s2.v31] ». Le Connaitre dans chaque son prononcé (lafdh), c’est-à-dire dans chaque vibration acoustique, qu’elle provienne de toi-même comme d’autrui, et que par ce son tu accèdes à une Réalité incréée et éternelle.
Ainsi les degrés des formes créées, malgré que leurs apparences, leurs couleurs et leurs noms diffèrent, n’ont en vérité d’autre Haqîqa que celle de al-Haqq.

Celui qui s’imagine que la Science toute entière est réunie dans le hâ’, celui-là ne fait que confiner ce qui de toute évidence est absolu et illimité… Il y avait au départ un vide, qui fut confiné (mouqayyad) dans un hâ’, lui-même imaginaire puisque tu ne peux pas l’établir de manière définitive et absolue. Et si tu établissais ce qui est confiné, alors ce qui se trouve au-delà du confinement (c’est-à-dire en dehors du cercle) se devrait d’être illimité et absolu, sans aucune part dans le confinement… tu ne ferais alors qu’associer le hâ’ avec ce qui se trouve en dehors du hâ’, et tu tomberais ainsi dans le chirk. Or si tu te trouves ici, c’est bien pour parvenir au Tawhîd d’Allâh, non pas pour Lui associer quoi que ce soit. C’est la raison pour laquelle la Lecture de la Jonction (wasl) et de la Scission (fasl) se réalise dans une libération totale du hâ’… et bien évidemment là encore, ta raison et ton intellect sont incapables de comprendre ni de percevoir quoi que ce soit de cela, parce que ta nature tend systématiquement à confiner et limiter la Réalité des choses à la pensée créée, puis à l’établir comme étant la Vérité.

Si donc nous venons et te disons que ce que tu as confiné n’est pas Réel, mais plutôt illusoire et inexistant, alors tu renies, tu te rebute et tu t’énerves. Quant aux degrés relatifs à l’Essence, il ne s’agit que de degrés exprimés qui n’ont pas de véritable statut existant. Toutes les Lois divines (ahkâm) évoluent au sein de l’Essence, à la manière des vagues évoluant dans l’océan. En disant que l’océan c’est de l’eau, tu ne dis pas autre chose que la réalité… mais cette eau, n’a-t-elle aucune particularité ? Quelle est son étendue ? Ses vagues sont-elles semblables à tous les mouvements observés dans toutes les eaux ? Si tu te contentes de dire que l’océan c’est de l’eau, tu prouves par là-même que tu n’as en vérité aucune connaissance du sujet. C’est pourquoi la Science véritable de la ma’rifa se trouve dans les différents degrés de la Lecture du Nom « Allâh » (c’est-à-dire après le Secret du hâ’). Quant à la Haqîqa, tu la retrouveras chez tout un chacun. C’est une réalité à laquelle accède tout cheminant, et à propos de laquelle il n’existe aucune divergence : l’océan, c’est de l’eau. Tout le monde sait que l’océan c’est de l’eau ! Les poissons, les animaux, les montagnes… tous savent cela ! Mais… qu’en est-il de la science de l’océan ? La science liée aux marées, à l’étendue de cet océan, aux spécificités de ses profondeurs et de sa surface, ses variations de température, son degré de salinité… tout ceci relève de la science des différents degrés, apparaissant après l’établissement du fait que l’océan, c’est effectivement de l’eau.

C’est la raison pour laquelle l’étude des différents degrés des Lectures du Nom « Allâh » est ce qui permet l’accès à l’ensemble des Sciences et te permettent de remporter tout de ce bas monde, de l’au-delà et du Barzakh. Quant à la Haqîqa, elle reste et demeure pour toi un Tawhîd intérieur, mais qui ne te permet en aucun cas d’accomplir ni de parvenir à quoi que ce soit. Et si tu plonges et ne vis plus qu’en et par cette Haqîqa, tu en viendras à rendre licite ce qui est illicite, et illicite ce qui est licite. Tu deviendras un semeur de désordre sur terre, et tu ne seras jamais capable d’accorder son droit à chacun, car cela n’est possible que par l’étude des différents degrés de cette Haqîqa, que l’on désigne par « Tawhîd al-farq », et c’est uniquement cela qui te mènera à toutes les Sciences possibles et imaginables.

Un autre exemple serait celui de la neige ou la glace, par rapport à l’eau liquide. Ces formes ont beau être différentes, elles n’en demeurent pas moins des manifestations explicites de la Haqîqa (l’eau). Cette glace est en réalité de l’eau, de même que ce que nous considérons comme vide contient en réalité lui aussi de l’eau. Allâh –ta’ala– Lui-même te dit dans le Coran : « Le soleil ne peut rattraper la lune, ni la nuit devancer le jour ; et chacun vogue (nage) dans son orbite » [s36.v40].

De même, ces sons qui sortent de ta bouche nagent en réalité dans l’espace. Toi, tu considères que cet espace qui nous sépare est vide, alors que c’est faux. La nage doit obligatoirement se faire dans de la matière : tu ne peux pas nager dans du vide. Tu peux nager dans du sable, dans de l’eau… etc. La nage se fait systématiquement dans une matière ou un corps donné. Et tant que tu considèreras ce vide comme du vide, jamais tu ne pourras percevoir la moindre manifestation divine… Tant que tu considères cela comme du vide, sache que c’est en réalité toi qui es vide. Tu te trouves à ce moment-là en train d’établir ton existence, ta grandeur et ton importance… et tu minimise, dénigre et méprise l’univers dans lequel tu te trouves… et avec ça on se prend pour un savant… Si tu allais rencontrer un physicien, ou un spécialiste en la matière, et si tu lui disais que cela est du vide, il se moquerait de toi. Et si tu lui disais que ce mur que tu vois est un corps délimité, il se moquerait de toi aussi. Parce que ce que tu évoques, c’est tout juste du niveau de la conception d’un gamin !

C’est ici que tu réalises quel est ton niveau intellectuel… Lorsque toi tu affirmes que le mur est un corps constituant un obstacle, les gens percevant les Réalités le considèrent au contraire comme du vide. Verset Coranique à l’appui… et si de ton côté tu le vois comme un corps et un obstacle, alors sache que le Coran dit de toi que tu es mort : « Est-ce que celui qui était mort, à qui Nous avons rendu la Vie et lui avons assigné une Lumière avec laquelle il marche dans les gens » [s6.v122]. Si donc les gens avaient été des corps établis et délimités, Il aurait dit « parmi, ou au milieu (bayn) des gens »… mais à partir du moment où ces corps sont néant et ne sont en réalité que du vide, Allâh –ta’ala– dit : « une Lumière avec laquelle il marche DANS (fî) les gens ».

Cette Lumière est la Haqîqa établie, elle flue au sein de toute chose, soit-elle vide ou pleine. Quant aux choses que tu vois, leur Haqîqa est en réalité l’inverse de ce que constatent tes yeux. Depuis le plus jeune âge tu as grandi dans cette considération superficielle du monde qui t’entoure, et aujourd’hui que tu as atteint l’âge adulte on ne peut plus te faire changer d’idée… Alors comment procède-t-on ? Nous descendons pour toi la Haqîqa, c’est-à-dire la Lumière, et nous travaillons avec toi jusqu’à ce que ce qui te semble vide t’apparaisse en réalité plein. Et dans le même temps, nous te montrons que ce corps délimité et établi n’est en réalité que du vide.
C’est ainsi que nous te donnons une loi physique opposée à celle avec laquelle tu as grandi toute vie. Mais toi, que vas-tu faire de cela ? Evidemment, tu vas t’énerver, tu vas te rebuter, renier… pourquoi ? Parce que tu es un ignorant, et qu’en plus d’être un ignorant, tu ignores que tu ignores.

Sache que les fondements divins constitutifs de l’univers (nawâmis al-ilahiya) ne pourront être abordés et étudiés que lorsque ton intellect aura atteint ce degré-là, et que tu connaîtras la réalité de ce que l’on entend par l’Absolu (itlâq) et le confiné, limité (mouqayyad). Comprendre l’Absolu et le confiné, ce n’est pas prendre un crayon et dessiner un cercle au tableau… Plutôt, tout ce que tu perçois comme confiné dans ta vie, es-tu capable de le rendre absolu ? Car c’est de cette manière que tu parviendras à une conception du confiné plus vaste que celle à laquelle tu t’étais habitué jusque là. Ainsi donc, tu passeras d’un état confiné déterminé à un autre plus grand, puis à un autre encore plus grand, et ainsi de suite… réalisant par là-même le Hadîth : « La terre par rapport au ciel de ce bas monde est comparable à un anneau dans un désert, idem pour le ciel de ce bas monde par rapport au ciel qui est au-dessus, et ainsi de suite jusqu’au septième ciel, lequel par rapport au Kursiy est comparable à un anneau dans un désert, et de même pour le Kursiy par rapport au ‘Arch ».

C’est-à-dire que cet anneau qui marque les frontières de ta considération de l’existant, tu t’imagines toujours que c’est lui le plus grand et le plus vaste. Tu marches et tu évolues en lui et tu te dis « ça y est, nul n’est tel que moi ! moi je, moi je, moi je, moi je… » aaah ! Pourtant, si tu demeures dans ton état actuel, sache que l’anneau du premier ciel comparé à celui du deuxième, ce n’est rien du tout ! Tu n’es rien… le moustique vaut peut-être mieux que toi. Mais si tu transcende ta conception confinée et limitée, si tu parviens à rendre absolu ce cercle dans lequel tu te trouves, l’étendue de cet absolu te saisira et laissera ton intellect abasourdi. Puis, tu confineras et limiteras de nouveau cet absolu, qui deviendra alors exactement comme le dit le Hadîth : un anneau dans un désert, c’est-à-dire quelque chose d’infiniment petit au milieu d’autre chose dont on ne peut estimer l’étendue. Ta journée, tes perceptions sensorielles, tes sentiments, tes sensations, tes connaissances… tout ceci est similaire à un anneau au milieu d’un désert. Puis tu voyageras et exploreras ce désert, tu en tireras des Sciences indénombrables, tu réaliseras son confinement, et il deviendra lui aussi semblable à un anneau au milieu d’un désert plus vaste encore.

Respecte et estime la Graine de la Haqîqa comme il se doit, prête-lui un serment d’allégeance avec foi et sincérité, suis à la lettre l’exemple de celui qui la fit descendre d’anneau en anneau jusqu’à te permettre de cerner un anneau et dessiner pour toi un confinement (taqyid) plus vaste que celui auquel tu étais habitué… et le tout premier confinement qu’elle te dessina, c’est lorsqu’elle a rassemblé pour toi les sept cieux et les sept terres, le Kursiy et al-‘Arch… tu vis ainsi, de même que tous les autres le voient, un cercle apparaissant dans un cercle, au centre duquel apparaît une Lumière qui te donne un nouveau cercle, et ainsi de suite jusqu’à ce que t’apparaisse une trajectoire rectiligne, le « sirât al-moustaqîm ». Un chemin droit qui, si on le suit, mène l’homme à la Connaissance de cette Lamha par laquelle tout débuta. C’est pour cela que l’on dit qu’en réalité le corps ne bouge pas de son emplacement, ni qu’il évolue ou se sépare de sa nature première, puisqu’en vérité il n’a plus ni temps ni espace, mais plutôt il transcende les limites du temps et de l’espace.

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