Que survienne pour toi al-Qiyama al-Kubra

Résumé de l’assise du 11 Décembre 2015 / Jumu’a 28 Safar 1437 [Partie 5] :

Disions-nous, celui à qui Allâh ﷻ aura dévoilé la haqîqa de sayidina Muhammad ﷺ… et qui par là-même se sera défait des attaches des noms, il trouvera que al-dunia, al-barzakh, al-qiyâma, le paradis et l’enfer sont une seule et même haqîqa. Et en ce sens, Allâh ﷻ dit : « Mais plutôt, l’Homme est un témoin clairvoyant (basîr) contre sa propre nafs. » Ce verset nous est parvenu dans la sourate al-Qiyâma,et il s’agit du verset 14. Tout est clair. Ce verset se trouve dans la sourate al-Qiyâma, et dès lors que nous parlons du fait qu’il faille que survienne pour toi al-qiyâma al-kubra… où est-elle donc, ta qiyâma al-kubra ?
Et bien tu sais à présent qu’elle se trouve dans la sourate al-Qiyâma, au verset 14. Et toi, la sourate al-Qiyâma, tu la lis au moins une fois par mois… oui mais voilà : ta qiyâma n’est pas survenue, et tu n’as pas atteint la finalité de l’être…

Que va donc t’apprendre le cheminement ?
Ton esprit va être saisi (qabd)… et tu vas alors apprendre et savoir, à quel point tu es loin… L’étude du hâ’, dans un premier temps, selon ses sept lectures… elle t’enseigne une proximité concrète et établie. Mais le lâm, non. C’est une épée tranchante. Elle viendra te scinder, d’une scission totale. Le lâm t’enseignera que tu demeures quoi qu’il arrive dans un état d’éloignement. Le lâm al-qabd veut des réalités (haqâ’iq). Il exige la part de haqîqa que tu as étudiée, selon sept lectures, dans le hâ’… non pas sous forme de paroles que prononce ta langue, mais dans ton être, au quotidien. Ce doit être un souffle continu. Es-tu donc du nombre des gens de ce souffle ?

Il ne s’agit pas ici du souffle des péchés… il ne s’agit pas pour toi de contrevenir à la chari’a du Prophète ﷺ. Au contraire. Le lâm al-qabd, c’est pour celui qui aura aimé le Prophète ﷺ, par et à travers une haqîqa noble et élevée (‘ulwiya). Lui qui voulut retourner le mîm au alif. Le mîm était Muhammad ﷺ. Et par cet amour (hubb) du lâm al-qabd, le lâm devint chair (lahm) [1]. Et si le lâm est divisé en deux, alors il devient la louange (al-hamd). Il a ainsi accompli la louange absolue, et cette louange put s’étendre sur ceux qui aimèrent Allâh, par un retour à un alif fardâniy [2], après une lecture du lâm al-qabd dûment réalisée, jusqu’à Ahmadiy.

Donc quand on parle du lâm al-qabd… et dès qu’on mentionne le lâm al-qabd, le disciple fait les gros yeux… dans le sens où le lâm al-qabd vient saisir sa forme apparente… mais en vérité, je ne veux pas que sa forme apparente soit saisie, je veux que sa nafs soit saisie ! Quant à la forme apparente… personne ne la considère, dans tout ce qui concerne les lectures. Celui qui la voit et se sera arrêté à elle, d’une manière ou d’une autre, il est simplement dans l’éloignement de l’éloignement.

Je parle ainsi, mais c’est du cheminement que je suis en train de parler… ne dis pas que c’est quelque chose de difficile ! Effectivement, c’est difficile… et le Messager d’Allâh ﷺ dit : « Lorsque Allâh aime un serviteur, Il l’éprouve. » Mais si tu n’es même pas capable de faire face à une épreuve dans ce qui relève des formes et des apparences… comment vas-tu pouvoir faire face à l’épreuve dans la station noble et élevée (‘ulwiy) ?

L’épreuve dans la station élevée, c’est justement ceci dont nous parlons à présent ! C’est que tu ne sois pas capable de te libérer de toutes ces proportions et de toutes ces considérations auxquelles tu t’es accoutumé. Tu dois te libérer de cette calamité, et tu dois revenir à une haqîqa ‘ulwiya !

Ainsi, celui qui voit toute chose, il ne les voit que pour sa nafs : « Mais plutôt, l’Homme est un témoin clairvoyant (basîr) sur sa propre nafs. » Ce dévoilement (kachf) n’est autre que al-qiyâma al-kubra et la pleine réalisation (tahaqquq) de la barzakhiya al-‘udhma. Celui qui s’en fait le détenteur se retrouve par là-même avec l’ensemble des hadârât. [3]

Mais que signifie le fait d’être avec l’ensemble des hadârât ?
Cela signifie qu’il ne peut pas se donner d’excuses pour contourner… ou imputer à autrui la faute de… oui parce qu’il y en a certains, ils font ce que bon leur semble, ils font des choses, puis ils disent « oui mais ça, c’est ce qu’on retrouve dans le secret et… » Non !
Tu ne peux pas faire cela, c’est inconcevable… dès lors que tu demeures prisonnier de la considération des formes apparentes, ramener les secrets et essayer de les appliquer sur ces formes… non, rends-toi compte que c’est inconcevable.

Ce sont là des secrets célestes, éminemment élevés… comprends que sept secrets correspondent à sept cieux. La première lecture, c’est le premier ciel. Lorsque tu seras dans le premier ciel, alors oui : fais place à la première lecture, et organise-toi en conséquence. Idem dans le deuxième ciel… Mais ne fais pas descendre ces secrets dans le mulk, dans ce mulk où tu te retrouves prisonnier, où tu en es toujours à éprouver de l’attrait pour telle ou telle chose…

C’est pour cette raison que les gens d’Allâh ont préféré le cheminement dans la pauvreté, dans l’humiliation et le fait d’endurer le mépris des autres. Ils se sont astreints à cela, et ils ont persisté dans cet état durant de nombreuses et très longues années… alors même qu’ils étaient les détenteurs de secrets éminemment célestes.

Quel était le sens de cela ?
Était-ce de la mise en scène, faisaient-ils semblant de jouer un rôle… ?
Non. Mais plutôt, c’est parce qu’ils savaient que ces secrets devaient être mis en pratique uniquement dans leur domaine défini, dans leur temps défini, et dans leur espace défini. En revanche, ici, parmi nous… il  (le détenteur de ces secrets) se cache, derrière le voile de la chari’a du Prophète ﷺ. Il ne peut pas faire descendre le voile de la magnificence (ridâ al-‘izz), qui correspond en vérité à un maqâm très élevé… entendant mettre en application ce secret dans le mulk, alors que lui-même marche sur la terre. Ça, ce n’est pas permis. Voilà pourquoi il se cache, derrière le voile premier, qui est le voile de la pauvreté. Et c’est de là, dans cette situation qui est la sienne, qu’il doit chercher et faire descendre les secrets, dans la haqîqa de la pauvreté, afin d’apprendre et de comprendre le sens véritable de la misère, de l’humiliation et du mépris. Car c’est alors que sera établi pour lui qu’effectivement, il a réuni les mondes.

Mais… que signifie « avoir réuni les mondes » ?
Ne t’imagine pas que la réunion des mondes consiste en le fait de regarder, comme ça avec tes yeux… ça, c’est la vision de théophanies (tajalliyât), mais pas la réunion des mondes. Ce n’est qu’un regard posé, un regard transperçant un voile relevant d’une vision d’une ramification (far’) d’un domaine déterminé. Quant à la réunion des mondes… c’est la répartition de ces différents degrés que tu as étudiés, dans les différents domaines nobles et élevées (al-majallât al-‘ulwiya).

Al-Mustafa ﷺ a-t-il fait cela, oui ou non ? 
Oui, bien sûr. Lorsqu’il nous informa qu’il avait vu telle et telle chose dans le paradis… cherche ! Était-ce dans le premier ciel, ou bien dans le deuxième ?
Lorsqu’il transmit le salâm à sayidina Adam (‘alayhi salâm), et qu’il vit à sa droite toute sa descendance parmi les gens du paradis, et à sa gauche toute sa descendance parmi les gens de l’enfer, était-ce dans le deuxième ciel ou bien dans le premier ?
C’était dans le premier.
Et lorsqu’il vit sayidana Ibrâhîm (‘alayhi salâm) dans le septième ciel, adossé à al-bayt al-ma’mûr… c’était dans le septième ciel, et il nous décrivit que 70 000 anges y entraient sans que jamais aucun n’en ressorte… comprends, si toutefois tu es doté de compréhension.
A-t-il lui-même ﷺ arpenté ces stations spirituelles (maqâmât) ?
Oui. Lorsque l’obligation de la prière fut donnée, il revint jusqu’à Mûsâ (‘alayhi salâm), et il s’entretint avec lui… voilà : c’est cela, la descente des secrets.

Il ﷺ n’est pas descendu jusqu’à sayidina ‘Omar pour s’entretenir avec lui… pour retourner ensuite jusqu’à sidrat al-muntaha et demander une diminution de la prière. Non. Il est resté dans son état céleste. Il est resté dans les stations spirituelles des cieux… Mais lorsqu’il est redescendu vers le mulk, il a rapporté l’obligation de la prière. C’en était alors fini… la prière était passée par les sept étapes, elle avait parcouru les sept lectures dans leur totalité. C’est à travers cela-même qu’elle fut organisée, déterminée et arrangée, de façon définitive. Et lorsqu’elle fut manifestée dans une forme concrète et apparente, il ﷺ annonça aux gens du mulk que telle serait leur prière dorénavant.

Mais… crois tu que cette prière que nous prions dans la dunia soit la même prière qui est priée dans le premier ciel ?
La réponse est non.
Est-elle la prière telle qu’elle est priée dans le troisième ciel ?
Non.
Est-elle la prière telle qu’elle est priée au Jour dernier ?
Non.
Peut-être que au Jour dernier, il n’y aura que la prosternation (al-sujûd)… et peut-être que dans le paradis il n’y aura plus que « salâm, qawlan min rabbin rahîm ». Et alors ici : la chari’a a-t-elle changé, ou bien elle est restée telle que tu la conçois, toi ?

Elle a changé… pour celui qui l’a considérée du point de vue des formes apparentes. Mais du point de vue de sa haqîqa, la prière est restée prière. 

Toi, tu cherches le passage de la ville de al-Aroui vers le premier ciel… mais tu ramènes avec toi la chari’a de al-Aroui, tu y restes fermement attaché… et tu crois que tu es en train de t’élever vers le premier ciel ?
Non mon fils, tu vas rester tel que tu es, rien de plus.

Le problème, c’est que tu n’as pas connu la haqîqa de cette chari’a… quand bien même tu aurais étudié les quatre écoles de jurisprudence (madhâhib), dans leur totalité. Car tu as appris tout cela en te pliant à un ordre préétabli, duquel tu te trouves aujourd’hui incapable de t’extirper. C’est en ce sens que les maîtres soufis ont dit que le savant ne pouvait pas entrer dans cette voie…  parce que ses connaissances le voilent. Et que veut-on dire par le fait qu’il soit voilé par ses propres connaissances ?
Nous voulons dire qu’il a effectivement étudié cet ordre des choses (nidhâm), et qu’Allâh le récompense pour ses efforts… seulement il se trouve aujourd’hui lié par ses propres acquis, qui le maintiennent prisonnier d’un temps spécifique, duquel il est absolument incapable de sortir.

Et pourtant… la chari’a de Mûsâ (‘alayhi salâm), la chari’a de Ibrâhîm (‘alayhi salâm), la chari’a de ‘Isâ (‘alayhi salâm)… est-ce bien la religion ? est-ce bien la religion, ouiou non ?
« Certes, la religion (al-dîn) auprès d’Allâh est l’Islâm. » [4] 
Evidemment, c’est la même religion !
Seulement la charî’a de Mûsâ (‘alayhi salâm) diffère de celle de Ibrâhîm (‘alayhi salâm) de même que de celle de ‘Isâ (‘alayhi salâm). Tu ne peux pas dire que à l’époque de sayidina ‘Isâ (‘alayhi salâm), on priait cinq prières par jour. Et ici, si tu viens me dire « Non, mais nous nous suivons le Messager d’Allâh ﷺ… »

Lorsqu’il ﷺ nous dit qu’il est le premier et le sceau des prophètes, cela veut bien dire que c’est toujours et ça a toujours été sa loi qui fut suivie ! C’est sa loi qui fut suivie à l’époque de ‘Isa, de même que à l’époque de Mûsâ et de Ibrâhîm (‘alayhim salâm)… et cette loi, est-elle différente, d’une époque à l’autre ?
Oui, bien sûr.

Cela veut donc simplement dire que ton intellect n’a aucune légitimité à considérer quoi que ce soit, car il est dans l’erreur. Tout ce qu’il peut apprendre reste et demeure quoi qu’il arrive prisonnier et limité à un temps déterminé.

C’est comme je vous avais dit récemment à Oujda : avant de connaître la qibla, tu dois sortir et t’éloigner un petit peu, afin de pouvoir la regarder. Même pour la prière… on dit que la qibla est ici (sidi Shaykh toucha alors le mur dans son dos), mais nous prions un peu plus loin. Ou bien tu as déjà vu quelqu’un prier et rentrer à l’intérieur de la qibla toi !? Tu as déjà vu quelqu’un faire le tawâf à la Mecque et rentrer dans la Ka’ba ? Non. Toujours, on s’éloigne un petit peu, afin que la qibla puisse nous apparaître, d’une apparition totale.

Cependant… sache qu’il y a quand même une entrée possible… et c’est ce qu’il est attendu de toi, dans le lâm al-qabd. Le sujet semble compliqué au début, mais petit-à-petit, par le flux spirituel (al-sarayân), on finit par comprendre les différentes étapes, en lisant ces cours.


[1]Le mot chair : lahm (لحم) : lâm (ل) + (ح) + mîm (م). Le lâm du lâm al-qabd + le de l’amour (hubb) + le mîm de Muhammad ﷺ.
[2]Fardâniy : singulier.
[3]Hadârât : pluriel de hadra, domaine spirituel.
[4]Sourate Âlu ‘Imrân, verset 19.

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