Crains-tu Allâh ?

Résumé de l’assise du 11 Décembre 2015 / Jumu’a 28 Safar 1437 [Partie 4] :

Disions-nous, c’est par ce retour que put s’ouvrir la haqîqa absolue, dans la barzakhiya de ce monde, ainsi ouvert (fâtiq) par la manifestation de son essence lumineuse et absolue. Quant à son état condensé (ratq), il renvoie à la nature de néant qui le caractérisait. C’est à dire qu’il (le monde) était néant, et c’est la lumière du Prophète ﷺ qui permit son ouverture.

Et que nous dit le hadith ?
« Je pris une poignée (qabda) de ma lumière et Je lui dis : « Sois Muhammad » »
« Sois Muhammad »
pour toi ça a l’air simple… mais Allâh ﷻ n’a pas dit  « Sois un messager », ni « Sois un prophète ». Il a bien dit : « Sois Muhammad ».  Et « Sois Muhammad » est très différent de « Sois un messager », ou « Sois un prophète », ou « Sois un waliy ». Car lorsqu’Il dit « Sois Muhammad », il dit : sois les trois stations (maqâm) à la fois : risâla, nubuwa et wilâya. Parce que Muhammad ﷺ est un messager. Muhammad ﷺ est un prophète. Muhammad est un waliy.

C’est ainsi sa lumière ﷺ qui permit l’ouverture (du monde), au travers donc de la manifestation des noms et attributs divins, se reflétant dans ce miroir de l’essence, qui n’est autre que le barzakh absolu et exhaustif, synthétisant les réalités du jamâl et du jalâl, par et au travers de la perfection même (‘ayn al-kamâl). Les barzakhs des noms limités (al-asmâ’ al-muqayyada) se fondirent en lui, noms dont les formes apparentes sont al-dunia, al-qiyâma, le paradis, l’enfer… autant de formes, multiples et bien distinctes les unes des autres en vertu de leur statut (hukm), mais évidemment pas en vertu de leur réalité (haqîqa).

Alors tout ceci, tu le sais, tu l’as connu. Tu as réalisé qu’il n’y a pas de multiplicité (de choses distinctes les unes des autres), du point de vue de la haqîqa, car tu es entré par le hâ’. Tu as connu « Huw« , et tu as su qu’il n’y avait pas de multiplicité… mais as-tu vraiment réussi à t’en débarrasser ?

Si tu y étais parvenu, tu n’aurais pas prononcé de paroles impliquant la séparation de ce bas-monde avec l’au-delà, le barzakh, le paradis et l’enfer. Sonde-toi toi-même ! Ne va pas chercher à sonder quoi que ce soit d’autre. Sonde ta pensée, considère l’organisation de ton être, au quotidien, vis-à-vis de l’organisation voulue par le divin…

Nous avons établi sur toi la preuve irréfutable (al-hujja), par le Coran, la Sunna et les paroles des maîtres soufis… mais es-tu parvenu à te débarrasser de ta considération de cette multiplicité, ou à te débarrasser de sa vision en tant que telle ?
Bien que tu aies appris que, conformément à la haqîqa, le paradis n’a en vérité aucune existence… ce ne sont pour toi que des paroles. Il me suffirait par exemple de te dire une chose, qui te terrifierait et te paralyserait. Mais ta crainte serait-elle une crainte d’Allâh ?
Non.
Plutôt, tu crains le feu de l’enfer. Et quand tu accomplis une bonne action… la forme physique se manifeste et s’impose à toi, et tu accueilles avec joie la récompense promise. T’es-tu réjoui de l’agrément du Tout-Miséricordieux ?
Non, tu t’es plutôt réjoui pour le paradis. C’est donc bien la preuve que tu n’as pas encore été en mesure de te débarrasser de ces statuts (ahkâm) distinguant les choses les unes des autres. Ta haqîqa demeure incomplète… et c’est ce qui explique pourquoi ta situation spirituelle a rendu impossible ton ascension céleste (‘urûj).

Alors ici, tu vas avoir des insufflations (waswas) qui viendront t’insinuer : « Le Shaykh est en train de me demander de faire des choses qui vont à l’encontre de la chari’a… »
Je recherche la protection d’Allâh contre ta pensée, si telles sont tes idées…

Le Shaykh te dit que la chari’a qui t’a été assignée et à laquelle tu t’es accoutumé toute ta vie… elle a en vérité une loi (char’) qui lui est propre. Car lorsque le dessein (amr) d’Allâh descend… si l’on considère la qudra, alors on revient au verset « et Je t’ai préparé pour Moi-même. » Mais si l’on considère le statut de la chose (hukm), alors nous passons d’une tablette (lawh) vers une autre tablette, puis vers une autre, puis une autre, puis une autre… jusqu’à ton front, où a été inscrit si tu étais du nombre des bienheureux (sa’id) ou des malheureux (chaqiy). Et même ceci, quand cela parvient à la dernière lawh, c’est à dire dans ce qui relève du mulk, tu la considères comme étant du ressort de la haqîqa… alors que non. Ce n’est que de la chari’a, ce n’est que de la logique et de la raison.

Donc tant qu’il y a pour toi une séparation, une distinction entre toutes ces choses… cela signifie que tu es et que tu demeures emprisonné dans le mulk. Tu restes ainsi incapable d’effacer et de t’émanciper de toutes ces formes apparentes.

Sa barzakhiya est la haqîqa al-‘amâ’iya, de laquelle se sont ouvertes et ont jailli les formes des noms al-Awwal, al-Akhir, al-Dhâhir et al-Bâtin. Celui à qui Allâh ﷻ aura dévoilé la haqîqa de sayidina al-Mustafa ﷺ…et il y a ici pour toi une incapacité totale (‘ajz) à parvenir à la connaissance du Prophète ﷺ… quand bien-même tu aimerais le Prophète ﷺ, oui effectivement tu l’aimes, nous ne nions pas cela… mais l’amour a de nombreux stades et degrés différents.

Le hadîth (du waliy) nous dit en effet « Mon serviteur n’a de cesse… »s’il n’a de cesse d’accomplir… cela veut bien dire qu’il y a quelque chose qui se déroule dans le temps, et donc que cet amour est continu. Mais est-ce que véritablement l’amour du Prophète ﷺ est établi en continu, dans ton cœur ? 

« Mon serviteur n’a de cesse de se rapprocher de Moi par des actes surérogatoires… » c’est-à-dire qu’il y a ici l’accomplissement régulier, dans la durée, d’actes surérogatoires (nawâfil), dans le but de parvenir à cet amour : « … jusqu’à ce que Je l’aime. » et Il te donne alors le summum de l’amour en te disant : « Lorsque Je l’aime, Je deviens son ouïe par laquelle il entend… » c’est-à-dire que son ouïe est devenue l’ouïe de l’amour de l’écoute du Vrai, que sa vue est devenue la vue de l’amour de la vision du Vrai, etc. Jusqu’à ce que cet amour aboutisse, selon la version de ce hadîth rapportée par Muslim, à : « Je deviens lui ».

Que veut dire « Je deviens lui » ?
Cela signifie qu’ici, ta raison et ta logique, sur base desquelles tu travaillais durant toute ta vie, dans la considération que tu avais du paradis et de l’enfer, ou de la matière, ou de l’énergie, ou de toutes ces choses relevant de la multiplicité… tu es parvenu à une haqîqa (qui t’a libéré de cela), la haqîqa qu’espère tout waliy ayant connu sa propre nafs, et qui aimerait lier cette connaissance de sa propre nafs à la connaissance de son Seigneur.

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