Un maqâm au-dela du Tawhid

Résumé de l’assise du 11 Décembre 2015 / Jumu’a 28 Safar 1437 [Partie 9] :

Disions-nous, tel est donc l’héritage ultime. Et celui qui est décrit comme étant en mesure de se passer (ghaniy) des mondes, c’est le demandeur (al-sâ’il), au sujet duquel il est dit : « Quant au demandeur, ne le rejette pas. » dans la sourate al-Doha, verset 10. Verset 10… la sourate al-Doha, fais le lien avec la lumière , et le verset 10 : fais le lien avec dix lectures… grâce auxquelles, si tu es véritablement un demandeur, tu deviendras le riche (al-ghaniy), qui peut se passer des mondes et de ce qu’ils contiennent. Tel est le véritable demandeur… quant à l’autre, le hadîth nous informe : « Je t’ai demandé à manger, et tu ne M’as pas nourri. » [1] Le hadith est authentique… tu ne peux pas le falsifier. La seule chose que tu puisses faire à la rigueur, c’est rapporter d’autres interprétations, qui vont évidemment aller à l’encontre de ce que nous dit clairement le hadîth. Le Messager d’Allâh ﷺ est apparu dans le mulk en tant que ummiy : prends donc le hadîth tel quel. Idem pour les versets du Coran. Cesse de nous ramener tes extravagances. Car c’est à cause de ces interprétations erronées que la religion a été divisée en groupes. La haqîqa du Coran et du hadîth est pourtant parfaitement claire.

Le premier (al-awwal) est le dernier (al-akhir), l’apparent (al-dhâhir) est le caché (al-bâtin). Allâh ﷻ dit : « Certes, ceux qui te prêtent serment d’allégeance ne font que prêter serment à Allâh. » Tu ne vas pas pouvoir nier ce verset non plus…
Ici, le demandeur (al-sâ’il) est devenu le riche (al-ghaniy) [2], lequel n’est autre que le faqîr (le pauvre)… au point que celui au sujet duquel « Certes, ceux qui te prêtent serment d’allégeance ne font que prêter serment à Allâh. » plaça une pierre sur son ventre tant il souffrait de la faim.

Donc pour toutes ces choses qui te viennent en tête ici… moi, je te dis que même si tu considères le joyau ultime, il ne te viendra que dans la forme relevant de la contingence inexistante de ce bas-monde… Il plaça une pierre sur son ventre tant il souffrait de la faim. Il fut traité de menteur, et il fut même insulté… vas-tu nier cela, alors que c’est clairement ce que vécut le Prophète ﷺ ? Il fut maltraité, et il éprouva la souffrance et la douleur… nieras-tu cela ? Et il est pourtant le maître de la création toute entière. Et il est celui au sujet duquel : « Je pris une poignée de Ma lumière et lui dis : « Sois Muhammad ! » »

Ce dont nous parlons ici, c’est de la station (maqâm) du fanâ’ des contingences par l’Essence, et il n’y a là plus aucune réaction (tasarruf) [3]. Et pourquoi n’a-t-il pas agi (tasarrafa), pour que les choses se passent différemment ?

Tout simplement parce que son Heure était venue. Il a connu son dévoilement (kachf), et il a connu son ascension (‘urûj). Il a connu celui qui lui faisait du mal, et il a connu celui qui l’insultait… et il implora pour eux la clémence et le pardon. Contrairement à toi… toi qui n’as strictement rien compris.

Allâh ﷻ dit : « Si vous apportez votre soutien à Allâh, Il vous apportera le sien. », dans la sourate Muhammad ﷺ, verset 7. Donc si effectivement tu aimes le Messager d’Allâh ﷺ comme tu l’affirmes… Il te dit : « Si vous apportez votre soutien à Allâh, Il vous apportera le sien. » Et en ce sens, il ﷺ dit également : « Qui (d’entre vous) me soutiendra, afin que je puisse transmettre le message de mon Seigneur ? » [4] Il s’agit là encore d’un hadîth authentique contre lequel tu ne peux absolument rien dire. Et ce hadîth signifie : « Je ne vois plus ni souteneur (nâsir) ni soutenu (mansûr), du fait de l’extinction totale des noms dans le nommé. Le soutenu (al-mansûr) n’est autre que celui contre qui on apporte ce soutien, de sorte que la victoire finale n’est jamais que contre la considération d’autre que Lui (al-siwâ) [5].

Il n’y a pas d’autre que Lui (siwâ).
Par conséquent : « Si vous apportez votre soutien à Allâh, Il vous apportera le sien » se réalise pleinement. Et de là on comprend également : « Qui (d’entre vous) me soutiendra, afin que je puisse transmettre le message de mon Seigneur ? »
S’il avait seulement dit « afin que je puisse transmettre le message », tu aurais été en mesure de parler… tu aurais pu nous faire part de tes pensées. Mais dès lors qu’il précise qu’il s’agit du message de son Seigneur, tu te retrouves dans l’incapacité la plus totale à comprendre.

Lorsque Allâh ﷻ le priva (salaba) de Son essence (dhât)… c’est-à-dire lorsqu’Il le ﷺ plaça dans l’état de scission (fasl), les noms et attributs furent pris à témoin de l’unicité de l’essence, et Il fit descendre sur lui ﷺ : « Tu n’as sur cela aucun pouvoir. » Voilà ce qu’est le fasl ! Tu ne peux pas le nier, même dans les lectures… et je t’en rapporte ici une synthèse, afin que nous soyons en mesure d’avancer dans ce lâm al-qabd. Si quelqu’un vient avec une question, ou avec quelque chose qu’il n’a pas compris… ça devra être aujourd’hui. Parce qu’un autre jour, ce ne sera plus possible… pas après que je t’ai fait faire le tour entier de ceci, au travers des versets précités.

« Tu n’as sur cela aucun pouvoir. » [6] car dans cette hadra : « Allâh était, tandis que rien n’était avec Lui. » Il ﷺ n’a donc de pouvoir sur rien, et il possède tout, lui dont l’essence est la quintessence du Tout, lui qui est le bienfait d’Allâh ne saurait être concerné par le rajout ou l’augmentation… lui qui est tel qu’il n’est aucun véritable bienfait en dehors de lui (huw) : « Quant au bienfait de ton Seigneur, exprime-le. » Sourate al-Doha, verset 11 !C’est-à-dire que tu n’as rien fait, tu n’as rien accompli… tu ne fais que parler du bienfait de ton Seigneur. Et à ce sujet encore, Il ﷻ dit : « Il ne prononce rien sous l’effet de la parole : ce n’est qu’une révélation qui lui est faite. » Imagine toi… si tu considères ce verset… imagine-toi que ce joyau prend une forme différente et te transmet l’expression du bienfait de son Seigneur, mais dans un rayonnement et dans des ondes différentes… sans qu’évidemment ne lui soit ajouté ni retranché aucune part.

Celui qui percevra ces théophanies, ces expressions, ces états et ces stations spirituelles, dans une descente jusqu’à la servitude la plus pure… ce ne peut être que le maître absolu (al-sayid al-mutlaq). Et il ne demande que le pardon des noms et des attributs, pour se retrouver dans la solitude de l’essence… ce qui est le maqâm le plus élevé du tawhîd, et ce maqâm est d’ailleurs plus élevé encore que le tawhîd lui-même ! Parce que c’est le pourtour (ihâta) du tawhîd.

Si le tawhîd n’avait pas de pourtour, il ne serait pas en mesure de mener à sa connaissance (ma’rifa), ni à un lien de sa compréhension. La vérité, c’est que tout ce que tu peux dire et exprimer, ce n’est jamais que ce que ton intellect a pu embrasser du tawhîd… quant à la haqîqa du tawhîd, il est impossible à l’individu d’en parler ni d’en exprimer quoi que ce soit. Ceci parce que le tawhîd se base sur les noms divins… tandis que ce dont nous parlons ici est au-delà des noms… de telle sorte que ce pourtour (ihâta) du tawhîd, en vérité, c’est comme si c’était une forme de chirk caché.

C’est la raison pour laquelle tu constateras que tous les ahl Allâh ont vécu dans le rabaissement et l’imploration du pardon divin. Ils vécurent pleins de regrets et dans le repentir constant. Ils recherchèrent, se conformant en cela au suivi du Prophète ﷺ, le plus humble des modes de vie, et c’est dans cette volonté de descendre qu’ils purent goûter à la station des maîtres (maqâm al-siyâda), ainsi que la station des rois, détenteurs de la couronne allusive (tâj al-ichâra). Nul ne peut atteindre cet état de dépouillement, ni atteindre l’élévation ultime, sans descendre et goûter aux choses les plus rabaissantes. Quant à celui dont le cœur demeure rempli de tout un tas de choses en dehors de Lui, celui-là n’a simplement aucune part dans l’ascension spirituelle (mi’râj). Voilà pourquoi le hadîth nous dit, au sujet de cette perle blanche (al-durrat al-baydâ), que « Allâh créa le qalam et la tablette (al-lawh) à partir d’une perle blanche (durra baydâ’) »… mais le hadîth ne précise pas de quoi cette perle blanche fut elle-même créée. Cette perle… la science toute entière est en incapacité à la comprendre. Ils ont cherché… et ils cherchent toujours. Mais ils sont absolument incapables d’atteindre leur but… excepté pour celui à qui Allâh aura donné la force de suivre la religion de al-Mustafa ﷺ. Ce faisant, il sera entré par la porte de ‘Ali (karramAllâhu wajhah), non pas au travers d’une conformation par la parole, ni au travers d’un suivi des lettres… mais plutôt par un effort réalisé sur sa propre nafs, jusqu’à atteindre ce fruit prééternel. C’est alors qu’il connaîtra, par les noms et les attributs, qu’il n’est lui-même qu’un rayon, issu d’une origine transcendante que nul ne peut décrire ni exprimer. Plutôt, ce rayon parviendra à son tour au récipient (au cœur) de celui qui épousera la rectitude du cœur du Prophète ﷺ, et le cheminant sera alors en mesure de s’exprimer, par et à travers ce rayon, qui aura accompli un tour complet à 360°, conférant ainsi à l’individu un certain confinement (taqyid) de ce qu’il aura perçu de la haqîqa. Ce taqyid sera en fonction de son degré de rabaissement et à la mesure de sa recherche de sa propre réalité.


[1] Sahîh Muslim.
[2] Al-ghaniy dans le sens de celui qui peut se passer de…
[3] Tasarruf : dans le sens de réaction qui viserait à bloquer ou solutionner ces apparents « problèmes ». On parle ici de tasrîf, c’est-à-dire d’une action évidemment subtile empruntant des chemins liés aux fils de la qudra (omnipotence) divine, dans le but de changer le cour des choses.
[4] Rapporté par al-Hakim, al-Mustadrak.
[5] Al-siwâ : expression soufie par laquelle on désigne ce qui serait en dehors du Vrai ﷻ.

[6]Sourate Âlu ‘Imrân, verset 128.

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