Cherche le Savant avant de chercher la Science

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و على اله و اصحابه أجمعين

Cherche le Savant avant de chercher la Science

Résumé de l’assise du 30 Juin 2018 / Jumu’a 15 Chawwâl 1439 [Partie 1] :

Nous avons consacré le cours de la semaine dernière à la présentation ou à l’introduction de cette nouvelle série qui traitera du maqâm de la risâla considéré par le markaz de la hawiya (le lam al-qabd). Après donc avoir présenté le moustaqarr de la noubouwa, nous traiterons à présent du athar (trace) de la risâla. Alors nous ne parlerons évidemment pas de la risâla dans son sens global et complet, car seul les messagers (‘alayhim s-salâm) peuvent véritablement cerner la risâla. C’est la raison pour laquelle nous ne parlerons ici que de la marque (athar) de la risâla.

En ce sens, nous nous baserons sur le verset suivant : « Ce qui est dans les cieux et ce qui est sur la terre glorifie Allâh, le Souverain, le Pur, le Puissant, le Sage. C’est Lui qui a envoyé à des illettrés (oummiy) un Messager qui leur récite Ses versets, les purifie et leur enseigne le Livre et la Sagesse, bien qu’ils étaient auparavant dans un égarement évident [1]. »

La nature de l’Homme est de revenir systématiquement à un état d’ignorance, vers un état « oummiy », vers l’ignorance préislamique (jâhiliya). Après que les prophètes et messagers l’aient éclairé au sujet de la divinité, l’Homme oublie, car c’est dans sa nature première, il oublie ce comportement, cette bienséance, ces convenances, cette Loi divine… et il s’enfonce et se laisse submerger par les passions de sa nafs, entrant dès lors dans un état de parfaite ignorance et d’éloignement de la Présence divine.

Toute personne qui n’aura pas réalisé la Connaissance (m’arifa) d’Allâh – et nous parlons ici d’une Connaissance visuelle – est considérée ici comme oummiy. Toute personne qui n’a pas expérimenté la vision à l’état d’éveil (mouchâhada) est oummiy. Parce que le tout premier pilier de l’Islam, c’est la chahâda : l’attestation, de visu, qu’il n’y a point de divinité en dehors d’Allâh, et que Muhammad ﷺ est le Messager d’Allâh. Avant de commencer à te plonger dans l’étude du fiqh, l’apprentissage de la prière, qui est pourtant le support de la religion… tu te dois de réaliser le premier pilier de l’Islam. Et ce premier pilier, c’est « j’atteste de visu (ach-hadu) », ce qui renvoie à la mouchâhada. Il s’agira donc pour toi de voir (tuchâhid) Allâh, et Son Messager ﷺ. Si tu es du nombre de ceux qui ont vu Allâh par le cœur, et sayidana al-Mustafa ﷺ par les yeux, alors tu as effectivement réalisé le premier pilier de l’Islam.

Tu vois des gens venir dire : « J’ai des doutes concernant la Tariqa… » ou « J’ai des doutes sur le soufisme… » etc. Ils sont submergés par les waswas… que savent-ils de la religion ?
Ils savent prononcer la chahâda. Mais si tu leur demandes une explication, même basique, de cette chahâda, tu constates qu’ils sont loin, très loin… et si tu vas jusqu’à leur parler des règles de la prière ou des adorations en général… tu vois qu’ils vivent dans un autre monde. Quoi que tu puisses leur dire, même s’ils sont très loin du niveau d’un musulman irréprochable, l’important est qu’ils ont des doutes sur le soufisme.

Alors pour commencer, il convient à l’individu de veiller à avoir un minimum de connaissance sur ces sujets essentiels de la religion. De là, tu pourras te permettre de faire des choix, de peser le pour et le contre. Parce que dès lors, ton outil de comparaison sera celui de la Loi divine, et non pas ta pensée… ou le fait que tu sois dérangé par une chose sous le simple prétexte qu’elle vient contredire ce à quoi tu es habitué, ce que tu as acquis du suivi de tes parents… si tu vois que la chose est conforme à ce que tu connais depuis tout petit, tu le considères comme vrai. Et dans le cas contraire, tu la considères comme une innovation (bid’a). Non, ce n’est pas une démarche honnête. Toute chose doit être vue et considérée du point de vue de la Loi divine.

Le premier pilier de l’Islam étant la Chahâda… toute personne n’ayant pas réalisé cette Chahâda de visu est considérée, chez les gens du tahqîq, comme oummiy. Oummiy, parce qu’un tel individu est éloigné de cette Science.
Et cette Science, quelle est-elle ?
Il s’agit du degré de l’Ihsân : « d’adorer Allâh comme si (ka-annaka) tu Le voyais. » C’est-à-dire, par la vision ou la contemplation (mouchâhada), et par l’état de vigilance (mourâqaba). Si tu as la mouchâhada, mais qu’il te manque la mourâqaba, alors il te manque l’expression du kâf at-tachbîh (ka-annaka / comme si). Et si au contraire tu as la mourâqaba mais qu’il te manque la mouchâhada, alors tu tombes dans l’hérésie (zandaqa), du fait que tu prétends à quelque chose que tu n’as pas atteint. Dans le cas où tu aurais réuni la mouchâhada et la mourâqaba, alors tu es considéré comme faisant partie des gens de cet art, des gens du tahqîq, des gens de la compréhension du comment se surveiller et être vigilant vis-à-vis de soi-même, comment accomplir et réaliser l’état d’adoration vis-à-vis d’Allâh ﷻ, comme il se doit… Parce que le domaine d’étude des soufis, c’est le degré de l’Ihsân.

Alors évidemment, ne s’intéresse au degré de l’Ihsân qu’une personne qui aurait préalablement compris et réalisé les degrés de l’Islâm et de l’Imân. On ne plonge pas du premier coup dans l’Ihsân. Non, il faut accéder au divin en passant par une première porte, puis par une seconde, puis par une troisième : c’est ainsi que les choses furent établies. Et chez les gens d’Allâh, on considère que toute personne n’ayant pas atteint la Connaissance d’Allâh au travers du degré de l’Ihsân est oummiy, vis-à-vis de ce degré. C’est-à-dire qu’il est loin de ce degré, qu’il est incapable d’en donner des indications, ni d’en exprimer quoi que ce soit. De toute évidence : tu ne peux pas exprimer la saveur d’une chose que tu n’as jamais goûté ! Comment connaîtrais-tu le goût d’une boisson que tu n’as jamais bue ? Quoi que tu puisses en dire, ça ne reste que de la conjecture. Il se peut que tu tombes en partie juste une fois… mais tu te tromperas des milliers d’autres. Comprends donc bien cela.

Quelle est donc la cause de cet irrémédiable tendance au retour à la jâhiliya, à cet état d’oummiy ?
C’est la perte, totale ou partielle, des savants et des sages, c’est-à-dire de ceux qui héritèrent le Livre d’Allâh directement de la Niche Lumineuse. Sayiduna al-Mustafa ﷺ dit en ce sens : « Je laisse parmi vous ce que, si vous vous y attachez, vous ne vous perdrez pas après moi. L’une de ces deux choses est plus importante que l’autre : le Livre d’Allâh, qui est une corde tendue depuis le ciel vers la terre, et l’élite (‘itra) des gens de ma maison (ahl bayti). » [2]

Ceci veut dire que si tu pars à la recherche d’une science quelle qu’elle soit, et qu’en cela tu entreprends d’aller étudier auprès d’autre que l’élite (‘itra) des ahl al-bayt… alors ta science sera défaillante. Parce que le Messager d’Allâh ﷺ nous informe qu’il a laissé parmi nous le Livre d’Allâh, soit le Coran, ainsi que la ‘itra des gens de sa maison, soit les gens de l’Arbre Béni… et il nous affirme que celui qui s’accrochera à ces deux choses ne pourra pas se perdre ni s’égarer après lui. C’est cela que nous désignons par le sanad : la chaîne de transmission. Si tu es de ceux qui recherchent la Science… avant de partir en quête de Science, tu te dois dans un premier temps de chercher et trouver le Shaykh qui te permettra d’y parvenir. Cherche le Savant avant de chercher la Science !

N’est pas Savant celui qui a simplement lu des livres, comme ça, de son propre chef, et qui se met à transmettre ce qu’il a pu saisir de cela. Car c’est bien à ce stade là que nous sommes arrivés dans la communauté aujourd’hui. Nous avons totalement perdu la Luminosité de la chaîne de transmission. On désigne untel comme ayant mémorisé le Coran… et on entend même aujourd’hui que certains ont mémorisé le Coran en entier et seuls, sans l’intermédiaire d’un Shaykh. Quel sanad aurait une telle personne ?… on dirait qu’il a pris le Coran de qui ?… d’un livre, directement. Son Shaykh, c’est un livre. Son Shaykh, ce sont des feuilles de papier. Il a tout appris par lui-même, par sa propre nafs. Comment pourrait-il maîtriser comme il faut les règles de lecture ?

Quant à celui qui a pris d’un Shaykh, qui a pris d’un Shaykh, qui a pris d’un Shaykh… mais, pour une raison ou pour une autre, dont la chaîne est coupée et ne remonte pas jusqu’au Messager d’Allâh ﷺ, alors sa science est défaillante. Ceci vaut pour toutes les sciences : la mémorisation du Coran aussi bien que le fiqh, le hadith, etc. Le sanad est indispensable : untel, selon untel, selon untel… qui a pris du Messager d’Allâh ﷺ. C’est alors que te parviendra la baraka de la Science.

Quant à ce que tu peux prendre sans cette ‘itra, sans ce flux spirituel… car la ‘itra est en réalité un souffle, un souffle de Miséricorde divine. Et ce souffle (nafas), c’est le Souffle de sayidina al-Mustafa ﷺ : « Certes, il vous est venu un messager de vous-mêmes (anfus) [3]. » Dans le cas donc où l’enseignant transmettrait la Science, de souffle en souffle, selon une chaîne ininterrompue… regarde et considère donc la place éminente que lui a accordé sayiduna al-Mustafa ﷺ, lorsqu’il dit : « Le bas-monde est maudit, et maudit est ce qui s’y trouve, excepté le dhikr d’Allâh et ce qui s’y apparente, ou un Savant, ou un étudiant » [4] c’est à dire en réalité, un Savant qui enseigne à un étudiant… et que lui enseigne-t-il ? Le dhikr d’Allâh ! Voilà les trois choses de ce bas monde qui ne sont pas touchées par la malédiction (la’na) divine, pas une de plus ! Donc lorsque tu étudies quelque chose… tu ne dois pas étudier comme ça, au hasard. Tu dois étudier le dhikr d’Allâh ! Tel est l’enseignement que l’on peut tirer de ce noble Hadîth.

A chaque époque, Allâh ﷻ chargeait ainsi un messager de sortir le peuple de son état oummiy, et de leur rappeler ce qu’ils avaient pu oublier de l’enseignement des prophètes, des messagers, des sages et des gens de Science qui l’avaient précédé. Parce que c’est toujours le même schéma qui se répète : un messager ou un prophète est suscité pour présenter et enseigner aux gens leur religion. Puis, au fil des siècles, les gens oublient la Loi divine et se mettent à propager le désordre et la turpitude. Le Seigneur remédie à cela par l’envoi d’un nouveau prophète ou messager, chargé de renouveler et éclaircir aux gens ce qu’ils avaient pu négliger et délaisser. Evidemment, que les gens les suivent ou qu’ils les renient : «  Tu ne guides pas celui que tu aimes : c’est Allâh qui guide qui Il veut [5]. » 

Depuis sayidina Adam (‘alayhi s-salâm) jusqu’à nos jours, ce cycle n’a jamais cessé de se répéter, inlassablement. Le prophète avait ainsi pour rôle d’enseigner le Livre divin avec ce qu’il comprenait en terme d’actes quotidiens et de statuts juridiques, ainsi que d’histoires et de récits des peuples précédents. Le prophète vient donc et revivifie, éclaircit et explique les récits de ceux qui vécurent avant lui. C’est ainsi que tu constates que le Coran tout entier est une compilation de récits.
Quel est le but et la fonction de ces récits ?
C’est comme s’il s’agissait d’un message pour toi, comme si par ces récits Il te disait : « Ô serviteur, tu n’es pas le premier… tu n’es pas le seul en ce monde. Tu n’es pas le premier perturbateur et semeur de discorde sur Terre. Et tu n’es pas non plus le premier serviteur obéissant qui ait été. Des communautés t’ont précédé, et voici ce qu’ils ont fait… » prends donc ces versets et appliques les sur toi-même. Tu constateras alors, à la lumière du Coran, que peut-être tu es Pharaon… ou peut-être Moussa, ou bien Haroun (‘alayhim s-salâm). Applique tous les versets sur toi-même. Ne te laisse pas tromper par une adoration que tu aurais faite, mais qui serait restée dépourvue de toute sincérité (ikhlâs). Dans Sa Parole, Allâh exprime pour toi toutes ces choses. La ma’rifa t’est également clairement décrite, dans ces récits, afin que tu sois en mesure de distinguer les ténèbres de la Lumière en toute chose.

C’est-à-dire qu’en aucun cas tu n’es en droit de considérer cela depuis ton simple intellect. Non, ton intellect ne vaut rien du tout. Si l’intellect avait été une référence, le Messager d’Allâh ﷺ n’aurait pas été envoyé avec l’Islam, ni avec le Coran. Si l’individu avait pu adorer Allâh comme il se doit simplement par son intellect… Abou Jahl et Abou Lahab avaient eux aussi un intellect…
Ici, il s’agira pour toi de réaliser que ton intellect est basique, primitif, étroit, qu’il ne comprend rien… et qu’il te faut l’éduquer, par l’intellect du Prophète ﷺ. Tu dois conformer ton intellect et le faire épouser de la manière la plus parfaite ce qu’a laissé le Prophète ﷺ. Si ton intellect, ou tes études, ou l’université où tu as étudié… avait été l’origine et la clef de la compréhension et de la Science véritable… Allâh n’aurait jamais suscité de messager parmi les hommes. Nous aurions alors adoré Allâh de manière spontanée. Chacun L’aurait adoré en fonction de sa nature et de sa pensée. Nul n’aurait été enjoint à la mise en application d’une Loi divine prééternelle, révélée à ceux qu’Allâh ﷻ choisit d’entre les meilleurs des hommes qui soient, et qu’Il charge de la transmission de ce message et de la guidée des gens.


[1] Sourate al-Jumu’a, versets 1 et 2.
[2] Authentifié par al-Albâniy, Sahîh al-Jâmi’, n°2458
[3] Sourate al-Tawba, verset 128.
[4] Rapporté par at-Tirmidhiy et ibn Mâjah.
[5] Sourate al-Qasas, verset 56.

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