L’Œil du Vrai ﷻ

بسم الله الرحمن الرحيم
و الصلاة و السلام على أشرف المرسلين
و على اله و اصحابه أجمعين

L’Œil du Vrai

Résumé de l’assise du 22 Juin 2018 / Jumu’a 8 Chawwâl 1439 [Partie 5] :

Allâh ﷻ dit : « Construis l’arche par Nos yeux et d’après Notre révélation. Et ne M’interpelle plus au sujet des injustes : ils seront noyés [1]. » Le récit de sayidina Noûh (‘alayhi s-salâm) est vraiment extraordinaire… imaginez-vous, un homme qui va au milieu du désert, là où il n’y a pas d’eau. Il se rend au sommet de la montagne la plus haute, et il y construit un bateau.

Toi, lorsque tu racontes les récits Coraniques à tes enfants ou à tes frères… tu t’exclames, plein de condescendance : « haha.. son fils se refuse à le suivre ! Il ne l’a pas suivi, son fils est un mécréant.. hahaha.. »
Toi qui rigoles, si tu avais été son fils, tu l’aurais carrément tué ! Si ton père était parti au milieu du désert, sur une montagne, et qu’il y avait construit un bateau… tu vas nous faire croire que toi, tu aurais eu foi en lui !? Allez, toi qui enseigne l’histoire aux autres… fais nous voir.

Evidemment, puisque c’est le Coran qui la mentionne, tu y crois. Et tu te demandes pourquoi ce fils n’a pas cru en son père… mais si ton propre père avait fait la même chose, tu te serais demandé : « est-ce que c’est bien une révélation d’Allâh ?… ou bien juste une philosophie nouvelle qui lui est entré dans la tête, et qui lui fait croire que ça y est, il a atteint ce degré spirituel.. ? »
Essaye donc de replacer les choses dans leurs contextes, et de les comprendre dans leurs réalités profondes.

C’est pour cela que le Seigneur ﷻ dit : « Construis l’arche par Nos yeux »… que veut dire « par Nos yeux » ?
Cela signifie : ne bouge pas, ne fais pas le moindre geste sans en avoir reçu préalablement le signe. Si tu parviens à cela, alors effectivement tu auras atteint ce maqâm, et tu deviendras de ceux qui évoluent par les yeux du Seigneur ﷻ. Car dans le Hadîth qudsi : « Mon serviteur ne cesse de se rapprocher de Moi par les actes surérogatoires jusqu’à ce que Je l’aime; et, lorsque Je l’aime, Je deviens son ouïe avec laquelle il entend, sa vue avec laquelle il voit… » à partir de là, comprends bien qu’il ne s’agit pas d’interpréter le message (risâla) comme ça te chante, et de le mettre en pratique. Cela n’est valable que dans la mesure où ta vue est devenue la vue du Vrai ﷻ. Mais nous non… comment nous procédons :
Telle chose nous plait bien… oui, le Messager d’Allâh ﷺ l’a faite !
Telle chose ne nous plait pas… et là on ne dit pas que le Messager d’Allâh ﷺ ne l’a pas faite, mais que les savants nous ont donné des avis qui nous permettent de la contourner. C’est ça, quand l’accomplissement d’une chose est difficile, on se réfugie dans l’ijtihad. « Telle chose est permise chez les Shafi’i, ou chez les Hanafi… et puis telle autre chose, inutile de chercher ce qu’en ont dit les savants des quatre écoles : le Messager d’Allâh ﷺ a dit à son sujet que… » et c’est ainsi que nous interprétons les choses à notre guise.

Non, tu te dois plutôt de rechercher ce qui fera naître en toi une force d’Imân, quand bien même il te faudrait aller à l’encontre de tout ton peuple pour ne pas contredire et te conformer à un signe divin. Vois un peu à quel niveau de magnification (ta’dhim) de l’ichâra cela correspond !

Considère un petit peu.. lorsque sayiduna Ibrahim (‘alayhi s-salâm) vit qu’il devait égorger son fils… en rêve ! Et toi, si tu faisais un rêve dans lequel tu te voyais égorger ton fils, pourrais-tu passer à l’acte ? De base, tu n’as même pas la certitude quant à la nature de ce que tu as vu : était-ce un rêve pieux (ro’ya), ou bien une insufflation du Shaytân ?
Tu vois donc que le problème n’est pas seulement dans le fait que ton fils refuse de t’obéir… le problème, il est également dans la personne qui a fait le rêve. Dors-tu véritablement sur un état de contemplation du Seigneur… ou bien plutôt sur des insufflations du Shaytân ?

Considère-toi toi-même uniquement, ne vois personne d’autre. Oublie les gens, et recherche en toi-même, avant de rencontrer ton Seigneur ! L’autre, il sera jugé selon sa nature, selon son degré spirituel, selon le degré de son intellect, selon la force de son Imân… mais toi aussi, même chose ! Vois-donc ce que tu as saisi, ce que tu as compris de cela. Et cesse d’interpréter la risâla ou le naba’ comme ça te plait. N’agis que dans la mesure où le signe (ichâra) clair te sera parvenu et que tu l’auras magnifié et estimé à sa juste valeur.

Parce que toi, tu as l’ichâra, mais tu n’es même pas convaincu d’elle. C’est ça le problème ! Tous les jours, tu vois des Lumières, tu vois des Noms divins, tu vois des versets Coraniques, des lettres, etc… mais tu n’as aucune confiance en ce que tu vois ! Non pas que ce que tu vois soit faux, non… l’erreur elle est plutôt en toi-même ! C’est toi qui n’es pas encore parvenu à ce degré de force dans l’Imân.

« Comment te portes-tu ce matin, ô Hâritha [2] ? » La réponse de Hâritha ici n’a pas été « Ô Messager d’Allâh, je vois le Paradis et ce qui s’y trouve, ainsi que l’Enfer et ce qui s’y trouve. » Non ! Plutôt, il répondit (radiAllâhu ‘anhu) : « Je suis devenu un véritable croyant. » : j’ai l’intime et ferme conviction d’être un véritable croyant ! Il n’est pas venu dire, dans un premier temps : « Je vois al-‘Arch, je vois al-Kursiy, je vois les cieux… » Non, mais bien : « Je suis devenu un véritable croyant ! » Et c’est à partir de là que sayiduna al-Mustafa ﷺ se mit à parler et échanger avec lui, conformément aux lois de la risâla :
« Chaque chose a une réalité, quelle est donc la réalité de ta foi ? » Quelle est donc la Haqiqa de ta foi, ou quelle est la Haqiqa de ta parole ? Parce que moi, j’ai de l’expérience dans le domaine : je suis un prophète et un messager, donc je sais très bien ce qui vient d’Allâh et ce qui vient de ta nafs.

Pour répondre à cela, sayiduna Hâritha exprime ensuite l’amour qu’il goûte dans ses actes d’adoration : « Je suis las de ce bas-monde, je veille mes nuits et je jeûne mes journées. » voilà ce qu’il a répondu, c’est-à-dire qu’il a rapporté les modalités de son cheminement (soulouk). Il n’a pas dit : « Je vois al-‘Arch de manière évidente… » non, ce ne serait pas acceptable, pas de cette manière. Ce ne sera acceptable et accepté que par la présentation d’une méthodologie claire et progressive qui nous indiquerait comment tu es parvenu à cela. Donc, comment suis-je devenu, quel est mon état actuel ? J’ai diminué ma nourriture… j’ai jeûné, et lorsque je ne jeûnais pas, je me gardais d’atteindre la satiété et me réfugiais dans la faim et la soif. Dans quel but ? Celui de me réaliser en la contemplation de la Face du Seigneur ﷻ. J’ai veillé mes nuits… j’ai diminué mon temps de repos, et j’ai veillé mes nuits pour m’y consacrer à mon Seigneur, pour contempler la Beauté de Sa Face ﷻ.

Puis il dit : « C’est comme si je voyais le Trône (‘Arch) du Miséricordieux, de manière évidente. » ce qui nous renvoie à la libération de l’intellect, à l’élargissement du confinement… ou comme si, pour Hâritha, le confinement (taqyid) était devenu l’absolu et illimité (itlâq). « …et c’est comme si je voyais les gens du Paradis s’y rendre visite… » ça c’est bien, c’est un signe (ichâra) Lumineux noble (‘olwi). Seulement si Hâritha s’en était tenu à cela, cela aurait marqué une faiblesse de sa part. « …et les gens de l’Enfer y imiter l’aboiement des chiens. » c’est-à-dire qu’il prend soin de mentionner les deux côtés, conformément au dernier pilier de l’Imân : croire en le destin avec ce qu’il comprend de bien et de mal. Ce n’est pas parce qu’il a vu le Feu qu’il a renié ce à quoi il est parvenu, ni que le degré de certitude et de conviction (yaqîn) dans son cœur a diminué. Non, au contraire. Il a recherché une ichâra, le Seigneur lui en a donc donné une, accompagnée de son ombre : Il lui a donné ce qui est ‘olwi et ce qui est soufli, Il lui a donné le Jamâl et le Jalâl.

Et alors, que lui dit sayiduna al-Mustafa ﷺ , pour conclure ? « Tu as certes atteint la Connaissance, tiens-toi s-y donc ! » A présent, tu es devenu un ‘Arif, tu as Connu : agrippe-toi à ce maqâm et n’en sors jamais. Tu es véritablement parvenu (wousoûl) en Présence du Seigneur ﷻ. Comment pourrais-tu délaisser un tel maqâm, après tant d’efforts fournis pour y parvenir…
Toi aussi, ô disciple : agrippe-toi à la Lumière d’Allâh, et ne la délaisse jamais !

Le ‘Arif se base sur une preuve évidente (bayina) de son Seigneur, et il n’agit en rien si ce n’est par et conformément à un signe (ichâra) qui lui serait parvenu de son Seigneur. Quand bien même le monde entier se moquerait et le prendrait en dérision. Il ne désespère pas, et il ne s’afflige pas. Tu as la certitude et tu es absolument convaincu par la mouraqqa’a… il y en a même qui ont vu le Messager d’Allâh ﷺ habillé d’une mouraqqa’a. D’un point de vue apparent et exotérique, celui qui l’a portée c’est sayiduna ‘Omar ibn al-Khattâb, mais certains ont reçu une ichâra de leur Seigneur encore plus forte que cela…
Si tu as vraiment la certitude (yaqin), les gens peuvent bien se moquer tant qu’il leur plaira… en quoi cela m’importe, moi, à partir du moment où je suis convaincu de ce que je fais ?

Sayiduna Nouh aussi, les gens se sont moqués de lui. Ceux qui le suivirent furent très peu nombreux, une poignée de gens, et parmi les plus faibles, les plus méprisés… de même que ceux qui portèrent soutien au Messager d’Allâh ﷺ furent les plus mésestimés des gens de l’époque.
Le ‘Arif ne désespère pas, et il ne s’afflige pas, car par Allâh il peut se passer de toute chose : Il est l’Omniscient (al-‘Alîm), le Sage (al-Hakîm), et c’est de Lui que découle la véritable Science.

Médite donc bien au sens de l’expression Coranique : « par Nos yeux » toi, tu vois la Lumière d’Allâh… et lorsque certains décrivent les exemples suprêmes de manifestation de cette Lumière, à savoir la Niche, la Lampe, le Cristal et l’Astre de grand éclat, ils disent « C’est comme si je voyais un œil… » mais jamais tu n’as dit, jamais tu n’as pensé, jamais il ne t’a effleuré l’esprit que ce pouvait être l’Œil du Vrai ﷻ !
Puisqu’Il dit : « Allâh est la Lumière des cieux et de la Terre ; un exemple de Sa Lumière est tel qu’une Niche dans laquelle se trouve une Lampe. La Lampe est dans un Cristal, et le Cristal est semblable à un Astre de grand éclat [3]. »

Si tu devais dessiner cela sur un tableau, cela ne ressemblerait-il pas à un œil ? Evidemment, ce n’est pas ton œil. Donc si tu le nommes l’œil du cœur, pas de problème… seulement chez certain, la force de l’Imân est arrivée à un degré tel qu’ils dirent qu’il s’agissait là de l’Œil du Vrai ﷻ.

Tu protestes en t’écriant que c’est là une ignominie et un mensonge proféré à l’égard d’Allâh… mais reviens donc au récit de sayidina Ibrahim (‘alayhi s-salâm), lorsqu’il vit un Astre… qu’a-t-il dit ? Il n’a pas dit : « Voilà un Astre ! » mais bien : « Voilà mon Seigneur [4] ! », nous renvoyant par là à son degré de certitude (yaqîn) et à l’importance (ta’dhîm) qu’il vouait à cela.

Alors tu vas nous dire quoi ? Que sayiduna Ibrahim était mécréant ? Astaghfirullâh… Sayiduna Ibrahim (‘alayhi s-salâm), de même que l’ensemble des prophètes et messagers : il est impossible qu’ils tombent dans le koufr ou dans l’ignominie, au contraire ils sont infaillibles. Donc lorsqu’il vit l’Astre, il dit « Voilà mon Seigneur », parce qu’il s’agissait d’une ichâra venant du Seigneur. Puis, lorsqu’il vit le Soleil : « Voilà mon Seigneur, celui-ci est plus grand ! » tout cela montre le ta’dhîm de l’ichâra. Et c’est par le ta’dhîm, par le fait de magnifier les signes de son Seigneur, qu’il put finalement atteindre : « Je tourne ma face exclusivement vers Celui qui a créé à partir du néant les cieux et la terre, et je ne suis point de ceux qui Lui donnent des associés [5]. » 

S’il n’avait pas eu dans un premier temps le ta’dhîm pour l’Astre, il n’aurait jamais pu accéder à la vision de la Lune, ni à celle du Soleil. Grâce au ta’dhîm, les différents degrés de théophanie se révélèrent à lui les uns après les autres ; jusqu’à ce qu’il parvienne et réalise l’état de Présence, en se dirigeant et en se résignant entièrement à la Qibla originelle.

Voilà pour ce qu’il en est de sayidina Ibrahim… et malgré tout cela : « « Seigneur ! Fais-moi voir comment Tu ressuscites les morts. » Allâh dit : « Ne crois-tu pas encore ? » « Si, mais que mon cœur soit apaisé. [6] » » Donc, comment le cœur atteint cet état d’apaisement ?
Par l’ichâra, dans la mesure où elle viendrait du Seigneur, et non pas d’une insufflation autre. L’ichâra provient du Seigneur : elle est exclusivement Lumineuse. Et tous les exemples de manifestation de cette ichâra, de cette théophanie Lumineuse, sont mentionnés dans le Coran ! y compris les indications qui proviennent du Shaytân : le Seigneur en a informé dans Son Livre. A toi donc de distinguer les choses comme il se doit.

« Allâh est Waliy de ceux qui ont la foi : Il les fait sortir des ténèbres à la Lumière. » ceux-là sont ceux que Allâh prit sous Sa protection, les gens de l’Imân ! Il les a choisis, Il les a élus. « …quant à ceux qui ont mécru, leurs awliya sont le Tâghoût, qui les font sortir de la Lumière vers les ténèbres. » le parfait opposé des premiers. Lorsque l’ichâra du Seigneur ﷻ te parvient, elle te donne la réalité du degré de ton Imân, au travers de la considération que tu auras d’elle. Et si tu te détournes d’elle ou si tu la renies… alors tu tombes dans les ténèbres, et ta Qibla devient le Tâghoût.

Nous nous arrêtons ici dans ce cours d’introduction. Et si Allâh le permet, nous évoquerons à l’avenir les modalités de la risâla : comment se présente-t-elle, du point de vue du dévoilement (kachf), comment parvient-elle aux messagers (‘alayhim s-salâm) ? et ce, jusqu’à ce que le Alif soit complété, conformément à ce qu’aura établi le Seigneur, par les degrés de la Wilâya, de la Noubouwa et de la Risâla… et que nul n’oublie alors ce qu’il aura appris dans le fasl et le wasl, afin de ne pas mélanger les degrés de la Wilâya, de la Noubouwa et de la Risâla, auquel cas il ne comprendrait plus rien à rien. De là nous disons, c’est-à-dire depuis cette Source de la Wilâya, que parvient la nouvelle (naba’) de la Noubouwa et qu’elle s’établit dans le cœur de celui que Allâh aura choisi, laissant alors se manifester, par la bouche et par l’ensemble des membres de cet individu, la risâla du Seigneur ﷻ. « Ceux qui transmettent les messages d’Allâh, qui Le craignent et ne redoutent nul autre qu’Allâh. Et Allâh suffit pour tenir le compte de tout [7]. »


[1] Sourate Hoûd, verset 37.
[2] Rapporté par ibn Abi Chayba, Hadîth n°30425.
[3] Sourate al-Noûr, verset 35.
[4] Sourate al-An’âm, verset 76.
[5] Sourate al-An’âm, verset 79.
[6] Sourate al-Baqara, verset 260.
[7] Sourate al-Ahzâb, verset 39.

Suivez-nous sur les réseaux

Dernières publications

Les livres du Shaykh