Le sommeil du Connaissant est une adoration

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Le sommeil du Connaissant est une adoration

Résumé de l’assise du 2 Février 2018 / Jumu’a 15 Jumada al-ola 1439 [Partie 3] :

Lorsque l’individu dort, il se repose et récupère de la fatigue de la journée… cependant, son intellect lui ne dort pas, il ne se repose pas. Ce ne sont que les éléments constituants du moustaqarr qui s’évanouissent momentanément et dorment. Quant à l’intellect, il continue de travailler. Le sommeil est donc ce qui permet à l’intellect de revenir à son état originel, c’est-à-dire un état d’abstraction des sens physiques… or, tout le travail du cheminant, c’est justement le retour à cet état originel, mais de manière continue. Et les gens d’Allâh sont venus, à l’instar du Shaykh al-‘Alawi, et ils ont dit que « le sommeil du Connaissant est une adoration ». Ceci parce que de base, le Connaissant est quelqu’un qui travaille perpétuellement au retour de son intellect à son état originel, c’est-à-dire au maqâm de l’Esprit (roûh), pour percevoir dans ce degré des Sciences et une nouvelle (naba’) et les rapporter à son moustaqarr… le Connaissant travaille à cela, y compris dans son sommeil.

Quant à ceux qui n’œuvrent pas en ce sens et qui ne se retrouvent pas dans cette description, sayiduna al-Mustafa ﷺ vint et dit à leur sujet que « Les gens sont endormis… lorsqu’ils meurent, ils s’éveillent. » C’est-à-dire que si la personne ne travaille pas à ce retour permanent à l’Esprit, il est quoi qu’il arrive endormi. Qu’il ne s’imagine donc pas être en état d’éveil ! Endormi ou réveillé, c’est exactement la même chose pour lui, parce qu’il est confiné dans un cercle physique et étroit, et il est totalement incapable de transpercer et transcender les réceptacles (moustaqarrs), au sujet desquels sayiduna al-Mustafa ﷺ dit : « le premier ciel par rapport au deuxième est tel un anneau dans un désert (fala), le deuxième ciel… » c’est-à-dire qu’à peine tu auras atteint le premier anneau du premier ciel, à peine auras tu atteint Ism al-Ism, que tu seras dès lors devenu toi-même ce désert (fala), par rapport à la terre. C’est-à-dire que, par rapport à la terre, tu ne pourras pas être cerné ni saisi. La seule chose qui te cernera, c’est le Nom sur lequel tu auras travaillé. Cela voudra donc dire que tu auras atteint un degré qui est bien au-delà de l’intellect, bien supérieur à la compréhension.

Donc nous disions que le sommeil est ce qui permet à l’intellect de retourner à son état originel, c’est-à-dire à l’état sur lequel il fut créé et permettant l’établissement du lien avec le corps et l’ensemble de ses organes de perception physique. Alors évidemment, l’intellect garde toujours le contact avec l’ensemble du corps de l’individu, quand bien même ce dernier serait endormi. Nous ne prétendons pas qu’il en est séparé, car si tel était le cas, l’homme serait tout simplement mort. C’est la raison pour laquelle, dans l’exercice spirituel, nous parlons de « petite mort », c’est-à-dire une mort qui fait revenir le cheminant à un état originel. Mais quel état originel ?

Pour faire simple, disons que si l’individu s’est endormi conformément à la Sunna, dans un état d’éveil spirituel, en travaillant à la réunion des anneaux… c’est pour cela que nous recommandons au disciple, lorsqu’il va pour dormir, de travailler à ce à quoi il travaillait dans la khalwa : réunir les moustaqarr de la michkâte, puis se concentrer sur l’Astre de grand éclat. Car à ce moment-là, où se trouve l’Esprit ?
Il évolue vers le Trône du Miséricordieux, où il finit par se jeter, prosterné. Tu seras alors à ce moment-là revenu, par l’intellect, au degré suprême. Mais si au contraire tu travailles à quelque chose d’autre, quelque chose de bas, soufli… par exemple, si avant de dormir tu penses à ton travail, alors ton sommeil te fera descendre jusqu’aux plus bas des degrés. Si lorsque tu dors, tu penses à un corps physique, une idole corporelle : une épouse, une fille, un fils, etc… tu es à ce moment-là en état de chute libre. Si au contraire tu travailles comme on l’a dit à ce qu’il t’est demandé de faire dans la khalwa, alors tu seras en ascension spirituelle.

C’est pour ces raisons que tu es privé de la vision en rêve de sayidina al-Mustafa ﷺ. Tu ne peux pas venir nous dire que tu as vu le Messager d’Allâh ﷺ en rêve. Tu es privé de la vision des compagnons, de la vision des anges, tu ne peux pas nous dire qu’un jour tu as vu sayidina Jibrîl… tout ceci pourquoi ?
Parce que ton intellect est constamment rattaché à ce qui est corporel et soufli. Et lorsque tu dors, ton intellect revient vers un état de pure bassesse. Il demeurera dès lors dans un moustaqarr soufli, privé de toute ascension.

Ceci dit, certains travaillent à repousser le sommeil, afin de persister dans un état d’éveil le plus longtemps possible. C’est-à-dire qu’on recherche à travailler sur l’intellect, jusqu’à le pousser à un état d’évanouissement, tout en laissant le corps dans un état de repos. Parce que lorsque l’intellect s’évanouit, le moustaqarr (le corps) se repose. Puis, lorsque l’intellect rapporte la nouvelle (naba’), il la place dans le moustaqarr. Mais quand tu restes éveillé, l’intellect et le moustaqarr demeurent ensembles, dans un état d’union et de Tawhîd total. Si quelqu’un restait ainsi sans dormir, sur une durée supérieure à la normale, tu verrais qu’il finirait par devenir comme absorbé : assis là où il est, mais ne comprenant pas où il se trouve. Comme s’il était endormi, bien qu’il ne le soit pas ; il est au contraire éveillé, mais son intellect est absent. Son intellect se met ainsi à disparaître dans des choses et des dimensions multiples… et s’il parvenait à se concentrer sur un domaine en particulier, il profiterait de son état et en tirerait quelque chose.

Au final, l’individu sera mis en lien avec un monde, et on dira de lui qu’il est absent, ou dans un état d’évanouissement, un état dans lequel l’intellect n’est plus là. Parce que la connaissance de ce lien intérieure se trouve dans la connaissance de la force de l’intellect, laquelle est une force occultée, au-delà du monde physique. Et ce lien, lorsque l’individu parvient à l’établir, il peut le faire perdurer… par la Permission d’Allâh et par Sa Force… pendant jusqu’à quarante nuits, comme ce fut le cas pour Moussa (‘alayhi s-salâm). Et celui qui s’imagine que sayiduna Moussa (‘alayhi s-salâm), lorsqu’il s’en alla parler au Créateur ﷻ, a dormi, mangé ou bu… celui-là est un ignorant. Durant ses quarante jours de retraite, sayiduna Moussa n’a absolument pas dormi. Plutôt, son intellect a été aspiré et a rapporté les Tablettes, que le Vrai ﷻ a écrit de Sa Main. Vois donc un petit peu le degré d’élévation acquis durant ces quarante nuits passées sans dormir… Ceci est bien évidemment spécifique à sayidina Moussa, dans le cheminement qui lui est propre. Il s’agit de son maqâm, dans sa Noubouwa et dans sa Rissâla… cependant il est possible pour les cheminants de s’exercer et de suivre son exemple. On ne dira pas qu’il sera possible de parvenir jusqu’à quarante nuit, en revanche deux, trois, quatre nuits… selon la capacité de chacun, c’est réalisable. Si la personne réalise cela, s’il parvient à cet état d’absence et d’aspiration, dans le but d’accéder à la Connaissance du Créateur ﷻ, à ce moment-là il obtiendra effectivement la Proximité. Si en revanche il ne fait que produire un effort sur lui-même, sans but, il ne gagnera de cela que la maladie, et il deviendra comme une bête sauvage. Parce qu’il a besoin de repos, c’est vital.

La pratique spirituelle et l’exercice à ce niveau est donc possible et accessible… et lorsque nous étions auprès du Shaykh (rahimahullâh), nous n’avons absolument pas dormi durant toute la durée de notre Khalwa. Pour autant, nous n’en sommes pas sortis malades, mais parfaitement sains d’esprit et de corps. Les trois nuits passèrent, comme s’il ne s’était agi que d’une heure, sans jamais ressentir la moindre once de fatigue. Quant au disciple… pourquoi lui disons-nous de dormir et de se reposer un petit peu, dans sa khalwa.. ?
Parce qu’il n’est pas capable d’aspirer son intellect et de le faire s’évanouir dans une seule et même direction, afin d’en rapporter des Sciences. Par peur pour lui et par souci de son bien-être, nous lui laissons donc la possibilité de se reposer… car nous savons que ses pensées sont multiples et éparses, et qu’il est complètement incapable de réunir tout son être dans un même objectif. Il a besoin de laisser son corps se reposer, tandis que l’intellect lui ne se repose pas. Et de ce fait lorsqu’il dort, il nous rapporte un rêve de nature noble et élevée. Puis, lorsqu’il reprend le dhikr, il le reprend avec une force nouvelle, et il fait ainsi revivre un intellect nouveau, jusqu’à atteindre le But de sa retraite.

Ceci dit, si le disciple était détenteur d’une grande aspiration spirituelle (himma), il serait bien sûr capable d’atteindre le but de la khalwa sans dormir, et à ce moment-là bien sûr, il viendrait avec quelque chose de bien plus fort que celui qui dort et se repose une ou deux heures. Le problème, c’est que même dans la Khalwa, le disciple ne parvient même pas à cesser de penser à sa famille, son travail, manger, boire, etc…

Lorsque le corps est privé de sommeil, il perd le lien qu’il a avec ses sens physiques, ces sens sur lesquels l’intellect étend et exerce tout son contrôle. L’individu devient alors comme absent, inexistant… bien qu’il soit physiquement bel et bien là. Et dans cet état de non ressenti total, apparaît en lui une force intérieure, son intellect est illuminé et peut ainsi parvenir à la ma’rifa : la Connaissance ésotérique. Pour évoluer, le cheminant a besoin à la fois des ressentis perçus par ses sens (lesquels sont sous le contrôle de l’intellect), et de l’absence totale de sensation (qui elle provient d’une force Lumineuse occultée au cœur de l’intellect). Il ne peut pas atteindre le ravissement total, car il n’est pas capable de parvenir au maqâm de sayidina Moussa (‘alayhi s-salâm)… il ne peut pas non plus séparer totalement et entièrement l’intellect de ses perceptions physiques, car cela relève de la grande mort (la mort naturelle et irréversible). Il s’agira donc de toujours osciller, comme l’a dit notre Imâm Mâlik : chari’a et haqiqa.
« Celui qui se conforme à la jurisprudence mais ne pratique pas le tassawwuf devient un pervers ; celui qui pratique le tassawwuf mais ne se conforme pas à la jurisprudence devient hérétique ; quant à celui qui allie les deux, il atteint la réalisation. » [1]
Si tu considères le réceptacle (moustaqarr) par lequel tu travailles sur les actes physiques, cela relève de la Chari’a. Et si tu considères l’intellect (‘aql), cela relève de la Haqîqa. Si donc tu parviens à avancer en réalisant le parfait équilibre entre ces deux domaines, tu deviens du nombre des gens de la réalisation (tahqîq).


[1] Hachiyat al-‘adawiy ‘ala charh al-imam al-zarqâniy ‘ala matn al-‘izziya fi al-fiqh al-mâlikiy – Tome 3, page 195.

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