(cours) Hadra Moussawiya : La Scission et la Jonction

بسم الله الرحمن الرحيم
و الصلاة و السلام على أشرف المرسلين
و على اله و اصحابه أجمعين

Assise du Shaykh Educateur Sidi Mohamed Faouzi al-Karkari –radiAllâhu ‘anhu-
Cours du Jumu’a 1 Cha’bân 1435 de l’Hégire / Vendredi 30 Mai 2014

La Hadra Moussawiya (cinquième cours) :
La Scission (Fasl) et la Jonction (Wasl)

Nous avions parlé précédemment du fait que la Sagesse divine avait voulu que sayiduna Moussa (‘alayhis salam) fut placé dans le coffret puis jeté dans la mer… (Le Cheminement du hâ’ vers le Alif) et il nous faut à présent évoquer en quoi cet événement est une indication de la réalité de la Jonction (wasl) et de la Scission (fasl). En apparence, le fait de placer un nouveau-né dans un coffret puis de le jeter dans la mer, c’est envoyer ce dernier vers une mort certaine, mais le Vrai –‘azza wa jall- décida de placer la salvation au cœur de la situation la plus désespérée qui soit… et par cette Scission (fasl) apparente, il fit apparaître le sens de la Jonction (wasl) au travers du sauvetage de sayidina Moussa (‘alayhis salam).

D’autre part, après que Pharaon ait voulu tué sayidana Moussa (‘alayhis salam), en sacrifiant tout nouveau-né, ce qui constitue une autre forme de Scission (fasl)… le Vrai –ta’ala- décida de faire apparaître, au cœur de cette Scission, la Jonction en faisant de Pharaon lui-même la personne chargée de la protection et de l’éducation de Moussa (‘alayhis salam). Ceci parce que Moussa vint au monde paré des Lumières que véhicule la Parole divine : « Et J’ai répandu sur toi une affection de Ma part » [s20.v39] Ainsi, toute personne qui le voyait, l’aimait… y compris Pharaon. Par ailleurs, sayiduna Moussa (‘alayhis salam) fut touché par une autre forme de la Scission (fasl), lorsqu’il fut éprouvé comme le mentionne le verset « et Nous t’imposâmes plusieurs épreuves. » [s20.v40]. Il réalisa ainsi les sens de la Jonction, manifestée sous deux formes : l’une physique et l’autre allégorique.

La forme physique de cette Jonction (wasl) est cette vie qu’il reçut de par le fait qu’il fut épargné, lors du massacre de tous les enfants du pays… quant à la forme allégorique, elle désigne la vie par la Science que Allâh –ta’ala- lui octroya en lui permettant de boire à la source de Vie… et cette Vie n’est autre que la Vie par laquelle le Vrai revivifie tout être humain. La Vie par la Science issue de la Lumière : « Est-ce que celui qui était mort et que Nous avons ramené à la vie et à qui Nous avons assigné une Lumière grâce à laquelle il marche dans (fi) les gens, est pareil à celui qui est dans les ténèbres sans pouvoir en sortir » [s6.v122] Ainsi, toute personne à qui le Vrai aura fait grâce de Sa Lumière, issue d’une source de Scission (fasl) avec la nafs, par la main d’un Shaykh éducateur, aura par là même reçu la Vie véritable, c’est-à-dire la Vie du cœur… après que celui-ci ait été mort, noyé dans les ténèbres de ce qui est vain. Cette Lumière divine projetée dans le cœur des aimés, si tu la contemplais d’un point de vue scientifique, tu découvrirais qu’elle est la source de toute science… et si tu la contemplais afin d’accéder à la Présence divine (qurb), tu découvrirais qu’il s’agit là d’une corde reliant directement le serviteur à son Seigneur… En cette Lumière se trouve réuni tout ce que tu peux désirer de bon.

La Lumière est la balance grâce à laquelle le cheminant (sâlik) évalue son état et sa relation à Allâh. Si tu veux donc connaître quelle est la réalité de ta Proximité à Lui, ou de ta Connaissance de Lui, observe ce qui se trouve dans ton cœur. Selon la taille de la Lumière qui s’y trouve, tu sauras si tu es proche ou lointain… tu seras alors en mesure d’évaluer ton éloignement ainsi que la réalité de ta Connaissance. Cette Lumière est un flux de bienfaisance divine, et c’est pour cela que Allâh –ta’ala- dit : « une Lumière grâce à laquelle il marche dans (fi) les gens » et n’a pas dit :  » une Lumière grâce à laquelle il marche parmi les gens  » … Parce que la Lumière est une bienfaisance divine qui transperce tout corps physique. La Lumière anéantit toute image créée dans la vision du cœur, car c’est une Lumière incréée et prééternelle, et lorsque ce qui est prééternel est réuni avec ce qui est créé, la créature est anéantie et il ne demeure que l’incréé. La Science de laquelle naît la crainte révérencielle est la Science issue de la Lumière, et ses dépositaires sont les savants dont Allâh –ta’ala- a fait l’éloge : « Parmi Ses serviteurs, seuls les savants craignent Allah » [s35.v28]. La crainte révérencielle est un état qui se manifeste par la Vision, et tant que tu t’accorderas à toi-même une quelconque forme d’existence, tu demeureras ignorant. Toutes les choses créées ne sont entrées en existence que par cette bienfaisance divine fluant en elles, et ceci dans un seul but : faire que du néant, n’apparaisse que le néant. La personne qui souhaite sortir de ses limites animales vers la Vérité ésotérique pour laquelle il fut créé devra donc commencer par surveiller et évaluer quelle est la réalité de son état avec Allâh. Puis il devra prendre en considération les méandres de son cœur afin de constater si oui ou non la Lumière divine s’y trouve, mélangée aux ténèbres… ou bien s’il ne subsiste que des ténèbres ? … Et le croyant capable de goûter est un croyant dans le cœur duquel le Vrai a projeté une Lumière.

Cette Lumière, lorsqu’elle descend dans les cœurs de ceux qui la demandent, se montre extrêmement jalouse… si elle trouvait en toi le moindre doute, si elle te trouvait froid et indifférent vis-à-vis d’elle, si elle te trouvait non appliqué au suivi de la Loi divine, ou encore si elle trouvait en toi le « Ana – Moi » qui t’empêche de retourner le mérite de la faveur qui te fut accordée à qui de droit… sache que cette Lumière, de la même manière qu’elle entra dans ton cœur, finira par en ressortir… Et si tu retournais aux ténèbres après avoir connu la Lumière divine, et bien tu serais un ignorant de ta propre réalité, une réalité par laquelle Allâh t’a honoré au-dessus de toute autre créature. Sache par ailleurs que l’Imân (la foi) est de deux sortes : un Imân taqlîdiy, c’est-à-dire une foi issue d’un suivi aveugle (des ancêtres, de la famille etc) qui est la foi du commun des musulmans… et un Imân Noûrâniy, une foi issue de la Lumière divine et réservée à une élite. N’as-tu pas remarqué à quoi le Prophète (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) a comparé le croyant par la Lumière divine, dans le Hadîth relaté par Abou Omâma : « Craignez la vision intérieure (firâssa) du croyant, car il observe par la Lumière d’Allâh –‘azza wa jall- » [rapporté par at-Tabarâniy]

Si donc tu t’acquittes de ton devoir religieux sans Lumière, tu es tel un fonctionnaire qui n’œuvre que pour recevoir son salaire à la fin du mois. Si en revanche tu es un vrai croyant, c’est-à-dire un croyant par la Lumière descendue dans ton cœur, alors tu es un membre de l’assemblée des Amoureux… et si tu es de ceux qui contemplent la Lumière et la voient avant toute chose, alors tu fais partie des Aimés… Si par contre tu te laisses préoccuper par les choses elles-mêmes, tu es voilé. Lorsque le cœur du croyant devient un astre étincelant de Lumière, c’est par lui qu’il voit et considère la Réalité des choses qui l’entourent, d’où la mise en garde contre cette vision perçante et la véracité de la langue qui parle en son nom, car la sincérité de la langue n’est que le fruit de la sincérité du cœur. En ce sens, Thawbân rapporte que le Messager d’Allâh (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) a dit : « Craignez la vision intérieure (firâssa) du croyant, car il observe par la Lumière d’Allâh et parle par Sa permission » [Kanz ul-‘Ummâl]. La raison de cette mise en garde réside dans le fait que le croyant ayant réalisé ce degré, s’il regarde dans ta direction par cette vision intérieure, soit il t’élève au rang des plus nobles, soit il te rabaisse à celui des plus vils. Soit il te rapproche, soit il t’éloigne, par cette vision intérieure dont Allâh –ta’ala– l’honora, après qu’il ait lui-même réalisé l’anéantissement complet en la Lumière divine. Quant à la personne dont le cœur n’est habité que par les ténèbres, il est à l’image de celui qui habiterait dans une maison obscure, sous la terre… sa croyance est ténèbres, ses dires sont ténèbres et ses actions sont ténèbres. Chaque forme de ténèbres mène à une autre, et celui qui demeure dans la considération de celles-ci ne saurait en sortir. Le chemin qui te permettra de t’extirper de ces ténèbres, c’est le chemin du dhikr pratiqué avec l’autorisation d’un Shaykh. Lorsque la personne débute dans l’évocation d’Allâh –ta’ala-, elle entre en réalité dans l’arène de ce qu’on appelle le Jihâd al-Akbar (le grand jihad), qui n’est autre que la lutte contre l’égo. Et pour sortir vainqueur de cette bataille, il faut que tu apprennes à ne prendre en considération rien d’autre que toi-même. Ne te préoccupe de personne d’autre. Ne sors pas de ta propre tombe.

Le chemin du dhikr est le chemin de la guidée, qui mène à la station de stupéfaction et de folie… et cette stupéfaction et cette folie constituent la vie et la raison, rendue incapable d’embrasser la Vérité, parce que cette Vérité ne peut être comprise ni même approchée par la raison, étant donné que la Vérité réunit tous les opposés en une seule fois… le cœur quant à lui goûte au sens profond de ces opposés, et obtient par là même la Science par Allâh –ta’ala-. N’as-tu pas encore pris en considération Sa Parole : « C’est Lui le Premier et le Dernier, l’Apparent et le Caché » [s57.v3]. Comment tous ces opposés ont-ils pu être réunis en un seul et même être ? Pour comprendre cela, il te faudra accéder à la capacité de goûter, d’une manière claire et authentique. La réalisation spirituelle ne consiste pas en le fait de lancer des paroles en l’air, et il ne te suffira pas de dire que Allâh est Apparent… il faut que tu accèdes à la Connaissance et que tu goûtes au sens réel de Son Apparence. Ainsi, la raison se voit impuissante face à toute forme de réflexion quant à la réunion des opposés, contrairement à la foi qui permet de réaliser cette Réalité. Et la voie menant à la foi d’un cœur réalisé et une voie menant à la folie et au désemparement… parce que lorsque le cœur s’agite, c’est comme si l’univers tout entier s’agitait… donc si tu ne sais tirer aucun désarroi vis-à-vis du divin, une fois confronté à cette agitation, sache que ton cœur est un cœur mort. Le dévoilement du cœur est le chemin qui te permettra de goûter aux réalités ésotériques de la foi. Tu peux ainsi être confiné dans une petite chambre et y voir pourtant un nombre incalculable d’anges… Et si tu souhaitais comprendre cela par la raison, tu butterais sur le fait que la taille de ta chambre ne permet pas de contenir un tel nombre d’anges…

Lorsque le mourid rencontre un Shaykh éducateur qui projette dans son cœur cette Etoile de Lumière… il doit savoir que l’univers et tout ce qu’il contient, depuis le Trône jusqu’à ce qu’il y a de plus bas, se trouve réuni dans cette Lumière. Ne la néglige donc surtout pas, lorsqu’elle daigne se montrer à toi. Tu la vois petite… mais en réalité, c’est toi qui est petit, de par ton éloignement d’elle et de ses sens profonds.. car si tu en étais proche, tu l’aurais vu elle avant de te voir toi-même ! Et si elle te dévoilait de sa Réalité, elle te brûlerait et te consumerait complètement, toi et tout ce que voient tes yeux.

C’est ainsi qu’il fut dit sous forme de vers de poésie :

De par leur élévation, les planètes
sont considérées de petite taille, bien qu’elles ne le soient pas

Il fut dit aussi :

Et lorsque la vue embrasse les étoiles, elle les présente comme étant petites
la faute revient en réalité à celui qui voit, non pas à l’étoile elle-même.

Ce point de Lumière, que dans la tariqa Karkariya nous appelons lamha et qui se manifeste dans les cœurs du cheminant, réunit en son sein toute chose existante… Le Vrai –subhânahu wa ta’ala- fait référence à cela dans Sa Parole : « Notre ordre est une seule [parole]; [il est prompt] comme un clin d’oeil. (kalamhin* bil-bassar) » [s54.v50] (*ici on retrouve l’origine du mot lamha). Il nous est dit dans ce verset que tout le temps durant lequel l’humanité a vécu, vit et vivra, dans ce bas monde et dans l’autre, ainsi que tous les changements et les évolutions de notre univers, n’est équivalent pour le Vrai –ta’ala– qu’à « lamhin bil-bassar ». Et toi, ô cheminant, tu détiens en ton cœur cette lamha réunissant les cieux, la terre et tout ce qui s’y trouve. Comment peux-tu donc la négliger !?

Le fait de magnifier, sacraliser et accorder la plus grande importance à ce que l’on voit est le seul moyen de parvenir aux nobles stations. Quant à celui qui se montrera désinvolte et indifférent face à cette Lumière, qu’il se cherche donc une autre lamha Lumineuse capable de le mener à l’Amour d’Allâh, à Sa Proximité et à Sa Connaissance !

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