(cours) Hadra Moussawiya : à propos de al-Insân al-Kâmil

بسم الله الرحمن الرحيم
و الصلاة و السلام على أشرف المرسلين
و على اله و اصحابه أجمعين

Assise du Shaykh Educateur Sidi Mohamed Faouzi al-Karkari –radiAllâhu ‘anhu-
Cours du Jumu’a 23 Rajab 1435 de l’Hégire / Vendredi 23 Mai 2014

La Hadra Moussawiya (quatrième cours) : 
A propos de al-Insân al-Kâmil

Chaque Nom divin mentionné dans le Saint Coran, ou dans la Noble Sunna, a un effet bien particulier lorsqu’il se manifeste à la création… et toute manifestation de Nom divin se trouve forcément dans le cercle de la Miséricorde divine, de par le fait de la particularité du Nom al-Rahmân (le Miséricordieux): « al-Rahmân S’est établi sur le Trône » [s20.v5]

Et étant donné que ces Noms partagent toujours un tronc commun, il est possible d’établir des liaisons entre eux… de ces liaisons, apparaissent les traces du néant, destinées quoi qu’il advienne à y retourner, et lorsque le cheminant (sâlik) recourt à sa vision intérieure par rapport au domaine du possible, il constate que chacune de ces traces est directement liée à au moins deux Noms divins… Ceci apparaît pour la personne qui évoque le Nom Unique (al-Ism al-Moufrad), qui réunit l’ensemble des Noms et Attributs divins (le Nom « Allâh »)… et donc par le dhikr de ce Nom, la Lumière du serviteur se fortifie et il constate qu’il n’est pas un seul atome dans ce gigantesque univers qui ne soit pas étroitement lié à un ou deux Noms d’entre les Beaux Noms connus. Dès lors, le Vrai -‘azza wa jall- lui fait voir l’Esprit de chaque Nom, c’est à dire la spécificité que chacun d’entre eux partage, et alors il contemple les Beaux Noms dans leur forme illimitée et absolue, c’est à dire sans que ne leur soit attribué ni lettre, ni forme particulière.

Mais alors comment se réalise le passage de l’état Caché à l’état Apparent, lorsque les uns se lient aux autres…? Ou autrement dit, comment se réalise le passage de l’état absolu à l’état limité…?

Prenons l’exemple du Nom al-Qadîr (l’Omnipotent), qui se présente dans l’Absolu sans lettre ni forme particulière, exempt du Alif, du lâm, du qâf, du dâl, du yâ’ et du râ’… cependant, lorsque le Nom al-Qadîr se manifeste dans le Hâ’ ul-Hawiya, celui-ci fait alors apparaitre sa spécificité dans le monde physique et sensoriel, en un état limité (mouqayyad)… et à ce moment-là, en plus de l’Attribut d’Existence, il détient belle et bien des lettres et une forme qui lui est propre. Lorsque le Nom divin al-Qadîr (le Puissant) s’allie par exemple au Nom al-Noûr (la Lumière), Il se manifeste dans le cœur du Sâlik débutant sous la forme de la niche (michkâte) évoquée dans le Coran, de par son incapacité à supporter les flux émanant du Nom al-Noûr en dehors de cette forme matérialisée… c’est donc ainsi que le Nom al-Noûr passe d’un état absolu à une forme apparente limitée, puisque visible… et il faut bien comprendre que cette image et cette forme limitée n’est qu’un voile et est de toute façon destinée à disparaître.

Pour comprendre mieux ceci, nous pourrions par exemple considérer le cas du menuisier qui fait passer le bois depuis son état originel, c’est à dire sous sa forme naturelle, vers un état évolué selon le besoin que l’on en a, soit une table, une chaise ou autre… De même la spécificité propre à chaque Noms divin se manifeste et apparaît lors de leur association entre eux, il te faut donc connaître ces spécificités dans leur forme originelle, dans leur état absolu aussi bien que limité. Et le chemin menant à cette Connaissance se trouve dans le suivi et la mise en application de ce verset: « Ceux qui évoquent Allâh debout, assis et couchés ». Allâh -subhânahu wa ta’ala- nous parle bien de ceux qui évoquent le Nom qui les réunit tous (Allâh), et non pas le Nom al-Rahmân ou autre… puis Allâh -ta’ala- dit: « et qui méditent sur la création des cieux et de la Terre: « Ô Seigneur, Tu n’as pas créé tout cela en vain. Gloire à Toi! Préserve-nous donc du châtiment du feu. » »  [s3.v191]

Si tu parviens donc à lier l’évocation du Nom Unique à la méditation sur la création des cieux et de la Terre, alors le Nom les réunissant tous t’apparaîtra, et il te sera attribué un Nom exempt de toute ressemblance, un Nom de transcendance par excellence, indicateur de l’Essence divine. Au commencement, le monde créé était un soukoûn qui fut animé par les Noms divins, selon leurs spécificités respectives. L’existence est alors apparue depuis le Trône (al-‘Arch) vers le bas monde (al-Farch)… puis tout ceci fut rassemblé en un modèle unique, petit de par sa dimension physique mais gigantesque de par sa dimension ésotérique, mentionné dans le Hadîth Sahîh: « Allâh créa Adam à Son image » [Rapporté par al-Boukhâriy et Mouslim]

Et ainsi, cet Homme Complet, al-Insân al-Kâmil, devint l’être réunissant toutes les dimensions spirituelles et descriptives… et bien entendu, tout homme n’est pas le détenteur d’une telle faveur, car bien qu’il lui ressemble en apparence, il est en réalité bien différent… selon une autre narration reconnue authentique, le Prophète (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) dit: « Allâh créa Adam à l’image de al-Rahmân », c’est à dire à l’image du Nom du Nom, le Secret du Secret, le lam de l’Oppression… et de ce fait, cet homme en fut le vicaire d’Allâh sur Terre et le Point de Vision du Vrai… L’homme est à la fois le symbole et le sens profond qui en découle, celui donc qui le comprendra et lui accordera sa véritable valeur sera, par son intermédiaire, mené vers la Connaissance du Créateur.

Si tu désires ne pas être privé de la bénédiction de la révélation, prends et comprends ce qui parvint au maître des Messagers (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) tel quel, dans sa forme apparente… sans interprétation! Puis considère à quel niveau cette parole doit être comprise, et depuis quel degré il s’adresse à nous… Car l’Essence a des Attributs, des Noms, des Lois et des Actions… l’ensemble de cela est ce qui nous indique l’Essence Suprême et Sacrée… et nous sommes incapables de la décrire, excepté au travers de ce que Allâh -‘azza wa jall- nous a transmis dans Son Livre, et ce qu’il nous est parvenu de Son Messager (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam).

De même que l’Essence, les Attributs, les Noms, les Actions et les Lois sont au nombre de cinq degrés… et la lettre hâ’ est associée au chiffre cinq… par conséquent celui qui désirera entrer dans le hâ’ ul-hawiya réunissant ces cinq degrés devra obligatoirement s’être accompli et réalisé dans les cinq piliers de l’Islâm. C’est seulement ainsi que le serviteur pourra atteindre la Connaissance de la Présence du Vrai, laquelle le plongera dans la Présence de l’Essence manifestée au travers des Noms et des Attributs. Cette Présence est bien entendu différente de la présence des créatures, car lorsque l’être créé est avec toi cette présence est effective, et lorsque tu le perds de vue cette présence est anéantie… Quant au Vrai, si tu venais à séparer le Nom du Nommé, et l’Attribut de l’Attribué, alors sans le savoir tu auras fait du Créateur une créature… Élevé soit-Il au-delà de tout cela!

…si tu veux comprendre cela, alors sors de ta peau, de ta limite corporelle et sensorielle, de ton toi-même tout entier… jusqu’à atteindre la Connaissance!

Parmi ces cinq degrés, certains sont plus élevés que d’autres… ainsi, les quatre degrés permettent d’accéder à la Connaissance de l’Essence, de par le fait que l’Essence est elle-même la réunion des Noms, des Attributs, des Actions et des Lois… et tu ne peux pas dire que ta Connaissance de Ses Actions est ta Connaissance de Son Nom, non plus que ta Connaissance de Son Nom est ta Connaissance de Son Attribut, car à chacune de ces Connaissance correspond un degré qui lui est propre.

La Connaissance du Vrai -subhânahu wa ta’ala- est accessible sans l’être… il s’agit là de ce qu’on appelle la Scission (al-Fasl) et la Jonction (al-Wasl): le cœur de la Scission se situe dans la Jonction, et le cœur de la Jonction se situe dans la Scission.

Le Vrai -‘azza wa jall- nous a indiqué dans Son Noble Livre deux chemins permettant d’accéder à Sa Connaissance: la considération de Ses Signes dans l’univers, et la considération de Ses Signes dans la nafs. Allâh -ta’ala- dit: « Nous leur montrerons Nos signes dans l’univers et en eux-mêmes, jusqu’à ce qu’il leur devienne évident que c’est cela (le Coran), la Vérité. » [s41.v53]

Regarde donc dans l’univers, autrement dit regarde l’étendue des cieux et de la Terre… et Regarde dans la nafs, c’est-à-dire prend en considération de la nafs totale, al-Insân al-Kâmil, celui en qui le Vrai -‘azza wa jall- disposa les Réalités se trouvant dans le « grand monde », cet Homme qui est une Hadra très vaste apparaissant dans ce qui semble limité… c’est un peu comme s’Il y avait dans l’univers d’innombrables Alif Mouqaddar et que, par l’intermédiaire de cette nafs, il était possible de retourner ces Alif à leur Essence… puis Allâh –‘azza wa jall- anoblit la nafs par Sa Parole: « Certes, Nous avons honoré les fils d’Adam. » [s17.v70] C’est à dire Nous l’avons anobli et Nous lui avons accordé un degré élevé… le numéro de ce verset faisant ici référence à la manifestation, en l’Insân al-Kâmil, des 70 voiles séparant le Créateur de la création… de par le fait que le Vrai réunit en lui tous les Noms divins au travers du hâ’ ul-hawwiya… al-Insân al-Kâmil est donc à la fois lié à cet univers et séparé de lui: lié à lui par l’intermédiaire de ce qui se trouve en lui, et séparé de lui de par le fait qu’il est lui-même un univers à lui seul…

En ce sens, ibn ‘Ata Allâh al-Sakandariy (radiAllâhu ‘anhu) a dit: « L’univers te contient en considération de ton corps, mais il ne saurait te contenir en tant qu’Esprit » … car al-Insân al-Kâmil est le miroir de l’univers, et il retrouve cet univers réuni dans son essence. En lui se trouvent des cieux qui sont ses larmes, en lui se trouvent des étoiles qui sont ses sens apparents et cachés, le Trône est son Esprit, le Kursiy est sa nafs, la Plume est son intellect, les mondes des anges sont sa force spirituelle, et parmi les djinn se trouvent des obéissants et d’autres qui ne le sont pas, et le Prophète (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) dit en ce sens : « Le Chaytan circule dans l’Homme par là où circule son sang (ses veines) » [Rapporté par al-Boukhâriy] En lui se trouvent des diables qui représentent la force vile, liée aux péchés, en lui se trouvent des montagnes qui sont ses os, en lui se trouvent des herbes qui sont ses veines, en lui se trouvent des plantes qui sont ses poils… de sa bouche sort une eau douce, tandis que de ses oreilles sort une eau amère. Son feu est sa bile, sa passion est son sang, son eau est sa gorge… etc

Puis Allâh -ta’ala- fit de cet Insân al-Kâmil l’Esprit de l’univers, et c’est la raison pour laquelle tout se trouve soumis à son service: « Et Il vous a assujetti tout ce qui est dans les cieux et sur la terre, le tout venant de Lui. » [s45.v13] Ces créatures qui n’ont de cesse d’évoquer le Créateur se mirent à désirer l’Insân al-Kâmil d’un désir noble et élevé, de par le fait qu’il soit l’être réunissant l’ensemble des Hadra… ceci parce qu’il est le cœur de l’univers, que son cœur se trouve être le dépôt de la Réalité Muhammadienne, et que la Lumière Muhammadienne flue dans l’ensemble des créatures…

Pour tenter de comprendre un peu mieux, considérons ce schéma explicatif:

(cours) Hadra Moussawiya : à propos de al-Insân al-Kâmil

A partir du moment où l’on sort de la limite établie par le hâ’, nous trouvons les Noms divins sous leur forme absolue… ce qui se trouve donc entre le hâ’ et le Alif est entièrement Absolu. Le mourid doit toujours se concentrer sur le centre de sa vision, c’est à dire sur le centre du hâ’, car regarder ce centre c’est en fait regarder ce trait horizontal barzakhiy (formant un isthme entre ce qui est élevé et ce qui est bas, c’est à dire le chemin du juste milieu) très fin qui relie le hâ’ ul-hawiya au Alif a-Fardaniy (Unique Primordial).

Le fait de se concentrer sur le centre du cercle, c’est en fait se diriger vers la Qibla Muhammadienne Ahmadienne apparente en l’Insân al-Kâmil. Quant au fait de laisser vaguer son attention à ce qui se trouve au-dessus ou bien en dessous du barzakh, cela pourrait te détourner de ton Objectif…

N’as-tu pas constaté comment les pieux, lorsqu’ils entraient en prière, plaçaient le paradis à leur droite (ce qui correspond, dans le schéma, à ce qui se trouve au-dessus du barzakh), le feu de l’enfer à leur gauche (sous le barzakh)… puis ils plaçaient le Sirât sous leurs pieds (qui n’est autre que ce trait barzakhiy horizontal), et faisaient du Vrai -‘azza wa jall- leur Qibla… de même que le mourid fait du Alif al-Fardâniy sa Qibla et ce à quoi il désire accéder.

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