Acte de la Rissâla et Nouvelle de la Noubouwa

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و الصلاة و السلام على أشرف المرسلين
و على اله و اصحابه أجمعين

Acte de la Rissâla
et Nouvelle de la Noubouwa

Résumé de l’assise du 19 Janvier 2018 / Jumu’a 1 Jumada al-ola 1439 [Partie2] :

Première partie du cours

[…]
Al-Bâtin précède donc al-Dhâhir. Toujours, al-Bâtin précède al-Dhâhir dans la création, de même que l’intention précède l’action. Voilà pourquoi al-Bâtin est indispensable au Dhâhir, de la même manière que l’intention est indispensable à l’œuvre, comme nous le dit sayiduna al-Mustafa ﷺ : « Les actes ne valent que par leur intention ».
L’acte est quelque chose d’apparent, tandis que l’intention est une force, une énergie intérieure et cachée. Si cette énergie intérieure précède ton acte, alors cet acte devient fonction de cette intention, et tu reçois dès lors le fruit de ton travail en fonction de l’intention que tu avais en le faisant… Ainsi, si par exemple ton intention est bonne et pure, mais ton œuvre incomplète : « Celui qui émigre pour Allâh et Son Messager, son émigration lui sera comptée comme étant pour Allâh et Son Messager. » C’est-à-dire que, quand bien même la mort viendrait te trouver avant que tu ne parviennes à réaliser ton objectif. « Et celui qui émigre pour acquérir des biens de ce bas-monde ou pour épouser une femme, son émigration ne lui sera comptée que pour ce vers quoi il a émigré. » si telle est ton intention, et si un problème quelconque venait t’empêcher d’atteindre ton objectif, alors ton émigration serait comptée en fonction de ton intention initiale. Alors ici, est-ce l’action qui précède, ou bien l’intention ? Le monde apparent, ou le monde occulté ?

Nous voyons bien que c’est ce qui relève du monde occulté qui prévaut… et ce monde occulté, nous voyons également qu’il ne s’agit pas d’une image apparente et physique, mais plutôt d’une force, une énergie intérieure. Ainsi, si tu parviens à goûter à cette énergie… mais c’est malheureusement là ce qu’ont perdu la majorité des disciples, la majorité des musulmans, et même la majorité des gens… à savoir, ils n’ont pas la bonne opinion, ils disent « je doute » ou bien « je n’ai pas confiance »… nous voyons qu’ici dans le cas d’une telle personne, l’intention qui a précédé est une intention issue d’un degré de terre bas et vil (soufli), une force ténébreuse qui ne pourra faire apparaître que des actes de la même nature que celle qui la constitue, à savoir des ténèbres.

Certains disent : « Bien que j’aie des doutes et que je ne file pas droit, je fais ces œuvres afin que… » alors ça, dans le domaine de l’éducation spirituelle, c’est ce qu’on appelle faire des efforts sur soi-même afin de parvenir au But, et c’est cela que sayiduna al-Mustafa ﷺ a désigné comme étant al-jihad al-akbar. Donc conformément à la Loi divine, c’est-à-dire dans le domaine de l’apparent, de ces œuvres tu obtiens effectivement des Hassanates, même si la force intérieure qui t’anime est bien à l’opposé de ce qu’en laissent apparaître tes actes… mais dans le Alif al-Mouqaddar, non ! Ici, il n’y a plus de Hassana dans l’action, car à ce moment-là, c’est-à-dire si ton acte est réalisé en prenant pour base une mauvaise intention, il devient mauvais lui aussi. Et précisons bien ici que nous ne considérons pas la valeur « récompense » (dans l’au-delà) de l’acte en lui-même… Si c’est cela que tu cherches, alors va voir dans le madhhab Maliki, Shafi’i ou Hanbali… ne t’approche même pas de ce madhhab-ci, qui consiste en l’étude de ce qui relève de l’occulté (bâtin).

L’étude du Bâtin dans le Alif al-Mouqaddar est bien différente de celle que l’on découvre dans le Hâ’ al-Hawiya, parce que ce que tu recherches à présent c’est le réceptacle (moustaqarr) de la nouvelle (al-naba’)… et si tu veux prétendre à l’étude du moustaqarr al-naba’, commence par nettoyer et purifier ta pensée. Tant que ta pensée sera inondée de pensées viles et négatives, toutes tes œuvres seront retournées contre toi dans le monde occulté, et tu n’en obtiendras aucune part dans ce qui relève du domaine noble et élevé (‘olwi). Donc tes œuvres quelles qu’elles soient, quand bien même elles seraient en apparence excellentes, si l’intention qui les anime est mauvaise et négative, alors tes actes le seront aussi. Ceci vaut pour les gens de la réalisation spirituelle (ahl at-tahqîq). Mais si on le retourne au point de vue du premier Secret, alors tout est bon. Tu peux agir et faire de bonnes œuvres avec une mauvaise intention, l’œuvre et l’acte en lui-même ont le dessus sur l’intention qui les a fait naître… seulement toi, si tu es entré et si tu as cherché l’initiation au domaine du Bâtin, c’est justement pour étudier cela…

Ainsi, nous disons que le monde occulté (al-‘âlam al-bâtiniy) précède le monde apparent (al-‘âlam al-dhâhiriy) dans la création. Al-Bâtin est indispensable au Dhâhir, car il maintient sa base fondamentale, ainsi que son image apparente et première… il maintient et préserve pour toi ce socle initial de toute modification et de toute falsification, de la part des hommes aussi bien que des démons. Parce que cette intention (niya), c’est ce dont nous avons besoin dans l’étude de ce naba’. Si l’intention est pure et véridique, l’acte qui en découle retournera lui aussi à son origine, et ne viendra le pervertir ni pensée humaine, ni pensée démoniaque. Pourquoi ? Tout simplement parce que tu auras préalablement travaillé ton dessein intérieur et la réalité de ce sur quoi tu te bases, tu t’en seras entièrement remis à Allâh, et de ce fait ton émigration (hijra) sera entièrement lillâh. Dès lors, même si tu trouvais une épouse, ou si tu faisais une affaire commerciale, du fait que de base ta hijra était lillâh, elle sera et demeurera lillâh quoi qu’il arrive. Si par exemple tu sors lillâh, et qu’en chemin tu rencontres une femme avec laquelle tu te maries, que se passe-t-il ? On voit que l’action vient contredire la force intérieure, c’est-à-dire l’intention avec laquelle tu es sorti. Tu es sorti lillâh, mais si on se base sur les apparences on dit non, il est parti se marier. Alors qu’ici au contraire, ce mariage devient lui aussi lillâh, parce que dans ce cas la force intérieure qui t’habite et qui te pousse à retourner à ton Origine submerge tes actes apparents. De ce fait, tes actes apparents n’ont pas la base fondamentale qu’ils laissent paraitre.
Ceci dit, dans le cadre de ton cheminement à toi, par le premier degré, dans ta sortie tu es de base sorti lillâh… mais si tu trouves une épouse, alors ton intention est modifiée, le Bâtin est modifié, tu fais dès lors apparaître de nouveaux actes, animés par une nouvelle force intérieure… et au final ce mariage vient pervertir cette intention première avec laquelle tu es sorti. Parce que tu as échangé la base fondamentale pour une autre.

De ce fait, al-Bâtin est l’image véritable, et la Sunna d’Allâh est et demeure inchangée « et tu ne trouveras jamais de changement à la règle d’Allâh » [s48.v23]. Quant au monde apparent, il n’est que le résultat découlant de ce monde occulté. Et ce résultat ne se manifeste que par les actes, lesquels ne peuvent voir le jour que par l’intention et la pensée qu’aura émis l’intellect.

« Ceux qui, debout, assis, couchés sur leurs côtés, invoquent Allâh… » ici il s’agit d’actes « …et méditent sur la création des cieux et de la terre… » mais ici, nous sommes renvoyés vers la nature occultée, à savoir vers la méditation qui dépend de l’intellect, une méditation sur la création des cieux et de la terre, c’est-à-dire sur le fait de faire apparaître d’autres mondes… d’autres mondes qui se révèlent peu à peu, et dont la finalité est l’apparition de ce monde que nous connaissons «…Seigneur, tu n’as pas créé cela en vain ! Exaltée soit ta transcendance. Préserve-nous du châtiment du feu. » [s3.v191] Donc, au travers de ta réflexion et de ta méditation par l’intellect, vers où est-ce que tu reviens ? Tu retournes du monde apparent (al-‘âlam al-dhâhir) vers le monde occulté (al-‘âlam al-bâtin). Et dans un Hadîth sayiduna al-Mustafa ﷺ nous dit bien : « Méditez sur la création d’Allâh, mais ne méditez pas sur Allâh ». Méditer sur Allâh, c’est-à-dire méditer sur l’Essence divine : ce n’est pas permis. Autrement dit, concernant le premier verset que nous avons mentionné : « C’est Lui le Premier et le Dernier, l’Apparent et l’Occulté, et Il est Omniscient. » [s57.v3] il ne t’est pas permis de méditer sur cela, et la seule manière pour toi d’élucider la question et de comprendre les choses, c’est d’étudier et de comprendre le comment de la création de ce monde dans lequel tu vis.

Donc le monde apparent n’est que par l’existence du monde occulté dans le Savoir divin et actionné par les fils de la Toute-Puissance divine. « Lorsqu’Il veut une chose, Son Ordre consiste en le fait de lui dire « Sois » (Kun), et la chose est. » [s36.v82] C’est-à-dire qu’il s’agit d’une force et d’une énergie occultée (bâtiniya) qui va se révéler et apparaître dans une forme créée évidente. Ou dit autrement, lorsqu’Il dit « Sois / Kun » à ce qui est occulté (bâtiniy), la chose devient une chose créée (kâ’in) apparente, ou bien un monde (kawn) apparent.[1] Ce qui apparaît ainsi n’apparaît que d’une manière adéquate, proportionnée, et toujours selon le besoin et l’équilibre du monde que l’on appréhende par les sens physiques. Le Seigneur ﷻ ne te donne que ce qui te convient. La seule chose qu’il te reste à faire, c’est donc de travailler à corriger et parfaire ton état intérieur et occulté (bâtiniy)… Et cette révélation ou cette manifestation depuis le monde occulté vers le monde apparent ne modifie absolument rien dans le monde occulté. Elle apparaît dans le monde apparent sous de multiples formes, mais la force intérieure, cette énergie, quant à elle elle ne change pas. Elle te donne simplement ce qui te convient le mieux dans ce monde physique et manifeste… et si tu retournes au monde occulté, tu constateras que les manifestations (tajalliyâtes) du monde apparent ont changé, tandis que la Haqîqa du bâtin demeure inchangée. Et évidemment, cela doit rester Haqîqa, pour l’éternité, afin que cela demeure une référence fondamentale permettant le retour au bâtin, et qu’ainsi l’erreur et l’imperfection du dhâhir puisse être corrigée. Si le bâtin venait à changer, alors c’est notre référence qui changerait, et nous n’en aurions plus aucune. Mais du fait que le bâtin n’est pas sujet au changement, il demeure pour nous le fondement et la référence.

Voilà pourquoi, lorsqu’on dit que sayiduna al-Mustafa ﷺ nous a apporté la révélation, il nous a en vérité enseigné comment apparaissait ce qui est occulté (bâtin) dans le monde créé et fini. Et cet ensemble de règles, nous allons les étudier dans le degré de la Rissâla : prie, jeûne, acquitte-toi de l’aumône… à quoi te servent ces règles de la Rissâla ? Elles te servent à parvenir à la nouvelle (al-naba’) de la Noubouwa. Et le naba’ de la Noubouwa, c’est cette ascension (mi’râj) et cette connaissance des différents moustaqarr. Donc à ne pas confondre : la connaissance de ces degrés spirituels et de ces différents moustaqarr relève de la Noubouwa, non pas de la Rissâla. Quant à cette dernière, elle concerne les actes physiques que le Messager d’Allâh ﷺ a réalisé afin que si toi tu les mets en pratique, tu accèdes à ton tour à ces degrés et à ces réalités spirituelles. Ainsi, lorsqu’il ﷺ nous enseigna la prière, il nous enseigna une suite d’actes : qiyâm, roukoû’ et soujoûd… cela relève donc de la Rissâla. Mais lorsqu’il nous dit ﷺ  « La prière est une Lumière », il s’agit là de la Noubouwa : la prière n’est plus ici considérée comme une suite d’actes physiques, mais elle renvoie à une force intérieure (bâtiniya) et Lumineuse. Si donc tu obtiens cette force intérieure et Lumineuse qui est à l’origine et qui fait apparaître l’action de prier… et non pas le contraire : ce n’est pas la prière qui fait apparaître la force intérieure et Lumineuse de la Salât !… Donc si dans ta prière tu obtiens cette force intérieure et Lumineuse, tu obtiens de même la référence fondamentale de la prière. Dès lors, ce qui apparaît de toi est Rissâla, et ce qui demeure occulté de toi est Noubouwa. Ce qui apparaît de toi dans la prière, ce sont des actes : qiyâm, roukoû’ et soujoûd… cependant, tu as le sanad. Et qu’est-ce que c’est que ce sanad ? C’est cette force intérieure qui t’anime et que tu as perçu du degré de la Noubouwa. Tu es alors donc apparent par la Rissâla, et occulté par la force intérieure découlant de la Noubouwa… et en tant qu’isthme (barzakh) entre les deux, on t’a désigné comme étant un Waliy. Ce qui fait de toi un Waliy, c’est le fait que tu aies compris cette règle fondamentale, que tu aies perçu et capté le flux subtil et ésotérique, et que tu aies atteint un degré de maîtrise du retour à cette force intérieure, pour en sortir des actes, puis retourner ces actes à leur Origine fondamentale. C’est à ce moment-là qu’on considère que tu as réalisé la Wilaya. Quant à celui qui vient dire « J’ai un Secret… » ça, ce ne sont que des éclaboussures provenant de ton Shaykh ! La Haqîqa en revanche, c’est de comprendre comment filer, par les fils de la Capacité divine (qudra), et faire ainsi apparaître dans le monde fini ce qui est caché, puis retourner au monde caché ce que tu as fait apparaître dans le monde fini. A ce moment-là, on pourra considérer que tu fais partie des gens de cet art… si par contre tu as pris ce que tu as pris sans parcourir ce chemin dans le domaine occulté (bâtin), et sans le retourner à son Origine fondamentale après l’avoir rendu apparent, alors tu es encore en état de pauvreté et d’indigence vis-à-vis de cette règle et de cet enseignement essentiel.

A partir du moment où le dhâhir a ses règles, ses formes, sa manière de faire en sorte que ses éléments constitutifs communiquent entre eux… de même, le bâtin a ses propres nawâmis, ses propres règles et ses propres moyens de communication. Le bâtin est donc existant par la force (occultée), tandis que le dhâhir est existant par les actes (apparents). Le bâtin est exclusivement fait de force, et le dhâhir est exclusivement fait d’actes : si le corps ne se nourrit pas, il ne peut pas bouger. Le corps a besoin de manger, boire, dormir… tout cela, ce sont des actes. Quant à l’esprit, c’est une force, une énergie, elle n’a besoin ni de boire, ni de manger, ni de dormir. Tu viens et tu me dis : « Non, moi si je me prive de manger, de boire et de dormir, je vais mourir »… et bien vas-y, meurs ! L’esprit quant à lui, il ne meurt pas. Donc ce n’est pas toi qui, par ta nourriture, cerne et fais persister l’esprit. La nourriture est liée à ton embarcation, c’est-à-dire à ton corps. Quant à l’esprit, sa nature est et demeure une force, ou une énergie sur laquelle le corps n’a aucun effet et qu’il ne peut pas modifier… au contraire, c’est l’esprit qui modifie le corps ! Parce que le corps est acte, tandis que l’esprit est force : l’acte a besoin de force, mais la force n’a pas besoin d’acte. Le corps a besoin de manger, boire, etc… et tout ceci sont bien des actes. Quant à l’esprit, c’est une force insufflée par le Créateur dans ce même corps : « Je l’ai harmonieusement façonné et Je lui ai insufflé de Mon Esprit » [s15.v29]
« Ils t’interrogent au sujet de l’esprit ; dis : « L’esprit relève de l’Ordre (amr) de mon Seigneur » » [s17.v85] or ici l’Ordre (al-amr) est en vérité une force. C’est une force seigneuriale qui précède le corps, conformément au Hadîth : « Je pris une Poignée de Ma Lumière et lui dis : « Sois Muhammad » ». Nous voyons donc bien que cette force précède la constitution de l’enveloppe corporelle et physique qui nous donne le passé, le présent et le futur. Le corps fut donc créé « d’argile sonnante comme la poterie » [s55.v14], puis cette force Seigneuriale y est entré, ou s’y est mélangé, ou s’est unifié, ou a établi un contact… et c’est ainsi que ce corps inerte est devenu porteur de vie et a commencé à produire des gestes est des actes. Puis le corps s’est imaginé que sa vie et ses gestes apparaissaient et dépendaient du fait qu’il mange, boive et dorme… alors qu’en vérité, sa vie n’est que par la force intérieure et occultée qui l’habite. Notre Seigneur ﷻ dit ainsi : « Est-ce que celui qui était mort et que Nous avons ramené à la Vie, lui attribuant une Lumière par laquelle il marche dans les gens… » [s6.v122] « que Nous avons ramené à la Vie » par une force intérieure, une force par laquelle il marche dans les gens, faisant ainsi revivre qui il veut, et faisant mourir qui il veut…

L’Apparent ne peut pas se passer de l’Occulté, du fait que c’est en ce dernier que se trouve sa forme première et originelle, ainsi que ses fondements constitutifs le préservant et lui permettant de retourner ses actes à leur Origine. Et l’entrée dans le monde occulté (‘âlam al-bâtin) implique obligatoirement d’entrer dans et par cette force. Il est impossible d’accéder à des moustaqarr, ni à des portes fermées par une barrière, si ce n’est par cette force occultée qu’est l’esprit, exempt de tout lien avec le corps physique. C’est-à-dire que l’aspirant doit se débarrasser entièrement de son corps, jusqu’à ne plus avoir aucun lien avec lui. Il octroie alors la Haqîqa à sa Haqîqa, et donne ainsi la force à l’occulté, du fait qu’il précède l’apparent. Mais si c’est au contraire l’acte apparent qui prévaut et reçoit le plus de considération, alors il demeurera voilé. C’est pourquoi, quand on demande aux gens d’Allâh pourquoi cette Science ne se trouve pas chez untel, alors que c’est un savant !? La réponse est que c’est sa science qui l’a voilé. Certains sont ainsi voilés par leur science, d’autres sont voilés par leur statut social, d’autres encore par leurs biens matériels… pourquoi ? Tout simplement parce qu’ils se sont laissés voiler du bâtin par le dhâhir, en attribuant la force à l’acte et non pas à la Haqîqa de cette force intérieure et occultée.

Nous disions donc que l’accès au monde occulté n’est possible qu’en accédant à cette force occultée, qui est l’esprit dépourvu de toute attache au corps physique. « Ô peuple de djinns et d’hommes, si vous pouvez sortir du domaine des cieux et de la terre, alors faites-le ! Vous ne pourrez sortir qu’à l’aide d’un pouvoir (sultân) » [s55.v33] C’est-à-dire : vous n’avez aucunement la capacité de vous enfuir et quitter la prison de vos corps physiques. Parce que si vous aviez pu sortir du domaine corporel de vos propres êtres, vous l’auriez fait ! De même que vous ne pouvez sortir du cercle de ce monde physique dans lequel vous vivez et vous évoluez. Si vous étiez en mesure de fuir la prison du petit corps physique ainsi que de la prison que constitue le grand corps physique du monde qui vous cerne, vous auriez traversé et vous seriez dès lors parvenus. « Vous ne pourrez en sortir qu’à l’aide d’un pouvoir (sultân) » et ce sultân renvoie bien à une force (quwa). Vous n’en aurez la capacité qu’à l’aide d’un pouvoir attribué à vos esprits sur vos nafs. Par cette force vous serez ainsi en mesure de sortir et de fuir vers le monde des esprits… et cela n’est évidemment réalisable que par le compagnonnage d’un Shaykh. Parce que à partir du moment où tu te trouves cloîtré dans ton monde physique, tu n’as ni la force, ni la capacité d’atteindre la connaissance des différents degrés et niveaux de cette terre. Ne serait-ce que Ya’joûj et Ma’joûj, ils sont avec toi sur terre, et pourtant tu es incapable de savoir qui ils sont vraiment. De même pour les djinns… Comment pourrais-tu donc pénétrer un monde occulté (‘âlam bâtiniy) qui ne serait constitué ni d’atomes ni de particules, si ce n’est par l’intermédiaire de quelqu’un qui te guiderait : un Shaykh connaisseur des chemins empruntés. Avec un tel Shaykh, ta perception intérieure sera accrue et tu verras les choses au-delà du cercle des mondes créés. C’est ainsi que tu pourras accéder aux mondes occultés qui sont bien créés et bien présents, mais écrasés sous l’oppression inhibante (qahriya) de l’Unique, qui est notre Dieu et le Dieu de toutes les créatures, soient-elles apparentes comme occultées.

Si donc l’esprit s’élève et vient ainsi à explorer le monde occulté, puis revient au monde apparent duquel il était sorti et qu’il avait délaissé, il ne le trouvera plus que comme un mirage, sans aucune existence propre. Dès lors, l’importance qu’il lui accordera sera amoindrie… car il sera à ce moment-là dans un état de liberté bien plus vaste que tout ce qu’il pouvait s’imaginer être la liberté, tandis qu’il demeurait confiné dans les limites du monde physique. Allâh ﷻ dit : « et lorsque la terre et les montagnes seront soulevées, puis réduites à néant d’un seul coup » [s69.v14]. Il se passe la même chose pour l’esprit : la terre et les montagnes sont réduites à néant d’un seul coup, de même que la montagne fut réduite à néant pour sayidina Moussa (‘alayhi s-salâm). Et pour l’esprit de la communauté de sayidina al-Mustafa ﷺ, c’est l’univers tout entier qui est réduit à néant d’un seul coup, et par cela il accède à un état d’élargissement qu’il n’aurait jamais pu imaginer auparavant.

« Quand on soufflera dans la Trompe, d’un seul souffle » [s69.v14] Quand on soufflera dans la Trompe du cœur de l’insouciant (ghâfil)… et bien évidemment, tous les cœurs sont insouciants. Un cœur qui ne voit pas la Lumière d’Allâh et qui ne goûte pas à ces sens profonds, c’est un cœur insouciant : que l’individu ait atteint la perfection dans les actes ou non. Ce cœur est considéré comme insouciant du point de vue de la Haqîqa que nous évoquons bien sûr, car du point de vue de la chari’a bien au contraire il se trouve sur la bonne voie et nous ne pourrions en aucun cas remettre en question ses actes. Donc, « quand on soufflera dans la Trompe » du cœur insouciant, vide et dépourvu de Vie éternelle… parce que ce cœur est mort, il n’est que ténèbres : dépourvu de Vie, jusqu’à ce qu’on l’y insuffle… « d’un seul souffle », provenant d’un Shaykh Kâmil. C’est cela la véritable bay’a. Et ici tu es renvoyé vers ta toute première prise de bay’a, que tu as dépréciée et même méprisée. Tu as reçu ce souffle de Lumière, mais tu es incapable d’établir un lien avec elle, ni de cheminer et avancer par elle. Elle t’a été donnée, elle a été insufflée en toi, mais toi… c’est comme si tu lui avais désobéi et même mécru en elle (kâfir biha). Exactement comme le mécréant (kâfir), car en lui également, fut insufflé en lui l’Esprit du Créateur. Or ce Souffle n’est en aucun cas un Souffle de kufr, bien au contraire c’est le Souffle de l’Islâm, c’est la fitra de l’Islâm, la nature première de l’Homme… c’est l’Homme qui choisit de mécroire en elle ! Il préfère suivre le groupe, ses parents, sa famille, et il ainsi devenir juif ou chrétien. C’est exactement ce qu’il s’est passé avec toi, ô mourid : le Shaykh a insufflé en toi, c’est-à-dire dans ce cœur insouciant, et alors tu as vu la Lumière du Seigneur ! Mais tu as préféré revenir au judaïsme et au christianisme de tes petites habitudes personnelles, de tes coutumes, de ce que tu crois savoir, ce sur quoi et selon quoi tu as fait ta vie pendant des années et des années, et que tu t’es trouvé incapable d’abandonner… et c’est là que tu t’es trouvé face un grand problème : la Lumière est bien là, mais toi, tu fais partie des gens qui la renient !

Si tu es de ceux qui reçoivent véritablement ce Souffle, alors la terre de ta condition humaine et les montagnes de ton intellect seront soulevées, puis réduites à néant d’un seul coup, comme nous le dit le verset qui suit : « et lorsque la terre et les montagnes seront soulevées, puis réduites à néant d’un seul coup » [s69.v14]. A ce moment-là que se passe-t-il ? La nature et les perceptions physiques de ta condition humaine disparaissent et « ce jour-là alors, l’Evènement se produira. Le ciel se fendra et, ce jour-là, il sera fragile… » [s69.v15/16]

C’est alors que tu seras des gens de « Lorsque l’Evènement aura lieu, nul ne traitera sa venue de mensonge » [s56.v1/2], car effectivement « le cœur n’a pas menti en ce qu’il a vu » [s53.v11].
Donc si cette forme apparente venait à disparaître totalement, et si la barrière t’était ouverte… tu te retrouverais dans d’autres mondes, ou d’autres dimensions. Et ces mondes qui commencent à te parvenir, c’est cela que l’on désigne par « moustaqarr al-naba’ ». Tu deviens dès lors toi-même un naba’ (une nouvelle). Parce que à ce moment-là, tu as atteint un état de liberté qui te permet de partir de ce moustaqarr puis d’y revenir. Et lorsque tu pars de ce moustaqarr, que tu erres et explores sa dimension, puis que tu reviens : alors tu nous informes de ce qui se trouve dans ce moustaqarr. C’est la raison pour laquelle, lorsqu’on parle du mi’râj, on dit toujours « le Prophète (al-nabiy) ﷺ a dit »[2], et jamais « le Messager (al-rassoûl) ﷺ a dit ». Pourquoi ?
Parce que lorsque le Prophète ﷺ nous informait au sujet du Paradis et de l’Enfer, à partir du moment où il traitait de choses relevant de l’inconnaissable (ghayb), on dit que ceci nous est transmis du Nabiy. Mais en revanche lorsqu’il demanda à sayidina Jibril, par exemple, quel était la cause de l’entrée en Enfer de telle femme qu’il voyait y subir le châtiment… à ce moment-là, ses paroles ne relèvent plus de la Noubouwa mais de la Rissâla. On dit dès lors que « le Messager (al-rassoûl) ﷺ a dit ». Parce que s’il nous transmet cette information, c’est pour que nous ne reproduisions pas les mêmes actes. Donc de manière générale, lorsqu’il nous met en garde contre des actes, cela relève de la Rissâla. Mais lorsqu’il nous informe… lorsque par exemple il nous dit que, pendant la prière, il a vu dans le mur une fenêtre s’ouvrir et lui laisser voir le Paradis, cela relève de la Noubouwa, et non pas de la Rissâla. C’est donc comme cela que débutent les moustaqarrs de la Noubouwa.

C’est ainsi que les Hadiths de sayidina al-Mustafa ﷺ sont à différencier les uns des autres : certains sont des Hadîths relevant de la Rissâla, d’autres relèvent de la Noubouwa, et d’autres encore de la Wilâya. Mais de par son état d’insouciance, l’Homme a tendance à systématiquement tout attribuer et renvoyer à la Rissâla. Effectivement, cela constitue un Message (Rissâla), mais pas un message dans le sens où toi tu l’entends. Ce Message, tu dois considérer depuis quel point de vue tu le lis. Le lis-tu par le Secret de la Noubouwa ? Ou bien par le Secret de la Wilâya ? Ou bien par le Secret de la Rissâla ? Si tu le lis par le Secret de la Rissâla, alors cela devient pour toi un acte. Si tu le lis par le Secret de la Noubouwa, cela devient pour toi un moustaqarr. Et si tu le lis par le Secret de la Wilâya, cela devient pour toi ce vaste Secret qui englobe l’état de Noubouwa et de Rissâla. C’est ainsi que tu accèdes à la connaissance du Nabiy, et ainsi que tu atteins un état d’abasourdissement vis-à-vis de sayidina al-Mustafa ﷺ, car tu te vois complètement incapable de véritablement saisir cette réalité.

C’est pourquoi, en ce qui concerne la Lecture du Alif al-Mouqaddar par le lâm al-‘ishq… et ici, nous n’avons pas de hâ’ : nous n’avons que le lâm al-‘ishq et le Alif al-Mouqaddar… le lâm al-‘ishq est un lâm en deux lâm, du fait qu’il a été divisé en deux par le Alif al-‘ilmiy (voir le cours correspondant)… et à présent, le Alif al-‘ilmiy vient se manifester sous la forme du moustaqarr de la Noubouwa. De là, si tu retournes au hâ’ et si tu le refais apparaître, c’est comme si tu revenais en arrière, or toi à présent tu es en train de t’immerger dans un tout autre registre, quelque chose de nouveau. Et lorsqu’on te dit que c’est interdit (Harâm), ce n’est évidemment pas interdit du point de vue de la Chari’a, mais uniquement conformément à ce que nous évoquons ici, et non pas conformément au moustaqarr du hâ’ al-hawiya. Ici, il ne s’agit que du lâm avec le Alif. Si tu comprends cela, ta compréhension sera vaste et les choses se préciseront pour toi. Mais si tu retournes au hâ’ al-hawiya… je veux dire, sept degrés de Lecture, juste pour te permettre de te débarrasser de la considération des formes apparentes… si après sept degrés, tu n’es toujours pas capable de t’en débarrasser, c’est tout simplement que tu n’as aucune part dans cette Science, ni aucun espoir à nourrir vis-à-vis de cette porte. Parce qu’il n’y a pas d’autre moyen de te débarrasser de la considération des formes apparentes, et nous en avons établi les fondements dans sept degrés : si tu n’y parviens pas dans le premier, essaye de le faire dans le second, essaye dans le troisième… mais toi non, tu demeures agrippé à la forme apparente de ton corps. Nous ici, nous sommes en train d’évoquer le fait que chaque naba’ a un moustaqarr. Et nous parlons du moustaqarr de ce Alif al-Mouqaddar, qui te laisse ce moustaqarr afin que toi tu puisses en sortir ton naba’. Et ce naba’, lorsque toi tu l’évoques, tu te trouves dès lors dans le domaine du naba’… et si tu poursuis ainsi, jusqu’à faire apparaître une rissâla. Et ta rissâla, si elle suit et est conforme à ce moustaqarr, elle se trouve en parfaite conformité avec la Rissâla de sayidina al-Mustafa ﷺ. Comprends bien que ce n’est pas toi qui as fourni des efforts pour rapporter cette rissâla, mais au contraire que tu l’as simplement comprise ! Et c’est cela, les madhahib : c’est de la compréhension ! L’ijtihâd des madhahib n’est pas un rajout ou une diminution de la Rissâla de sayidina al-Mustafa ﷺ, mais au contraire une compréhension de la Rissâla. Il s’agira donc pour toi aussi de constituer un madhhab dans ta manière de considérer la Rissâla de sayidina al-Mustafa ﷺ, ceci au travers des actes, et après avoir compris la force intérieure faisant naître ces actes.


[1] En arabe, les mots kâ’in et kawn partagent la racine de kun (verbe être à l’impératif)
[2] Naba’ et Nabiy sont deux mots qui partagent la même racine.

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