Oublie le monde, entre en Présence divine

أعوذ بالله من الشيطان الرجيم
بـسم الله الرحمن الرحيم
بـسم الله الرحمن الرحيم بـسم الله الرحمن الرحيم
بسم الله بسم الله
بسم الله
الله الله الله
ولا حول ولا قوة إلا بالله

Oublie le monde, entre en Présence divine

Résumé de l’assise du 12 Avril 2019 / Jumu’a 6 Cha’bân 1440 [Partie 1] :

Des années sont passées, et nous en sommes toujours à la lecture du hâ’ al-hawiya, où nous sommes aujourd’hui parvenus à la lecture du Alif al-mouqaddar par le athar de la risâla… mais n’a bénéficié de cela que celui chez qui la Présence divine (hadra) sera descendue et sera devenue manifeste dans le monde physique. Il aura de ce fait pu réaliser cet état de présence dans chaque instant de sa vie. Et il put Le voir en toute chose, avant toute chose, et après toute chose. Il Le vit par la réalisation de sa propre inexistence, et par la réalisation de l’inexistence du tout. Il Le vit par la vue du Seigneur ﷻ.

Il prit al-Mustafa ﷺ comme intermédiaire suprême, comme modèle ultime, comme exemple d’élévation et de réalisation dans la Présence divine. C’est ainsi qu’il réalisa l’extinction (fana) par sa parole (qawl), par ses actes (fi’l) et par ce qu’il a établi (taqrîr). Son flux spirituel put alors circuler dans Son hâ’ al-hawiya, et ainsi il se mit à évoluer dans les différents degrés du Nom divin. Et lorsqu’il parvint au athar de la risâla, il se mit à informer au sujet de son Seigneur, au travers de ses gestes. C’est-à-dire que ses gestes sont devenus conformes à l’Astre de grand éclat qui s’est établi dans son cœur.

C’est ici que débuta l’enseignement de l’Arbre, ici qu’apparurent les tables (lawh) des grands sens profonds et ésotériques. De chacun des gestes de cet individu, on put apprendre quelque chose de la proximité divine.

Mais qui est-il donc, cet individu ? Serait-il l’avatar de l’un de Ses Noms ? Serait-il la trace (athar) de l’un de Ses Attributs ? Ou bien la sagesse (hikma) de l’un de Ses Actes ?

Toujours est-il qu’il est absolument éteint dans la présence de son Seigneur, de sorte que tout ce qui demeure de lui est forcément directement lié à un Nom ou à un Attribut. Il est noyé dans les théophanies de son Seigneur. Son esprit fut saisi (qabd) et ravi dans le centre (markaz) du hâ’ al-hawiya, de sorte que son seul et unique objectif n’est plus que la Lecture de l’Unicité de son Seigneur ﷻ.

C’est ainsi que le tiers de son cœur devint la pure sincérité (ikhlâs) vouée au Seigneur. Son cœur est sain, apaisé. Quant aux deux autres tiers, l’un est réservé aux mouvements et aux traces (athar) de la risâla, tandis que le troisième tiers est consacré à la grande nouvelle (an-naba’ al-‘adhîm), c’est-à-dire à l’expression de ce qui parvient du malakoûte. Son moulk est ainsi devenu malakoûte, et son cœur est devenu jabaroûte. Il devint un signe (ayat) d’entre les signes du Créateur, fluant et informant au sujet du Seigneur ﷻ. Si tu le vois, tu te souviens (dhikr) d’Allâh. Et s’il parle, il te mène directement à Allâh.

Il te mène à Lui par la langue, en exprimant les théophanies parvenues à son cœur, issues du flux subtil du Miséricordieux. Ces informations sont alors traduites en ondes sonores qu’envoient sa langue, et que tu intercepte et interprète à la mesure de ton intellect. C’est ainsi que lorsque tu as regardé, tu as vu la théophanie de ton Seigneur ﷻ.

Quant à lui, il ne t’a pas vu, il n’a même jamais reconnu ton existence. Il s’est totalement éteint, il a perdu toute conscience et toute perception de sa propre existence… et ce faisant, il a de même entièrement éteint toute existence en dehors de celle du Créateur ﷻ. Le Vrai S’exprima alors sur sa langue, par la langue du Seigneur. Et le Vrai regarda son cœur, qui devint l’emplacement et le lieu de Sa vision ﷻ. Allâh créa Adam à l’image de ar-Rahmân. Il le créa à Son image, faisant de lui comme une lettre de Son Nom. C’est ainsi que le serviteur adora Allâh, d’une adoration authentique et véritable. Et ainsi qu’il devint le détenteur d’un sanad dans le flux ésotérique de la lettre, selon ses cinq degrés, et qu’il devint l’indicateur de l’intellectualisation du athar de ce qui parvint du jabaroûte, par le hâ’ al-hawiya.

C’est de cette manière que le serviteur put exprimer et faire apparaître des choses incroyables et extraordinaires, ce que nul œil n’a vu ni nulle oreille n’a entendu. Sa vie toute entière n’est plus que néant, certes… mais quel bon néant ! Quel meilleur néant que celui du fana, et du retour pour informer au sujet de l’incréé. Lorsque sa nature de néant devint un souffle pur, s’élevant dans la Présence du Créateur, constituant une Niche (michkâte) lumineuse, et se retrouvant lui-même saisi (qabd) dans le centre de ce hâ’ al-hawiya… chacun de ses gestes ne se fait dès lors plus que dans le cadre d’une nage orbitale. Il ne fait plus le moindre geste, si ce n’est par la permission (idhn) du Créateur ﷻ.

Pas comme certains… certains qui prirent la connaissance ésotérique (ma’rifa) sous forme de « on dit »… et qui continuèrent de vivre dans l’ivresse de ce bas-monde. Ceux-là dont la vie n’est que médisance, calomnies et colportage de mensonges. Ces gens-là n’ont en réalité jamais rien pris. Plutôt ils s’en tinrent aux paroles que proféraient leurs langues. Puis ils s’écrient : « Malheur à moi ! Je n’ai pas su profiter de la lumière du Seigneur, je n’ai tiré bénéfice ni de la lamha, ni d’aucun signe (ichara) ! Au contraire, tout cela n’a fait que me rajouter en oppression et en torture intérieure ! »
En vérité, c’est toi qui t’es toi-même oppressé. C’est toi qui as extrait tout ton être de la bénédiction de notre Seigneur ﷻ.

Sayiduna al-Mustafa ﷺ dit : « Ô Allâh, bénis pour nous les mois de Rajab et de Cha’ban, et fais-nous parvenir au mois de Ramadan. » Mais pour toi, tous les mois sont devenus égaux. Tu ne sais même plus ce qu’est Cha’ban, ni Ramadan, ni Rajab. Tes doigts se sont mélangés les uns aux autres, et tu ne sais plus distinguer le pouce de l’index ni de l’annulaire.
A partir de là, comment pourrais-tu être des gens de la méditation, comment pourrais-tu être du nombre de ceux dont la vision intérieure fut ouverte et qui comprennent les sciences célestes ?

Tu es devenu tel une bête, vivant sur terre : ton intellect est absent. Serait-ce parce que tu n’as pas d’intellect ? Ou bien parce que tu n’as pas été créé avec un intellect complet ? Ou bien parce que ton intellect est le tison issu d’un intellect vil (soufli), que tu t’es mis à suivre et à prendre aveuglément pour modèle ?
Tu as ainsi commencé à te conformer à ceux qui t’ont précédé dans les ténèbres, et tu t’imagines compter parmi les gens de la bonne compréhension, parmi les gens de l’éveil, de ceux qui saisissent les sens profonds les plus élevés.

En réalité, tu n’as jamais fait que descendre dans les degrés de bassesse. Pose-toi la question : quel est ce degré de bassesse (darak) qui est le tien ?
La ma’rifa, ce ne sont pas des paroles qui circulent sur les langues, ce ne sont pas des assemblages de lettres entre elles pour faire des mots. La ma’rifa, si elle est réunie en deux lettres, elle fait de toi comme si tu avais réuni les deux mondes, devenant ainsi un isthme (barzakh) réunissant les deux océans que sont le monde du malakoûte et le monde du moulk. Tu es entièrement brûlé, consumé, et ton entité relève dès lors du jabaroûte. Ta nature corporelle n’a plus la moindre once d’existence.

De là, tu as parlé, tu t’es exprimé, et tu as dit : « Je tends vers la droiture, afin de réaliser l’istiqâma. J’ai ouvert mon confinement (taqyid), afin de devenir un être libre, dans la présence de mon Seigneur. »

Ne goûte à cela que celui qui goûte à la Haqiqa de la servitude (‘ouboudiya). C’est de cette manière que le serviteur réalise ce que signifie le fait d’être esclave. Ne peut avoir idée de ce qu’est vraiment un esclave que celui qui fut fait prisonnier à la suite d’une bataille, ou celui qui devint une marchandise que l’on achète et que l’on vend. Cet esclave a un maître, et c’est à ce maître que revient son droit de vie et de mort. L’esclave n’a de permission et ne saurait envisager quoi que ce soit si ce n’est par la permission de son maître. Aucune parole ni aucun geste venant directement de lui ne saurait être accepté. C’est dans ce cas là que l’esclave perd l’ensemble de sa personne, et accède à l’état de perpétuelle présence divine.

Quant à celui qui veut faire des projets, celui qui veut changer, évoluer… celui qui veut avancer plus loin, celui qui entend remédier à ses manquements de son propre chef, par sa volonté propre et selon ce que lui dictent ses pensées, acquises au temps où il était plongé dans les ténèbres… celui-là n’a aucune part dans quelque élévation que ce soit. Au contraire, cela ne le fera que retourner à l’état bestial. Il s’éloignera, jusqu’à finir par sortir de la présence de la porte.

Si donc tu es le détenteur d’une lamha, et qu’après toutes ces années tu n’as toujours pas compris son langage, ses mouvements et son expression… alors lève ta main, et renouvelle ta bay’a prêtée au Mustafa ﷺ, dis : « C’est toi le riche, et je suis en extrême nécessité de toi, je suis ton esclave. » Peut-être alors que le Seigneur te fera miséricorde et te fera sortir du domaine du mouvement confiné de ta nafs, cette nafs qui t’a éloigné de la Hadra.

Malheur à celui qui se sera imaginé que les réalités ésotériques étaient consignées sur les feuilles des livres, celui chez qui ces réalités ne sont plus que des mots, mais dont les actes sont dépourvus du moindre atome de lumière. Et bienheureux celui qui parlera peu, mais dont la pensée s’activera dans la présence du Créateur, une pensée évidemment toujours accompagnée de dhikr. C’est ainsi qu’il atteindra le degré de pleine réalisation spirituelle (tahqîq). Et c’est ainsi que les nawâmis divines descendront dans son monde physique. Il ne verra dès lors plus nul autre que son Seigneur ﷻ.

Que gagnera-t-il de cela ?
Le rejet de tous les autres. Tous se détourneront de lui et l’accuseront de folie. C’est ainsi qu’il établira pour lui-même l’une des sunna du Prophète ﷺ. Son cheminement commencera en tant que fou, fou de Celui qu’il aime. Il puisera directement dans le athar de notre Prophète ﷺ. Une sunna qui se perpétuera, à notre époque et sur cette terre, exactement à l’image de ce qu’il en fut à l’époque de sayidina al-Mustafa ﷺ. C’est la raison pour laquelle on dit qu’il ne prendra que le athar de la risâla. Car la risâla elle-même, elle revient au maître des messagers. Quant à toi, il t’en revient le athar, conformément à sa parole ﷺ : « Transmettez de moi ne serait-ce qu’un verset. » Transmet donc de notre Prophète ﷺ un athar, non pas par la prononciation de la bouche, mais par des actes concrets, en veillant tes nuits dans le dhikr et en jeûnant tes journées.

Le jeûne dont il est ici question, ce n’est pas le jeûne qui veut que tu te prives de boire et de manger, mais plutôt il s’agit de t’abstenir de toute parole inutile. Il s’agit de surveiller constamment l’ensemble de tous tes membres, jusqu’à ce que tu retournes à la présence du Créateur, en passant par la porte de sa hawiya. Que ta nafs ne se rattache à aucune de ses autres lettres en dehors du confinement du hâ’ al-hawiya.

Pourquoi ?
Parce que dans la Hadra du Nom divin, les lettres sont absolues, illimitées. Le lâm est absolu, le Alif est absolu… quant à toi, tu demeures limité, confiné. Tu as confiné ton être dans les dimensions. Ton confinement n’est pas à l’image d’un cercle. Plutôt, tu as attribué à ton cercle des dimensions. Certains lui en ont attribué six, d’autres sept, etc. Toutes ces dimensions n’ont jamais fait qu’ajouter éloignement à ton éloignement de la présence divine. Tu dois savoir que ce athar n’a en vérité qu’une seule et unique dimension. Et pour ne plus voir que dans une seule et unique dimension, il faut voir depuis ton état absolument anéanti. Car tant que tu considères être existant, d’une manière ou d’une autre, tant que tu as des pensées, des idées, des aspirations… et bien ces aspirations constituent autant de dimensions en plus de la dimension originelle. Cette dimension originelle devient alors occultée, et toutes les autres, qui ont pris le dessus sur ta pensée, deviennent apparentes. Elles se mettent alors à te balloter, de l’une à l’autre, telles les vagues de la mer. Tu te mêles à l’écume, mais sans jamais profiter en rien de la mer. Voilà l’état qui est le tien, ô prétendant au dhikr !

Sois plutôt comme l’ont dit les gens d’Allâh : tel le mort entre les mains de son laveur. C’est-à-dire que tu n’as aucune dimension relative à toi-même. Tes dimensions n’ont jamais fait que t’égarer du chemin, sans jamais t’y mener. Elles t’ont égaré, et tu t’es imaginé, au travers de tout ce que tu as pu apprendre et assimiler dans le passé, que tu serais capable de traverser le ciel, quand bien même ton cœur serait noir et opaque. Toi qui n’as même pas été capable d’apprécier à leur juste valeur la beauté (jamâl) des stations de la lune, comment pourrais-tu traverser ce ciel, embelli par d’innombrables astres ?

Cherche donc le soutien d’Allâh pour entrer vers Allâh. La porte d’Allâh n’a pas de gardien qui en barre l’accès. La porte d’Allâh est ouverte pour les gens sincères. Dans la Voie, tu apprends la purification de la nafs de ses passions, qui constituent pour elle des dimensions ne relevant que du fana. Si tu parviens à t’en débarrasser, alors tu traverseras, et tu parviendras au But. Parvenir au But, c’est tout simplement brûler et se consumer entièrement. Tu brûleras donc.

Al-Junayd (radiAllâhu ‘anhu) dit que celui qui prétend être parvenu n’est en réalité parvenu qu’à Saqar [1]. Entre donc dans Saqar, brûles-y tout ton être, et tire de cela la guidée.

Moussa (‘alayhi s-salâm) ne prit-il pas la guidée du feu ? N’a-t-il pas dit : « Je vois du feu de loin ; peut-être vous en apporterai-je un tison, ou trouverai-je auprès du feu de quoi me guider [2]. »

Entre donc dans le feu de l’amour ardent, et brûles-y l’ensemble des dimensions qui ne sont que fana. C’est ainsi que tu seras entièrement sur la guidée. Rapporte-nous-en un tison du athar de la risâla, par lequel tu nous transmettras les informations émanant de l’Arbre. Cet Arbre depuis lequel le Seigneur Se manifesta, et depuis lequel l’amour fut exprimé. De cet Arbre, tu vis apparaitre un astre de grand éclat, par lequel tu vis ton Seigneur, t’exclamant alors : « Voilà mon Seigneur ! [3] » Après quoi tu ne voulus plus jamais être privé de la vision de l’étoile. Si elle venait à disparaître, tu rejetterais du même coup tout ce qui disparait [4]. Et si elle s’approchait, tu trouverais dans sa proximité un élargissement infini. Tu aimerais alors la proximité du Seigneur, et tu dirais : « Celui-ci est plus grand ! [5] »

Tu circulerais ainsi, d’un monde à l’autre, éteignant l’ensemble de toutes les dimensions, et ne demeurant plus que dans une seule et unique direction, une dimension sans commencement ni fin, et finalement tu t’écrierais : « Je tourne mon visage exclusivement vers Celui qui a créé à partir du néant (fatara) les cieux et la terre ; et je ne suis point de ceux qui Lui donnent des associés [6]. »

Attention, il ne s’agit pas ici de Celui qui créa une chose à partir d’une autre (khalaqa), mais bien de Celui qui fit sortir la chose du néant (fatara). C’est-à-dire que lorsqu’on se réfère au Nom al-Fâtir, on retourne en réalité à ce qu’il y avait avant l’apparition de la matière, des éléments, et même du mouvement. On retourne à l’état d’immobilité (soukoûn) primordiale, c’est-à-dire à la direction de l’absolu, que tu vois, précisément comme le décrit le Prophète ﷺ :
« « Avez-vous du mal à voir la lune la nuit lorsqu’elle est pleine ? ».
Les compagnons répondirent : Non, ô Messager d’Allâh !
« Avez-vous du mal à voir le soleil lorsqu’il n’y a pas de nuage ? »
Ils dirent : Non, ô Messager d’Allah!
Le Prophète
dit alors: « Certes, c’est ainsi que vous Le verrez » [7] ».

Ici, il n’y aura pas d’embouteillage. Chacun, où qu’il soit, quelle que soit sa station spirituelle, quel que soit son état… car si nous nous réunissons tous en un seul groupe de gens, nous voyons tous le soleil et la lune lorsqu’ils se lèvent dans le ciel. Rien ne nous empêche de les voir… à moins que des nuages ne viennent les voiler. Mais il est impossible que qui que ce soit ne t’empêche ou ne soit en mesure de te priver de la vision du soleil.

Quand est-ce que tu t’en trouves privé ?
C’est lorsque tu ne fais pas l’effort de lever les yeux pour le voir. C’est ainsi que tu deviens voilé, par ta vision et ta considération des autres. Tu te mets à surveiller untel et unetelle. C’est comme ça que tu t’affaires à ce qu’il y a de plus bas (soufli), en délaissant ce qui est élevé (‘olwi). Telle est la cause de l’éloignement du disciple de la présence divine.

Au lieu de t’occuper de la vision de la lumière du Seigneur, dont tu prétends haut et fort avoir pris la bay’a… cette lumière que tu as reçue en un instant (lamha), mais que tu ne prends même plus la peine de contempler. Plutôt, tu t’occupes de regarder ce qui est bas (soufli). Tu te dis : « Oh, untel m’a devancé… il faut que je reprenne les devants ! » tu entres ainsi dans ce que tu présentes comme étant une concurrence vers l’excellence… alors qu’il n’en est rien. Cette compétition n’est qu’envie, jalousie et haine. Tu es devenu le serviteur d’un degré spirituel, et non plus le serviteur du Seigneur qui a établi ce degré spirituel. Si tu avais été lié à ton Seigneur, tu n’aurais pas regardé celui qui se trouve avec toi, tu ne l’aurais même pas considéré comme existant. Tu serais resté perpétuellement absent vis-à-vis de tout ceux qui peuvent se trouver avec toi.

Et ça, subhânAllâh, on le retrouve jusque dans la Hadra. Lorsqu’on fait la Hadra, Hadra renvoie à l’état de présence totale (houdoûr) avec le Seigneur. Donc lorsque tu débutes, tu le fais avec l’intention de réaliser cet état de présence avec le Créateur, et tu commences alors à t’agiter, par amour pour Lui ﷻ. Tu produis un mouvement par la langue, en évoquant le Nom de ton Seigneur, mais aussi par l’ensemble des membres de ton corps… afin que, peut-être, le Seigneur t’élève, depuis ce cercle, vers le cercle des anges, puis vers le cercle des prophètes et messagers. Tu seras alors dans la présence céleste par excellence.

Mais non… toi, tu ne peux pas rester dans la Hadra sans ouvrir les yeux pour voir ce que fait ton copain. C’est bien la preuve que tu n’es pas présent. Alors, avec qui est-ce que tu es à ce moment-là ? Tu es présent avec des corps physiques relevant du fana. Tu surveilles ce que fait celui-ci, comment fait celui-là, est-ce que untel est dans la présence divine ou non…

Si c’est tout ce que tu as appris, au cœur de la Hadra, au cœur de cette danse spirituelle au son de paroles te liant au Créateur ﷻ, alors comment goûteras-tu à la présence dans la prière, en prononçant Sa Parole ? Si tu commets une erreur dans la Hadra, rien ne peut t’être reproché. Par contre, si tu venais à trébucher dans la prière (salat), alors tu détruirais ton lien (silat) avec le Seigneur. Cette prière ne serait pas élevée d’un centimètre.

A cause de quoi ?
A cause de toi ! La prière, le Seigneur l’a élevée, mais toi tu veux la rabaisser, au travers de tes viles pensées. Fais donc le point sur toi-même : qu’as-tu appris ? Et sache que celui qui te devance en comportement (khuluq) et en convenance (adab), il te devance en tassawwuf.

Apprends à t’asseoir correctement, apprends à prononcer comme il faut, apprends à oublier ceux qui sont avec toi, apprends à évoquer par la langue avant que ta pensée ne s’active, avant de te dire « je réfléchis ». Non ! Tant que ta langue ne s’agite pas, en se relevant puis en se prosternant, par la prononciation du Nom divin, tu n’es qu’un corps, illusoire, inexistant, et ton intellect est si bas et si vil qu’il a submergé et immobilisé ta langue.

Tu trouves ainsi certains disciples qui, au milieu du groupe, n’arrivent même pas à faire du dhikr ! Si en groupe ils ne sont pas capables de prononcer les paroles de dhikr avec les autres, qu’en sera-t-il lorsqu’ils se retrouveront seuls ? Comment, comment !? Si au milieu du groupe il n’est pas capable de faire du dhikr, si au milieu du groupe il n’est pas capable de surveiller sa nafs, si au milieu du groupe il n’est pas capable de provoquer (volontairement) des pleurs, afin que peut-être son état de présence soit établi… et malgré tout cela, il prétend vouloir la connaissance (ma’rifa) de son Seigneur !?

Non, la ma’rifa, c’est de savoir qu’Il est avec toi où que tu te trouves. La vision de ton frère, c’est une vision de ce qui est inexistant, comme tu l’es toi-même. Par contre, la vision de la Beauté du Seigneur, c’est une vision qui exige de toi la sincérité la plus pure (ikhlâs). Si donc tu ne parviens pas à atteindre cet état de présence (houdoûr), alors tu dois commencer par apprendre. Arrange ton état, jusqu’à devenir, de tout ton être, présent avec le Créateur.

Il ne s’agit pas de dire « Je veux la bay’a… Donne-moi la bay’a… » Tiens, voilà, tu as pris la bay’a.
Et après, qu’en as-tu fait !?
As-tu effectivement vendu ta nafs ?
As-tu vendu toutes les dimensions vers lesquelles tu tends en dehors de ton Seigneur, afin d’acheter en échange la Beauté du paradis, et alors contempler Sa proximité ?
Bien sûr que non ! Si tu as pris la bay’a, c’est juste pour voir. Et toi, tu veux voir sans mouvement. Tu ne veux même pas prendre la peine de mettre l’intention de t’engager dans la lutte ! Dès lors, comment la vision te parviendrait-elle ?

Prends donc le temps de faire le point sur toi-même, considère l’état qui est le tien. Et lorsque tu recommenceras à parler de mort… Meurs, dès maintenant, meurs ! Toi qui prétends avoir peur de la mort, toi qui prétends craindre de te retrouver seul dans la tombe… isole ta nafs, essaye de faire en sorte qu’elle se retrouve seule. Pas par des paroles en l’air. Non, essaye de mourir vraiment. Le Messager d’Allâh ﷺ ne dit-il pas : « Mourrez avant de mourir. » Et bien apprends à mourir, si vraiment tu as peur de la mort !

Tu as peur de la reddition des comptes ? Alors demandes-toi des comptes à toi-même, au lieu de juger les autres. Ou bien non ? Tu veux toujours tenir la place de l’ange, du juge, du qadi qui tranche pour les autres… Ne vas-tu jamais endosser le rôle du jugé, le rôle du pécheur, le rôle de celui qui se trouve au bas de l’échelle, avec au-dessus de lui quelqu’un qui le gouverne ?
Non, toi, tu es toujours dans le rôle de celui qui va corriger les fautes des autres… mais qui va corriger les tiennes ? N’est-ce pas ?

N’as-tu jamais pris le temps de chercher dans tes propres erreurs, afin de les corriger ? Tu passes ton temps à dire aux gens ce qu’ils doivent faire ou ne pas faire, mais qui va te dire de faire ceci ou de ne pas faire cela ?

Tu distribues les conseils à la pelle, mais tu n’en as pas le moindre pour toi-même. Tu enjoins les gens à craindre Allâh, alors que tu es dépourvu de la moindre once de taqwa.
« Tu dois te consacrer au dhikr » alors que tu ne fais même pas ton devoir, matin et soir.
« Tu dois établir le lien avec ton Seigneur » alors que tu es toi-même devenu une machine à calculer, et tu fais les comptes de ton argent dans chacune de tes prières.


[1] Saqar : degré d’entre les degrés de l’Enfer.
[2] Sourate Tâ-hâ, verset 10.
[3] Sourate al-An’âm, verset 76.
[4] Dans la suite du même verset reprenant le récit de sayidina Ibrahim (‘alayhi s-salâm) : « Puis, lorsqu’elle disparut, il dit: «Je n’aime pas les choses qui disparaissent» [s6.v76].
[5] Sourate al-An’âm, verset 78.
[6] Sourate al-An’âm, verset 79.
[7] Hadîth Sahîh rapporté par al-Boukhâriy et Muslim.

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