La nécessité de l’état spirituel (hâl)

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La nécessité de l’état spirituel (hâl)

Résumé de l’assise du 20 Avril 2018 / Jumu’a 3 Cha’ban 1439 [Partie 1] :

Nous revenons à notre série de cours, ceci étant la treizième session de la Lecture du lâm al-‘ishq par le réceptacle (moustaqarr) de la Noubouwa. Dans cette lecture du moustaqarr de la Noubouwa, la corporalité physique du serviteur s’est éteinte vers son Seigneur… et c’est depuis son état d’extinction (fana) dans la Présence divine qu’il fut en mesure de percevoir la nouvelle (naba’) de la Noubouwa ; ses membres, ses pensées et tout ce qui le caractérise devenant le réceptacle (moustaqarr) de cette Noubouwa. Ici, nous continuons d’expliquer ce qu’il faut considérer comme étant la Science. Qu’est-ce que la Science, ou l’esprit de la science, ou la Lumière de la science, ou la certitude (yaqin) de la science, ou la réalité (haqiqa) de la science ?

Comme nous le répétons depuis un certain temps déjà, la Science véritable est la Science des Noms divins : « et Il enseigna à Adam tous les noms. [1] » Lorsqu’on entend le mot « science / ‘ilm », toujours, cela doit toujours nous renvoyer à l’état de servitude (‘ouboudiya). La Science des Noms divins vient par la Lumière de la certitude, c’est-à-dire par ‘ilm al-yaqin, puis par ‘aïn al-yaqin, et enfin par Haqq al-yaqin… mais le disciple ne parvient à ce troisième degré de la réalité de la certitude que lorsque sa propre Haqiqa sera devenue un état spirituel (hâl).

C’est-à-dire que tant que le disciple n’a pas d’état spirituel, pas de ravissement (jadhb), parfaitement apparent sur lui, nous ne pouvons pas le désigner comme étant un véritable détenteur de sciences. Lorsque Adam (‘alayhi s-salâm) fut informé de la Haqiqa profonde des Noms divins, il descendit sur Terre afin de les compléter tous. Mais est-ce que toi tu t’es établi durablement dans un état spirituel de Présence divine… ou bien plutôt tu es resté du nombre des gens de « j’ai entendu et j’ai dit… » ou « j’ai vu et j’ai parlé… » ? C’est-à-dire que l’ensemble de tes membres n’ont pas été submergés par cet état de Présence, conformément au Hadith du Waliy : « Je deviens son ouïe avec laquelle il entend, sa vue avec laquelle il voit, sa main avec laquelle il saisit, son pied avec lequel il marche… ».

Ceci constitue une preuve (hujja) contre tous les gens de la vision (mouchâhada) et du dévoilement. Celui qui s’imagine qu’il ne s’agirait que d’une mouchâhada impliquant la vue intérieure, celui-là n’a qu’une part de l’état de Présence, dans le cas où cette vision serait perpétuelle. Quant à celui qui a éteint et dissout tout son être, c’est-à-dire celui qui savoure, celui qui vit l’état spirituel (hâl), un ravissement (jadhb), celui qui a établi un lien véritable et constant… tout particulièrement dans la lecture du lâm al-qabd… et c’est pour cela que les disciples tardent à entrer dans cette Lecture… Il y a bien quelque chose qui a été atteint dans la science de la certitude (‘ilm al-yaqin), mais ce n’est pas accompagné par l’état spirituel qui se doit. Il n’y a pas de hâl. Même si le disciple prend de cette science ce qu’il prend, même s’il en entend ce qu’il en entend, il n’a pas cet état constant et durable.

Lorsque nous parlons de hâl, l’individu doit le vivre physiquement, concrètement : cela n’a absolument rien de théorique. C’est bien une descente qui doit être faite depuis le Malakoûte vers le Moulk. Parce qu’un tel cheminant s’est basé sur Allâh pour considérer la création d’Allâh, et non pas le contraire. À partir de là, et à partir du moment où il est parvenu à « à Allâh nous sommes et vers Lui nous retournons [2] », à partir du moment où il est parvenu à l’état d’effacement (fana) dans le hâ’ al-hawiya, le cheminant se doit de nous montrer ce qu’il a à faire apparaître dans le monde physique du Moulk. Et s’il demeure dans un état d’expression parlée et allusive, sans manifester cela dans le monde physique, alors nous ne pouvons pas le désigner comme faisant partie des gens du hâl.

Voilà ce qui est arrivé à Adam (‘alayhi s-salâm) : il est descendu en tant que réceptacle (moustaqarr), afin de pouvoir vivre et réaliser l’ensemble de tous les Noms, dans une forme apparente exprimant un état spirituel (hâl) concret. Et conformément à ce qu’implique le kâf at-tachbîh, le Hadîth nous dit en ce sens : « Ô fils d’Adam, Je suis tombé malade et tu ne M’as pas rendu visite… Ô fils d’Adam, Je t’ai demandé de la nourriture et tu ne M’as pas nourri… Ô fils d’Adam, Je t’ai demandé de la boisson et tu ne m’as pas donné à boire. [3] »

Celui qui rapporta cette Science, c’est les synthèses de la Parole, Jawâmi’ al-Kalim ﷺ, c’est-à-dire la Parole du Seigneur, prééternelle et incréée, celle qui n’est point sujette au changement. Précisons que lorsque nous évoquons la Parole prééternelle et incréée, nous nous référerons en cela à la Parole de l’ensemble de tous les Livres révélés qui fut attribuée à sayidina al-Mustafa ﷺ, en un seul et unique Livre : Jawâmi’ al-Kalim, le Coran. Car le Coran réunit en effet l’ensemble de tous les Livres révélés, et il parvint à sayidina al-Mustafa ﷺ afin de sceller toutes les Paroles.

Ce qui caractérise la Haqiqa première de ce Coran, c’est une force Lumineuse, et non pas sa forme écrite ou ses lettres. Cette force n’est en aucun cas sujette au changement. Rien ne diminue en elle, ni en termes de science, ni en termes de Luminosité, ne serait-ce que de l’équivalent d’un atome. Le problème n’est pas dans cette force ou cette énergie Lumineuse, le problème se situe dans le fait que notre capacité et notre prédisposition à la percevoir varie. C’est la raison pour laquelle l’apprentissage et l’éducation sont absolument obligatoire à l’Homme. Il ne s’agit pas simplement d’écouter et assimiler des mots et des concepts, de les mémoriser, puis de les restituer par la langue tels que tu les as reçus. Ici, il s’agit pour toi de profiter et d’expérimenter de manière personnelle, il s’agit d’éprouver le hâl, à la mesure de ta capacité.

Le Vrai t’a accordé la capacité d’atteindre absolument tout ce qu’il est possible d’atteindre dans cette évolution spirituelle… mais tu t’es laissé voiler par ces mondes, par ces ténèbres qui te cernent de toutes parts, au point que tu es devenu incapable de traverser et d’aller au-delà de ce voile. Ces obstacles et ces barrières ne t’ont pas été imposées par le Créateur, mais plutôt c’est toi qui te les aies toi-même créées, par tes pensées grossières et vulgaires. Si tu parvenais à aller au-delà de cette nature qui est la tienne, si tu te conformais à la bienséance (adab), depuis le moindre jusqu’au plus éminent des adabs – ce qui correspond aux branches de la foi [4] – alors on pourrait considérer que tu as effectivement traversé le voile. Si par contre tu n’évolues pas dans ce sens… quand bien-même tu multiplierais les prosternations et les inclinations, les adorations, les lectures du Coran, les études et les recherches dans ce que tu voudras… en aucun cas tu ne stimuleras en toi le hâl. Tu n’obtiendras de cela que la science (‘ilm), sans atteindre sa vision ou sa réalité (‘aïn)… et si grâce à la Tariqa tu étais parvenu à cette vision, tu serais tout de même alors privé de la pleine réalisation (Haqq), c’est-à-dire de l’absorption totale de ton être dans cette réalité.

Tout ceci relève de l’évidence : si nous étions vraiment parvenus à cela dans la Lecture du lâm al-qabd, ou plutôt du lâm al-‘ishq, cela serait parvenu aux cœurs des gens de la Présence… mais où sont-ils ? Où sont les gens de la Présence ? Le disciple est et demeure obnubilé par sa corporalité, incapable de s’en détourner. Irrémédiablement agrippé à son pied, à sa main, à ses idées… si tu n’es même pas capable de voir au-delà de ta forme humaine, comment pourrais-tu aller au-delà de tes idées arrêtées ? Comment pourrais-tu aller au-delà de toutes ces valeurs et de tous ces concepts acquis depuis l’enfance, non pas sur base de réalité divine, mais sur base de la nafs, de ce qui est vil (soufli) et étroitement confiné (mouqayyad).

Cette force ou cette énergie, c’est l’adorateur qui la perçoit… l’adorateur… l’adorateur… pas le chercheur ! L’adorateur véritable. L’adorateur d’Allâh : ‘AbdAllâh. C’est lui qui véritablement perçoit et puise en cette force. La porte d’entrée de tout cela, c’est l’adoration. À partir du moment où tu négliges l’accomplissement de tes actes d’adoration… ou simplement si tu constates que tu n’es pas en état de pleine Présence lorsque tu les accomplis… sache que le voile qui te couvre est entièrement imperméable. Tu es incapable de le transpercer. Si dans ton dhikr, ou dans ta prière, ou dans tes adorations en général, tu ne retrouves pas de Jonction (wasl), pas de hâl… alors comment vivrais-tu le hâl tandis que tu te trouves au marché, dans le pire des endroits sur terre ?

Disions-nous, cette force est perçue par l’adorateur (‘abid), en vertu de versets tels que : « et Je n’ai créé les djinns et les hommes que pour qu’ils M’adorent. [5] » Si tu accomplis comme il se doit ton adoration, si tu réalises véritablement en elle cet état de Jonction (wasl), alors tu pourras parvenir à l’établissement d’un lien perpétuel entre toi et ton Seigneur. Celui qui aura ainsi pleinement réalisé l’état d’adoration, qui se sera établi dans le bâ ( ب ) de « Mon serviteur / عبدي « , et qui se sera brisé d’humilité et de résignation en Sa Présence… car toujours, lorsque notre Seigneur ﷻ S’adresse à celui pour qui Il veut la jonction et ce qu’il y a de meilleur, Il le fait en employant le nom « Mon serviteur / عبدي »… Si donc effectivement tu es du nombre des serviteurs dont Allâh a ouvert l’œil du cœur, l’œil de la vision intérieure (basîra), et si tu t’es pleinement établi dans le bâ, renvoyant au Point de sayidina ‘Ali (karramAllâhu wajhah), par la porte duquel tu entreras, après en avoir évidemment demandé et obtenu l’autorisation (idhn)… puis, si tu parviens à te briser d’humilité dans le dâl ( د ) de la perpétuité (dawâm), c’est-à-dire d’un rabaissement continu, et non pas uniquement temporaire… parce qu’effectivement, tu as prétendu que ton cœur était prosterné. Or, celui dont le cœur est prosterné, l’ensemble de tous ses membres le sont aussi, entièrement soumis et résignés à Sa Présence, sans jamais s’en détourner car : « la vue n’a nullement dévié ni outrepassé la mesure. [6] » C’est alors et alors seulement que l’individu aura effectivement et véritablement réalisé l’établissement dans le hâ’ al-hawiya.

Si par contre tu fais partie des gens de la Scission (fasl)… si tu fais partie des gens des saisons (fusûl [7])… tu as l’été, qui est pour toi un moment de vacances et de détente… et puis en hiver, tu te consacres à la Présence. En automne, tu laisses tomber tes rites quotidiens (awrâd) et tes adorations, ou ton état de Présence diminue. Tu négliges l’accomplissement de certaines choses, et tu abandonnes littéralement certaines autres. Et après tu viens prétendre à l’état de Présence perpétuel… alors que non, pas du tout. Au contraire, ici tu sais que tu es un saisonnier. Et il se peut que tu ne sois même pas du nombre des gens des saisons, mais plutôt des gens des jours… tu adores une journée, et puis tu te laisses aller plusieurs jours. Ou bien tu adores une année, et tu laisses tout tomber l’année suivante. Cela ne traduit pas un état de brisement et de résignation dans la Présence divine. Au contraire, celui qui accède à Sa Présence, il n’en ressort plus jamais. Celui dont le cœur se prosterne pour son Seigneur, il ne s’en relève plus jamais. Il demeure perpétuellement en état de prosternation, pour l’éternité, à l’instar de la prosternation de sayidina al-Mustafa ﷺ, qui n’a jamais cessé d’être prosterné pour sa communauté.


[1] Sourate al-Baqara, verset 31.
[2] Sourate al-Baqara, verset 46.
[3] Hadîth complet : « Allâh dit au Jour de la Résurrection :
-Ô fils d’Adam, Je suis tombé malade et tu ne M’as pas visité.
Il répondra : Seigneur, comment serais-Tu malade pour que je Te rende visite, alors que Tu es le Seigneur des univers ?
Il dira : N’as-tu pas été informé du fait que Mon serviteur untel est tombé malade, et tu ne lui as pas rendu visite ? Ne savais-tu pas que si tu lui avais rendu visite, tu M’aurais trouvé auprès de lui ?
Ô fils d’Adam, Je t’ai demandé à manger et tu ne M’as pas nourri.
-Seigneur, comment pouvais-je Te donner à manger alors que Tu es le Seigneur des univers ?
-N’as-tu pas su que Mon serviteur untel est venu te demander à manger, mais tu ne le lui as pas accordé ? Ne sais-tu pas que si tu lui avais donné à manger, tu aurais trouvé cela auprès de Moi ?
Ô fils d’Adam, Je t’ai demandé à boire et tu ne M’en as pas donné.
-Seigneur, comment pouvais-je Te donner à boire alors que Tu es le Seigneur des univers ?
-Mon serviteur untel t’a demandé à boire et tu le lui as refusé. Ne sais-tu pas que si tu lui avais donné à boire, tu aurais trouvé cela auprès de Moi ?
[Rapporté par Muslim]
[4] Référence au Hadith : « La foi (al-Imân) est répartie en soixante-dix et quelques branches : la plus élevée est « la ilaha illa Allâh » et la plus basse consiste en le fait de débarrasser ce qui entrave le chemin. Et la pudeur est une branche de la foi. » [Rapporté par al-Boukhâriy et Muslim]
[5] Sourate al-Dhâriyât, verset 56.
[6] Sourate al-Najm, verset 17.
[7] Fusûl : pluriel de fasl.

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