(cours) Hadra Moussawiya : La prosternation éternelle

بسم الله الرحمن الرحيم
و الصلاة و السلام على أشرف المرسلين
و على اله و اصحابه أجمعين

Assise du Shaykh Educateur Sidi Mohamed Faouzi al-Karkari –radiAllâhu ‘anhu-

La Hadra Moussawiya (seizième cours) :
La prosternation éternelle

Sache, ô aspirant au vrai, que les trésors de la Parole d’Allâh –ta’ala– ne tarissent jamais, que sa bénédiction ne s’épuise jamais, que ses bienfaits sont innombrables et que ses Secrets ne peuvent être cernés dans leur totalité. Savoure donc la beauté de l’expression de ce verset : « Alors, les sorciers furent jetés à terre, prosternés » [s26.v46] et bois à la source du Coran Sublime.

Lorsque les sorciers reconnurent la Vérité, et lorsque les voiles de leurs illusions furent totalement dissouts par la vision de leurs cœurs, entrant dans l’état de fana (d’annihilation en Allâh)… ils furent transportés du feu de l’éloignement divin vers les jardins de Sa Proximité, et après que leurs actions aient été réalisées par la nafs, elles le furent par Allâh. En effet, tant que ces actions étaient des actions de la nafs, l’expression Coranique était de la forme suivante : « Ils jetèrent donc leurs cordes et leurs bâtons et dirent : « Par la puissance de Pharaon!… C’est nous qui serons les vainqueurs » » [s26.v44] C’est-à-dire que l’action est ici clairement attribuée aux sorciers… mais lorsque plus tard se réalisa pour eux l’état de contemplation (chouhoûd), lorsqu’ils perdirent toute notion d’espace et de temps, le Vrai S’attribua leur action à Lui-même, disant : « Alors, les sorciers furent jetés à terre, prosternés ».

Au début, ils s’attribuaient l’action à eux-mêmes, à cause de l’épaisseur du voile qui les couvrait, et du fait de l’aveuglement de leurs cœurs… mais lorsqu’ils eurent goûté à la réalité de la sincérité exclusive pour Allâh (ikhlâs), leurs actions devinrent celles d’autre qu’eux-mêmes. Le Vrai –ta’ala– exprima ces deux cas différents l’un à la suite de l’autre, bien qu’en réalité l’Acteur de l’un comme de l’autre soit le même… En cela se trouve le Secret de l’Amour privilégié dont le Vrai pourvoit qui Il veut d’entre Ses serviteurs. Il s’agit là de la saveur (dhawq) du degré de servitude exclusive (al-‘ouboudiya al-khâlisa) se réalisant par l’annihilation (de l’adorateur) en l’Adoré… Il s’agit d’une brise d’entre les souffles subtiles des sincères, ceux qui considèrent leurs actions comme des vêtements dont on les vêtit, mais par rapport auxquels ils demeurent étrangers. C’est pour cela qu’ils patientent face aux épreuves et demeurent fermement ancrés dans la Vérité, en dépit de toutes les calamités qui peuvent les affecter.

Et à Allâh revient de récompenser le Sage des Soufis ibn ‘Ata’illâh al-Iskandariy (radiAllâhu ‘anhu) pour cette parole :

« Sache que si le Vrai –subhânahu– veut renforcer un serviteur sur ce à quoi Il veut le faire parvenir comme flux de Sagesse, Il habille ce serviteur de Ses Lumières caractéristiques et le vêtit de Ses descriptions, après bien sûr que les Lumières se soient manifestées à lui et qu’il soit devenu entièrement pour et par son Seigneur, et non plus pour et par sa nafs (par lui-même)… Tu peux alors considérer que les flux de Lumières permettent aux serviteurs de faire face à la prédestination. Ou que l’ouverture de la porte des compréhensions (ésotériques) leur permet de faire face aux Lois divines. Ou que les grâces qu’ils reçoivent leur permettent de faire face aux épreuves. Ou que la considération de la Beauté parfaite de Son choix leur permet de supporter le poids de ce qu’Il prédestine. Ou que le fait qu’ils réalisent Son Omniscience leur permet de patienter face à la réalité de Ses Arrêts.
Ou que la certitude qu’ils ont du fait qu’Il voit toute chose leur permet de patienter face à ce qui les affecte. Ou que le fait de Sa manifestation à eux par la réalité de Sa Beauté leur permet de patienter face à Ses Actions. Ou que leur connaissance du fait que de la patience résulte Sa Satisfaction leur permet de patienter face à la réalité du destin. Ou que le fait qu’ils aient été débarrassés des voiles leur permet de patienter face à la prédestination.
Ou que l’accès aux Secrets de l’administration divine (tasrîf) leur permet de supporter le poids de sa responsabilité. Ou que ce qui leur permit de patienter face à ce qu’Il prédestina est leur connaissance de ce qu’Il y aura disposé comme douceur et bienveillance. »

Ce sont là dix d’entre les raisons qui imposent au serviteur (‘abd) de patienter, de faire face aux Arrêts de son Seigneur, et de demeurer fort face à eux, sachant qu’Il est Celui qui pourvoit toutes ces choses, par Sa grâce. Et entre les Imâm et Savants qui burent de ce breuvage, figure sayiduna Ahmad ibn Hambal (radiAllâhu ‘anhu), qui fut battu au point de s’évanouir… et lorsqu’il reprenait ses esprits, il voyait ses élèves autour de lui en train de pleurer. Plus tard ils vinrent ainsi le questionner :

  • Ô Imâm ! Tu te faisais battre, et tu riais… tandis que nous, nous te regardions et nous pleurions !
  • Tandis que vous voyiez la main du bourreau, moi, je voyais celle du Seigneur des hommes !

Quant à ce qui fut attribué à sayidina Moussa (‘alayhi s-salâm), cela se rapporte à sa Hadra (sa présence et son état spirituel vis-à-vis du Vrai) et concerne un Secret abordé dans les Réalités ésotériques (Haqa’iq) et qui ne saurait être dévoilé… la seule chose qu’il est permis de dire à ce sujet, c’est que les actes de sayidina Moussa (‘alayhi s-salâm) résultaient du domaine de la persistance (baqâ’) par Allâh, en qualité d’être parfaitement réalisé dans le maqâm de al-‘indiya. (du mot ‘inda – auprès de / à côté)

Lorsque les sorciers virent de leurs yeux les effluves subtiles du Vrai –subhânah-, et que l’état de contemplation des Lumières de l’Adoré fut établi pour eux, ils s’éxclamèrent, par la langue de serviteurs agréés : « Il n’y a pas de mal ! car c’est vers notre Seigneur que nous retournerons ! » [s26.v50]. Ces mots furent prononcés après que Pharaon les ait menacé de les tuer dans d’atroces souffrances. Pharaon avait ainsi le dessus sur eux en sa qualité de roi, et il exerçait son pouvoir par la réalité du Coercitif (al-Qahhâr), Celui qui décide (al-Hakam) et Celui qui pourvoit en mal (al-Dârr). Il outrepassa ainsi les limites, comme cela est clairement dit : « [Pharaon] dit : « Avez-vous cru en lui avant que je ne vous le permette? En vérité, c’est lui votre chef, qui vous a enseigné la magie ! Eh bien, vous saurez bientôt ! Je vous couperai, sûrement, mains et jambes opposées, et vous crucifierai tous » » [s26.v49]. Toute chose a un prix, et le prix de la Proximité divine et de la Connaissance est le sacrifice de sa nafs pour Allâh –ta’ala– et si tu demandes les degrés les plus élevés, alors prépare toi à subir de dures épreuves ! Le Prophète (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) dit ainsi dans un Hadîth : « Plus l’épreuve est importante et plus la récompense l’est aussi, et lorsque Allâh Aime un peuple, Il l’éprouve. Celui qui se montre satisfait (face à l’épreuve) obtient Sa Satisfaction, et celui qui s’en courrouce reçoit Son Courroux » [Rapporté par at-Tirmidhi et ibn Mâjah]

Est-ce que donc parmi vous se trouve quelqu’un qui a vendu ses biens et sa propre personne pour Allâh ? Y a-t-il parmi vous quelqu’un qui a abandonné ce bas monde et a pris Allâh pour ami (unique) ? Ou bien vous êtes de ceux qui, lorsque l’épreuve les touche, froncent les sourcils… et lorsqu’ils parlent (dans cet état), ne font qu’extérioriser la colère qui les habite… Faites attention, car lorsque vient le test, ou bien il honore et élève la personne, ou bien il le rabaisse et l’avili !

Méditez donc sur l’immensité de la foi des sorciers ainsi que sur l’élévation de leur degré, car malgré les Lumières de la guidée qui se manifestèrent dans leur cœur, ils ne firent en aucun cas preuve de manque de bienséance. Au contraire, ils demeurèrent totalement résignés à la Grandeur divine, et lorsqu’ils implorèrent Son pardon, ils le firent dans un état entre l’espoir (rajâ’) et la crainte (khawf), comme en témoigne le verset suivant : « Nous pensons que peut-être notre Seigneur nous pardonnera nos fautes pour avoir été les premiers à croire » [s26.v51]. Le fait de dire ainsi « nous pensons que peut-être » est une marque de bienséance vis-à-vis du Vrai, et il s’agit de l’expression alliant à la fois l’espoir et la crainte, lorsqu’on espère que se réalise notre vœu tout en craignant de ne pas être acceptés. En cela se trouve la réalisation du bon comportement vis-à-vis du Vrai –ta’ala-, car Il fait véritablement ce qu’Il veut –jalla jalâluh-, et Sa Miséricorde surpasse toute autre chose. Ces sorciers ne se laissèrent donc pas tromper par le bienfait qui leur avait été octroyé, et ils ne s’enflèrent pas d’orgueil en recevant la Connaissance, contrairement à Iblis par exemple… c’est de cette manière que doit se comporter le Connaissant vis-à-vis d’Allâh –ta’ala– : il renvoie la faute de ses manquements à sa propre personne, et il ne voit en ce qu’il lui fut donné d’atteindre en terme de Lumières et de Secrets que des grâces dont il ne lui en revient pas la moindre portion. Ainsi, s’il se considère pour responsable de ses manquements, il préservera la crainte du Vrai, et s’il considère que toute bonne chose ne provient que d’Allâh, c’est en Lui qu’il placera ses espoirs… et Allâh ne t’a pourvu de Ses bienfaits que parce qu’Il voulait t’en faire profiter, sois donc du nombre de ceux qui Le remercient !

Quant à leur parole « pour avoir été les premiers à croire », cela se réfère au Secret du reflet de leur être dans le miroir de sayidina Moussa (‘alayhi s-salâm), car le croyant est le miroir du croyant. C’est donc ainsi que le sens profond de la foi (Imân) s’inscrivit dans leurs cœurs, après qu’ils en aient vu les émanations de sayidina Moussa (‘alayhi s-salâm). Ils purent alors voir et contempler la Lumière de la Foi, conformément à leur prédisposition, de même que sayiduna Moussa (‘alayhi s-salâm) la contempla avant eux : « Et lorsque Moussa vint à Notre rendez-vous et que son Seigneur lui eut parlé, il dit : « Ô mon Seigneur, montre Toi à moi pour que je Te voie ! » Il dit : « Tu ne Me verras pas ; mais regarde le Mont : s’il tient en sa place, alors tu Me verras. » Mais lorsque son Seigneur Se manifesta au Mont, Il le pulvérisa, et Moussa s’effondra, foudroyé. Lorsqu’il se fut remis, il dit : « Gloire à Toi ! A Toi je me repens ; et je suis le premier des croyants » » [s7.v143]. Le fait que les sorciers aient ainsi pu reconnaitre la Vérité n’est rien d’autre que l’effet de la baraka de la rencontre et de la fréquentation (en l’occurrence, de sayiduna Moussa), et d’une manière générale, le mérite de tout bienfait atteint par le suivi d’un Prophète ou d’un Saint est renvoyé à ce dernier. Par la baraka de ce suivi, étant donné que le Kalîm (‘alayhi s-salâm) s’est écrié, après s’être effondré, foudroyé par la magnificence de la manifestation divine : « Je suis le premier des croyants ! »… de même les sorciers qui le suivirent, après que la Preuve se soit manifestée à eux, s’écrièrent : « Nous pensons que peut-être notre Seigneur nous pardonnera nos fautes pour avoir été les premiers à croire ».

Dans un autre verset, le Vrai –ta’ala– nous rapporte la parole des sorciers à l’encontre de Pharaon et dit : « Par Celui qui nous a créés, dirent-ils, nous ne te préférerons jamais à ce qui nous est parvenu comme preuves évidentes. Décrète donc ce que tu as à décréter. Tes décrets ne touchent que cette présente vie. Nous croyons en notre Seigneur, afin qu’Il nous pardonne nos fautes ainsi que la magie à laquelle tu nous as contraints. Et Allah est meilleur et éternel. » [s20.v72/73]
Témoignant de l’accomplissement total de leur degré de Connaissance de leur Seigneur, ainsi que du fait que leurs pieds soient fermement ancrés dans la Connaissance des différents degrés de l’Existence, ils dirent : « Nous ne te préférerons jamais » ô Pharaon, car après la contemplation la contestation est absolument impossible. « Par Celui qui nous a créés », jurant ainsi par le degré créationnel (martabat al-khâliqiya) duquel ne peut être exclu aucune créature, ceci afin que peut-être Pharaon se rende compte lui aussi de son état d’être créé et qu’il revienne sur la position que défend son égo. « Décrète donc ce que tu as à décréter » car de notre côté nous sommes entièrement satisfaits de ce que Allâh a décrété et prédestiné pour nous. « Tes décrets ne touchent que cette présente vie » car tu jouis dans ce bas-monde d’un rang qui n’est pas le nôtre, c’est-à-dire le pouvoir et le commandement établis par l’épée. En ce sens, Pharaon dit vrai lorsqu’il proféra « Je suis votre Seigneur (Rabb) le très-haut », selon la compréhension par goût de la Foi des anciens sorciers, et non pas selon le point de vue de Pharaon qui de toute évidence n’avait pas compris le sens de la Source de l’Union. Ceci en vertu du fait que le mot Seigneur (Rabb) est une expression qui peut renvoyer dans la langue arabe à un être créé. On utilise ainsi ce terme pour parler du « chef de famille / rabb al-osra« , du « chef de maison / rabb al-bayt« , du « responsable des travaux / rabb al-‘amal« … etc. Et dans un Hadîth unanimement reconnu authentique (muttafaqun ‘alayh), le Messager d’Allâh (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) dit, en parlant de chameaux perdus : « Jusqu’à ce que leur propriétaire (rabb) les retrouve ». Ainsi donc, Pharaon était le rabb de la région sur laquelle il exerçait son pouvoir, et c’est pour cette raison que les sorciers lui dirent : « Tes décrets ne touchent que cette présente vie », car ils savaient que son commandement n’était que l’expression d’un certain degré dans la Source, que les choses ne demeureraient pas éternellement ainsi, et qu’il ne s’agissait là que de manifestation du Vivant qui Persiste par Lui-même. Lorsque les sorciers eurent bu de la coupe du Tawhîd, ils surent que Pharaon était une Lettre d’entre les Lettres de la Haqiqa. Ils comprirent alors que les Mots d’Allâh étaient immuables, que le châtiment devrait obligatoirement s’abattre sur eux et qu’il n’y avait pas d’échappatoire possible, car les Noms divins ne se manifestent que sous la forme sous laquelle il fut déterminé, avant la création, qu’ils devraient se manifester. Ainsi, aucune de leur forme ne se manifeste sans que l’on entende la Parole faisant entrer en existence : « Sois ! et la chose est. / Kun fayakun ». La Parole est Sienne, tandis que sa perception est nôtre… et ces images inexistantes de notre univers ne sont, selon la Haqiqa, que des Mots. En ce sens, certains gens de science affirmèrent : « L’univers est un Coran silencieux, le Coran est un univers s’exprimant, quant au Prophète (‘alayhi s-salât wa s-salâm) il est un Coran qui marche ».

Le Coran, avant qu’il ne soit révélé, était une Poignée de Lumière. Il descendit en une seule fois dans le cœur du Messager d’Allâh (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam), et lorsque ce dernier partit se retirer dans la grotte de Hirâ afin de s’adonner pleinement à l’adoration, la Poignée de Lumière descendit dans les emplacements (mawâqi’) des étoiles, et de là il fut révélé petit à petit, en fonction des évènements qui se produisaient. L’emplacement (mawqi’) dont il s’agit ici ne désigne pas l’étoile elle-même (en français, il s’agit de ce que l’on désigne par l’orbite, ou bien la trajectoire)… ainsi, lorsqu’on considère la trajectoire de la lune autour de la terre, on se rend bien compte que la trajectoire est bien plus vaste que la lune elle-même. Cette trajectoire comprend le Secret de ce qui est, de ce qui a été, et de ce qui sera… et tout ceci se trouve inscrit dans le Livre des emplacements des étoiles (mawâqi’ al-noujoûm), et en vertu de ce Secret, les lettres de l’alphabet arabe prennent différentes formes et s’associent les unes aux autres pour constituer des mots… Ces lettres sont réparties en deux groupes distinctifs : 14 lettres Lumineuses, et 14 lettres qui sont l’ombre de Lumières (par bienséance, nous ne disons pas qu’il s’agit de lettres « ténébreuses »). Nous avons ainsi 28 lettres, au nombre des 28 stations de la lune (au cours du mois lunaire). Les lettres Lumineuses sont les 14 lettres par lesquelles le Vrai –ta’ala– jure dans le Coran, au début de certaines sourates (Alif lâm mîm, yâ sîn, qâf, Hâ mîm… etc). Tout ce qui se trouve dans le Coran se trouve en réalité réuni dans ces lettres par lesquelles le Vrai –ta’ala– jure, et tout ce qui se trouve dans ces lettres se trouve dans le Point, qui n’est autre que la hamza (ء), dont la réalité et la teneur véritable est cette Lumière Muhammadienne. Les emplacements (mawâqi’) des étoiles, sont la manifestation de la toute première révélation Coranique, issue de la Hadra de l’Essence divine (nous voulons dire par là la réunion des Noms et des Attributs divins, car pour ce qui est de l’Essence elle-même, il n’est pas de chemin permettant de la saisir) vers la Hadra des Attributs, que l’on appelle encore al-Kitâb al-Maknoûn.

Allâh –ta’ala– dit : « Non !.. Je jure par l’emplacement des étoiles. Et c’est vraiment un serment solennel, si vous saviez. Et c’est certainement un Coran noble, dans un Livre bien-gardé (kitâb maknoûn) que seuls les purifiés touchent ; C’est une révélation de la part du Seigneur de l’Univers. » [s56.v75/80]. Ce que l’on appelle « al-kitâb al-Mastoûr«  désigne le Coran écrit tel que nous pouvons le lire dans un livre et que l’on tient entre nos mains, et que peut lire le croyant aussi bien que le mécréant, le véridique aussi bien que l’hérétique… Quant au « kitâb al-Maknoûn« , il est exclusivement réservé à ceux qui en sont dignes. La purification Seigneuriale et le Saint Coran, par le Secret de sa réunion, ne font qu’Un, le mastoûr et le maknoûn étant indissociable l’un de l’autre… Et dans un Hadîth rapporté par ibn Mas’oûd (radiAllâhu ‘anhu), le Prophète (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) dit : « Le Coran est descendu selon sept Lettres (harf), chacun de ses versets contient un sens apparent (dhahr) et un sens caché (batn), une limite (hadd) et un commencement (matla’). » [at-tamhîd – ibn ‘abd al-Barr]

Et l’Imâm ibn al-Moubârak dit: « J’en ai entendu plus d’un dire que la signification de ce Hadîth est qu’il n’est pas un verset dans le Livre d’Allâh qui n’ait un dos (dhahr) et un ventre (batn), c’est-à-dire un sens apparent et une signification cachée. » [al-zuhd – ibn al-Moubârak] Cette signification cachée ou occultée du Coran constitue donc le « Kitâb al-Maknoûn« , tandis que le « Kitâb al-Mastoûr » désigne son sens apparent… et il n’y a pas de contradiction entre l’un et l’autre pour toute personne s’abreuvant depuis l’isthme (barzakh). Quant au Coran que l’on observe (mandhoûr), il ne s’agit de rien d’autre que ce vaste univers, et si tu approfondis cette réalité tu te rendras compte que tout ce qui se trouve autour de nous ne sont rien d’autres que des mots que l’on prononce. Tu dis ainsi : sidi AbdAllâh s’est marié à Fatima, et ils eurent tous deux AbdalRazzâq et Idris comme enfant… tu parles des cieux, de la terre, etc… et chaque mot a un souffle par lequel prennent forme les apparences créées. Tu es donc un ensemble de mots, et nous sommes tous de petits livres dans lesquels nous avons écrit notre passé, dans lesquels nous écrivons notre présent, et dans lesquels nous écrirons notre futur… L’univers est le plus grand des livres proclamant l’Unicité d’Allâh –ta’ala-. Lorsque donc tu vois en lui les traces de l’acte créateur, lis en eux les mots d’Allâh, si toutefois tu es du nombre de ceux qui ont du goût (dhawq) pour ces choses…

Au commencement, tout ceci n’était qu’un soukoûn (un cercle) dans lequel se trouvait une Lumière. Et c’est par le Secret de « Kun – Sois », que cette Lumière s’est agité. Si tu t’imagines donc que tu es l’écrivain, sache que tu te fourvoies dans ta vanité et dans l’éloignement du divin. Et puisque nous nous sommes immergés dans l’océan des mots, sache que la toute première chose que le Qalam inscrivit est la Parole « lâ ilâha illa Allâh, Muhammadun Rassoûlullâh » qui est « un arbre dont la racine est ferme et la ramure s’élançant dans le ciel. » [s14.v24]« lâ ilâha – il n’y a de dieu » (fana : annihilation totale des cieux et de la terre) « illa Allâh – excepté Allâh », « la Lumière des cieux et de la terre ». (baqa : persistance par Allâh des cieux et de la terre). Et le Prophète (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) dit : « Renouvelez votre foi ! » On lui demanda : « Ô Messager d’Allâh, comment devrions-nous renouveler notre foi ? » Il dit : « Multipliez la mention de la Parole « lâ ilâha illa Allâh » » [Moustadrak al-Hâkim]

Ainsi, tant que l’apparence des créatures s’ancrera dans le cœur, ce dernier demeurera dans l’éloignement du Vrai. De ce fait, il sera gagné par les ténèbres et la foi qui s’y trouve s’usera. Et sache que ne peut débarrasser le cœur de ces apparences autre que le dhikr de « lâ ilâha illa Allâh », jusqu’à ce que la foi y soit renouvelée. La sincérité exclusive (ikhlâs) de « lâ ilâha illa Allâh » est que cette Parole soit un obstacle entre toi et ce que Allâh a interdit… mais quelle est la Haqiqa de « lâ ilâha illa Allâh » ? Quel est son dépôt ?
Il s’agit de la Lumière d’Allâh, ‘azza wa jall. Il ne t’incombe donc rien d’autre que la lecture des mouvements de l’Etoile, jusqu’à ce qu’apparaisse en toi un Arbre dont la racine est fermement ancrée dans la terre de ton cœur, dont la ramure s’élance dans le ciel de l’Esprit, et dont l’ombre n’est autre que l’Ombre du Vrai, au Jour où il n’y a nulle Ombre que la Sienne. Et ceci est accessible par la prise de l’Engagement (bay’a) devant le Messager d’Allâh (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam), sous l’Arbre.

Et à la question de savoir pourquoi n’y a-t-il pas de Point dans la Parole « lâ ilâha illa Allâh, Muhammadun Rassoûlullâh »… la réponse est que c’est dans ton cœur qu’il faut le trouver. Cherche le donc, et sache que bien entendu tu ne parviendras pas à le trouver sans l’aide d’un Guide, dont le Point de son cœur se sera établi sur l’ensemble des particules de son univers. Quant au Coran qui marche, il s’agit de la Miséricorde suscitée aux monde, sayiduna Muhammad (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam). Et lorsque la mère des croyants ‘Aicha (radiAllâhu ‘anha) fut questionnée au sujet du comportement du Prophète (‘alayhi s-salât wa s-salâm), elle dit : « Son comportement était le Coran » [Sahîh Muslim]

Ses paroles étaient ainsi lues et étudiées sous soixante-dix degrés, au nombre des soixante-dix voiles, et dans son auditoire chacun comprenait de ses mots une chose qui lui était spécifiquement destinée. Comment pourrait-on penser que ses mots ne sont pas cernés de voiles, lui qui est l’Esprit Suprême, celui dont les Noms divins ne se manifestent qu’au travers du miroir de sa Lumière… quant aux Connaissants (‘arifoun), ils ne puisent nulle part ailleurs que dans l’océan de sa Lumière, ne les subjugue que la Beauté de son apparition, et ils ne fondent littéralement que devant le prestige et la prestance de sa contemplation. Finalement, sache que ce qui a énormément de valeur dans ce bas monde n’en a plus aucune dans l’au-delà… et inversement, que ce qui n’a pas de grande valeur dans ce monde en a au contraire énormément dans l’autre.

Ici-bas, l’or, l’argent, le parfum et les bijoux sont des objets de valeur, tandis que dans le Paradis ils ne sont que des matériaux à partir desquels les châteaux seront construits… Dans ce bas monde, tu les considères de grande valeur, et c’est la raison pour laquelle tu te refuses à les vendre pour Allâh, bien qu’Il Se propose de te les racheter. L’offre perdure, et tu te retranches dans ton avarice vis-à-vis du Vrai… malgré le fait que tu saches que la rétribution qui t’attend dans l’au-delà pour ce sacrifice vaille bien plus que le sacrifice lui-même…

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