Répartition de la Fâtiha entre Seigneur et serviteur

Sommaire :

Résumé de l’assise du 16 Janvier 2016 / Jumu’a 27 Rajab 1437 :

Nous revenons à la hadra du lâm al-qabd, dans sa première lecture, c’est-à-dire au travers du hâ’ al-hawiya. C’est une lecture qui s’effectue dans le but de purifier la nafs, et pour connaître la nafs, en réalisant en quelle mesure elle est un souffle (nafas) de al-Mustafa ﷺ.

Le Seigneur ﷻ dit à ce propos : « Ne vois-tu pas ceux qui purifient leurs propres nafs (ceux qui s’auto-purifient)? Plutôt, c’est Allâh qui purifie qui Il veut. » [1] L’individu ne peut en aucun cas se purifier lui-même. La condition est que le Seigneur ait voulu pour lui le bien et l’établissement d’un lien, auquel cas ledit individu aura été purifié par Allâh, par Son nom singulier, ce nom ultime qui fut un indicateur pour la connaissance de son essence éternelle, ainsi que pour la parfaite réunion de l’ensemble de ses noms et attributs.

Ces noms et attributs… ils sont anéantis (hâlika) par sa lumière. Plus précisément… ces noms (asmâ’) et ces attributs (sifât) sont anéantis par la lumière de son essence (dhât). Dès lors que le Vrai ﷻ se manifeste par sa lumière éternelle, les noms et attributs se dissipent et deviennent cachés. Ils ont certes une place lors de l’état d’apparition (al-dhuhûr), un statut et une station… mais dès lors qu’apparaît l’essence ultime, tout autre qu’elle devient caché. Ses noms, ses attributs et ses actes (af’âl) deviennent occultés, et ne demeure que celui qui est tel que « aucune chose n’est comparable à son exemple. » [2]

Ces noms et attributs sont anéantis par la lumière de l’essence, de la même manière que disparut la forme (al-sûra) déterminée, dans la hadra de Mûsâ (‘alayhi salâm), lorsque son Seigneur se manifesta à la montagne et « lorsque son Seigneur se manifesta à la montagne, Il la pulvérisa, et Mûsâ tomba, foudroyé. » [3] Cette forme (al-sûra) qu’est la montagne fut pulvérisée par la manifestation de la source essentielle (al-‘ayn). La montagne que serait le nom (jabaliyat ul-ism) s’efface jusqu’à ne plus avoir aucune existence dans l’établissement de l’essence du nommé. Ne demeure alors que le nommé, tel que « aucune chose n’est comparable à son exemple. »

De ce fait, toute personne qui prendra pour point de départ sa propre nafs et le but final le Vrai ﷻ, son objectif et le sens de sa quête sera dans un premier temps la connaissance (ma’rifa) de ses noms et de ses attributs. Puis, lorsqu’il se sera rapproché et aura connu ce qu’il aura pu connaître des noms et attributs, puis lorsque le Vrai ﷻ lui sera apparu, dans sa nature ultime et éternelle, alors tout ce qui sera relatif au contemplant s’estompera, et ne demeurera plus que le contemplé, unique, exaltée soit sa transcendance.

Cette manifestation théophanique est perpétuelle, éternelle et prééternelle… mais l’individu est absolument incapable de l’atteindre, pour la simple raison qu’il lui faudrait pour cela parvenir à faire entièrement abstraction des directions, des dimensions, des images, et de toute chose.

Il est ainsi la source de la source (‘ayn al-‘ayn), par son essence issue de sa lumière, et l’ombre de ses noms et attributs. C’est la raison pour laquelle, jamais et en aucun cas aucun hadîth ni verset ne fit état du fait que al-Mustafa ﷺ, après être parvenu à sidrat al-muntahâ, tomba foudroyé. Bien au contraire : il demeura dans son état, tel quel, et « la vue n’a nullement dévié. » [4], il ne perdit pas la conscience de ses actes ni de ce qu’il est, mais il demeura tel qu’il était, depuis son commencement.

Ce commencement qui est d’ailleurs l’aboutissement, ou la khatmiya de celui que le Vrai ﷻ établit comme seigneur (sayid) de la création toute entière ﷺ. Il le créa (fatara) dans une dimension essentielle (dhâtiya), de sorte que sa fitra première, c’est-à-dire dès le commencement, fut une fitra dhâtiya. « Telle est la fitra d’Allâh, conformément à laquelle Il créa les gens. » [5] Ce verset nous indique bien que Allâh ﷻ créa (fatara) les gens conformément à Sa fitra. Il ﷺ est donc la fitra d’Allâh, c’est-à-dire l’âme purifiée (al-nafs al-zakiya), et les gens sont conformes à sa fitra dans la mesure où ils se conformeraient à son exemple, s’éloignant de ce qu’il interdit et s’acquittant de ce qu’il ordonne.

La théophanie (al-tajalliy) est de lui et pour lui. Son apparent (dhâhir) est son caché (bâtin), et son commencement (awwal) est son aboutissement (âkhir). Aucune trace (athâr) quelle qu’elle soit ne put apparaître sur lui, mais plutôt, par sa lumière suprême, toutes les lumières furent aspirées. Ceci parce qu’il ﷺ est l’origine de la réalité (asl ul-haqîqa) de l’existence, de laquelle jaillit les lumières que purent contempler les yeux bien établis. Ceci est parfaitement clair dans le hadîth que nous avons l’habitude de répéter : « Je pris une poignée de Ma lumière et lui dis : « Sois Muhammad. » » De ce fait, le souffle (nafas) de al-Mustafa ﷺ est le premier des souffles, ou plutôt il est le premier de tout ce qui est : c’est par lui qu’apparurent les lumières et les nafs, et c’est par lui qu’apparut ce qui était et ce qui sera.

Il fut alors dévoilé à ces nafs, en lesquelles il flue, du fait qu’il en est l’esprit. Il est l’esprit de l’ensemble de toutes les nafs, en vertu de « Certes, il vous est venu un messager de vous-mêmes (anfusikum) » [6] de vous-mêmes, signifiant ici : de l’ensemble des nafs de toute l’humanité, tout individu confondu. Il est leur esprit à tous, et il est umm al-kitâb… raison pour laquelle umm al-kitâb [7] est sujette à des avis divergents : certains disent qu’elle ne fait pas partie du Coran, comme par exemple ibn ‘Abbâs…

Le Prophète ﷺ dit : Allâh dit : « J’ai divisé la prière en deux parties, entre moi et mon serviteur, et à mon serviteur ce qu’il demande. Lorsque le serviteur dit : al-hamdulillâhi rabbi l’âlamîn, Allâh ﷻ dit : Mon serviteur m’a loué. Lorsque le serviteur dit : al-rahmân il-rahîm, Allâh ﷻ dit : Mon serviteur m’a fait éloge.
Lorsque le serviteur dit : mâliki yawm il-dîn, Allâh ﷻ dit : Mon serviteur m’a glorifié. Lorsque le serviteur dit : iyyâka na’budu wa iyyâka nasta’în, Allâh ﷻ dit : Ceci est entre moi et mon serviteur, et à mon serviteur ce qu’il a demandé.
Et lorsque le serviteur dit : ihdinâ l-sirât al-mustaqîm, sirât alladhîna an’amta ‘alayhim, ghayr il-maghdûbi ‘alayhim wa la l-dâllîn, Il dit : ceci est pour mon serviteur, et à mon serviteur ce qu’il a demandé. »
[8]

Cette Fâtiha est donc répartie entre le Seigneur et le serviteur… de sorte que celui qui se concentrera sur elle et percevra sa dualité : la fissure (al-inchiqâq) du lâm al-qabd lui apparaîtra. Et si cette fissure du lâm al-qabd devient apparente (dhâhir) d’une apparition totale… et regardez bien, il s’agit ici de la sourate qui fut appelée al-Fâtiha, l’ouverture… ou comme s’il s’était agit à l’origine d’une réalité fermée, cachée, sans aucune forme apparente et manifeste. Cette ouverture, ou cette fissure (inchiqâq) est une fissure de cette réalité primordiale.

En d’autres termes, c’est justement : « Il prit une poignée de sa lumière et lui dit : « Sois Muhammad. » » C’est-à-dire qu’avant cette apparition de al-Fâtiha, la chose était dans un état de transcendance absolue, au sujet de laquelle il n’y avait pas de connaissance (ma’rifa) possible car rien ne pouvait l’indiquer. Et selon un autre hadîth qudsî « J’étais un trésor caché et j’ai aimé à me faire connaître. Je créais donc la création, et par moi, ils me connurent. » ce qui veut bien dire que c’est par Son être propre, c’est-à-dire par Son essence, que la création put Le connaître.

Pour ce qui est du lâm al-qabd, la toute première fissure (inchiqâq), c’est umm al-kitâb. [9] C’est la raison pour laquelle les intellects furent incapables (‘ajazat) d’en élucider la réalité : certains la considérèrent comme une sourate du Coran, d’autres au contraire affirmèrent qu’elle n’en faisait pas partie. Si tu considères tous ces avis selon le degré depuis lequel ils furent émis, tu constateras en vérité que tous sont justes.

Ce hadîth précité nous laisse comprendre qu’effectivement, umm al-kitâb a deux faces : l’existence attestée (al-wujûd al-chuhûdiy) et l’inexistence occultée (al-‘adam al-butûniy). C’est-à-dire que toujours, elle apporte la part de servitude et la part de seigneurie. Apparaît d’une part le serviteur dans toute son indigence, et d’autre part le Seigneur dans son inépuisable richesse et dans son incommensurable élévation. Voilà pourquoi le Seigneur ﷻ dit : « La prière fut divisée en deux entre moi et mon serviteur. » C’est-à-dire que l’apparition du lâm al-qabd par le Coran… où eut-elle lieu ?

…c’est d’ailleurs pourquoi nous attribuons à la lecture du lâm al-qabd le plus haut des degrés. Pourquoi ?
Parce que celui qui ignore cette lecture du lâm al-qabd… il finit par avoir un grand problème dans sa vie. Comme le dit l’imâm Mâlik (qu’Allâh l’agrée) : « Celui qui s’accomplit dans la haqîqa en délaissant la charî’a… »c’est-à-dire que s’il se met à chercher dans l’inexistence occultée (al-‘adam al-butûniy), ou dans l’ordre de la seigneurie (al-amr al-rubûbiy), et qu’il se focalise exclusivement sur ce plan… comment sera-t-il perçu, du point de vue de la charî’a ?
Il deviendra un hérétique (zindîq).

Et du point de vue du domaine apparent (al-dhâhir) à présent, s’il se focalise sur l’indigence du statut de la servitude, alors il se consacrera entièrement au fait de se conformer à la charî’a, et il comprendra les choses comme le comprennent les yeux physiques… mais s’il ne s’est pas donné la peine d’apprendre et de connaître cette réalité ésotérique occultée (bâtiniy), alors il deviendra un pervers (fâsiq).

Quant à celui qui réunira les deux choses en même temps : celui-là aura atteint la pleine réalisation (tahqîq).

Or, pour être en mesure de lier ces deux parties, il s’agira de réunir et connaître l’ensemble des indications et des spécificités de celle qui ouvre le Livre (fâtihat ul-kitâb). Cela signifie que celui qui parvint à cette réunion et qui comprendra al-Fâtiha, elle deviendra pour lui une obligation (fard) dans la salât, ou autrement dit dans le lien (silat) entre lui, son Seigneur et son Prophète ﷺ.

Le Seigneur la révéla comme étant « les sept dualisants » (al-sab’ al-mathâniy [10]), et ces sept dualisants comportent sept lectures, avec chacune leurs spécificités, dans la révélation et la connaissance de cette fissure (inchiqâq). C’est à partir de là que tu connaîtras le véritable sens de la lecture et la manière de cheminer dans le Coran.

De là, on comprend également pourquoi la première sourate qui vint, après al-Fâtiha, c’est la sourate al-Baqara, qui débute, après la basmala, par : « Alif-lâm mîm. Voici le Livre… » voilà, c’est à présent que commence le Livre.

Quant à l’ouverture (al-Fâtiha), elle est umm al-kitâb. Et dès lors que l’on dit : « Alif-lâm mîm. Voici le Livre », nous entrons dans la dimension diffractée (al-farq), et nous commençons à connaître la première sourate, qui est la sourate al-Baqara, qui n’eût d’autre choix que de se tuer elle-même dans le but de faire apparaître autrui. Tu ne pourras donc atteindre cette connaissance cachée qu’après avoir tué la nafs, afin de faire apparaître l’esprit qui demeurait jusqu’alors occulté en toi-même.

Le jour n’est qu’un statut d’entre les statuts de la nuit

Disions-nous donc…Le hadîth précité [11] nous laisse comprendre qu’effectivement, umm al-kitâb a deux faces : toute forme (sûra) dans l’existence est nécessairement vraie (haqq). Sa haqîqa est le sens profond d’un nom divin d’entre al-asmâ’ al-husnâ. Et pour qu’ici le ‘ârif ne tombe pas dans l’erreur… s’il venait à considérer les fils d’Adam, il devrait les voir au travers du prisme des noms (al-asmâ’), en vertu du verset : « et Nous enseignâmes à Adam tous les noms. » Ceci est une indication claire désignant tout ce que l’être humain peut accomplir, inventer, découvrir en méditant sur soi-même… de cette manière, il atteindra la connaissance inhérente aux noms divins. En revanche, toutes les autres choses du monde qui l’entoure… nous ne disons pas que ce sont des noms, ou des indications des noms divins. Plutôt, ce sont des sens profonds émanant des noms du Vrai ﷻ. Car conformément au verset, c’est à Adam (‘alayhi salâm) que Allâh ﷻ enseigna tous ses noms, et non aux autres créatures.

Les formes sont par conséquent une réalité par le statut (hukm), tandis que les sens profonds (al-haqâ’iq) sont la réalité intrinsèque émanant de ces formes que tu perçois. De là, la lumière divine qui est contemplée (al-nûr al-machhûd), c’est « Allâh est la lumière des cieux et de la terre. »

Le Seigneur dit en effet « Allâh est la lumière des cieux et de la terre », et de ce fait Il fit que ces cieux et cette terre se révèlent et deviennent apparents par la lumière d’Allâh ﷻ., de sorte que n’apparaît de ces cieux et de cette terre que cette lumière contemplée. S’Il avait pu être voilé par autre que Lui-même, alors cette lumière aurait été limitée… Or justement : nul n’est en mesure d’établir une quelconque limite à cette lumière, ni par la vue, ni par la pensée, ni par quoi que ce soit. Exalté soit Allâh ﷻ au-delà du fait d’être limité par quoi que ce soit, Lui qui est « Allâh est la lumière des cieux et de la terre. » Ni les cieux ni la terre ne sauraient voiler Allâh. Plutôt chacun d’eux est apparent par la trace (athar) laissée par Sa lumière ﷻ.

Et selon le hadîth : « Son voile est lumière : s’Il l’ôtait, les souffles de Sa Face consumeraient toute créature sur laquelle se poserait Son regard. » [12]Son voile est lumière, malgré que le Vrai ﷻ nous ait informé au sujet de Lui-même en disant « Allâh est la lumière des cieux et de la terre. » En vertu de ce verset, la lumière est de fait un attribut d’Allâh ﷻ. Et on peut dire également que, de fait, Son voile n’est autre que Lui-même.

Comment pourrait-Il être voilé par quelque chose, alors que c’est de Lui qu’apparut toute chose ?
Comment pourrait-Il être voilé par quelque chose, alors qu’Il est l’apparent par la haqîqa de toute chose ? …alors qu’Il est le commencement (awwaliya) toute chose, et la finalité (âkhiriya) de toute chose, et la réalité cachée (bâtiniya) de toute chose ? Il est de fait la chose elle-même. Et aucune chose n’est en mesure de Le concurrencer en quoi que ce soit, puisqu’Il est le Créateur de toute chose.

Les réalités (haqâ’iq) de l’existence constituent le lâhût al-machhûd [13]. Le lâhût est exclusivement fait de sens profonds sanctifiés émanant des noms divins et se manifestant dans le nâsût [14], c’est-à-dire dans une forme apparente créée, qui devient donc ce qui en est contemplé. Et la synthèse des réalités du lâhût al-machhûd, c’est l’essence (al-dhât), dans laquelle se trouvent repliées toutes ces haqâ’iq, à l’image de l’arbre qui se trouve entièrement replié dans la graine… Bien qu’en vérité il n’y ait aucun repliement dans l’essence, ni de commencement la concernant.

Cet arbre, le Vrai ﷻ le mentionna dans le Coran en ces termes : « un arbre béni, un olivier ni oriental ni occidental. » C’est-à-dire que cet arbre absolu, si tu tentes de le considérer dans sa forme première et initiale… tu trouveras qu’il s’agit d’une graine, un noyau d’olive. Et ce noyau d’olive, c’est l’arbre tout entier. Par conséquent, si l’arbre était replié dans un noyau, le noyau deviendrait l’arbre lui-même.

Cela dit, du point de vu de l’intellect absolu, il n’y a ici aucun repliement, et en aucun cas. Nous avons donc al-Mustafa ﷺ qui est de fait l’esprit de toutes les nafs.

Cette boisson spirituellement enivrante (al-khamra), qui est la nuit du trésor caché, couvrant ce que perçoivent les yeux physiques, est la journée de la haqîqa al-Ahmadiya, dans la mesure où elle se manifeste par le dévoilement de ces réalités profondes (haqâ’iq).

Cette nuit est la journée manifestée au cœur de la nuit. Cette nuit… que toujours nous craignons, que nous fuyons et au cours de laquelle nous recherchons le jour qui fera réapparaître ce qui devint invisible en elle… si le jour finit effectivement par s’extirper de cette nuit, il deviendra lumière, et l’individu se mettra à suivre cette lumière, délaissant du même coup les ténèbres. Ceci donc du point de vue comparatif de l’ignorance (al-jahl) vis-à-vis de la connaissance (al-ma’rifa), ou de la proximité (al-qurb) vis-à-vis de l’éloignement (al-bu’d).

Cela dit, ce jour manifesté depuis cette nuit… cette nuit qui, si tu investiguais à son sujet… oui, et c’est pour cela que la noirceur (al-sawâd) est un sujet très difficile, dans la ma’rifa… elle est en vérité de la lumière des lumières. Allâh ﷻ dit : « Et un signe (ayat) pour eux est la nuit de laquelle nous extirpons le jour, et ils se retrouvent alors enténébrés. » [15] Notons ici que la lumière n’a pas été extirpée de la nuit. Si tu considères que le jour est lumière, alors cela revient à considérer que la nuit est dépourvue de lumière. En vérité, le jour s’est extirpé (insalakha) de la nuit, mais nous ne disons pas que la lumière s’est extirpée de la nuit. En aucun cas nous ne pourrions prononcer une telle parole. Bien que le jour se soit extirpé de la nuit… la lumière est et demeure toujours en elle. Et même, cette lumière devint la lumière des lumières, puisque c’est elle qui fit apparaître ce phénomène du jour qui s’extirpe de la nuit.

Disions-nous donc, la lumière ne s’est pas extirpé de la nuit, c’est plutôt le jour qui en fut extrait, et de ce fait le jour est un statut (hukm) d’entre les statuts de la nuit. La nuit est la lumière-même (‘ayn al-nûr), la nuit est l’occultation-même (‘ayn al-butûn) et l’apparition-même (‘ayn al-dhuhûr). C’est la raison pour laquelle, dans l’écriture du nom suprême « Allâh », apparaît une fissure (inchiqâq) dans le lâm al-qabd, signifiant que cette nuit garde en elle une force, une énergie occultée (bâtiniya), qui n’est autre que la lumière originelle.

La nuit est l’occultation-même (‘ayn al-butûn) dans le sens où elle est elle-même un voile, comme dit le Messager d’Allâh ﷺ : « Son voile est lumière. » ce voile est un voile caché (mastûr), et non pas cachant (sâtir). Allâh ﷻ dit : « Et lorsque tu récites le Coran, Nous plaçons entre toi et ceux qui ne croient pas en l’au-delà un voile invisible (mastûr). » [16] Si le voilé (al-mahjûb) avait su ce qu’est le voile (al-hijâb), il aurait certes su qui est Huw. La différence entre le voile et le voilé n’est en vérité qu’une considération, une considération de ce qui couvre et de ce qui est théophanique. Et ce qui distingue la quiddité de l’essence (kunh al-dhât) et la réalité de l’Homme (haqîqat al-insân) -on parle bien ici de la haqîqa de l’Homme, et non pas de l’Homme ! La haqîqa de l’Homme, qui est la haqîqa al-muhammadiya de al-Mustafa ﷺ- est là aussi un statut de considération (hukm i’tibâriy), car il s’agit d’une question essentielle (amr ‘ayniy), et il n’est en réalité qu’une seule et unique source (‘ayn). Allâh ﷻ dit : « Et Notre amr est unique (wâhida). » [17]

« …Tandis que le cœur de Mon serviteur put Me contenir. »

Al-Mustafa ﷺ nous informa au sujet de lui-même qu’il est à la fois le premier et le sceau des prophètes… mais cette réalité n’est explicable d’aucune manière que ce soit, du point de vue de la raison et de la logique. Si tu considères le fait qu’il soit le premier des prophètes, dans la dimension corporelle humaine, alors le premier des prophètes est sayiduna Adam (‘alayhi salâm). Et si tu considères le fait qu’il soit le sceau des prophètes, alors là aussi, dans la dimension corporelle humaine, le dernier des prophètes est sayiduna ‘Issâ (‘alayhi salâm).

En considérant ce fait qu’il ﷺ soit à la fois le premier et le sceau des prophètes… si tu comprenais le sens de cela, alors tu saurais qui est le Prophète ﷺ. Et si tu parvenais à connaître ce cercle, dont le commencement est le chaton [18] du Prophète, et dont la fin est le chaton du Prophète… alors tu aurais effectivement su qui est ton Prophète, qui est ce voile ultime (al-hijâb al-a’dham), que tu as pris comme moyen de parvenir à l’essence ultime (al-dhât al-‘aliya).
Si en revanche tu reviens au domaine des formes concrètes que perçoivent l’intellect et la raison, tu ne pourras évidemment pas être en mesure d’appréhender cette réalité.

Sayiduna Muhammad ﷺ, qui est la réunion des réalités du lâhût al-machhûd, et dans laquelle furent réunies les formes (al-suwar), les statuts (al-ahkâm), les considérations (al-i’tibârât), les états (al-chu’ûn), les degrés (al-marâtib), les noms (al-asmâ’) et les attributs (al-sifât).

Allâh ﷻ dit en effet : « Certes, il vous est venu un Messager de vous-mêmes. »
Et le Messager d’Allâh dit : « Je suis le seigneur des fils d’Adam, sans fierté. » et il nous dit qu’il est le premier [19] des prophètes, qu’il est le sceau [20] des prophètes, et selon Ummunâ ‘Aicha (qu’Allâh l’agrée), le Messager d’Allâh ﷺ était « un Coran qui marche »… c’est à dire que fut octroyé à al-Mustafa ﷺ le fait de l’acte, du nom et de l’attribut… de sorte qu’il ne lui resta plus que le fait d’être le voile ultime (al-hijâb al-a’dham), de sorte que le Vrai ﷻ fit que si tu contemplais ce voile ultime, cette vision te mènerait directement au Tout-Miséricordieux.
Tel est le Messager d’Allâh ﷺ.

Il est la réalité (al-haqîqa), il est la source éternelle (al-‘ayn al-azaliya) de laquelle puisèrent toutes les sources. Comme le dit al-Busayriy dans la très célèbre Burdah : « Tous (les prophètes) sollicitent le contact (multamis) du Messager d’Allâh », et cette sollicitation de son contact spirituel (iltimâs), afin de puiser de lui ﷺ, n’est pas un concept théorique, c’est bien une réalité qui s’accomplit au travers des domaines du nom, de l’attribut, de l’acte, du statut et de la connaissance de l’essence éternelle.

Si cette réunion (majma’) n’était pas apparue, jamais les gens de la réunion et de la complétude n’auraient pu atteindre al-ma’rifa al-mustafawiya ﷺ… car lorsque cette source (‘ayn) apparut, elle fit disparaître le point. A chaque fois qu’apparut al-‘ayn ( ع ), elle fit disparaître le point de al-ghayn ( غ ), effaçant le devant, le derrière et le lieu (al-ayn), de sorte qu’il ne demeura alors plus ni apparition (dhuhûr), ni occultation (butûn)… ni de scission (fasl), ni de jonction (wasl), ni d’entre-deux. « Allâh nous réunit, et c’est vers Lui qu’est la destination. » [21]

Les caractéristiques des noms et des attributs ne sont autre que le ciel de l’essence lui-même, et la pleine lune de la haqîqa al-muhammadiya est la lumière : par elle apparurent les caractéristiques de l’antériorité (al-awwaliya) et de la postériorité (al-akhiriya), ainsi que l’occultation (al-butûn) et l’apparition (al-dhuhûr). N’eut été la révélation éclatante de cette lumière, les gens de la complétude (al-kummal) n’auraient eu en vérité d’établissement fixe (istiqrâr) : « C’est pour une chose telle que celle-ci que doivent œuvrer ceux qui œuvrent » [22] et « en cela, que se concurrencent ceux qui se concurrencent. » [23] En vérité la concurrence (al-tanâfus) est une concurrence qui se fait dans la part que tu pourras atteindre dans la proximité et la connaissance du Prophète ﷺ. Telle est la véritable concurrence. La concurrence ne se fait pas dans les choses futiles. La concurrence se fait dans la mise en évidence et dans l’apparition de l’attribut (la lumière), jusqu’à ce qu’il s’établisse sur l’intégralité du cœur, et que ce cœur finisse alors par devenir cet attribut lui-même.

Allâh dit effectivement dans un hadîth qudsî : « Ni ma terre ni mon ciel ne purent Me contenir, tandis que le cœur de Mon serviteur croyant le put. » De ce fait, si tu parvenais à cerner al-insân al-kâmil d’une considération exhaustive, tu contemplerais le Vrai. Seulement le problème ultime, l’incapacité totale, l’éloignement, la scission dans cela… c’est que l’Homme (al-insân) ne peut en aucun cas être cerné.

Oui, si tu parvenais à cerner al-insân al-kâmil d’une considération exhaustive, alors tu atteindrais la connaissance (al-ma’rifa) du Vrai… seulement tu en es absolument incapable. Cet insân al-kâmil reste et demeurera à tes yeux, quoi qu’il arrive, un être physique se limitant à un corps de chair. Or, le Tout-Miséricordieux ne S’est pas couvert par un voile plus efficient que celui que constitue al-insân al-kâmil. Notre Seigneur ﷻ ne S’est pas voilé par un voile plus munificent que le voile ultime (al-hijâb al-a’dham), à savoir al-insân al-kâmil, qui n’est autre que al-Mustafa ﷺ.

Ceci parce que Son intime (khalîl) est à Son image, qu’il est Son vicaire (khalîfa) sur terre, et il fut ordonné que l’on lui prêta allégeance et que l’on se conforma à son suivi. De ce fait, tout individu qui n’attestera pas (lam yachhad) en attestant de al-Mustafa ﷺ aura un islâm incomplet, car il ne sera pas accepté pour lui d’attester de Allâh sans attester du Prophète ﷺ.

Si le Seigneur ne lui avait pas attribué l’indépendance (al-istiqlâl), il n’aurait pas dit à son sujet : « prends-le donc comme représentant (wakîl). » [24] Il devint de ce fait, effectivement, le représentant de Allâh sur Sa terre. Et Il fit de lui le voile du Vrai, du fait qu’il est à Son image. Or, ne connaît le voilé (al-murtadi) que ce qui se trouve à l’intérieur du voile… et le voile (al-ridâ’) prend alors la forme et se pare des caractéristiques du voilé : « le cœur de Mon serviteur croyant put Me contenir. »

Lorsque, dans ce hadîth, le Seigneur ﷻ affirme que ni son ciel ni sa terre ne purent le contenir… sachant qu’Il dit par ailleurs « Allâh est la lumière des cieux et de la terre. » [25] Il te donne un exemple (mathal) de la lumière des cieux et de la terre, puis Il te dit que ni ces cieux ni cette terre ne purent le contenir.

Or toi, tu ne peux établir de délimitation claire à ces cieux et à cette terre… Seul le cœur du serviteur croyant est en mesure de réaliser cette délimitation (al-taqyîd), par l’exemple (al-mathal), en vertu du fait que « un exemple de Sa lumière est telle une niche » cette niche ne saurait être révélée et apparaître, dans une forme limitée, ni dans le ciel, ni sur la terre. Car si elle apparaissait dans l’un ou l’autre, ils seraient du même coup désintégrés, comme le dit le Vrai : « le jour où Nous plierons le ciel tels que sont pliés les feuillets du livre : de la même manière que Nous débutâmes la première création, Nous la ferons retourner… » si le ciel devait être plié tels que sont pliés les feuillets du livre, cela signifierait qu’il n’y aurait alors plus de ciel, ni de terre. Ils auraient été repliés, de la même manière que l’arbre est replié et réuni dans la graine.

Cependant, par cet exemple (mathal), les sept cieux et les sept terres sont repliés, dans le cœur du serviteur croyant, en vertu du hadîth qudsî : « Ni ma terre ni mon ciel ne purent Me contenir, tandis que le cœur de Mon serviteur croyant le put. »

En d’autres termes : les cieux et la terre sont repliés dans le cœur du serviteur, mais la condition pour ce faire est que ledit serviteur soit croyant (mu’min), quelqu’un donc qui serait entré par le nom al-mu’min, quelqu’un qui aurait parfaitement connu al-mu’min ainsi que ceux qui viennent avec lui, en vertu du fait que « le croyant (al-mu’min) est le miroir de son frère. » De ce fait donc, ceux qui viennent à sa suite sont pour lui un miroir, et ils sont pour lui des frères.

Or, s’ils sont pour lui des frères, cela signifie qu’ils sont ses noms ; ils sont les noms de ce mu’min. Il se peut donc que celui qui lui fait face soit un nom d’entre les noms du Vrai, et qu’il soit rahîm… ou bien karîm. Mais pas karîm (généreux) dans le sens où toi tu l’entends, à savoir quelqu’un qui donne de ses biens ou quelque chose comme ça… non. Il est karîm de par sa connaissance de l’essence divine. Al-karîm épand sur lui sa générosité en lui faisant connaître le lien établi avec Lui.

Les emplacements des étoiles : le jurement énorme

En ce qui concerne al-Fâtiha, dans la fissure (al-inchiqâq) première, lorsque le serviteur dit « al-hamdulillâhi rabbi l’âlamîn« , le Seigneur répond « Mon serviteur M’a louangé. »… Mais ne vas pas t’imaginer que lorsque toi tu prononces ces mots de ta bouche, le Vrai va à son tour prononcer les mots de la réponse.

Non. Le sens de « Mon serviteur M’a louangé », dans le hadîth al-qudsî, signifie qu’il s’est lui-même louangé, par lui-même, dans l’élévation ultime de son jabarût, et ce avant le sens profond de la fissure (al-inchiqâq) ! Il fit alors descendre cet inchiqâq dans le cœur de celui qu’il voulut d’entre ses serviteurs, de sorte que la langue de ce dernier prononça effectivement : « al-hamdulillâhi rabbi l’âlamîn. » De ce fait, la hamdala d’Allâh est prééternelle. Elle est telle qu’aucune hamdala ne pourrait lui être comparée.

Si le Seigneur ﷻ te choisit et te privilégie, au point que ta parole s’active par la mention de « al-hamdulillâh« … alors prononce une première hamdala (louange) pour Allâh, et prononce une deuxième hamdala pour le fait que ton cœur ait vu s’activer en lui le fruit de la hamdala, et prononce une troisième hamdala pour le fait que ta langue ait prononcé ce qui allait dans le sens de ce que Allâh ﷻ établit dans ton cœur.

Si tu considères cela… tu constateras que jamais, de toute ta vie, tu n’as fait la louange d’Allâh. Car de fait : comment pourrais-tu louer celui qui est tel qu’aucune chose ne lui ressemble… toi dont la langue est intrinsèquement lié à la chose, et toi dont la caractéristique est proprement chose… ?

Voilà donc : rabaisse ta nafs. Telle est la toute première maxime de la Voie. Rabaisse ta nafs… car ta réalisation de la connaissance du fait seigneurial se trouve dans l’humiliation de la servitude. Il ne fut pas dit que le Seigneur n’est jamais plus proche de son serviteur que lorsque ce dernier se trouve prosterné, si ce n’est pour que justement tu te prosternes, rabaissant par là-même ton front, soit la partie la plus élevée de ton être. Effectivement, tu ne te prosternes pas avec les pieds, ni avec les mains. Tu te prosternes avec ce qu’il y a de plus élevé dans ton corps : ta tête. Et tu la fais descendre, dans un rabaissement et une humiliation totale… vers quoi ? Tu la rabaisse dans une prosternation pour le Tout-Miséricordieux, et alors il devient ta qibla.

En ce qui concerne la ma’rifa du nom al-mu’min… le hadîth nous dit que « Le croyant (al-mu’min) est le miroir de son frère. », cela signifie : descends, rabaisse-toi… car c’est par cette descente que le Très-Haut (al-‘aliy) t’élèvera. Si tu te rabaisses devant ton frère musulman… comme le considèrent les insouciants… si par exemple tu embrasses sa main, ou si en le regardant tu baisses les yeux par humilité… les insouciants te diront « Mais qu’est-ce qui te prend ? As-tu peur de lui ? Ne serais-tu pas en train de le vénérer, ou de l’adorer ? »
Non ! C’est ce qu’on appelle de la bienséance (adab). Al-Mustafa ﷺ ne dit-il point : « Qui n’est point reconnaissant envers les gens, n’est point reconnaissant envers Allâh. » et dans un autre hadîth : « Je suis le seigneur (sayid) des fils d’Adam, sans fierté. » Cherche donc, considère le commencement et la finalité de cette siyâdah… comment était son rabaissement ﷺ vis-à-vis de la jeune servante, et vis-à-vis du vieil homme, et vis-à-vis de l’enfant… ? Quant à toi et ta fatuité… quel que soit ton niveau de connaissance d’ailleurs… si en entrant dans ton foyer tu te comportes comme un lion, et si tu t’imagines ce faisant que c’est toi le chef, celui qui maîtrise… sache qu’en vérité, dans la balance de la justice, tu n’as même pas le degré du rat. Dès lors : descend ! Plus tu descendras, et plus Allâh ﷻ t’élèvera.

Tu ne pourras jamais connaître la fissure de al-Fâtiha, et tu ne pourras pas considérer avoir lu « les sept dualisants » (al-sab’ al-mathâniy), si ce n’est après que tu aies véritablement connu et réalisé le sens profond de « umm al-kitâb« .
Or la mère du livre, ce n’est pas le livre…

Allâh ﷻ fit que de la nuit apparaisse le jour. C’est-à-dire que de base, la nuit est une réalité brute, telle qu’elle, et nul ne peut connaître ce qui s’y trouve, si ce n’est après que le soleil lui soit apparu, puis la lune, puis les étoiles… alors, à partir des mouvements observés de chacun, le jour lui apparaît de sorte qu’il devient apte et en mesure de distinguer le jour de la nuit.

Al-Mustafa ﷺ dit : « Mes compagnons sont telles les étoiles : quel que soit celui que vous suivrez, vous serez bien-guidés. » C’est à dire que les compagnons puisent et reflètent la lumière du Prophète ﷺ, et cette lumière ne vient pas d’eux-mêmes.

Il en est de même pour les disciples. Le disciple, au début de son cheminement, est une étoile. Cependant, nous ne pouvons dire que, quel que soit celui d’entre eux que vous suivrez, vous serez bien-guidés. Nous ne pouvons pas désigner le disciple comme un exemple à suivre pour tous, non, car ici, il s’agit d’une grâce et d’un privilège que l’humble serviteur [26] tient du Prophète ﷺ, en vertu de « Comme j’aurais aimé rencontrer mes frères. » [27]Il les rapprocha donc en tant que ses frères, c’est-à-dire que leurs nafs est issue de sa nafs : « Certes, il vous est venu un Messager de vos propres nafs. »
De là, si le croyant fournit les efforts nécessaires, il finira par devenir une lune, et se révélera et s’établira ainsi pour lui la réalisation du tawhîd de Allâh ﷻ. La lune prendra diverses teintes, selon les divers états spirituels qui se succéderont. Alors, ce disciple lunatique (al-murîd al-qamariy), tu constateras qu’effectivement, un jour il est comme-ci, et le lendemain comme ça. Il ne restera jamais dans un même état, de manière fixe et continue, c’est impossible, conformément au hadîth : « Les cœurs sont entre deux des doigts de Allâh, et Il les retourne comme Il le veut. » [28]

En revanche, le soleil… le soleil est et reste de lui-même, pour lui-même. Il n’est pas sujet au changement ni à l’évolution de son statut ou de son degré. Il ne cache rien, et ne dévoile rien. Plutôt, il fait apparaître absolument tout… au point que dans cette apparition du tout se trouve l’occultation du tout. Tel est le soleil. Il est dans une stabilité absolue. On ne dira pas de lui qu’il est susceptible de changer de luminosité. A la différence de la lune, qui évolue durant les trente jours que peut durer un mois. Ou comme si ce mois comprenait trente journées, correspondant à l’apparition (al-dhuhûr) et à la contemplation… ainsi que trente nuits, renvoyant à la dimension occultée (al-butûn). Nous avons donc trente d’apparition, et trente d’occultation, complétant soixante, au nombre de hizb constituant le Coran. Cela signifie que chaque hizb est associé à une station de la lune. La fluctuation du Coran se fait donc à l’image de la fluctuation des stations de la lune.

Or, le Vrai dit : « Non, Je jure par les emplacements des étoiles… » Le Seigneur a juré par une multitude de choses… Il a juré par l’arbre, par l’herbe (al-najm), par le soleil et par la lune… cependant, lorsqu’Il évoqua le sujet du Coran, Il dit : « Non, Je jure… » c’est à dire que le jurement est d’un établissement total « … Je jure par les emplacements des étoiles, et c’est là un jurement énorme, si vous saviez… » tous les jurements faits par Allâh sont énormes, cependant Il n’établit la grandeur et l’importance de Son jurement que dans celui-ci : « Non, Je jure par les emplacements des étoiles, et c’est là un jurement énorme, si vous saviez : il s’agit certes d’un noble Coran, dans un livre préservé (kitâb maknûn). » [29] Par conséquent, l’emplacement des étoiles, c’est le livre préservé (al-kitâb al-maknûn).

Toi aussi, tu te trouves dans un de ces emplacements (mawqi’). Tu te tiens sur la terre, et tu te déplaces en un mouvement circulaire autour du soleil, c’est-à-dire entre ces différents emplacements des étoiles. Autrement dit : tu circules, ô insouciant que tu es, dans le Coran. Tu marches dans le Coran. Tu t’imagines… tu te dis que tes yeux regardent vers le ciel, et que tes pieds sont sur la terre, et que tu respires… quand je te demande qu’est-ce que tu respires, tu me réponds : « De l’oxygène ! Et quand j’expire, c’est du dioxyde de carbone. »

Cependant ta réalité… c’est l’inspiration de ton ‘ayn nocturne… et ton expiration est ta contemplation (al-chuhûd) diurne. Plus tu inspireras de haqâ’iq nocturnes, à travers la source (‘ayn) des lumières, et plus tu exprimeras ces fluctuations lumineuses durant ta journée. Tu parleras, les plumes inscriront tes mots, et sera consigné dans une tablette spécifique la manière selon laquelle tu auras compris le Coran. Et si tu es véritablement du nombre de ceux qui ont compris le Coran, alors tes actes et tes paroles seront nécessairement Coran, conformément à la description que fit ummunâ ‘Aicha (qu’Allâh l’agrée) de al-Mustafa ﷺ : « C’était un Coran qui marche. » C’est à dire qu’il inspirait de la source (‘ayn) originelle nocturne… pas ténébreux, nocturne, c’est différent ! Et il faisait apparaître al-inchiqâq de lumières dans leur forme apparente première, dans le monde concret. Tel est al-Mustafa ﷺ.

Par cette inspiration du souffle premier, apparut le premier verset : « Lis ! » et voici que al-ummiy devint lettré, et voici que le silencieux devint parleur, et voici que celui qui était assis se mit à bouger.

Selon ‘Aicha la mère de croyants : « Chez le Messager d’Allâh ﷺ, la révélation débuta par des visions vertueuses qui survinrent durant son sommeil. Chacune de ces visions lui venait systématiquement d’une manière similaire à l’aube du levant. Suite à cela, il éprouva le désir de s’isoler. Il prit alors l’habitude de se retirer dans la grotte de Hira, où il se consacrait aux adorations nocturnes (al-tahannuth) et ce durant plusieurs nuits successives, sans qu’il ne retourne auprès de sa famille. Pour ce faire, il prévoyait les provisions nécessaires. Après quoi, il allait retrouver Khadîja, et il reprenait à nouveau les provisions nécessaires pour repartir, et ce jusqu’à ce que le Vrai (al-Haqq) lui vint, alors qu’il se trouvait dans la grotte de Hira. L’ange lui dit alors : « Lis ! » Il répondit : « je ne suis pas lettré » Il dit (à ce sujet) : « Il s’empara de moi et me recouvrit entièrement, et lorsque cela me devint trop pénible, il me relâcha et dit : « Lis ! » Je lui répondis que je n’étais pas lettré, et il se s’empara de moi et me recouvrit une seconde fois, et lorsque cela me devint trop pénible, il me relâcha et dit : « Lis ! » Je lui répétais que je n’étais pas lettré, et il s’empara de moi et me recouvrit une troisième fois, puis me relâcha et dit : « Lis ! Par le nom de ton Seigneur qui a créé. » » [30]

Seulement lorsque nous récitons le Coran aujourd’hui, et particulièrement cette sourate… Nous n’allons pas pouvoir réciter en disant : « Lis ! Je ne suis pas lettré. Lis ! Je ne suis pas lettré. Lis Par le nom de ton Seigneur qui a créé. » La sourate n’est pas venue de cette forme, évidemment. Que doit-on comprendre alors ?

On doit comprendre que la parole, dans le sens de ce qui est prononcé (al-lafdh) a été comprise selon ce qui en a été occulté (butina), dans le secret de la nuit. De sorte que lorsqu’il prononça ce qui devait être prononcé, il le fit dans la nature révélante du jour, effaçant du même coup la nafs primaire de manière totale et absolue, de sorte qu’il ne resta plus exclusivement que l’esprit, s’exprimant par le Coran. La partie « Je ne suis pas lettré » est restée dans la sunna, tandis que le Coran prit la forme qu’on lui connaît.

Ces spécificités de la sunna établissent ce qui relève de al-farq, ainsi que les modalités de cette révélation (idhhâr) des sens profonds et de comment se déployèrent les indicateurs du Coran. Quant au Coran lui-même, il est et demeure pur et immaculé. Ne t’imagine pas que lorsque sayiduna Jibrîl vint informer al-Mustafa ﷺ du Coran… évidemment, il ﷺ se trouvait alors dans un parfait état d’aptitude à percevoir ce souffle du Tout-Miséricordieux, par l’intermédiaire de sayidina Jibrîl (‘alayhi salâm). Ceci dit, lorsque al-Mustafa ﷺ s’entretient avec sayidina Jibrîl, il y a bien entre eux un dialogue de base… Par exemple, tout simplement : « Comment vas-tu, mon frère Jibrîl ? »… Ces mots ne sont évidemment pas inscrits dans le livre d’Allâh ﷻ.

C’est là que tu réalises à quel point le jurement (al-qasam) est énorme. Car même si tu te trouves dans une siyâha malakûtiya, si tu es dans un voyage spirituel au travers du malakût… Oui, et c’est pourquoi je dis à l’ensemble des disciples, hommes et femmes : aucun d’entre vous, ni aucune d’entre vous, ne peut ni n’est en mesure de faire descendre les haqâ’iq dans le domaine du monde physique (al-mulk)… quand bien même tu resterais dans ta khalwa pendant mille ans !
Et pourquoi ça ?
Parce que tu ignores tout de comment vient le souffle de la source originelle (al-nafas al-‘ayniy), dans le cœur occulté de la nuit… car je n’ai jamais enseigné cela, jamais et en aucun cas, absolument rien même à propos de ce sujet. Par conséquent : d’où te viendrait une telle descente (des haqâ’iq dans le monde physique) ?

C’est la raison pour laquelle, si tu souhaites faire descendre une théophanie… ou autrement dit, si tu veux réaliser une vision que tu as eu… bien que tu aies reçu ce que tu as reçu du cœur de ton Shaykh, ou plutôt malgré que tu aies reçu cette vision de l’enclin de ton Shaykh à ce souffle de la source originelle de la nuit… il faudra impérativement que la première ouverture (fatq) de ceci au monde visuel et physique se fasse à l’oreille de ton Shaykh dans le mulk ! Si au contraire tu te mets à interpréter et trouver toi-même des interprétations à ce que tu as vu… alors le souffle (nafas) de cette source se mélangera pour toi, du fait de ta nafs, c’est-à-dire tes passions, ou ton shaytân, ou ta dunia. Parce que tu ne sais pas comment organiser ni classifier ni donner la moindre explication à quoi que ce soit.

C’est la raison pour laquelle, lorsqu’on dit « un exemple de Sa lumière… », nous disons au disciple de travailler sur cet exemple précis, sans rien y ajouter ni rien en retrancher. Et il ne pourra décrire cet exemple à autre que celui de qui il a reçu cet exemple premier. De qui as-tu pris cet exemple (mathal) ?

Tu l’as pris lors de la bay’a, de ton Shaykh. C’est donc ton Shaykh qui t’a transmis les quatre exemples du domaine primaire de l’arbre béni, dont les ramifications sont réunies en son origine. Tu as donc reçu cette indication, tu as reçu cet inchiqâq premier. Tu as vu la niche, la lampe, le cristal et l’astre de grand éclat. Quant au représentant de l’arbre, il reste là à te surveiller, observant comment cette vision impacte ta vue. S’il te dit « parle ! », alors parle, raconte ce que tu as vu. Mais lorsqu’il te demande de ne pas parler, de ne pas tenter de la décrire… car, quelle que soit la manière dont tu t’y prendras pour décrire la niche, tu seras dans l’erreur. Tu es incapable de faire une description véritable, aussi exacte que celle qu’en fit le Vrai ﷻ… ou aussi exacte que celle qu’en fit al-Mustafa ﷺ.

Tout ce que tu pourras dire, pour expliquer ou interpréter un signe (aya), ou quoi que ce soit… sache qu’en vérité tu n’as jamais interprété que ton miroir. Quant au jurement (al-qasam), ou quant au Coran… il se trouve dans le kitâb al-maknûn [31]. Dans le kitâb al-maknûn signifie dans la source (‘ayn) de la lumière. Et que veut dire dans la source de la lumière ? Cela signifie dans la source (‘ayn) de la lumière nocturne.

Ici, prêtez attention : Allâh ﷻ n’a pas juré par le soleil, ni par l’emplacement (mawqi’) du soleil… Il dit plutôt : « Non, Je jure par les emplacements des étoiles. » or les étoiles… apparaissent-elles le jour, ou bien la nuit ?
Évidemment, dès lors qu’on parle d’étoile, cela signifie nécessairement qu’il y ait la nuit. D’ailleurs, même pendant la journée, la nuit est bien là… cependant il te faudra t’élever dans les cieux, quitter la planète et voyager dans le malakût : alors effectivement tu constateras que même pendant la journée, il y a des étoiles. Cependant tant que ta pensée reste fixée à tes pieds, qui eux sont fixés sur la planète terre… tu ne peux voir les étoiles que pendant la nuit. Tu ne peux pas dire qu’en pleine journée tu vois les étoiles !

Ceci dit il se peut que quelqu’un d’autre, au travers des manifestations théophaniques qui lui parviennent, même en plein jour, il voie effectivement les étoiles. Qu’est-ce que cela signifie ? Est-il du coup bien dans le jour ?
Non : il est dans la nuit ! Il a débuté le cheminement nocturne.Il a commencé à prendre le souffle, de sorte que lui apparut les premières manifestations de al-inchiqâq, à savoir qu’il commença à contempler l’étoile. Il se doit dès lors de suivre l’étude ou la lecture (al-qirâ’a) de l’emplacement de cette étoile.

Voilà donc pourquoi le Vrai ﷻ dit : « Non, Je jure par les emplacements des étoiles, et il s’agit-là d’un jurement énorme (‘adhîm), si vous saviez… » Qu’est-ce qui fait que ce jurement est énorme (‘adhîm) ?
Le fait que tu dises voir la lumière… c’est quelque chose de simple… mais qu’est-ce qui fait que l’emplacement de cette étoile soit ‘adhîm ?
C’est le fait que cet emplacement soit précisément le porteur du Coran ! Quant à l’étoile, elle est un point… un point qui flue, afin de te faire lire la lettre, ainsi que ce qui se trouve au-delà de la lettre. De cette étoile jaillissent d’autres étoiles, qui constituent pour toi autant de points. Et si les points deviennent pour toi multitude, tu auras besoin de quoi porter chacun d’eux… à savoir justement, un emplacement (mawqi’) pour chaque étoile. Tu obtiendras alors que le bâ’ ( ب ) est porteur d’un point, que le tâ’ ( ت ) est porteur d’un autre point, que le nûn ( ن ) est porteur d’un point, que le dâl ( د ) est porteur d’un point… C’est ainsi que se constitueront pour toi les lettres, et que demeurera au final le Coran. Ce Coran, tu réaliseras qu’effectivement, il se trouve dans les emplacements du point, et tu auras avec toi le point de l’étoile grâce auquel tu liras la lettre se trouvant dans l’emplacement (al-mawqi’).

Voilà le sens de « Non, Je jure par les emplacements des étoiles, et il s’agit-là d’un jurement énorme (‘adhîm), si vous saviez… » c’est-à-dire qu’il est ‘adhîm dans son apparition au travers de cet emplacement (mawqi’)ainsi que de tout ce qui sera lié à la ma’rifa de ce mawqi’.

Tu resteras donc dans le suivi de l’étoile… mais si tu devais venir à commettre une erreur dans la description de l’étoile, tu ne pourrais alors plus atteindre la connaissance (ma’rifa) de l’emplacement de l’étoile. Si tu dis d’elle qu’elle est un point (nuqta)… elle a son domaine propre, elle a elle aussi son cercle, sa niche (michkât), et elle a son mouvement propre. L’étude de son mouvement et de sa niche son propres et renvoient à la parole du Créateur ﷻ.

Voici donc comment l’étude du mawqi’ est devenu une véritable science, et la vision de l’étoile une miséricorde : « un serviteur d’entre nos serviteurs, à qui Nous octroyâmes une miséricorde… » il s’agit ici de al-Khidr « …et à qui Nous enseignâmes une science émanant de Nous. » [32] Si en toi, dans ton cœur et dans ta vision, tu as perçu une lumière, qui se sera concrètement manifestée à toi… alors sache que tu es dans la miséricorde. Et si tu es un fin connaisseur, un savant spécialiste de la ma’rifa de la porte de la science, qui n’est autre que le point (al-nuqta) : sayiduna ‘Ali (karramAllâhu wajhah), alors tu auras de surcroît la science de la dite miséricorde. La science et la miséricorde se trouveront réunies en toi, et tu seras alors devenu un maître éducateur, c’est-à-dire un individu en mesure de sauver autrui.

En revanche, si tu détiens la science du mawqi’, mais sans la miséricorde… alors tu es un pervers (fâsiq). Et si tu as la miséricorde, mais sans la science du mawqi’… alors tu es un hérétique (zindîq). Comme le dit l’imâm Mâlik : il te faut lier les deux, de même que Allâh ﷻ réunit les deux dans le verset : « un serviteur d’entre Nos serviteurs à qui Nous octroyâmes une miséricorde et à qui Nous enseignâmes une science émanant de Nous. » C’est-à-dire que lui fut octroyée la miséricorde : la lumière, et que lui fut enseigné le mouvement de la lumière, ou autrement dit il apprit la lecture du mawqi’ de la lumière… ces deux privilèges furent réunis en al-Khidr (‘alayhi salâm).

Si l’on se penche sur la signification du nom par lequel on le désigne:al-Khidr… certains ont expliqué que c’est parce que quelque soit l’endroit où il se tenait, ce dernier verdissait (ikhdarra) sous ses pas.

En ce sens, sayidina ‘Isa (‘alayhi salâm) dit également : « Seigneur ! Rends-moi béni, où que je me trouve. » [33] C’est-à-dire fais que l’emplacement (al-mawqi’) où je me trouve soit un jardin verdoyant du paradis, duquel je percevrais les sciences. Tel est ‘Isa (‘alayhi salâm). Et tel est la position de al-Khidr. Car lui aussi était une étoile, et ses mouvements constituaient un talsam de l’emplacement de cette étoile, de sorte que le Coran fut récité selon le mouvement de l’étoile.

Voilà le deuxième secret… voilà la saisie du lâm (qabdiyat al-lâm). C’est-à-dire que toi et ton état furent saisis, par la déposition de l’étoile dans ton cœur… de sorte que si tu commettais une faute dans le suivi de cette étoile, tu ferais d’une seule étoile deux étoiles, tu te perdrais alors entre deux qibla, et tu ne pourrais alors plus accomplir la prosternation dans le lâm al-ma’rifa, ne sachant plus à quelle qibla te consacrer. Tu deviendrais alors égaré, perdu… tu n’aurais plus de qibla, ni rien à quoi te raccrocher.
Voilà donc qu’à présent, la lumière devient difficile !

Il ne s’agit pas de venir et de dire « Moi, je vois la lumière ! »
Non. Cette parole de « Moi, je vois la lumière… » en vérité c’est moi qui suis venu et qui ai ouvert ta vue, afin que tu perçoives cette lumière ! Informe-moi plutôt du mawqi’, des signes et des enseignements qui se trouvent au-delà de cette lumière !

Le livre des convenances

C’est pour cette raison que, au mawlid dernier, je vous ai présenté un livre… un livre qui s’appelle « al-adab al-mardiya fi ma’rifati masâlik al-tarîqat al-sûfiya« . Je vous ai demandé de le lire… en vérité, moi-même, je ne l’ai pas lu, j’ai simplement lu l’index présentant tous les chapitres composant cet ouvrage. Seulement si vous vous l’aviez lu… vous auriez alors évolué en vous empreignant de multiples formes de bienséance (adab). J’ai su que ce livre était un livre véritable lorsque j’ai énuméré tous ses chapitres, dans l’index. Seulement vous… y compris ceux qui l’ont lu… vous n’en avez rien compris. Vous en êtes restés à des « Fais pas ci… Fais pas ça… »
Pourquoi toutes ces interdictions ?
Il se trouve ici en vérité une indication cachée… et il s’agit de comprendre que, puisque tu es sensé délaisser quelque chose, c’est que tu te dois en fait de te conformer à une autre. Et puisque tu es sensé cesser de commettre un manque de adab, c’est que tu dois au contraire adopter un bon adab. Et puisque tu es sensé délaisser l’insouciance (al-ghafla), c’est que tu dois t’accrocher à la contemplation (al-muchâhada)… seulement aucun d’entre vous, chez les hommes comme chez les femmes… aucun d’entre vous n’a posé la question : Quelle est la raison de toute cette dureté et de cette sévérité, pourquoi tant d’extrémisme sur ce sujet !? Pourquoi ne laisse-t-on pas les choses se faire naturellement, tant qu’on reste conforme à la charî’a ? On constate dans la sîra que le Prophète ﷺ a mangé, qu’il a bu, qu’il a mené une vie… et dans tout le discours de ce livre, on voit que c’est comme s’il s’agissait d’aller à l’encontre de ce avec quoi était venu le Prophète ﷺ…

En vérité non, c’est tout l’inverse. Au contraire : cette méthodologie est le moyen de mettre en exergue ce qu’a apporté le Prophète ﷺ ! Car l’auteur de ce livre est un savant du Livre et de la Sunna. Un porteur du Livre d’Allâh selon ses sept lectures… c’est-à-dire un homme d’un niveau considérable ! Et de surcroît, il fut un ‘ârif billâh, un disciple et un représentant (muqaddam) de moulay al-‘Arbiy al-Darqâwiy. De ce fait, tu dois comprendre qu’il a une grande expérience, car il a en plus de cela vécu auprès de son Shaykh seize ans ! Vois et considère… car même dans la durée de son compagnonnage physique du Shaykh, il y a une indication et une preuve éclatante. Le nombre 16 n’est pas quelque chose de simple. 16, c’est un secret d’entre les secrets du Seigneur. 16, c’est Muhammad par Ahmad [34]… Voilà donc la raison pour laquelle l’index de son ouvrage est organisé avec la plus grande minutie.

Dès que tu te mettras à l’étudier… tu deviendras figé, pétrifié, en état de choc. Tu t’interdiras toute pensée et tout mouvement. Mais pourquoi tout cela… alors que selon ce qui t’est parvenu des hadîths… c’est comme s’ils contredisaient les recommandations de ce livre… ?
Tout simplement parce que tu n’as pas compris les hadîths du Prophète ﷺ. Le plus difficile, c’est l’étude des différents degrés (al-marâtib).

Si le nom suprême et caché d’Allâh (al-ism al-a’dham al-maknûn) apparaissait sans degrés (marâtib), alors le détenteur ou le connaisseur de ce ism al-a’dham al-maknûn, serait resté complètement sot, dépourvu de toute science, sans aucune compréhension, ni aucune explication à donner sur quoi que ce soit. C’est justement dans son étude et sa connaissance des différents degrés que réside toute sa valeur et son importance.

C’est précisément ce qui fait que sa compréhension est exceptionnellement perspicace, et que sa pensée est d’une parfaite justesse. Ses mouvements sont exactement identiques à ceux de al-Mustafa ﷺ, jusqu’au moindre de ses pas.

Comme le dirent tous les grands maîtres du passé : « S’il s’éclipsait de ma vision ne serait-ce que le temps d’un battement de paupière, je ne me considérerais plus du nombre des musulmans. » Que dire donc de celui dont al-Mustafa ﷺ ne lui fut jamais voilé, ni même le temps d’un clin d’œil… ? Comment seront ses actes ? Pourrait-il voir al-Mustafa ﷺ tout en agissant d’une manière contraire à la sienne ? Pourrait-il voir al-Mustafa ﷺ et aller à l’encontre de ce qu’il a établi ? Non, c’est évidemment impensable !
Celui qui le voit, et qui ne quitte jamais sa vision, son évolution, son souffle, et jusqu’au moindre de ses mouvements sont ses mouvements.

Quant à celui qui le voit, mais qui le contredit, d’une manière ou d’une autre… celui-là est Abu Jahl… ou bien Abu Lahab. Parce que de fait, eux aussi bénéficiaient de la vision de al-Mustafa ﷺ… seulement leurs actes allaient à l’encontre de ce à quoi il appelait. Ils le connurent, et ils le renièrent. Ils le virent, mais restèrent aveuglés par son enveloppe corporelle, qu’ils ne pouvaient considérer que comme étant « Muhammad al-yatîm » (l’orphelin), par exemple… ﷺ.

Quant à toi… tu dis qu’il est « le Messager d’Allâh ﷺ », tu affirmes que tu l’aimes… tu contemples son esprit… cependant tu n’as pas fait apparaître dans tes actes que tu étais conformes aux siens.

Et si tu voulais rapporter quelque chose de nouveau, dans le mawqi’ de cette étoile… alors il faudrait que tu en apportes la preuve du Coran et de la Sunna. Pas la preuve qui renverrait à ce qui a été réparti en quatre [35]… non, je te parle d’une preuve évidente qui retournerait à l’unique. Pas quatre. Parce que du temps du Prophète ﷺ, c’était lui le tout. Toi qui prétends et qui affirmes le voir… tu te dois de revenir au tout ! Et alors tu pourras dire : « J’ai pris du Prophète ﷺ… »

Mais si tu ne le vois pas… alors tu te devras de suivre ou bien al-mâlikiy, ou bien al-hambaliy, ou bien al-châfi’iy, ou bien al-hanafiy. Alors, ne dis plus que tu prends du Prophète ﷺ. Dis plutôt que tu es sur les traces de untel, selon untel, selon untel, selon untel… selon al-Mustafa ﷺ. Si tu comptes tous les intermédiaires, tu en trouveras quarante ou plus, parce que tu vis au quatorzième siècle.

Dès lors, celui qui reviendra à une contemplation première de ce soleil, qui n’est autre que la haqîqa de al-Mustafa ﷺ, se devra par cette vision de réaliser l’unicité (al-tawhîd) d’Allâh, tel qu’Il voulut S’unifier Lui-même par Lui-même. Quant à celui qui ne sera pas parvenu à faire de la face de son cœur une lune, qu’il fasse alors au moins les efforts nécessaires pour rester établi face à l’étoile, qu’il se réalise par là-même en tant que noble compagnon (sahâbiy), promis à un paradis d’entre les paradis de la connaissance (ma’rifa). C’est en cela que lui reviendra une part du paradis, et en cela qu’il tiendra la preuve de sa part dans l’éternité (al-khulûd).

Si en revanche il voit ce qu’il voit, mais que ce que nous, nous voyons de lui est différent de ce que nous devrions voir…

C’est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas dire comme le dit le Messager d’Allâh : « Mes compagnons sont telles des étoiles : quel que soit celui que vous suivrez… » On ne peut pas dire « Quel que soit celui que vous suivrez… » et dans notre tarîqa, il n’y a d’ailleurs pas de muqaddam [36]. Il n’y en a pas… et même ceux dont on dit qu’ils sont muqaddam, en vérité ce n’est que dans la mesure où ils réunissent les disciples, mais vraiment rien de plus. Il est parfaitement incapable de donner une indication dans le cheminement, simplement parce qu’il n’a pas atteint le niveau depuis lequel il pourrait être pris en exemple et suivi par les autres. Du point de vue de la vision (al-muchâhada), effectivement, il voit. Du point de vue des secrets, il apprend, degré par degré, selon l’organisation parfaitement établie : comment il doit réagir ici, comment il doit faire là, comment il doit agir ici, et comment il doit se comporter là… Voici le modèle premier. Et s’il prend et réussit dans ce modèle premier, il n’aura pris que le premier degré, et non pas dans l’étude tout entière de ce qu’il y a à étudier.

La tarîqa n’en est encore qu’au lâm al-qabd… il reste encore de nombreuses années. Chaque jour du vendredi, vendredi après vendredi, tu es choqué de réaliser à quel point ton état est proche du lâm al-qabd, et de comment il est possible de le considérer sous autant d’angles différents… Le Seigneur n’a pas dit : « Allâh est la lumière des cieux et de la terre » comme ça, par hasard… la science de cela n’a pas de limite « dis donc : « Seigneur, augmente ma science ! » » [37]

De ce fait, si le Seigneur ajoute un degré (martaba) à quelqu’un, de sorte qu’il se retrouve plus haut que son frère, apparaît alors une forme bénéfique de concurrence dans la quête de cette connaissance prééternelle… et alors, effectivement, l’individu se réalise, ou bien en tant que compagnon du Prophète ﷺ, ou bien en tant que membre de la famille du Prophète ﷺ. Celui qui réunit tous les degrés devient du nombre des gens de la maison du Prophète ﷺ. Quant à celui qui prend un point de vue, mais pas un autre point de vue, alors celui-là est compté comme compagnon du Prophète ﷺ.


[1] Sourate al-Nisâ’, verset 49.
[2] Sourate al-Chûra, verset 11.
[3] Sourate al-A’râf, verset 143.
[4] Sourate al-Najm, verset 17.
[5] Sourate al-Rûm, verset 30.
[6] Sourate al-Tawba, verset 129.
[7] Umm al-kitâb : sourate al-Fâtiha.
[8] Sahîh al-Bukhâriy.
[9] Umm al-kitâb : nom connu désignant la sourate al-Fâtiha.
[10] Al-sab’ al-mathâniy : autre nom connu de la sourate al-Fâtiha (mentionné dans le Coran).
[11] Le Prophète ﷺ dit : Allâh dit : « J’ai divisé la prière en deux parties, entre moi et mon serviteur, et à mon serviteur ce qu’il demande. Lorsque le serviteur dit : al-hamdulillâhi rabbi l’âlamîn, Allâh ﷻ dit : Mon serviteur m’a loué. Lorsque le serviteur dit : al-rahmân il-rahîm, Allâh ﷻ dit : Mon serviteur m’a fait éloge. Lorsque le serviteur dit : mâliki yawm il-dîn, Allâh ﷻ dit : Mon serviteur m’a glorifié. Lorsque le serviteur dit : iyyâka na’budu wa iyyâka nasta’în, Allâh ﷻ dit : Ceci est entre moi et mon serviteur, et à mon serviteur ce qu’il a demandé. Et lorsque le serviteur dit : ihdinâ l-sirât al-mustaqîm, sirât alladhîna an’amta ‘alayhim, ghayr il-maghdûbi ‘alayhim wa la l-dâllîn, Il dit : ceci est pour mon serviteur, et à mon serviteur ce qu’il a demandé. »
[12] Sahîh Muslim.
[13] Al-lâhût al-machhûd : pourrait se traduire de façon vulgarisée comme étant « le monde divin contemplé ».
[14] Al-nâsût : pourrait se traduire de façon vulgarisée comme étant « le monde humain ».
[15] Sourate Yâ-Sîn, verset 37.
[16] Sourate al-Isrâ’, verset 45.
[17] Sourate al-Qamar, verset 50.
[18] Chaton : également appelé « tête de bague », à savoir l’endroit qui accueille la pierre précieuse.
[19] Selon Abu Hurayra : « Les compagnons demandèrent : « Ô Messager d’Allâh, quand la prophétie te fut-elle descernée? » Il répondit : « Je l’étais alors que Adam était entre l’esprit et le corps. » » [Rapporté par al-Tirmidhiy].
[20] Selon Abu Hurayra, le Messager d’Allâh ﷺ dit « Je suis le sceau des prophètes. » [Sahîh al-Bukhâriy et Muslim].
[21] Sourate al-Chûra, verset 15.
[22] Sourate al-Sâffât, verset 61.
[23] Sourate al-Mutaffifîn, verset 26.
[24] Sourate al-Muzammil, verset 9.
[25] Sourate al-Nûr, verset 35.
[26]Sidi Shaykh parle ici de lui-même.
[27] Selon Anas ibn Mâlik (qu’Allâh l’agrée), le Prophète ﷺ dit : « Comme j’aurais aimé rencontrer mes frères ! Ses compagnons répondirent : Ne sommes-nous pas tes frères ? Le Prophète répondit : Vous êtes mes compagnons, quant à mes frères, ce sont ceux qui croient en moi sans m’avoir vu. » [Musnad Ahmad]
[28] Rapporté par al-Tirmidhiy. Dans une autre version, selon ‘Abdullâh ibn ‘Amr ibn al’Âss (qu’Allâh les agrée), le Messager d’Allâh ﷺ dit : « Tous les cœurs des fils d’Adam sont entre deux des doigts du Tout-Miséricordieux, tel un cœur unique, qu’Il administre (yusarrifuhu) comme Il le veut. » [Sahîh Muslim]
[29] Sourate al-Wâqi’a, verset 78.
[30] Sahîh al-Bukhâriy.
[31] Référence au verset précité : « il s’agit certes d’un noble Coran, dans un livre préservé (kitâb maknûn) » [s56.v78]
[32] Sourate al-Kahf, verset 68.
[33] Sourate Maryam, verset 31.
[34] Muhammad (en arabe 4 lettres) multiplié par Ahmad (en arabe 4 lettres) : 4×4=16.
[35] Référence aux quatre écoles de jurisprudence (madhâhib).
[36] Muqaddam : terme employé pour désigner le représentant du Shaykh et généralement le responsable d’un groupe d’entre ses disciples.
[37] Sourate Tâhâ, verset 114.

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