بسم الله الرحمن الرحيم
و الصلاة و السلام على أشرف المرسلين
و على اله و اصحابه أجمعين
L’idghâm du lâm
Résumé de l’assise du 4 Novembre 2016 / Jumu’a 3 Safar 1438 :
Ce cours sera, par la permission d’Allâh ﷻ, le cinquième cours traitant de la Lecture du lâm al-qabd par le lâm al-ma’rifa. Nous avions précédemment dit que le lâm al-ma’rifa voit son entité et sa Science comme émanant du Alif al-Noûrâniy (Alif al-‘ilmi) se trouvant au cœur du lâm al-qabd, et qui projette cette Science et la fait parvenir au lâm al-ma’rifa par l’intermédiaire de la partie Jabaroutienne (l’arc-de-cercle liant les deux lâm). Ainsi la mouchâhada de la Science permet au lâm al-ma’rifa de retourner au lâm al-‘ishq, et par là-même à la Connaissance du divin ﷻ. Le lâm al-ma’rifa se consacrera exclusivement à cette mouchâhada, au point d’en devenir voilé du Alif al-‘ilmi, qu’il considèrera comme étant devant lui au lieu de derrière… d’où la Parole divine : « Retournez en arrière, et cherchez de la Lumière » [s57.v13]
Et si le lâm al-ma’rifa ne s’était pas ainsi exclusivement consacré et dédié aux perceptions de mouchâhada par l’intermédiaire de la partie Jabaroutienne, il se serait directement dirigé vers le Alif al-Mouqaddar prééternel, le Alif de l’Essence ou indicateur de la Réalité de l’Essence, le Alif que l’on Connaît sans Wâsita… cependant il était impossible que cela se produise ainsi, du fait de l’éminence de Son Secret : le Alif de l’Essence est de transcendance absolue, sans égal. Quant au Alif al-‘ilmi, il s’agit d’un Alif d’Attribut et qui n’est évidemment pas indicateur de l’Essence avec la même force que ne l’est le Alif al-Mouqaddar.
Nous disions que le lâm al-‘ishq, qui n’est autre que le lâm al-qabd, transcende l’ensemble de tous les intermédiaires (wâsita), ce qui lui permit d’être si intrinsèquement associé au Alif al-‘ilmi. C’est par sa transcendance de tout intermédiaire qu’Allâh ﷻ scinda le lâm al-qabd en deux, plaçant en son cœur le flux céleste d’un Alif Noûrâniy, un Alif que nous appelons Alif al-Wahdâniy et qui est effectivement un Alif ‘ilmi, puisque c’est par lui que l’on parvient à la Connaissance de l’Unicité (Wahdâniya) d’Allâh ﷻ : « Sache donc qu’il n’y a point de divinité hormis Allâh (lâ ilâha illa Allâh) » [s47.v19]
C’est-à-dire que toute la Science que l’on répartit entre Scission (fasl) et Jonction (wasl), entre négation (nafi) et affirmation (ithbât), ou dit autrement la Connaissance de « lâ ilâha illa Allâh », toute cette Science fut réunie dans le flux céleste du Alif al-‘ilmi. Quant au Alif de l’Essence, il n’a nul semblable qui permettrait d’en tirer une Science par analogie (tachbîh). Et si l’on peut en parler, c’est parce qu’il est bel et bien inscrit, on le lit et on l’écrit clairement (dans le Nom « Allâh / الله « ), et sa nature indicatrice du Alif Originel est véritable et authentique.
Et à partir du moment où le lâm al-ma’rifa puise sa Science du Alif al-‘ilmi au travers de la partie Jabaroutienne, il en devient lui-même un indicateur du Alif indicateur de l’Essence. Ainsi, bien que l’Essence soit en réalité inaccessible et de transcendance absolue, notre Seigneur ﷻ fit du lâm al-ma’rifa un indicateur menant à Elle, en vertu de : « Nous sommes à Allâh (lillâh / لله ), et c’est vers Lui que nous retournons. » [s2.v156], ou également : « Ô toi, âme apaisée, retourne vers ton Seigneur, satisfaite et agréée » [s89.v27/28], ou encore : « et Je lui ai insufflé de Mon Esprit » [s15.v29]… le versets en ce sens sont nombreux.
Et lorsque tu prononces le lâm al-‘ishq et le lâm al-ma’rifa (dans ta prononciation du Nom Allâh), tu réalises du même coup leur Jonction. Cette Réunion de l’Essence, au travers de ce que les gens d’Allâh appellent la pulvérisation (sahq) et l’annihilation (mahq), est caractérisée par l’association des deux lâm, ou bien l’unification (ittihâd) du lâm avec le lâm, et nous ne parlons pas ici d’unification de l’Essence. Nous avons parfaitement le droit de parler de la réunion ou de la séparation des deux lâm, car ils sont tous deux des formes inscrites et dessinées dans le Moulk, détenteurs de caractéristiques clairement apparentes à l’écrit ( ل ) et d’une force bien précises dans leur prononciation. Ceci nous permet donc de les réunir, par ce qu’on appelle dans la science du tajwîd « al-idghâm », ou bien par le « madd » (rallongement de la prononciation de la lettre)… et à l’inverse, c’est par exemple par le soukoûn qu’on sépare le lâm de son frère. Selon donc la « Haraka » qui accompagnera la lettre, on considèrera la Jonction (wasl) ou bien la Scission (fasl) des deux lâm.
Nous disions donc, malgré que l’Essence soit de transcendance absolue et inaccessible, la prononciation du lâm al-‘ishq et du lâm al-ma’rifa permet de réaliser le lien avec Elle et t’indique le Alif indicateur de l’Essence. Voilà pourquoi tu dis « lillâh / لله », et par cette prononciation des deux lâm unifiés tu exprimes en réalité le retour à l’Essence du Vrai ﷻ. Ainsi, lorsque tu prononces « lillâh / لله », c’est comme si tu disais : retour total et absolu à l’Essence de l’Unique sans associé ﷻ. Le Messager d’Allâh ﷺ dit en ce sens : « Celui qui Connaît sa nafs, Connaît son Seigneur ». Ce Hadîth, on dit souvent qu’il s’agit d’une parole de ibn al-Farid ou de ‘Arifin billâh, cependant il s’agit bien d’un Hadîth que rapporte Abou Na’îm dans Hulyat al-Awliya ainsi que al-‘Ajloûniy : il s’agit donc bel et bien d’un Hadîth de sayidina al-Mustafa ﷺ.
Celui donc qui atteindra la Connaissance du lâm al-‘ishq, atteindra de même la Connaissance du lâm al-ma’rifa, qui n’est autre que la forme ou l’inscription saisissable du Alif (qui ne l’est pas). C’est pourquoi le lâm est répété deux fois, à l’instar de celui qui prie dans la Qibla, car tu dois obligatoirement y ramener la dualité… comme si donc le lâm était le miroir de l’autre lâm, et tu ne peux mettre en évidence le lâm qu’à l’aide de son frère : tu as toujours besoin de la dualité, de même que lorsque tu parles tu as besoin de quelqu’un qui t’écoute, et lorsque tu écoutes tu as besoin de quelqu’un qui te parle.
Voilà donc pourquoi le lâm al-‘ishq nous donna une seconde forme : le lâm al-ma’rifa, afin de t’enseigner comment le flux céleste du Un circule dans le deux. Et Connaître comment le flux céleste du Un circule dans le deux, c’est quelque chose de facile à prétendre par la langue : tu dis un, deux, trois, quatre… mais ça, même un enfant le sait. En revanche la réalisation de cela, par expérience goûtée personnellement : si tu n’as pas atteint la Connaissance des deux lâm réunis, sois certain de ne pas avoir encore atteint la Connaissance du Un dans le deux. Dans le Nom « Allâh », une seule lettre est répétée, et il s’agit bien du lâm. Ni le Alif ni le hâ ne sont quant à eux répétés. Quant au Alif al-‘ilmi, il ne s’agit que d’une fissure, quant à son entité elle est et demeure cachée et occultée au sein du lâm al-‘ishq. Dans notre représentation du Nom Allâh nous le représentons simplement pour indiquer sa présence, mais en réalité il est et demeure occulté. Donc la lettre qui est répétée dans le Nom divin qui les réuni tous et l’indicateur de l’Essence, c’est la lettre lâm. Et du fait qu’il est répété, c’est lui qui t’enseigne comment le flux céleste du Un circule dans le deux. Donc si tu parviens à la Connaissance du flux céleste issu du lâm al-‘ishq et circulant dans le lâm al-ma’rifa, ainsi que le fait que le lâm al-ma’rifa découle du lâm al-‘ishq, d’où le fait que ce dernier soit appelé lâm al-qabd : car c’est en lui que tout ce qui caractérise le lâm fut saisi et réuni… alors tu auras effectivement atteint la Connaissance du flux céleste du Un circulant dans le deux, et de là tu saisiras le flux du Un dans l’ensemble de tous les nombres, grâce à ton retour au Alif al-‘ilmi, par lequel tu feras apparaître une multitude de Alifs Mouqaddars entre le lâm al-‘marifa et le Alif indicateur de l’Essence… cette multitude de Alifs Mouqaddars renvoyant à une multitude de markaz, ou dit autrement à une multitude de Points qui traceront pour toi le chemin à emprunter dans la Scission (fasl), et de là la Scission deviendra pour toi Jonction (wasl). Evidemment, ce sont là les nawâmis du Vrai ﷻ, et en aucun cas tu ne saurais t’en passer. Quelle que soit la nature de la Science dans laquelle tu te plongeras, tu constateras qu’elle ne repose que sur cette règle établie et immuable. Par exemple, si tu fais des recherches sur la cellule, tu constateras qu’elle n’est pas seule : si tu l’ouvres, tu te rendras compte qu’elle est elle-même une multitude d’organismes et d’éléments assemblés les uns aux autres. Et si tu te concentres sur l’un de ses éléments constituants, tu découvriras qu’il est lui aussi un océan d’atomes et de particules organisés les uns par rapport aux autres… etc. C’est ainsi donc que chaque élément unique, si tu te concentres sur lui et si tu plonges dedans, tu constateras qu’il est en réalité un assemblage d’éléments multiples et indénombrables. Et pour revenir du plus petit vers le plus grand, ou du plus grand au plus petit, tu auras obligatoirement besoin de Connaître comment le flux céleste du lâm al-‘ishq circule dans le lâm al-ma’rifa, ou comment le lâm al-ma’rifa découle et est issu du lâm al-‘ishq. C’est ainsi que tu goûteras véritablement au sens de cette Lecture, et ainsi que tu réaliseras ta propre expérience personnelle de cette réalité… et tu deviendras alors toi-même un exemple concret de réalisation de cet éminent Hadîth, dans lequel la Connaissance de soi-même précède la Connaissance de son Seigneur. Et si tu ne Connais pas la réalité de ta nafs, comment deviendrais-tu un miroir pour ton frère croyant ? « Le croyant est le miroir du croyant » [Rapporté par Abou Dâwoûd]
Tant que tu ne parviendras pas à retourner ton entité au lâm al-qabd, tu ne seras pas capable d’atteindre la Connaissance du créateur ﷻ, car dans ce cas tu demeureras dans un état de considération de la dualité, or comment celui qui demeure dans la dualité serait-il en mesure de parvenir à la Connaissance de l’Unique, l’Exclusif ?
C’est donc après que le serviteur ait réalisé l’absorption et le ravissement total de son être dans le lâm al-‘ishq, qui est le lâm de sayidina al-Mustafa ﷺ, le lâm du suivi (de ses paroles, de ses actes et de ce qu’il a approuvé ﷺ)… alors, le serviteur réalisera affectivement que « Il vous est certes venu un Messager de vos propres âmes » [s9.v128].
Quant à celui qui n’a aucune Connaissance de la Porte de la Ville de la Science, il ne peut avoir aucune Connaissance de la Ville de la Science… et celui qui n’est pas ravi et dissout dans la Ville de la Science, il ne peut pas avoir de Connaissance du Seigneur de la Ville.
Voilà pourquoi chez les gens d’Allâh, lorsqu’on parle de la lettre lâm isolée ( ل ), elle est toujours représentée avec un Alif, ou plutôt dans ce cas un lâm de taqdrîr, venant comme l’embrasser ( لا ), ce qui nous donne au final un lâm venant en embrasser un autre. Concernant sa prononciation, le lâm est toujours mentionné avant le Alif, malgré que la force du Alif prévale sur l’ensemble de toutes les autres lettres. De ce fait, les ondes sonores du lâm Malakoûtien sont clairement audibles, tandis que celles du Alif ne le sont pas. C’est ainsi donc que le lâm est indicateur du Alif, et de cette manière que l’apparition (dhouhoûr) et l’occultation (boutoûn) sont réunies dans le lâm. Ce lâm est le lâm du Malakoûte, qui perçoit ses flux directement du Alif de l’Unicité, sans intermédiaire (wasita). Si il parvient donc à réaliser que le Alif indicateur de l’Essence le précède, ceci au travers de sa propre Connaissance du flux céleste du Un circulant dans le deux… alors le cheminant réalisera ce pourquoi de l’association systématique du Alif de l’Unicité au lâm.
Le lâm puise ainsi du Alif le premier degré de l’Amour divin que l’on nomme al-widd (la vision de la Lumière divine), ainsi que le wird, afin que les flux célestes soient projetés vers le lâm al-ma’rifa par l’intermédiaire de la partie Jabaroutienne (l’arc de cercle reliant les deux lâm)… et c’est donc ainsi que les flux célestes seront perçus par le lâm al-ma’rifa, qui est en réalité le lâm du Moulk.
Dans l’écriture du Nom « Allâh », il y en a toujours qui s’imaginent que le lâm al-Moulk renvoie au lâm al-‘ishq, tandis que le lâm al-Malakoûte serait le lâm al-ma‘rifa, or ceci est faux. Au contraire, le lâm al-ma’rifa est le lâm al-Moulk, parce que son développement survient après celui du lâm al-‘ishq. Donc relativement à l’écriture du Nom « Allâh », ce lâm du Malakoûte qu’est le lâm al-‘ishq tient son flux céleste du Alif al-‘ilmi, qui lui-même puise sa Science du Alif al-Mouqaddar indicateur de l’Essence. Cette Science, le lâm al-‘ishq la projette, non pas dans le Jabaroûte dans sa dimension globale, mais dans ce que nous désignons comme étant une « partie » de l’Ordre Jabaroutien, soit concrètement l’arc-de-cercle liant le lâm al-‘ishq au lâm al-ma’rifa… et nous représentons toujours le cheminement du disciple comme allant du hâ’ vers le lâm.
Ainsi donc, dans un premier temps la Science va se manifester dans le lâm al-‘ishq qui est le lâm du Malakoûte, puis elle sera projetée dans la partie Jabaroutienne, et enfin elle sera perçue par le lâm al-ma’rifa… et c’est de là que nait la confusion, car à partir du moment où l’on considère que le lâm al-ma’rifa puise directement dans le Jabaroûte, l’intellect limité vient automatiquement s’interposer et affirmer que de ce fait le lâm al-ma’rifa ne peut être que le lâm du Malakoûte, parce que la Hadra la plus proche de la Hadra du Jabaroûte, c’est la Hadra du Malakoûte. Mais ce raisonnement est faux. Le lâm al-ma’rifa puise dans cet Ordre ou ce Dessein Jabaroutien, et la nature de ce qui en est puisé devient comme relevant du monde du Moulk, ceci parce que sa nature dans le Malakoûte a précédé lorsque cette Science se trouvait au niveau du lâm al-‘ishq.
Mais si maintenant le lâm al-ma’rifa qui est le lâm du Moulk vient à se conformer parfaitement à tout ce qui lui parvient du lâm al-‘ishq qui est le lâm du Malakoûte, c’est-à-dire au travers de la réalisation du fana total, dans le suivi et la résignation à tout ce que le lâm al-ma’rifa perçoit du lâm al-‘ishq par l’intermédiaire de la partie Jabaroutienne…
Pour comprendre mieux, nous donnerons un exemple imagé. Le Messager d’Allâh ﷺ dit dans un Hadîth : « Priez comme vous m’avez vu prier. » [Rapporté par al-Boukhâriy]
Et concernant le Messager d’Allâh ﷺ, si tu le vois aujourd’hui, tu le vois en tant que manifestation d’un Dessein (amr) Jabaroutien, tout simplement parce que tu n’as pas vécu à l’époque de sayidina al-Mustafa ﷺ. A l’époque des Compagnons, l’ordre exprimé par ce Hadîth renvoyait à une vision dans le monde du Moulk. Mais aujourd’hui, si tu vois al-Mustafa ﷺ, c’est-à-dire dans sa forme première qui est sa forme Lumineuse, sache que cette vision relève du Jabaroûte. Puis ce Dessein Jabaroutien s’est manifesté dans une forme plus accessible, et de là il t’enseigna les différents gestes de la prière, établissant pour toi ses différentes étapes debout, incliné et prosterné. En ceci il s’agissait du lâm al-‘ishq, soit le Malakoûte, que toi tu as pu percevoir depuis le lâm al-ma’rifa, soit le Moulk.
Maintenant les choses sont peut-être claires pour tout le monde…
Si tu vois le Prophète ﷺ sous la forme d’une Poignée de Lumière : il s’agit là du plus haut degré de sa vision, en mouchâhada. Ne vous méprenez pas : la vision de la Lumière prévaut sur la vision de la forme corporelle. Si tu vois le Messager d’Allâh ﷺ sous sa forme corporelle, sache qu’il s’agit là du deuxième degré. Et ça, ce n’est pas moi qui le dit… depuis l’époque de sayidina ‘Ali, c’est ainsi. Ibn ‘Ajiba le dit de manière explicite dans al-Jawâhir.
Donc admettons que tu aies vu le Messager d’Allâh ﷺ prier. Mais avant de le voir prier, tu le vois obligatoirement sous le Dessein (amr) du Jabaroute, c’est-à-dire que tu vois sa Lumière. C’est après cela qu’il se manifestera à toi dans sa forme corporelle, te faisant voir l’inclinaison et la prosternation, et à ce moment-là la mouchâhada relève du Malakoûte, et on considère alors que le Messager d’Allâh ﷺ t’est venu sous la forme du lâm al-‘ishq. C’est-à-dire qu’il t’a fait voir le miroir du lâm al-‘ishq, par l’intermédiaire du Dessein Jabaroutien, cependant la Science que tu vas recevoir et que tu percevras de ses différents gestes, on considèrera que tu l’as puisée dans la partie Jabaroutienne. C’est-à-dire qu’il y a un lien de Jabaroûte entre le Moulk et le Malakoûte, un lien auquel tu ne peux attribuer ni forme, ni décrire par un exemple comparatif. Ce lien est et demeure un flux céleste caché, insaisissable. Mais d’où te vient ce flux céleste ?
Evidemment, il te vient de cette forme Malakoutienne, laquelle plaça ce Dessein (amr) au cœur du flux céleste, et que tu as dès lors été en mesure de percevoir. Et à partir du moment où tu l’as vu, tu as compris. Tu n’as pas compris par la forme que tu voyais, mais plutôt par ce flux céleste lui-même, à la mesure de la prédisposition de ton cœur. Voilà donc ce qui se trouve entre les deux lâm. Le lâm al-qabd, c’est-à-dire le lâm qui te saisit : il plaça une Science dans le Jabaroûte que tu fus en mesure de percevoir et assimiler. Mais à partir du moment où tu vas puiser directement dans le Jabaroûte : pourquoi considérer que c’est le Malakoûte qui y place quelque chose afin que tu le perçoive ?
C’est là la Sagesse divine, tu ne peux ni la changer ni la modifier. Ne sors pas du domaine du Tawhîd : cela doit être et rester ton seul et unique objectif. Si tu dis : « Moi je perçois directement le flux du Jabaroûte », alors tu établis une chose relevant de la transcendance (tanzîh) en lieu d’analogie (tachbîh)… et de ce fait tu as en réalité établi deux tachbîh : un tachbîh du tanzîh, et un tachbîh relatif au degré de perception de ton cœur. Sache que ceci est une forme de chirk caché. Si en revanche tu dis « Je perçois du lâm du Malakoûte, par l’intermédiaire de la partie Jabaroutienne », alors tu établis deux tachbîh relatifs à ton propre degré spirituel, mais ceci en affirmant le tanzîh du Créateur ﷻ et en évitant de tomber dans le chirk.
Si vous n’avez pas compris, on réexplique…
Lorsque tu prends du Jabaroûte directement et sans lâm du Malakoûte, tu vas te mettre à établir un tachbîh pour ce Jabaroûte. Et si tu fais cela, c’est-à-dire si tu accordes une description ou des caractéristiques au Jabaroûte, alors tu rabaisse le tanzîh au tachbîh, et ceci n’est pas permis. « Rien ne Lui ressemble » [s42.v11]
Si en revanche tu dis que tu as pris de la Porte de la Ville de la Science, c’est-à-dire du lâm al-qabd, cela veut dire que tu as pris du Malakoûte. Et tu nous donnes une explication sur le comment de ton accès à ce Dessein (amr) du Malakoûte, et tu dis : « Je l’ai perçu par l’intermédiaire d’un Amr du Jabaroûte ». Dans ce cas, le Jabaroûte demeure caché, bien qu’effectivement il soit pour toi le lien entre le domaine du Moulk et celui du Malakoûte. Dès lors, si tu attribues une description au Malakoûte, c’est à la Wâsita elle-même, soit au lâm al-qabd que tu accordes cette analogie (tachbîh), et il n’y a en cela aucun mal. Effectivement la Wâsita n’est venue qu’en qualité de tachbîh, et sayiduna al-Mustafa ﷺ vint en tant que Muhammad ibn ‘Abdillâh. C’est là un tachbîh absolu : il mange la nourriture et marche dans les marchés. Tu dis donc par exemple : « J’ai pris la Science du Messager d’Allâh ﷺ. » Je te réponds : « Comment cela t’est-il parvenu ? » Si tu me réponds que tu l’as prise sur des feuilles et dans des livres… alors je te réponds comme répondent les gens d’Allâh, que tu n’as pris que d’un mort, selon un mort. Tout ceci n’est que tachbîh, sur toute la chaîne et jusqu’à al-Mustafa ﷺ. Mais toi, tu ne veux pas de cette science… ce que tu cherches, c’est la Science vivante. Et cette Science, c’est la Science que l’on puise d’un Amr du Jabaroûte. Tu dis alors : « J’ai pris cette Science d’une Haqîqa Primordiale. » Je te demande dès lors : « Comment !? » Et tu te dois alors de me donner une description de cette Haqîqa. Et bien sache que dès lors que tu te met à parler d’elle et à la décrire : tu commets du chirk. Voilà pourquoi le Nom « Allâh » a deux lâm. Et si le même mot était lu avec un seul lâm, nous dirions alors ilah/dieu ( اله ). Mais ainsi, nous ne pourrions pas comprendre de la même manière que nous comprenons en disant Allâh ( الله ). Voilà donc pourquoi nous retrouvons deux lâm : de sorte que le lâm al-ma’rifa puisse recevoir les flux célestes du lâm al-‘ishq, par l’intermédiaire de la partie Jabaroutienne. Quant au Dessein (amr) de cette partie Jabaroutienne, sa nature et son entité est et demeure cachée, transcendante. Elle n’est là que pour établir la Jonction (wasl).
Et pourquoi parlons-nous de « partie (juz’) » Jabaroutienne, et non pas de Jabaroûte tout court ?
C’est pour que, lorsque tu parviendras au lâm al-ma’rifa et que tu commenceras à avancer vers le Alif al-Mouqaddar, tu réalises par le quatrième Secret que le Jabaroûte est la dimension absolue par excellence, et que tu ne peux en aucun cas lui attribuer ni Jonction (wasl), ni description (wasf). Et donc lorsque nous parlons de « partie », c’est comme si nous lui attribuions cette description, qui se voudra être dans ce cas-là qu’une ébauche d’idée qui te permettra par la suite de cheminer du lâm vers le Alif. C’est un peu comme si tu te trouvais dans une embarcation pour traverser… sans qu’il n’y ait en réalité aucune embarcation.
Peut-être que maintenant les choses sont mieux comprises.
Donc s’il réalise le fana dans cet Amr liant les deux lâm… c’est-à-dire s’il parvient à la réalisation du fana dans le Jabaroûte du Vrai, conformément au lien existant entre Celui qui donne (al-Mou’ti : le lâm al-‘ishq) et Celui qui prend (al-Akhidh : le lâm al-ma’rifa)… donc si tous deux s’anéantissent dans cet arc de-cercle, on considèrera dès lors que les deux lâm sont unifiés. Et de ce fait, on prononcera ce lâm avec une chadda. On dit donc, avec idghâm : « Allâh », et en prononçant ce Nom, on n’entend qu’un seul lâm… et cet idghâm, c’est-à-dire ce double arc-de-cercle se trouvant au dessus des deux lâm (la chadda) va devenir lui-même le Dessein ou l’Ordre (amr) du Jabaroûte. Donc cette Jonction entre les deux lâm, selon l’écriture connue du Nom Allâh, n’est en réalité rien d’autre que la chadda située au dessus des deux lâm. Et cette chadda est cette insistance dans la prononciation du lâm de « Allâh ».
Elle se trouve alors belle et bien présente et existante entre les deux Alif (le Alif al-‘ilmi et le Alif indicateur de l’Essence). Elle cerne et englobe les deux lâm. De là, elle transmis la Sagesse et le Savoir, qui parvint à toute personne digne de ce Dessein (amr).
Nous avons donc ici le Alif indicateur de l’Essence d’une part, et d’autre part le Alif al-‘ilmi. Et nous avons le lâm, qui se présente comme un grand arc-de-cercle entre ces deux Alif. Le lien entre ceux-ci ainsi constitué est désigné comme étant l’Amr du Jabaroûte. Al-Mou’ti s’annihila pour le Jabaroûte, et al-Akhidh s’annihila depuis le Jabaroûte… et lorsque nous parlons d’annihilation (fana), c’est-à-dire qu’il ne se voit plus lui-même : il ne voit plus que son Seigneur. Par cette vision il est anéanti, et des deux lâm il ne demeure plus qu’un seul et unique lâm. Et lorsque les deux lâm reviennent à un seul et unique lâm, c’est la partition du farq qui revient à la Réunion du jam’, et c’est alors que le deux se voit fluer dans le un. Et ce deux dans le un demeura entre le Alif al-‘ilmi et le Alif indicateur de l’Essence, ce dernier étant celui qui projette la Science dans le Alif al-‘ilmi. Il en devint donc englobant les deux lâm de toutes parts, glorifié soit-Il : Subhânah. « Et Il est avec vous, où que vous soyez » [s57.v4] Et c’est pour cela que les gens divergent au sujet du sens de ce verset… ils disent ainsi que Allâh est avec nous, par Sa Science. Effectivement ! Il est bien avec nous par Sa Science ! Mais lorsque tu leur dis qu’Il est avec nous par Son Essence, ils répliquent et te disent que tu as commis du chirk. Pourquoi ? Parce que tu as confiné Son Essence dans un endroit déterminé. Alors qu’en réalité non… Quand est-Il avec toi par Son Essence et par Sa Science ? Lorsque tu es parvenu à anéantir la dualité dans l’Unicité. Comment cela est possible ? Attention, anéantir la dualité dans l’Unicité, cela ne veut pas dire que tu te fonds dans le Vrai ! Ca, tu n’y parviendras jamais… Tu n’es que néant ! Tu ne peux donc t’associer et te fondre que dans ce qui est néant comme toi ! Tu ne peux t’unifier qu’avec quelque chose qui a une forme comme toi. Voilà pourquoi nous disons que le lâm al-‘ishq est un miroir. Et en vertu de « Il vous est certes venu un Messager de vous-mêmes (litt. de vos propres nafs) » [s9.v128] il ﷺ est de fait l’Esprit de l’ensemble de toutes les nafs. Et donc si tu te dissous et disparais dans sayidina al-Mustafa ﷺ, tu te dissous en réalité dans le miroir de la Vie. Et à partir du moment où tu te dissous dans le miroir de la Vie, si tu reviens à dire « J’existe »… sache alors que tu auras fait preuve de manque de adab vis-à-vis de la Wâsita suprême, et que tu auras voulu supprimer al-Mustafa ﷺ. Au contraire, supprime-toi toi-même, et réalise l’établissement du Prophète ﷺ. Et il est une chose qu’en aucun cas tu peux nier : le Messager d’Allâh ﷺ est certes parvenu à Sidrat al-Muntaha. Muntaha… c’est-à-dire qui n’a ni début, ni fin. Même sayiduna Jibrîl (‘alayhi s-salâm), il n’est pas parvenu jusqu’à ce degré. Et pourquoi donc ?
Tout simplement parce qu’il s’était lui-même dissout en lui ﷺ… sayiduna Jibrîl était ainsi le lâm al-ma’rifa, tandis que sayiduna al-Mustafa ﷺ était le lâm al-‘ishq. Le lâm al-ma’rifa fut donc saisi (qabada) par le lâm al-‘ishq, qui demeura quant à lui, fluant dans l’infini (Muntaha) de la Sidra. Et de là, il entra lui seul dans la Présence (Hadra)… mais une fois dans cette Hadra, il n’était pas seul, puisqu’il a bien dit : « as-salâmu ‘alayna wa ‘ala ‘ibâdillâhi s-sâlihîn / Que la paix soit sur nous ainsi que sur les serviteurs d’Allâh vertueux ». Mais qui sont les serviteurs d’Allâh vertueux ?
Ce sont tous les lâm qui ont précédé et qui se sont dissout dans le lâm al-‘ishq. Mais à ce moment-là, il ne demeure plus aucune trace des différents corps physique. Il n’y a plus qu’un seul corps, un seul Esprit, une seule nafs… quant aux autres, ils sont éteints et absolument dissouts dans le Prophète ﷺ, c’est-à-dire dans la Wâsita Suprême. Ainsi donc, le flux de la Wâsita Suprême circule dans la dimension d’infini absolu. Et de là, il dit : « Tu es comme Tu T’es Toi-même décrit ». Et si donc tu parviens toi-même à vivre et goûter à cet état, et que tu prononces les mêmes mots, sache alors que ta prononciation se fait par la langue du Prophète, et non pas par ta langue à toi… c’est le Messager ﷺ qui le prononce, pas toi.
Par rapport aux deux lâm, si on considère leur prononciation selon la règle du « idghâm », on parlera alors de « nafas ar-Rahmân » (le Souffle du Miséricordieur). Donc quand est-ce que tu goûteras au Souffle du Miséricordieux ?
Sache que tu n’atteindras pas cela tant que le lâm ne se sera pas unifié au lâm, jusqu’à ne plus former qu’un seul et unique lâm. Alors effectivement, tu auras le Souffle du Miséricordieux, qui est une expression renvoyant aux Noms et Attributs divins manifestés et révélés au travers des différentes Sources (chaque Nom ayant une Source qui lui est propre). C’est donc ici que débute l’entrée vers les Noms divins. Et lorsque tu accèdes aux Noms divins par le Souffle du Miséricordieux, alors tu atteints la Connaissance du flux du Un dans la multiplicité. Au début, tu apprends à Connaître le flux du Un dans le deux, ou bien le comment du retour du deux au Un… mais après cela, tu apprends à reconnaître ce flux de l’Unique dans l’ensemble de tous les Noms, et tu comprends alors la signification de ce flux dans les différentes Sources. Les Noms divins sont ce qui donne existence aux différentes Sources de l’Univers… et notre part dans les Noms divins, c’est-à-dire la capacité de notre cœur à percevoir la Science des Noms divins, est toujours à la mesure de notre degré de fana. Dans notre Tariqa les choses sont très claires : plus tu seras éteint (fana), plus tu engrangeras de Sciences. Ici ne prime pas la règle du « plus tu étudieras, plus ton bagage sera important », ou « plus tu écouteras, plus tu recevras ». Non, ici, il ne s’agit que de fana. Plus tu seras éteint, plus ta part dans cette Science sera importante. Et de même pour celui qui transmet : sa capacité à transmettre ne dépend que de sa soif ou sa nécessité de recevoir cette Science. Parce que qu’avons-nous ici ? Nous avons deux lâm, et nous en sommes toujours au lâm al-qabd avec le lâm al-ma’rifa. On ne sort pas de ce contexte ! Donc celui qui transmet, ne transmet qu’à la mesure de son besoin lui-même de recevoir. Car le ‘Arif a deux faces : une face pour le Créateur, et une face pour la création. Et s’il réalise l’unification des deux lâm, il a alors effectivement deux faces : l’une dirigée vers la création, c’est-à-dire avec le hâ… et l’autre dirigée vers le Créateur, c’est-à-dire vers le Alif al-Mouqaddar. Donc celui qui fera face au Créateur, Se manifestant à lui au travers du Alif, il accèdera par là-même à la Richesse par l’Essence, et alors sa soif ou son besoin de recevoir (iftiqar) deviendra pour lui complètement impossible, c’est-à-dire tant qu’il regardera le Créateur… Mais en revanche lorsqu’il fera face à la création, l’état de richesse ou de suffisance deviendra alors impossible pour lui, et de ce fait il demeurera dans un état d’indigence, de soif et de besoin de recevoir (iftiqar). Tel était l’état de la Wâsita Suprême, sayiduna al-Mustafa ﷺ. Il est Riche par son Seigneur ﷻ, et en même temps il demeure dans cet état d’iftiqar vis-à-vis de Lui. Systématiquement, il extériorise son état d’indigence : il marche dans les marchés, il mange la nourriture, il se fait briser une dent, on jette des abats sur sa tête, etc. Par tout ceci, il apparaît aux autres comme indigent (faqir)… bien qu’il soit en réalité le riche (al-Ghaniy). Comment cela ?
Bien sûr, par sa Proximité et par sa contemplation du Créateur. Parce que la Source de l’univers a soif et a besoin de tout ce qui se présente à elle découlant des Noms divins, afin de pouvoir donner l’existence à ces manifestations dans le domaine spirituel externe (Hadra kharijiya). Voilà pourquoi nous considérons que les Noms sont présents et existants entre le lâm et le Alif. Et puisque nous lisons actuellement le lâm al-qabd par le lâm al-ma’rifa, notre tableau en devient entièrement rempli de Noms divins. Quant au hâ al-hawiya, c’est en réalité comme s’il avait tué les Noms, parce qu’elle les a tous confinés en son sein, conformément au Hadîth qui nous dit que le premier ciel par rapport au second est semblable à un anneau dans un désert, et que le second ciel par rapport au troisième est semblable à un anneau dans un désert, etc. Jusqu’au septième ciel, qui lui-même est semblable à un anneau dans un désert comparé au Kursi, et le Kursi par rapport au ‘Arch est semblable à un anneau dans un désert… c’est-à-dire donc que c’est comme si tu avais confiné, limité et réuni tout cela dans des anneaux. Or lorsque tu réunis l’absolu et illimité dans le confinement de la portée de ta vision, c’est en réalité comme si tu le tuais en lui attribuant des limites. Cependant, les Noms du Vrai ﷻ n’ont ni début, ni fin, si tu les considères dans leur état premier et originel.
Donc nous disions que les Noms divins ont besoin (iftiqar) des Sources de l’univers, dans le contexte du confinement (taqyid) par le hâ al-hawiya. Et la cause de leur confinement, c’est la distinction d’un Nom par rapport à un autre. Or selon la Réalité du Nom lui-même… tous les Noms ne désignent qu’Un Seul et Unique Nommé. Il n’y a donc pas de distinction à faire entre al-Mou’ti (Celui qui donne) et al-Qâbid (Celui qui saisit)… cependant dans le contexte du confinement des apparences illusoires, tu considères qu’effectivement al-Mou’ti n’est pas al-Qâbid. De là, tu distingues donc les Noms les uns par rapport aux autres.
Pour prendre un exemple, l’iftiqar de la Source du tabouret… c’est-à-dire ce tabouret, qui est apparu dans cette forme spécifique, il est dans un état d’indigence (iftiqar) vis-à-vis du bois. C’est-à-dire que si on lui retirait le bois, sa forme apparente disparaitrait. Il est donc dans un état d’iftiqar vis-à-vis du bois qui permet son apparition. Et le bois est à son tour dans un état d’iftiqar vis-à-vis du tabouret, dans le sens où il est dans le besoin de donner sa matière au tabouret pour que celui-ci apparaisse.
Et bien il en est de même pour les Noms : ils ont besoin (iftiqar) des formes créées pour apparaître et se manifester. Et de même, les formes créées et apparentes sont dans un état d’iftiqar vis-à-vis des Noms, parce que si on leur ôtait les Noms, il ne demeurerait absolument rien d’eux.
Allâh te dit dans le Coran : « Allâh est la Lumière des cieux et de la terre » [s24.v35] Admettons que la Lumière soit retirée… que reste-t-il des cieux et de la terre ? Plus rien ! Si l’on retirait le Nom divin al-Noûr (la Lumière) : les cieux et la terre disparaîtraient du même coup. Par conséquent les cieux et la terre sont dans un état d’iftiqar vis-à-vis du Nom al-Noûr.
Mais le Nom al-Noûr lui aussi est dans un état de besoin (iftiqar) vis-à-vis des cieux et de la terre !
Parce qu’il a transmis et fourni la Lumière qui permit l’apparition des différentes Sources de l’univers. De ce fait, il est dans le besoin de donner pour être donateur. Et son don est toujours à la mesure de son besoin (iftiqar)… ou son apparition est toujours à la mesure de son besoin de donner. De ce fait, si l’on retirait le Nom al-Noûr, les cieux et la terre disparaîtraient du même coup… car les cieux et la terre ne peuvent établir leur entité que par l’intermédiaire de la Lumière du Créateur ﷻ. Ils sont donc dans un état d’iftiqar vis-à-vis du Nom al-Noûr… mais pas seulement ! Les cieux et la terre sont dans un état d’iftiqar vis-à-vis de tous les Noms, parce que c’est par leur intermédiaire que sont apparus par exemple l’Attribut de Capacité (Qudra), l’Attribut de Science (‘Ilm), etc. Tous ces Noms et Attributs sont apparents au travers et par la création. La création est donc dans un état de besoin des Noms pour manifester ses différentes entités, de même que les Noms ont besoin des créatures pour donner ce qu’ils doivent donner.
Et par cela, apparaît la dimension ou le statut des deux lâm. C’est-à-dire que de même, le lâm al-qabd est dans un état d’iftiqar vis-à-vis du lâm al-ma’rifa, c’est-à-dire qu’il a besoin de lui transmettre ce qu’il lui transmet. Et de même le lâm al-ma’rifa est dans un état d’iftiqar vis-à-vis du lâm al-qabd : c’est-à-dire qu’il a besoin du lâm al-qabd pour recevoir ce qu’il reçoit (ce qu’il reçoit étant toujours à la mesure de son fana dans le lâm al-qabd).
Ainsi donc, l’état d’iftiqar n’est pas propre à l’un des deux uniquement… non, tous deux sont concernés !
Si tu as par exemple 100 dirham, et que tu décides de m’en donner 50… ton état d’iftiqar est à la mesure de ce que tu m’as donné. Si tu me donnes 2 dirhams, tu te trouves alors avec -2 dans ta caisse… si tu me donnes 50, tu te retrouves avec -50 dirhams… et tu es alors dans un état d’iftiqar.
Quant à moi, par cette même action, je suis dans un état d’iftiqar. C’est-à-dire que ces 2 dirhams ou ces 50 dirhams que tu m’as donnés… j’en deviens mouftaqir vis-à-vis de toi, car c’est toi qui m’as donné ces dirhams.
Donc au travers de la Connaissance des fondamentaux du lâm al-‘ishq, les différentes Sources de l’univers furent saisies vers lui, et de ce fait le Vrai lui fit don de l’absolue capacité d’influer sur elles à sa guise (tasarruf al-moutlaq).
Voilà pourquoi le lâm al-‘ishq vient après le hâ’ al-hawiya : parce que le hâ’ est dans un état d’iftiqar vis-à-vis du lâm, d’où le fait que le lâm détienne cette capacité d’influer (tasarruf) sur le hâ… parce que le lâm est ce qui lui donne cela même qui fait du hâ ce qu’il est. Ne le vois pas ici dans le contexte du lâm al-ma’rifa… auquel cas tu tomberas dans la confusion ! Tu as d’un côté le lâm, et de l’autre le hâ’. Le hâ’, en sa qualité de néant relatif au Moulk, et d’autre par le lâm qui met en valeur le flux céleste circulant dans la dualité. C’est-à-dire que ce qu’il se passe entre le lâm et le lâm : il se passe exactement la même chose entre le lâm et le hâ’.
Nous disions donc, au sujet de Connaissance des fondamentaux du lâm al-‘ishq, que les différentes Sources de l’univers furent saisies vers lui, et de ce fait le Vrai lui fit don de l’absolue capacité d’influer sur elles à sa guise (tasarruf al-moutlaq)… mais ceci bien évidemment selon la Volonté et le Dessein du divin dans l’ensemble de l’univers. C’est-à-dire que ce tasarruf ne se fait pas au gré de leur [1] état dans un instant donné, car en réalité en aucun cas ils n’exercent ce tasarruf de leur propre chef, mais uniquement au travers de l’Ordre (amr) divin. [2]
Le Messager d’Allâh ﷺ est le lâm al-‘ishq, et de ce fait il a la liberté d’influer et d’agir sur la création comme il le désire, en vertu de l’amr évoqué dans le Hadîth : « Je saisis une Poignée de Ma Lumière et lui dis : « Sois Muhammad ! » ». C’est donc ainsi que toutes les Sources furent saisies en son entité… Originellement, elles sont toutes saisies en lui (lahu), et dans un état d’iftiqar vis-à-vis de lui (lahu). Quant à lui, il est dans un état d’iftiqar vis-à-vis d’elles dans la mesure où il a besoin d’elles pour leur donner ce qu’il leur donne. Il en est donc ainsi pour la Wâsita Suprême. Mais malgré tout, il n’a la capacité d’agir que dans le cadre d’un Ordre (amr), une obligation physique et inévitable. Quant à ce qui relève de son bon vouloir personnel : il ne fait rien… à l’image de cette fois où, après avoir été rejeté des gens qu’il appelait à l’Islam, deux anges vinrent à lui et lui dirent que s’il le souhaitait, ils pourraient jeter sur eux la montagne… mais il s’y refusa ﷺ. Cela veut bien dire qu’il a la possibilité d’agir, s’il le souhaite. Mais à partir du moment où il n’en reçoit pas l’Ordre (amr) et l’obligation, il ne le fait pas. Donc tant qu’il a la possibilité de faire ou de ne pas faire, il préserve sa capacité d’agir dans un état occulté… parce que l’agissement (tasarruf) du serviteur dans le royaume de son Seigneur est un manque de adab, quand bien même ce serait avec Sa permission, c’est-à-dire dans le cas où il aurait la liberté d’agir comme bon lui semble !
A partir du moment où l’on dit : « Fais ceci si tu le souhaites », ne fais rien.
Et si tu as la permission (idhn) pour faire quelque chose, considères que tu ne l’as pas. Excepté dans le cas où tu serais vraiment contraint et forcé. Auquel cas, cela ne relève plus de ton bon vouloir, et cela devient un Ordre (amr). Voilà pourquoi, toute personne recevant un idhn ikhtiyâriy (permission d’agir si tu le souhaites) et qui met cela en application : son affaire (amr) échoue. Parce qu’il a fait preuve de mauvais adab. Même s’il prétend avoir le idhn… il n’y a pas de idhn dans ce cas-là.
Si maintenant l’Ordre lui parvient, contraint et forcé, il n’a alors plus d’autre choix que d’agir en conséquence.
Allâh ﷻ dit : « Ô Dâwoûd, Nous avons fait de toi un vicaire (khalifa) sur terre. Juge donc en toute équité parmi les gens et ne suis pas la passion. » [s38.v26]
Or il est connu que le Khalifa d’Allâh sur terre détient forcément la capacité d’agir et de faire réagir (tasarruf) sur l’ensemble des univers du monde créé, soient-ils spirituels comme physiques. Et malgré que Dâwoûd ﷺ est un Khalîfa à qui il fut ordonné d’exercer un tasarruf absolu, il n’en demeure pas moins contraint de n’exercer ce tasarruf que conformément à la révélation et à l’inspiration divine. C’est-à-dire, de n’agir que contraint et forcé. Et dans tout ce qui relève de son bon vouloir, il se doit de ne pas exercer ce tasarruf. Ici nous ramenons un verset qui met parfaitement en exergue cette règle : « Le Seigneur du Levant et du Couchant. Il n’y a pas de divinité à part Lui (Huwa). Prends-Le donc comme Wakîl. » [s73.v9] « Prends-Le donc comme Wakîl », c’est-à-dire que tu n’as aucune liberté d’agir, excepté dans le cas où l’Ordre (amr) te serait imposé, contraint et forcé. Mais dans la mesure où cela t’est permis et relève de ton bon vouloir, si tu le mets en application tu auras alors fait preuve de mauvais adab (bienséance).
Cela veut dire qu’Il est Celui qui agit pour toi, dans l’ensemble de tes affaires, du fait qu’Il est ﷻ plus Connaissant que toi, et plus au fait de ce qui est bon ou pas. Il est parfaitement Connaissant de ce qu’il y a de meilleur pour Ses serviteurs, Il est parfaitement Connaissant de la réalité de ton intention et de la teneur de tes objectifs… quant au serviteur, sa connaissance de cela est et demeure toujours déficiente, quand bien même il aurait atteint la réalisation la plus parfaite. Quel que soit le degré de sa réalisation, il est incapable de comprendre et cerner la réalité de cet amr que le Vrai ﷻ plaça en lui, et les choses ne sont en aucun cas soumises à son bon vouloir, comme il aurait tendance à le croire parfois. Voilà pourquoi nous sommes contraints d’agir comme nous le faisons (mousayyar), et non pas libres d’agir comme bon nous semble (moukhayyar). Donc quand bien même Allâh t’octroierait la liberté de choisir, reviens (à Lui) et sois soumis à Sa Volonté (sois mousayyar), et n’agis que dans le cas où tu y serais contraint et forcé. Et alors, par cet acte que tu accompliras, tu te réaliseras en tant que mousayyar. Cette règle, tâche de la graver dans ton cœur si tu entends cheminer vers le Créateur ﷻ, afin que ta nafs, ta pensée et ta conscience soient apaisées.
Et si au contraire tu t’imagines que tu agis toi-même par toi-même, en toute liberté et selon ton bon vouloir… et que le flux céleste du Un circulant dans le deux n’est qu’une parole prononcée par les langues… et bien sache que tu n’as en réalité aucune part en cela.
Voilà pourquoi nous disons au sujet du lâm al-qabd par le lâm al-ma’rifa, qu’un jour viendra où nous étudierons le lâm al-ma’rifa par le lâm al-qabd… donc commences à apprendre dès maintenant la manière de parler. Parce que si nous sortons du domaine du lâm al-ma’rifa, et donc du domaine des deux lâm, et que de ton côté tu ne sais toujours pas parler, et bien tu resteras dans un état où il te sera éternellement impossible de comprendre les paroles. Et pour apprendre à parler, tu dois donner libre cours à ta langue ! C’est-à-dire que dans le temps du dhikr, lorsque nous disons « SoubhânAllâh », dis clairement « SoubhânAllâh » ! Prononce-le de manière claire et audible ! Ne reste pas figé et immobile. Vous n’avez pas encore atteint ce maqâm ! Apprends à prononcer de manière audible, car le lâm est répété deux fois dans le Nom « Allâh », et sa répétition, c’est sa mise en exergue. Par l’idghâm ! Donc toi aussi, prononce les Lettres comme elles doivent être prononcées, si tu veux apprendre le flux des Lettres, si tu veux apprendre et saisir le flux des Noms divins… élève ta voix ! Dans ta lecture du Coran ! Dans ton dhikr ! Dans toutes les situations !
Si tu restes silencieux et fermé, la chose va se fermer à toi pour ne plus jamais s’ouvrir ! Et tu n’auras alors aucun Savoir, aucune Science. Parce que le Alif al-‘ilmi a fait apparaître son Dessein (amr) dans le lâm al-‘ishq, qui à son tour comme nous l’avons expliqué a fait apparaître son amr dans le monde du Jabaroûte, et le lâm al-ma’rifa perçut cet amr dans le Jabaroûte. Il faut donc absolument faire apparaitre son lâm, en vertu du verset : « ceux qui communiquent les messages d’Allâh, Le craignaient et ne redoutaient nul autre qu’Allâh » [s3.v39]. La transmission du Message se fait par la prononciation, car tu n’auras la possibilité d’accéder au Alif al-Mouqaddar qu’après avoir parfaitement appris la Haqîqa de la Noubouwa et de la Risâla. Or la Haqîqa de la Noubouwa et de la Risâla est entièrement inclue dans la prononciation par la langue !
Quant à toi qui te refuses à remuer ta langue pendant le dhikr, tu n’as aucune part dans cela ! Parce que ta Science ne peut pas être prise au travers de ce qu’écrit la plume sur la feuille. Non, il faut que tu prononces de manière audible ! Il faut que tu prononces les Lettres comme elles doivent être prononcées ! Tu cherches à atteindre la Haqîqa des Lettres, mais tu demeures silencieux… tu ne les as pas fait apparaitre. Fais les apparaitre ! Quand on dit « SoubhânAllâh », je veux t’entendre dire « SoubhânAllâh » !
…et tu t’imagines que tu as accompli un Mi’râj… mais bien sûr que non !
Cela n’est pas encore apparu dans le Nom divin. Nous ne sommes pas encore sortis du lâm al-qabd, ni du lâm al-ma’rifa, pour pouvoir atteindre le Alif al-Mouqaddar. Et si tu n’as pas appris, si tu ne t’es pas préparé dans le lâm al-ma’rifa et le lâm al-qabd, tu n’auras pas la préparation complète pour parvenir au Alif al-Mouqaddar. Tu trouveras alors tes frères, à tes côtés, étudiant et cheminant dans le Alif al-Mouqaddar tandis que toi tu demeureras plié et retranché sur toi-même ! Tu dis que rien n’existe en dehors de l’Unique… alors de qui as-tu honte !? « Il y a ici Idris, Abderrahmân… » mais non il n’y a rien ! Tu le dis toi-même : « Tout ce qui est sur elle est anéanti (fân) : Seule subsiste la Face de ton Seigneur, plein de Majesté et de Noblesse » [s55.v26/27] Alors fais nous voir ! Tu restes replié, caché sous ta couverture, plein de honte, oppressé sur toi-même, mais qu’est-ce que tu as !? Ce n’est pas ça le adab ! Le adab ce n’est pas de rien prononcer, au contraire ! La base fondamentale du adab, conformément aux deux lâm, c’est justement la prononciation. Sors-nous donc ce que tu as ! Car si tu fais apparaître cela, si tu fais apparaitre chaque Lettre… c’est comme si tu nous écrivais le lâm al-qabd. Mais si tu restes renfermé comme ça, caché sous ta couverture, quand est-ce que tu vas t’exprimer de manière audible ? Tu le feras pour dire des paroles vaines et futiles ! Et dans le lâm al-qabd et lâm al-ma’rifa, où il a véritablement quelque chose, toi tu vas faire des manières. Non, il n’y a rien à cacher dans les deux lâm, apprends cela. Parce qu’en ne prononçant pas, le lâm devient occulté, et tu deviens non-apte à parler de ce dont tu parles. Voilà pourquoi tu dois bien veiller à faire apparaître cela dans ta prononciation.
Nous espérons donc d’Allâh qu’Il place l’idghâm de Ses deux lâm dans notre cœur, jusqu’à ce que notre amr soit fermement lié à l’amr de la Seigneurie, yâ Dhul-Jalâli wal-Ikrâm.
Allâhumma fais de nous un souffle d’entre les Souffles de al-Mustafa ﷺ, et une Lumière issue de sa Lumière, yâ Dhul-Jalâli wal-Ikrâm. Et fais que son flux céleste circule en nous de manière illimitée, de manière à ce que nous retournions à la Haqîqa de son miroir, et que de là nous soyons inclus dans sa Présence, d’une inclusion parfaite, ô plus miséricordieux des miséricordieux.
Allâhumma fais de lui à la fois celui qui nous questionne et celui qui répond pour nous. Fais qu’il nous regarde, et que nous le regardions par ses yeux, ô plus miséricordieux des miséricordieux.
Allâhumma fais de nous des gens conformes à son suivi, conformes à son unicité (Wahdâniya), et conformes à sa Science, en vertu de ce qu’il dit, de ce qu’il fit et de ce qu’il approuva, yâ Dhul-Jalâli wal-Ikrâm.
Allâhumma fais nous parvenir à la pleine réalisation de sa Connaissance.
Allâhumma fais nous-le Connaitre ! Et Fais nous-le Aimer ! Et fais circuler en nous son flux, ô plus miséricordieux des miséricordieux.
[1] Les serviteurs d’Allâh vertueux, soit les gens du lâm
[2] En ce sens, sayiduna al-Khidr dit à sayidina Moussa (‘alayhimâ s-salâm) : « et je ne l’ai pas fait de mon propre chef (amri) » [s18.v82]