Les trois conditions indispensables pour accéder au malakoûte

بسم الله الرحمن الرحيم
و الصلاة و السلام على أشرف المرسلين
و على اله و اصحابه أجمعين

Les trois conditions indispensables pour accéder au malakoûte

Résumé de l’assise du 27 Avril 2018 / Jumu’a 10 Cha’ban 1439 [Partie 3] :

Le Secret se trouve en chaque être humain, soit-il croyant ou mécréant, qu’il accepte cette réalité comme telle ou qu’il la rejette. Par Sa Justice, le Seigneur ﷻ a établi le moulk, le malakoûte et le jabaroûte comme étant des réalités intrinsèques à chaque être humain, quel qu’il soit et sans distinction. Qu’il apostasie, qu’il devienne athée ou impie, qu’il embrasse l’Islam ou qu’il réalise le degré de al-Imân… ce Secret et cette réalité ésotérique se trouve en lui, afin que tu ne puisses pas venir et prétendre que le Seigneur ﷻ ne soit pas parfaitement Juste. Il n’a pas donné au musulman pour priver le non-musulman. Nous avons au contraire tous été créés sur la fitra de l’Islam. Et cette fitra, cette nature première de l’Homme, c’est al-Islam, al-Iman et al-Ihsan. C’est-à-dire un ensemble d’actes d’adorations physiques et concrets, accompagnés de réalités ésotériques relevant de l’inconnaissable (ghayb), et finalement la vision et la contemplation (mouchâhada) du Seigneur ﷻ car : « Il s’agit d’adorer Allâh comme si tu Le voyais. »

Ceci est à l’image du beurre dans le lait : il n’apparaît qu’après que ce dernier ait été dûment battu… sans quoi, le beurre demeure latent et caché dans le lait. Dans l’être humain, le beurre renvoie à ce que l’on désigne comme étant la Lumière de la Wilaya ultime… (et pas la Lumière de la Noubouwa !) La Lumière de la Wilaya est latente en chaque être humain, mais il n’est possible d’y parvenir et d’accéder à sa vision que par cette pratique et cet entraînement. Lorsque tu bois du lait entier, tu le bois en ingérant tous ses composants, sans distinction. C’est uniquement en fournissant un effort conséquent sur ce lait que tu peux extraire et en savourer le beurre…

Si donc l’Homme a la foi en Allâh, Unique et sans associé, s’il est secoué et affecté par Son évocation, et s’il frappe son cœur par le Nom « Allâh »… c’est-à-dire, par la pratique de l’istighfâr [1]… mais ceci évidemment, après avoir trouvé un Shaykh pleinement réalisé qui le fera sortir de la prison de son égo et libèrera son être des chaînes de ses passions.
Quant à celui qui ressent cette aspiration intérieure pour le dhikr qui anime tout son être, et qui se base bien évidemment sur le Tawhîd… mais qui n’a pas trouvé cet intermédiaire (wâsita) qui le sauvera, qui le mettra en garde et lui indiquera comment procéder pour se défaire des chaînes de l’égo et des passions… celui-là demeurera tel quel, incapable d’atteindre ces réalités ésotériques.
Enfin dans le cas où l’individu aurait effectivement trouvé le Shaykh, mais ne se conformerait pas pleinement à son suivi et à la mise en application de ce qu’il recommande… là aussi, l’accès aux réalités ésotériques lui sera impossible, quand bien-même il passerait ses jours et ses nuits dans l’évocation d’Allâh.

Et de toute façon le cœur, que tu l’exprime par la langue ou non, lui se trouve perpétuellement dans l’évocation d’Allâh. Ne vas donc pas t’imaginer qu’à peine tu commenceras à pratiquer le dhikr, les mondes s’ouvriront pour toi et que tu verras ce que nul œil n’a vu et entendras ce que nulle oreille n’a entendu. Que ta langue s’agite ou non, le cœur se trouve occupé par l’évocation d’Allâh. S’il s’agissait simplement de pratiquer le dhikr par la langue, Allâh aurait accordé ces ouvertures spirituelles à tous les musulmans sans exception. Tous les musulmans auraient pu atteindre la vision de ce qui relève de l’inconnaissable (ghayb)… de même pour le frémissement au cours du dhikr : tous les soufis sont touchés par le dhikr, tous ressentent ce désir ardent, ce feu d’amour intérieur, ce ravissement de l’âme… les yeux pleurent, les cœurs s’apaisent… oui, peut-être… mais il n’y a pas de dévoilement (kashf), pas de d’accès au ghayb ni au malakoûte. A chaque fois qu’il ferme les yeux pendant le dhikr, il se trouve submergé par des ténèbres empilées les unes au-dessus des autres. Il ne voit rien, il ne perçoit rien de ce ghayb. L’accès à cela n’est possible que dans le cas où ces trois conditions seraient réunies :
– le Tawhîd du Créateur et le fait de ne rien Lui associer,
– le fait d’être touché par la mention d’Allâh, que le cœur s’apaise et s’attendrisse à Son évocation, laquelle devra être pratiquée avec constance,
– le suivi d’un Imâm qui t’indiquera comment te défaire des chaînes de tes passions et de ton égo.

Tout ton état de perplexité et toute ton incapacité à comprendre et saisir (‘ajz), ô serviteur, ce sera vis-à-vis de cette Lumière : la Lumière de la Wilâya suprême. Dans ton incapacité à saisir (‘ajz) cette Lumière de la Wilâya, tu t’es imaginé que tu étais parvenu et que tu avais atteint la connaissance du Seigneur… et c’est pour cela que les gens d’Allâh disent que la connaissance du Créateur est bien plus aisée que la connaissance du Waliy. Parce que concernant le Créateur, tout serviteur quel qu’il soit a en son cœur la foi et la conviction du fait qu’Il est l’Unique, l’Exclusif, le Seul à être imploré, Celui qui n’a pas engendré et n’a pas été engendré… nous sommes tous d’accord et unanimes sur ce fait, nous avons tous foi en cette réalité, et en aucun cas nous ne la remettrions en cause.

Seulement as-tu véritablement réalisé cet état d’impuissance et d’incapacité à comprendre (‘ajz) ? Car c’est par cela que tu commences à voyager dans le malakoûte, jusqu’à ce que toutes ces choses s’ouvrent à toi, jusqu’à ce que tu transcendes le temps et l’espace, que ton état spirituel te transporte vers un degré plus élevé encore, que se manifeste à toi le jabaroûte et que tu accèdes par cela à la Lumière de la Wilâya suprême. Tu deviens alors pleinement anéanti dans la contemplation de cette Lumière : « Lumière sur Lumière, Allâh guide vers Sa Lumière qui Il veut [2] » et tu parviens alors à la guidée suprême.

Seulement même après tout ceci… tu n’as pas encore atteint la connaissance du Seigneur ! Tu n’en restes qu’à la vision de la Lumière de la Wilâya suprême, et c’est elle qui te fait réaliser ta propre incapacité à comprendre, qui fait disparaître ta forme apparente et ton être, qui met en echec tout ton intellect… voilà pourquoi, lorsque le frère Abdelqader nous a parlé de sa mouchâhada (voir vidéo) il a dit :
« J’ai vu dans le premier ciel un markaz… ou plutôt, une multitude d’étoiles, et j’en ai choisi une, qui éclairait plus que les autres, et j’ai plongé dedans. Cela me transporta jusqu’au deuxième ciel, où j’ai vu une étoile, dans laquelle j’ai plongé également… et je suis parvenu au troisième ciel… etc, jusqu’à compléter les sept anneaux (sept confinements des cieux), conformément au Hadîth du Messager d’Allâh. Mais lorsque je suis parvenu au ‘Arch, mon intellect fut mis en échec, totalement incapable de percevoir et comprendre ces choses… et il vit alors le Shaykh, qui lui réunit tout cela en une lamha. »

Ce qui veut dire, en d’autres termes, que tu n’as ici perçu qu’une lamha, un tison de la Lumière de la Wilâya. Car la connaissance du Créateur ﷻ n’a ni début, ni fin. Donc à partir du moment où tu es incapable, ô serviteur, de saisir et cerner l’ensemble du monde physique et palpable par les yeux… par exemple, tu regardes dans les airs et tu dis avoir vu le ciel. Mais si quelqu’un monte dans un vaisseau spatial, ou tout simplement s’il observe ce ciel à l’aide d’un télescope, il verra bien des choses que toi tu ne vois pas… et comparé à lui, tu ne verras vraiment pas grand-chose. Tout ceci, dans le domaine du moulk, dans le monde matériel et physique. Toi qui n’es même pas capable de saisir et cerner du regard tout ce moulk, comment cernerais-tu le malakoûte ? et le jabaroûte ?

En ce sens, le Shaykh al-‘Alawiy (rahimahullâh) dit dans l’un de ses poèmes :

le moulk et le malakoûte
ainsi que le jabaroûte

sont tous des qualificatifs
et l’Essence est le Nommé

Ce qui veut dire que si tu parviens à les saisir et à retourner à la Haqiqa suprême, réalisant que l’Essence est le Nommé, tu comprendras que ces appellations ne sont que des qualificatifs de l’Essence… mais pas l’Essence ! Un qualificatif (na’t), c’est-à-dire un symbole, une allusion, un signe, une indication… mais pas la réunion du Tout véritable.

Dès lors, ce cheminement ésotérique vers la connaissance du Seigneur n’aura pour principe que de te faire passer d’un état de ‘ajz vers un ‘ajz plus intense encore. Tu réaliseras le ‘ajz (l’incapacité de comprendre) dans la connaissance d’un Prophète, le ‘ajz dans la connaissance d’un Attribut d’Allâh, à l’instar du Coran par exemple, dont tu ne peux pas réaliser l’exégèse entière et exhaustive… car depuis le premier instant où la création fut, jusqu’à nos jours, jamais personne n’a pu réaliser d’exégèse entière et exhaustive du Coran, réunissant tout ce dont le Créateur a voulu nous informer au travers de Sa Parole. Chacun interprète et comprend la Parole divine en fonction et à la mesure de sa foi et de sa science.

Le ‘ajz est total pour un seul Attribut, alors que dire des autres Attributs ? Que dire des Beaux Noms d’Allâh ? Que dire des Noms divins cachés ?… évidemment, tout ceci est et demeure comme relevant de l’inconnaissable, et le Créateur est tel que rien ne Lui ressemble. Ton cheminement dans la conception de ce qualificatif n’a donc pour but que de te permettre de comprendre que ce qui est absolu ne saurait en aucun cas être limité ou confiné à quoi que ce soit… et que quelle que soit l’ampleur de ce que tu parviendras à confiner, ce ne sera jamais que le confinement d’un qualificatif dans un qualificatif dans un qualificatif.

Allâhumma fais de la Lumière de sayidina al-Mustafa ﷺ une Lumière dans nos cœurs, dans nos ouïes, dans nos vues et dans l’ensemble de nos membres, afin que nous devenions une Lumière issue de sa Lumière. Fais de nous des gens de sa maison et de sa descendance, de ses proches, de ses compagnons et de sa communauté, ô plus miséricordieux des miséricordieux…


[1] Istighfâr : répétition de la formule « astaghfirullâh : Je recherche le pardon d’Allâh »
[2] Sourate al-Noûr, verset 35.

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