بسم الله الرحمن الرحيم
و الصلاة و السلام على أشرف المرسلين
و على اله و اصحابه أجمعين
Assise du Shaykh Educateur Sidi Mohamed Faouzi al-Karkari –radiAllâhu ‘anhu-
Cours du Vendredi 5 Décembre 2014
Hadra de la Noubouwa :
l’homme dans les trois mondes
Sache, qu’Allâh effleure ton cœur de Ses Lumières, que le Vrai plaça en l’homme trois modes de perceptions principaux : la perception des sens physiques, la perception imaginative et celle de l’intellect. Chacune de ces trois perceptions convient à l’un des trois mondes suivants : le Moulk, le Malakoute et le Jabaroute. L’Homme a ainsi la possibilité de considérer ce qui est relatif à ces trois mondes, en fonction de sa faculté à user de ces trois forces de perception. Il peut ainsi donc être Moulkiy, ou Malakoutiy, ou Jabaroutiy. L’homme Moulkiy, ou qui s’en tient à la perception des sens physique, est celui dans le cœur de qui les apparences des créatures du Moulk se sont imprimées (de sorte qu’il ne voie plus qu’elles), et en qui le penchant pour les biens de ce bas-monde a pris le dessus. L’homme Malakoutiy est celui dont la vision intérieure (basîra) s’est ouverte, au point qu’il fut capable de percevoir au-delà du monde physique. Lorsqu’un homme est Malakoutiy, soit il fait partie des gens du Malakoute inférieur et vil, et il perçoit les esprits malsains d’entre les djinn, etc… soit il fait partie des gens du Malakoute supérieur et il perçoit alors les esprits nobles des anges et des Saints. Quant à l’homme Jabaroutiy, il s’agit de celui qui s’est éteint et volatilisé dans l’état Seigneurial du Vrai.
…Mais aujourd’hui, l’homme est tellement voilé par les apparences physiques, et la force de perception du Moulk a tellement pris le dessus sur les deux autres qu’il ne sait même plus ce que sont le Malakoute ni le Jabaroute, excepté ceux que Allâh a gratifié de Sa Miséricorde. Le bien-heureux est celui en qui ces trois forces se sont équilibrées entre elles, faisant de lui un isthme (barzakh) entre ces trois mondes, de sorte que l’un d’entre eux ne le voile pas d’un autre… le Connaissant réalisé étant celui qui parvient à considérer les parties (farq) au cœur même de l’ensemble (jam’) qu’elles constituent. Quant au Prophète, il est celui qui se trouve aux côtés des serviteurs rapprochés (mouqarraboun), qui se conforme de la manière la plus parfaite à leur voie, il est celui dont la montagne des limites spatio-temporelles s’anéantit entièrement, l’élevant ainsi au-delà du degré des gens de la Proximité divine. Ceci concerne les Prophètes, et c’est en ce sens que sayiduna Muhammad (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) nous indiqua dans un Hadîth : « J’ai avec Allâh un temps qui ne saurait être à la portée d’aucun ange rapproché, ni d’aucun Prophète Envoyé. », et il s’agit ici de la Présence Sanctifiée (Hadra Qouddousiya).
Par conséquent, que celui qui perçoit la manifestation du Vrai sous la forme de l’Esprit Suprême n’aille pas s’imaginer qu’il a en cela atteint le dernier des degrés de la Proximité divine, et qu’il est arrivé au summum de l’élévation spirituelle… car au-delà de cela se trouve la Hadra Qouddousiyya, qui est le degré spirituel dans lequel le cheminant perçoit par dévoilement les choses passées et à venir. Par la force de sa perception, il prend le dessus sur les autres cheminants, et c’est la raison pour laquelle on dit que le Prophète et Messager est celui que Allâh –‘azza wa jall– a doté de la force de l’Intellect Universel (al-‘aql al-châmil) dans la Hadra Qouddousiyya. Tout se trouve alors sous son ordre, il a la faculté d’influer sur la nature des choses, et l’ensemble de l’existence suit ses traces, d’un suivi allant de ce qui est inférieur vers ce qui est supérieur. Le Vrai –‘azza wa jall– établit, dans le sentier des cheminant, des causes permettant à ces derniers d’atteindre Sa Connaissance (ma’rifa), et plus l’égo du disciple est dépouillé de lui-même, plus son âme est renforcée… car le dépouillement (tajarrud) concerne le mode de perception des sens physique et mène au rattachement à la perception de l’intellect. Ainsi donc, abandonnant petit à petit la considération de ses perceptions physiques, le cheminant se rattache à celle de son intellect et voit l’amplitude de ce dernier s’élargir au fur et à mesure, au point même que cet élargissement ait un effet sur l’entourage du disciple, et plus l’amplitude de son intellect est importante, plus son effet sur autrui le sera aussi. Il s’agit là d’un héritage Prophétique fluant au sein de la Communauté de sayidina Muhammad (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam), car Allâh octroie au Prophète une force d’intellect comparable à celle d’un ange, ainsi qu’une force d’âme par laquelle il connait le mouvement des astres et les forces spirituelles influant sur les esprits, de sorte que tu le vois ainsi exercer son autorité (spirituelle ou non) parmi les gens. Et c’est ainsi qu’il a la faculté d’exercer une influence sur chaque monde selon ce qui lui convient le mieux.
Sache que la Prophétie est la manifestation apparente du Vrai –‘azza wa jall-, qu’elle est le Commandement de notre Seigneur, afin que les gens sachent, et qu’apparaissent les nawâmis (*) relatives à l’intellect déterminant le licite et l’illicite. Celui qui rejette ceci est une personne cherchant à corrompre ces nawâmis divines, et son statut est celui du Dajjâl, dont le rôle concret consistera en l’inversion des Réalités profondes et en la corruption de ces nawâmis. La Prophétie est l’expression manifestée du vicaire divin illimité, la théophanie à la fois absolue et limitée dans la forme apparente des Prophètes, afin qu’ils appellent les gens à Allâh –ta’ala-. C’est la raison pour laquelle notre Prophète (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) dit : « Les Saints (Awliya) d’Allâh sont ceux qui, lorsqu’on les voit, on évoque Allâh ». Et les plus parfaits et spirituellement réalisés des Saints sont les Prophètes (‘alayhim as-salâm), comprends donc bien tout ceci, et gare à toi de t’en tenir aux apparences physiques corporelles !
(*) nawâmis, selon la compréhension du traducteur : considération concrète de l’ensemble des lois divines, à la fois physique et transcendantes, sur lesquelles se dresse (est construit) l’univers.
Sache que l’Esprit Suprême (al-Roûh al-A’dham) se présenta sous une forme limitée au travers de l’Âme parfaitement réalisée (al-Nafs al-Kâmila), de laquelle découlent l’ensemble des autres nafs, raison pour laquelle le Bien-Aimé (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) vint et accomplit certains faits, tandis qu’il en confirma d’autres (sans pour autant les réaliser lui-même), et qu’il parla de manière à avertir et informer ces âmes au sujet de l’Essence (divine) à laquelle rien ne ressemble, et par la langue de l’Intellect il s’exprima au sujet des Noms et des Attributs divins… Chaque Prophète, depuis sayidina Adam (‘alayhi s-salâm) jusqu’à sayidina Muhammad (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) est une facette d’entre les facettes de cet Esprit Suprême, qui n’est autre que l’Esprit du Bien-Aimé (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam). Et Allâh –ta’ala– dit : « Certes, il vous est venu un Messager de vous-mêmes (littéralement: de vos propres nafs) » [s9.v128]. C’est à dire de l’ensemble des nafs… La réalité Muhammadienne n’est autre que la réalité de l’Esprit Suprême, et chaque Prophète constitue la manifestation d’une facette seulement de ce dernier, l’ensemble de ses facettes ayant été réunies en le Bien-Aimé uniquement (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam). Ainsi par exemple, sayiduna ‘Issa (‘alayhi s-salâm) faisait revivre les morts et soignait les malades, ceci par la permission d’Allâh –ta’ala– qui Se manifestait au travers de lui par Son Nom al-Qadîr (l’Omnipotent) : « et Il sera le messager aux enfants d’Israël, [et leur dira]: «En vérité, je viens à vous avec un signe de la part de votre Seigneur. Pour vous, je forme de la glaise comme la figure d’un oiseau, puis je souffle dedans: et, par la permission d’Allah, cela devient un oiseau. Et je guéris l’aveugle-né et le lépreux, et je ressuscite les morts, par la permission d’Allah. » [s3.v49]. « Et quand Allah dira: «Ô Jésus, fils de Marie, rappelle-toi Mon bienfait sur toi et sur ta mère quand Je te fortifiais du Saint-Esprit. Au berceau tu parlais aux gens, tout comme en ton âge mûr. Je t’enseignais le Livre, la Sagesse, la Thora et l’Evangile! Tu fabriquais de l’argile comme une forme d’oiseau par Ma permission; puis tu soufflais dedans. Alors par Ma permission, elle devenait oiseau. Et tu guérissais par Ma permission, l’aveugle-né et le lépreux. Et par Ma permission, tu faisais revivre les morts. » [s5.v110].
Ceci pour que tu saches que chacun des Prophètes était revêtu de la manifestation d’un Nom particulier d’entre les Noms divins, qui se manifestait de manière concrète et physique sous la forme de miracles se produisant par la main des Prophètes… ceci jusqu’à ce que vint le temps de l’apparition Muhammadienne, où tous les Noms divins se manifestèrent de la manière la plus totale et parfaite en le Bien-Aimé (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam), et c’est ainsi qu’en lui fut scellée la magnificence du joyeau de l’Intellect. Le Messager d’Allâh (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) est donc le premier de tous les Prophètes du point de vue de l’Esprit, et il est le dernier d’entre eux du point de vue de la forme (corporelle).
A l’intention du cheminant : Au cours de son cheminement, le mourid doit apprendre à fermer ses yeux au cours du dhikr, et il doit aussi apprendre la veille, tout particulièrement durant le dernier tiers de la nuit. Il s’agit là d’exercices par lesquels on éduque et purifie le réceptacle (le coeur), de manière à ce qu’il s’emplisse de Lumières divines. L’ouverture spirituelle (fath) provient d’Allâh –ta’ala-, mais avant cela il faut que tu nettoie l’endroit, de façon à ce qu’il soit apte à recevoir la théophanie. Il existe des groupes de gens non musulmans se penchant sur les pratiques esotériques et qui, pour parvenir à des résultats, accomplissent des exercices non conformes à la Loi divine (chari’a), qui renoncent et s’éloignent de toute préoccupation mondaine… Au fil du temps, il apparait en eux des choses dont il ne peuvent expliquer la provenance et auxquelles ils accordent, à tort, une valeur qu’elles n’ont pas. Si seulement ces gens là s’en tenaient aux préoccupations de la vie mondaine, ce serait bien mieux pour eux que de remplir ainsi leur réceptacles de choses qu’ils ne connaissent pas… Si l’on demande à ces gens là d’où tiennent-ils ces choses, ils répondent: « de moi-même! »… et peut être qu’ils peuvent en venir jusqu’à vouer de l’adoration à cette chose qui apparait en eux, pensant qu’il s’agit là d’un dieu… et ils s’enfoncent alors davantage encore dans l’égarement. Quant au soufi Connaissant par Allâh au travers du dhikr, cheminant sur les traces de la meilleure des créatures (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam), il évoque Allâh, et alors le Miséricordieux Se manifeste à lui sous une forme noble et supérieure (‘olwiya), sans pour autant qu’il n’en vienne à croire que ce qu’il voit est son Dieu et qu’il doit l’adorer… car il connait Allâh –ta’ala– au travers de ce que les Messagers ont transmis. C’est ainsi donc qu’il plonge dans les Lumières divines de « Allâh est la Lumière des cieux et de la terre » [s24.v35], se prosternant d’une prosternation éternelle de laquelle il ne se relève jamais, et qu’il Connait Celui à qui rien ne ressemble… En ce sens nous disons et répétons souvent que la méditation qui n’est pas accompagnée de la mention du Nom d’Allâh (dhikr) est une transgression: « Ceux qui évoquent Allâh debout, assis et couchés sur leurs côtés, et qui [ensuite] médite sur la création des cieux et de la terre » [s3.v191].
Il convient donc à celui qui recherche la Connaissance d’Allâh par Sa mention (dhâkir) de rechercher un état de présence spirituelle au cours duquel il ne désire plus rien si ce n’est la Face d’Allâh et Son Agrément. Toute personne pratiquant le dhikr en vue d’un degré ou d’un Secret d’entre les Secrets spirituels est sur une mauvaise pente et son dhikr est déficient. Il doit au contraire renoncer à cela et laisser à Allâh Seul le soin de le faire évoluer dans Sa Voie. Il s’agira donc pour toi, ô mourid, d’évoquer Allâh en vue de Sa Face uniquement, jusqu’à ce que parviennent à ton coeur les théophanies et les Souffles sanctifiés de Ses Lumières, qui alors te déroberont à toi-même et te mèneront au divin. Le cheminement spirituel doit se faire depuis le Vrai, vers le Vrai. Quant à celui qui débute dans la Voie d’Allâh en quête d’une chose que convoite son égo, qu’il sache qu’en débutant de lui-même, il ne pourra finir qu’à lui-même. Or l’objectif ultime du cheminement est l’arrivée à Allâh –ta’ala-… Pour cela, la condition essentielle est que tu te dépouille totalement de toute considération de l’imagination… Si tu veux aborder le Alif al-Mouqaddar par la Lecture du hâ’, il te faudra délaisser et abandonner définitivement ton intellect et ton égo, te débarrasser d’absolument toute préoccupation liée au monde mondain, et accéder à ce Alif Mouqaddar avec un esprit pur et sain. Et c’est alors seulement que tu percevras les flux spirituels nobles et supérieurs provenant de la Présence Sanctifiée (Hadrat al-Quds). Quant à celui qui s’imagine que par la lecture des poèmes, des lettres et des livres des Connaissants (‘arifin) il pourra devenir comme ces derniers… il se trompe. La Connaissance d’Allâh ne s’acquiert pas de cette façon, mais plutôt il s’agit d’une ouverture (fath) que le Vrai –ta’ala– fait parvenir au coeur du serviteur qui se sera dirigé vers Lui en exclusivité, avec sincérité et en se dépouillant de toute préoccupation autre que Lui… Sache par ailleurs que les paroles des Connaissants ne constituent pas en elles-mêmes leurs ouvertures spirituelles, car ces ouvertures sont avant tout des sens profonds et des perceptions subtiles qui ne sauraient être retranscrits et exprimés par des mots. Ces paroles ne sont donc que des expressions émanant de ces sens profonds et des descriptions de leurs ouvertures, or celui qui accède à l’ouverture spirituelle par la description perd par là-même Le Décrit… comprends donc ! Les poésies des Connaissants par Allâh n’ont été écrites que dans le but de réveiller ou d’attiser l’aspiration spirituelle des créatures, afin qu’ils se lèvent et partent en quête de la Connaissance de leur Créateur -‘azza wa jall-.
La personne intelligente se doit de réserver quotidiennement un temps qu’il consacre exclusivement à Allâh, à Son évocation et à l’imploration de Son bienfait, au cours du dernier tiers de la nuit. De cette manière, il s’exposera aux Souffles sanctifiés et aux inspirations divines; de cette manière il Le Connaîtra d’une Connaissance certaine, sans interposition de l’égo ni de la raison, et il se réveillera alors du sommeil auquel faisait référence le Prophète (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam): « Les gens sont endormis, et c’est lorsqu’ils meurent qu’ils se rendent compte (se réveillent) ». Ne sois donc pas de ceux qui dorment nuit et jour, pensant passer la majorité de leur temps en état d’éveil… Choisis de mourir d’une mort volontaire, par la dissipation et l’anéantissement dans la Lumière du Vrai, jusqu’à ce que retourne au néant ce qui n’a jamais existé, et que demeure Celui qui n’a jamais cessé d’Être.