بسم الله الرحمن الرحيم
و الصلاة و السلام على أشرف المرسلين
و على اله و اصحابه أجمعين

Le Foudroiement de Moussa (‘alayhi s-salâm)

Résumé de l’assise 20 Janvier 2017 / Jumu’a 21 Rabî’ al-Thânî 1438

Sayiduna Moussa (‘alayhi s-salâm) fut choisi et élu en tant que Prophète et Messager faisant partie de l’élite des Messagers d’Allâh ﷻ (olo l-‘azm), et il était le Kalîm d’Allâh ﷻ, soit celui à qui le Vrai S’adressait directement. Absolument aucun de ses moindres faits et gestes n’était exécuté sans Permission (idhn) préalable du divin, il était perpétuellement dans la Présence de son Seigneur, toujours à se demander des comptes à lui-même… y compris concernant ses pensées.
Au cours de la première Lecture, la Lecture du Nom « Allâh » par le hâ’ al-hawiya, le mourid n’a pas à se soucier de ses pensées quelles qu’elles soient : il est simplement exigé de lui qu’il soit irréprochable en ce qui concerne ses actes. En revanche, maintenant que nous sommes dans la seconde Lecture, la Lecture par le lâm al-qabd, le disciple se doit de surveiller y compris ses pensées les plus profondes : « Que vous manifestiez ce qui est en vous ou que vous le cachiez, Allâh vous en demandera compte. Dès lors Il pardonne à qui Il veut, et Il châtie qui Il veut. » [s2.v284]

Comme le disait sayiduna ‘Omar ibn al-Khattâb (radiAllâhu ‘anhu) : « Demandez-vous des comptes à vous-mêmes, avant qu’on ne vous en demande. »
Car c’est par le fait de se demander des comptes à soi-même que l’on obtient le Pardon divin, et ainsi que les ténèbres sont remplacées par la Lumière.
Sayiduna Moussa (‘alayhi s-salâm) était perpétuellement dans un état de révérence et de remerciement (hamd wa chukr)… malgré les dures épreuves qu’il eût à affronter dans sa vie, surtout à ses débuts. Et sachez que plus les débuts du cheminant vers Allâh ﷻ seront difficiles, plus son autorité spirituelle sera grande.
Sachez aussi que lorsque Allâh aime l’un de Ses serviteurs, Il l’éprouve ; que quand le Prophète ﷺ aime quelqu’un, il le rend pauvre ; et que quand sayiduna ‘Ali (karramAllâhu wajhah) aime quelqu’un, ses ennemis se lèvent contre lui. Tel est le chemin menant à la Connaissance du Créateur ﷻ : dans la facilité, tu n’obtiendras jamais rien qui vaille.

Sayiduna Moussa (‘alayhi s-salâm) était ainsi donc noyé dans l’état de servitude le plus total, et lorsque son désir du divin devint ardent, lorsque ses adorations s’intensifièrent… Allâh ﷻ le convia à Lui. Ô mourid, à partir du moment où tu as trouvé la Porte, ne cesse jamais d’y frapper et de patienter jusqu’à ce qu’on te l’ouvre. Si tu patiente et persévère, tôt ou tard elle finira par s’ouvrir… et tant que la Porte ne s’est pas ouverte, réjouis-toi de l’avoir au moins trouvée ! Combien de gens l’ont cherché toute leur vie durant, sans jamais la trouver ?

« Depuis le côté droit du Mont Toûr Nous l’appelâmes et le fîmes approcher en confident » [s19.v52]
A la Lumière de ce verset nous constatons que l’appel divin qui parvint à Moussa (‘alayhi s-salâm) était inclus dans une certaine dimension spatiale : le Mon Toûr étant bien un lieu, et la droite une direction.
Cela dit, malgré son rang de Kalîm, Moussa (‘alayhi s-salâm) demanda l’élévation au degré spirituel supérieur : la contemplation de l’Essence Suprême. « Seigneur, montre-Toi à moi afin que je Te voie ! » [s7.v143]

De nos jours, l’ordre des choses est inversé : le cheminant vers Allâh ﷻ débute par le degré de la Vision, qui le mène jusqu’à l’effacement et la pulvérisation totale de son être… et c’est seulement après cela qu’il parvient à la perception de la Parole (Kalâm) du Vrai, comme ce fut détaillé dans le cours précédent.

« Lorsqu’il vit du feu, il dit à sa famille : « Restez ici. Je vois du feu au loin, peut-être vous en apporterai-je un tison, ou trouverai-je auprès du feu de quoi me guider. »
Puis, lorsqu’il y arriva, il fut interpellé :  » Ô Moussa, Je suis ton Seigneur ! » »
[s20.v12]
Dans le Coran Sacré, évidemment rien n’est à laisser au hasard… prenez donc bien note du fait que la Parole « Je suis ton Seigneur » soit précisément le verset 12 de cette sourate.
Cette Parole divine parvint à Moussa (‘alayhi s-salâm) depuis une théophanie (tajalli) dont la Haqîqa n’était autre que la Lumière divine. Et c’est donc depuis cette Lumière théophanisée sous l’apparence d’un feu que sayiduna Moussa reçut un Message à l’intention de Pharaon et de son peuple.

Sache que la Parole (Kalâm) est tout d’abord accompagnée de l’image (soûra), c’est-à-dire d’un intermédiaire. Allâh ﷻ dit effectivement : « Les sept cieux, la terre et tout ce qui s’y trouve font Son tasbîh. Et il n’est rien qui ne célèbre Sa gloire (tasbîh) et Sa louange, mais vous ne comprenez pas leur façon de le faire. » [s17.v44]
Rappelons qu’ici, le verset affirme que ce n’est que la compréhension du tasbîh des choses qui nous échappe… mais pas leur perception. Si tu es donc pourvu en forces Lumineuse de l’Imân, tu te dois de percevoir le tasbîh de chaque créature. Et si jamais tu parvenais à comprendre la Parole de ces créatures, alors cette Parole ne serait pas à considérer comme étant du tasbîh (car on ne peut le comprendre), mais plutôt comme étant du Kalâm, de même que ce fut le cas de sayiduna Moussa (‘alayhi s-salâm) avec le feu.

Dans un Hadîth, le Prophète ﷺ nous dit : « Celui qui voue exclusivement à Allâh quarante matins, les sources de la Sagesse apparaîtront, depuis son cœur vers sa langue. » [Kashf al-Khafâ]
Vouer exclusivement à Allâh quarante matins, c’est-à-dire quarante matins d’affilé et sans interruption, depuis la prière du sobh jusqu’au chouroûq, sans parler ni bouger de sa place, en se consacrant entièrement au dhikr.
C’est là quelque chose de facile, tout le monde peut le faire ! … Mais il n’y a pas d’Imân. Nous avons la Parole du Messager d’Allâh ﷺ, et quelle meilleure Parole que la sienne… mais nous ne lui prêtons pas Foi, nous ne la mettons pas en application. Certains disent avoir accompli cela pendant quarante jours, mais ne pas avoir constaté la Sagesse jaillir de leurs cœurs, exprimée par leurs langues… c’est tout simplement qu’ils ne l’ont pas pleinement accompli pendant quarante jours ! Dans ces quarante jours, il y en a forcément un durant lequel ils ont parlé, se sont déplacés, ou autre.

Concernant sayiduna Moussa (‘alayhi s-salâm), il accomplit quarante jours de Khalwa : « lorsque Nous donnâmes rendez-vous à Moussa pendant quarante nuits » [s2.v51]… et c’est durant ces quarante jours de retraite qu’il put acquérir la pleine saveur spirituelle, les flux ésotériques et l’état de Présence et d’intimité avec le divin.
Au début, le Kalâm lui parvenait par l’intermédiaire d’images théophaniques à l’instar du feu…
Il en est de même pour le disciple, lorsqu’il accomplit la Khalwa durant laquelle il réunit les 7 cieux, les 7 terres, le Kursi et le ‘Arch. Tu vois alors des images, tu vois tel ou tel saint, tel ou tel Prophète, tel ou tel Messager… tu vois la Mecque, la Ka’ba, Médine et la Mosquée du Bien-Aimé ﷺ… et de toutes ces images, te parviennent parfois des Paroles. C’est en ce sens que l’on peut dire que, par la Khalwa, le disciple marche véritablement sur les traces des Prophètes… sans jamais parvenir ni même approcher l’éminence de leur degré spirituel : un Prophète reste et demeure évidemment un Prophète.
Cependant, malgré toutes ces visions, que veut le Shaykh pour son mourid ?
Il veut l’état ultime et suprême de l’effacement (talâchi) de l’ensemble de toutes ces images, y compris donc l’image (le corps) du mourid lui-même, ce qui correspond au degré de l’anéantissement (fana)… intrinsèquement lié et menant immédiatement au degré de la persistance (baqa), soit par un Attribut (Lumière, Parole…), soit par l’apparition de l’Essence. Et lorsque l’Essence divine Se manifeste, tout Attribut disparaît.

Voilà pourquoi les gens d’Allâh sont unanimes quant au fait qu’il soit strictement impossible de réunir les degrés de Parole (moukâlama) et de Vision (chouhoûd) de l’Essence… Lorsque la Parole est accompagnée de vision, il ne s’agit pas de Kalâm direct et sans intermédiaire (Kalâm procédant directement de l’Essence), mais bien d’un état spirituel alliant la manifestation de deux Attributs.

Si tu prétends donc avoir réuni la Parole et la Vision de l’Essence, ou bien tu mens, ou bien tu n’as absolument rien compris. Tu ne peux pas prétendre t’être éteint dans la Lumière, et de là avoir entendu le Kalâm. Si tu as entendu quelque chose, c’est que tu ne t’es pas entièrement anéanti dans la Lumière. Si tu entends, il n’y a pas d’état d’extinction, au contraire : c’est un état de Présence, c’est une théophanie (tajalli) depuis laquelle le Vrai ﷻ S’adresse à toi.

Lorsque donc sayiduna Moussa (‘alayhi s-salâm) demanda la Vision de l’Essence Suprême, il lui fut répondu : « Tu ne Me verras pas » [s7.v143] : « …car Je ne suis pas, ô Moussa, à considérer en dualité par rapport à toi-même. » Comment ce qui est néant (fâni) pourrait-il voir ce qui est Persistant (bâqi) ? Au contraire, si le Persistant Se manifeste au néant, il ne demeure à ce dernier absolument plus aucune trace d’existence… mais tant que le fâni est là et te parle, comme je vous parle actuellement, il est impossible qu’en même temps se réalise le degré de contemplation de l’Essence.

Lorsque tu dis : « J’ai vu », ou « J’ai entendu »… cela n’émane jamais que du degré de la Seigneurie (rouboubiya), car c’est la Seigneurie qui accepte et implique le supplément (la dualité) du serviteur. En revanche, les degrés de l’Unicité (Wahdâniya) et de l’Exclusivité (Ahadiya) ne tolèrent quant à eux absolument aucune forme de dualité.

Allâh ﷻ dit : « Nous leur montrerons Nos signes dans l’univers et en eux-mêmes, jusqu’à ce qu’il leur devienne évident que c’est cela, al-Haqq. » [s41.v53]
… dans l’univers et en eux-mêmes… tout cheminant vers Allâh ﷻ par Sa Lumière comprend de manière concrète ce lien intrinsèque entre l’âme humaine et l’univers.
Lorsque te parvient la Lumière théophanique, tu dis : « Je vois dans mon cœur une Etoile », et de même, dans l’univers il y a des étoiles. Tu dis : « Je vois un Soleil », « Je vois des galaxies », « je vois des créatures… » et c’est ainsi qu’en fin de comptes, tu retrouves en toi-même tout ce qui est dans l’univers. La première partie du verset est par conséquent comprise et réalisée pour vous tous (disciples Karkariy).
Mais qu’en est-il de la seconde partie ? « …jusqu’à ce qu’il leur devienne évident que c’est cela, al-Haqq. »

Pour comprendre cela, tu dois revenir au récit de sayidina Ibrahim (‘alayhi s-salâm) :
« Ainsi avons-Nous montré à Ibrahim le royaume des cieux et de la terre, afin qu’il fût de ceux qui croient avec conviction.
Quand la nuit l’enveloppa, il observa une Etoile et dit : « Voilà mon Seigneur ! » »
[s6.v75/76]
Lorsque sayiduna Ibrahim (‘alayhi s-salâm) a vu l’Etoile, il la vit depuis le degré de « ceux qui croient avec conviction », et contrairement à toi il n’a pas dit : « Voilà une étoile »… mais bel et bien : « Voilà mon Seigneur ! », parce qu’il avait véritablement réalisé l’évidence que c’est cela, al-Haqq. Toi, tu dis que tu vois l’Etoile, parce que tu n’as pas encore réalisé cela. Tu n’as donc pas le verset complet, seulement la première partie.
C’est en réalisant pleinement que le contemplant n’est autre que le contemplé lui-même, qu’il te « deviendra évident que c’est cela, al-Haqq ».

Ibrahim (‘alayhi s-salâm), le Prophète et Messager d’entre l’élite des Messagers d’Allâh (olo l-‘azm), celui qui se trouve dans le septième ciel, adossé au bayt al-ma’moûr (la maison remplie)… la maison remplie des trésors de la Connaissance d’Allâh ﷻ…
Mais que dit l’ignorant ?
Plein d’arrogance, il affirme que sayiduna Ibrahim a fait une erreur, qui plus est une erreur attentant directement au Tawhîd… et bien corrige le ! Ô toi qui es sur terre, corrige celui qui se trouve dans le septième ciel, adossé à al-bayt al-ma’moûr !

« …jusqu’à ce qu’il leur devienne évident que c’est cela, al-Haqq. » c’est-à-dire jusqu’à ce qu’il leur devienne évident que le contemplant n’est autre que le contemplé lui-même.
Voilà pourquoi tu ne peux pas décrire ce que tu vois de manière authentique. Quels que soient les mots employés pour décrire la théophanie, tu es et tu demeures soufli, approximatif, inexact, enclin au mensonge… Quant à l’auditeur à qui tu rapportes cela, il n’a pas vu ce que tu as vu, il ne fait qu’imaginer à partir de ce qu’il connait du moulk. Tu ne comprends pas la théophanie, et tu la racontes à quelqu’un qui ne la comprend pas non plus… et étant tous deux dépourvus de ta’dhîm, vous ruinez l’effet escompté de cette vision. Au lieu de te rapprocher, la théophanie finit par devenir une preuve contre toi au Jour du Jugement… tout ceci à cause du manque de ta’dhim.
Le Shaykh non. Le Shaykh comprend, car tout ce que tu vois, avant que toi tu le voies, cela passe par le cœur du Shaykh. Si tu lui rapportes la vision d’un seul atome de Lumière, il a le ta’dhîm et peut t’en ressortir une infinité de trésors spirituels.

Dans le Hadîth, lorsque sayiduna Abou Dharr demanda au Prophète ﷺ s’il avait vu son Seigneur, il répondit : « (Il est) une Lumière que je vois en ce moment-même ». [Al-Boukhâriy et Muslim]
Une Lumière que je vois en ce moment-même, c’est-à-dire qui ne s’absente jamais de ma vision, une Lumière qui ne m’est jamais voilée !
Toi tu dis non, la vision du Seigneur ne sera effective que par la Vision de la Lumière Absolue (moutlaq)… mais si tu étais en Présence ou en Contemplation de la Lumière Absolue, qui demeurerait-il alors pour en parler ? Et qui pour questionner à son sujet ? C’est impossible.

Ainsi donc, ton But est la plongée et l’effacement total dans la Lumière… mais sans ta’dhîm de la lamha (l’Etoile), par Allâh tant que je suis vivant tu n’y entreras jamais !
Par ta simple manière de t’exprimer, je te cerne et je te comprends.
Le mourid se plaint et dit moi je vois rien, ça ne change pas, ma vision n’évolue pas… Mais c’est toi qui ne veut pas voir !
As-tu du ta’dhîm ?
Tu dis que oui, ou plutôt tu prétends que oui… mais ce ne sont que des mots qui circulent sur ta langue : le cœur est vide. Dis-nous ce qu’il te plaira par ta langue, mais où est le cœur de ce que tu dis ?
Pour le savoir, rien de plus simple : ferme les yeux, regarde. Sache que ce que tu vois là n’est ni plus ni moins que ce que tu retrouveras dans la tombe, au Jour du Jugement, sur le Sirât…

Au sujet du Sirât justement, quel est le premier groupe à traverser ?
Le Hadîth nous informe à leur sujet et dit « leurs wajh sont comme la Lune ou l’Etoile », le wajh désigne ici le cœur. S’il s’était agi du visage, les blonds aux yeux bleus auraient été les premiers à passer, laissant tous les autres derrière, privés. Bien sûr, dans ce Hadîth le terme « wajh » renvoie au cœur ! Et dans ce Hadîth, on évoque le degré de servitude (‘ouboudiya) en lui associant l’Etoile et la Lune.

Mais dans un autre Hadîth :
« Selon Abou Hurayra (radiAllâhu ‘anhu), des gens ont dit : « Ô Messager d’Allâh, verrons-nous notre Seigneur au Jour de la Résurrection ? »
Le Prophète
répondit : « Avez-vous du mal à voir le soleil lorsqu’il n’y a pas de nuage ? »
-Non, ô Messager d’Allâh !
-Avez-vous du mal à voir la lune la nuit où elle est pleine, lorsqu’il n’y a pas de nuage ?
-Non, ô Messager d’Allâh !
-Et bien certes, vous Le verrez au Jour de la Résurrection comme ceci. »
[Sahîh al-Boukhâriy et Muslim]

Nous voyons ici en revanche que l’on évoque le degré de la Seigneurie (rouboubiya) en lui associant tantôt la Lune, tantôt le Soleil…
La vision du Seigneur (Rabb) a lieu au Jour de la Résurrection (Qiyâma)… sachant bien que selon les gens d’Allâh, lorsque le serviteur réalise le fana, ou l’anéantissement total de son être, survient pour lui le Qiyâma… donc la Vision de son Seigneur. « al-Ihsân, c’est de L’adorer comme si tu Le voyais… et si tu cesses d’être (fa’in lam takun) : tu Le verras (tarah), car Lui te voit. »

Nous avons donc un premier Hadîth associant la servitude (‘ouboudiya) à l’Etoile et à la Lune, et un deuxième Hadîth associant la Seigneurie (rouboubiya) à la Lune et au Soleil ; la Lune étant ainsi partagée entre le degré de la servitude et celui de la Seigneurie… autrement dit, c’est comme si la Lune n’était autre que le Waliy : al-Waliy est effectivement un Nom d’entre les Noms d’Allâh d’une part, et d’autre part un serviteur peut également être désigné comme étant un Waliy)
Par conséquent, si le cœur du serviteur devient une Lune, il obtient par là-même une part dans le Nom divin al-Waliy.
Quant au Soleil, même si tu le vois, il ne demeure pas dans ton cœur. Tu répondrais à cela par la célèbre parole poétique des Amoureux : « Le Soleil du jour se couche la nuit venue, tandis que les soleils des cœurs ne se couchent jamais »
Sache que c’est ici du Secret qu’il s’agit, non pas de l’état de vision ! Si le Soleil restait, le disciple n’aurait même plus où mettre son pied pour avancer… car lorsque le Soleil se manifeste, il ne demeure plus aucune distinction entre le contemplant et le contemplé.

C’est ainsi que le mourid se réalisera petit-à-petit dans le Hadîth du Waliy… « Je deviens son ouïe par laquelle il entend, sa vue par laquelle il voit, sa main par laquelle il saisit… » et dans la version de Muslim : « Je deviens Lui. »
C’est-à-dire qu’il n’y a véritablement plus aucune distinction entre le contemplant et le contemplé. Son ouïe est l’ouïe du Vrai, sa vue est la Vue du Vrai, sa main est la Main de la Qudra, une main de Lumière comme celle de sayidina Moussa (‘alayhi s-salâm).

Prétendrais-tu que ce soit là un privilège réservé exclusivement à Moussa (‘alayhi s-salâm) à défaut des autres ?
Selon Anas : « je suis sorti avec le Prophète de la maison vers la mosquée. Il s’y trouvait des gens qui levaient leurs mains en faisant des invocations. Il dit : « Vois-tu ce que je vois dans leurs mains ? » Je dis « Qu’y a-t-il dans leurs mains ? » Il dit « Il y a de la Lumière dans leurs mains ». Je dis alors « Demande à Allah qu’Il me la fasse voir ». Il invoqua et Il me la fit voir. Je me dépêchais (de les rejoindre) et nous levâmes nos mains. » [al-Boukhâriy].

Ce Hadîth nous prouve bien que le fait d’avoir une main de Lumière vaut aussi bien pour le degré de la Prophétie (noubouwa) que pour celui de la Sainteté (wilaya).
Et lorsque le contemplant aura réalisé le fana en le Contemplé, il parviendra alors à la Réalité de « Lumière sur Lumière » [s24.v35] et ne se verra plus que lui-même.

La réponse faite à sayidina Moussa (‘alayhi s-salâm) : « Tu ne Me verras pas » [s7.v143] n’est pas une privation. Plutôt, il s’agit d’une réponse par la Haqîqa. Comme le disait le Shaykh de nos Shouyoûkh, sidi Ahmad al-‘Alawiy (quddisa sirruh) :
« L’œil n’étant pas capable de se voir lui-même, comment pourrait-il voir Celui qui se trouve plus Proche de lui que lui-même ? »
« … mais regarde vers la montagne. »
[s7.v143]
C’est ici qu’apparaissent les caractéristiques du véritable cheminement spirituel, entre les mains d’un Shaykh authentique.

Lorsque tu prends la bay’a, le Shaykh te demande de regarder le mur devant toi, tantôt en fermant les yeux, tantôt en les ouvrant, et ce simplement pour que tu ne viennes pas dire ensuite que la Lumière est un reflet du monde physique que tu retrouves en fermant les yeux, comme n’importe qui pourrait le faire.
Tu dis alors, parlant de la Lumière : « Mais elle est petite ! »
Non elle n’est pas petite, c’est plutôt l’image du mur que tu regardes qui a rempli tout ton cœur !
Si tu vois peu, ce n’est pas parce que le Shaykh te donne peu… au contraire, il fait recours à tout ce qui est en son pouvoir pour te permettre de voir cette « petite », comme tu dis. Lorsque le Shaykh te donne la bay’a, il te supprime le mur et tout ce qui t’entoure. Il ne demeure alors que la Lumière… mais vois ce que toi tu en perçois…
C’est parce que tu es habitué, 30, 40, 70 ans à contempler le mur… qui va pouvoir te l’enlever ?
Cela te demandera beaucoup de travail et d’efforts. Si tu ne vois pas plus de Lumière, c’est tout simplement parce que l’apparence du monde physique est tamponnée et profondément ancrée dans ton cœur. Ce mur n’existe en réalité nulle part ailleurs que dans ton cœur. Si tu parvenais à vraiment disparaitre dans la Lumière, tu traverserais ce mur… et en cela, les gens d’Allâh ne se sont pas limités à la matière, ils ont même traversé le temps et l’espace ! C’est ainsi que des récits affirment que certains pouvaient se trouver à plusieurs endroits ou à plusieurs époques différentes… mais nous prenons ces récits que comme des histoires extraordinaires que l’on ne retrouve que dans les livres, alors qu’il s’agit de Haqîqa.

Voilà pourquoi l’Ordre divin vint à sayidina Moussa (‘alayhi s-salâm) de regarder vers la montagne : c’est pour que, ce faisant, l’exemple ou l’image de cette dernière disparaisse de son cœur. Et c’est exactement ce qui se produisit : c’est l’image de la montagne dans son cœur qui disparut, quant à la montagne elle-même, elle est toujours aujourd’hui telle qu’elle était hier.

« Tu ne Me verras pas, mais regarde vers la montagne, et si elle (son image) reste à sa place, alors tu Me verras » [s7.v143]
Evidemment qu’elle ne reste pas à sa place ! Car lorsque l’Essence (dhât) Se manifeste, absolument aucune image ne persiste. Les images ne sont qu’inclues en l’Essence, exactement comme les vagues dans l’océan et l’écume qu’elles font apparaître. En Réalité, il n’y a pas de vagues : si tu prends de l’écume que tu mets dans un récipient, elle finit par redevenir de l’eau.
Tous ces exemples, ou toutes ces images, ne sont en réalité là que pour te permettre de parvenir à la Connaissance (ma’rifa). Et lorsque le gnostique (‘arif) ne voit plus que Allâh, lorsqu’il ne perçoit absolument plus rien du monde créé, ce monde s’évanouit et disparaît nécessairement en lui-même… à l’instar de Moussa (‘alayhi s-salâm) qui tomba foudroyé. Il fut foudroyé en le temps d’une lamha, et c’est alors en lui-même qu’il parvint à la contemplation de la Haqîqa.

Tu vois par exemple le mur. Si toi aussi tu réalisais que ce mur n’existe pas… verrais-tu pour autant ce qui se trouve derrière ? Non ! Parce que tu ne seras alors parvenu qu’à l’horizon de ton cœur, soit la limite de ce qu’il peut percevoir.
Lorsque le Seigneur Se manifesta à la montagne, c’est l’univers tout entier qui disparut pour sayidina Moussa (‘alayhi s-salâm)… et pas uniquement la montagne, auquel cas il aurait simplement vu ce qui se trouvait derrière ! De même, lorsque tu te tiens devant la porte par exemple (la porte de la zawiya), tout proche, juste devant elle : tu ne vois alors plus rien d’autre que la porte, elle remplit entièrement l’horizon de ton cœur. Mais si la Lumière parvient à ton cœur, cette image qui le remplit s’évanouira. Et ce n’est pas alors uniquement la porte qui disparaîtra, mais l’ensemble de toutes les images des choses qui remplissent ton cœur !
Quant aux choses elles-mêmes, elles resteront bien évidemment à leur place. Il ne s’agit donc ici que de toi-même, vis-à-vis de toi-même.

Si la manifestation du Seigneur avait fait disparaître la montagne, pourquoi sayiduna Moussa (‘alayhi s-salâm) serait-il tombé, foudroyé ? Si la montagne avait disparu, il aurait dû voir ce qui se trouvait derrière et rien d’autre… parce que quand on retire un obstacle entravant notre vision, cela nous permet simplement de voir ce qui se trouve derrière l’obstacle.
En réalité, c’est la montagne en Moussa (‘alayhi s-salâm) qui a été pulvérisée… mais pas que la montagne : l’univers tout entier ! C’est ainsi que Moussa fut foudroyé, et c’est cela, l’Eminente Contemplation par la Connaissance de l’Essence.

Sayiduna Moussa (‘alayhi s-salâm) tomba foudroyé lorsqu’il fut confronté à la vision de la Réalité (Haqîqa) de son âme… ce qui n’implique pas l’effacement de celle-ci (sa nafs). Et c’est bien à cela que renvoie le foudroiement (sa’q) : il s’agit de l’évanouissement dans la Haqîqa de sa nafs selon ses 7 degrés, et non pas de la suppression de son corps. Moussa n’a vu que Moussa, et il ne s’est évanoui que par lui-même.

Le Secret de « tu ne Me verras pas » réside donc dans le fait que le contemplant n’est en réalité nul autre que le contemplé.
Le verset nous dit bien : « Lorsque son Seigneur se manifesta à la montagne, Il la pulvérisa, et Moussa s’effondra foudroyé. » [s7.v143] Il est bien dit que le Seigneur de Moussa (‘alayhi s-salâm) Se manifesta à la montagne, mais il n’est pas dit qu’Il Se manifesta à la montagne et à Moussa… parce que la Haqîqa de la théophanie n’est autre que la hâwiya de Moussa (‘alayhi s-salâm). Moussa est à la fois la théophanie et la montagne, et toutes les images ne sont que des images découlant de sa propre Haqîqa.
Moussa est la base fondamentale (asl), tandis que la montagne est la ramification (far’)… voilà pourquoi, lorsque la base fondamentale de Moussa disparut, les images de l’univers tout entier disparurent aussi.

« Je suis ton Seigneur. Enlève tes sandales, car tu es dans la Vallée Sacrée, Tuwâ » [s20.v12]
Les gens d’Allâh expliquent généralement ce verset en disant que les deux sandales désignent ce bas-monde et l’au-delà, et nous ne sommes pas contre cette interprétation… seulement nous affirmons plutôt de notre côté que les deux sandales désignent l’analogie (tachbîh) et la transcendance (tanzîh), ou dit autrement la Scission (fasl) et la Jonction (wasl) ; et sayiduna Moussa (‘alayhi s-salâm) les ôta tous deux.

En effet, dans la Vallée Sacrée Tuwâ, il n’y a plus de fasl, donc plus de foudroiement (sa’q) : « Lorsqu’il (Moussa) se réveilla, il dit : « Subhânak, à Toi je me repens, et je suis le premier des croyants ! » [s7.v143]
Lorsqu’il se réveilla… d’un réveil qui ne permet ni ne tolère plus aucune forme de sommeil après lui…
Lorsqu’il s’éveilla par le Savoir et la Sagesse complète et parachevée, il dit : « Subhânak, à Toi je me repens, et je suis le premier des croyants ! » Le premier des croyants… or il existait bien des croyants avant la venue de sayidina Moussa (‘alayhi s-salâm)… seulement ici, il réalisa parfaitement la disparition du passé. Il se réveilla ou s’éveilla, réalisa qu’effectivement il y aurait des croyants qui viendraient après lui… mais concernant le passé, il en avait réalisé le fana le plus total. Le fasl et le wasl renvoient donc en réalité à la primordialité et à l’antériorité (awwaliya) de l’Imân… pas aux états de qabd, c’est-à-dire d’oppression spirituelle !

…et le premier des croyants (awwal ul-mou’minîn) renvoie au Nom divin al-Mou’min, qui n’est quant à lui absolument pas sujet au foudroiement (sa’q).