(cours) La Hadra Hâroûniya, Hadra de Miséricorde et approche du Alif

بسم الله الرحمن الرحيم
و الصلاة و السلام على أشرف المرسلين
و على اله و اصحابه أجمعين

La Hadra Hâroûniya,
Hadra de Miséricorde et approche du Alif

Poursuivant donc dans la transcription par écrit des cours sur les Hadarat Prophétiques que dispense le Shaykh Mourabbiy sayidunâ Muhammad Fawziy al-Karkariy –radiAllâhu ‘anhu- le Vendredi de chaque semaine, nous tenterons de rappeler ici ce qui fut dit lors de l’assise du Vendredi 11 du mois de Jumâda at-thâniya. La Hadra Hâroûniya est, comme nous l’avions déjà précisé auparavant, dans notre Tarîqa Karkariya, la Hadra de l’approche du Alif al-Fardâniy, effectuée par la lecture du hâ’ de l’Ism al-Moufrad, et ce à partir des deux Secrets du Fasl (scission) et du Wasl (réunion), ou différemment dit du Jamâl et du Jalâl.

Nous tenterons donc par la permission d’Allâh ta’ala de traiter ici le cinquième dars de cette noble Hadra. Les réalités spirituelles qu’elle aborde sont basées sur la descente de manifestations théophaniques dans le cœur des serviteurs sincères et ne peuvent être appréhendées que par expérience personnelle.

Premier point :

Sachez qu’aucune pierre, aucun arbre et aucune chose que ce soit n’est adoré si ce n’est parce que cette chose a été magnifiée et grandie aux yeux des adorateurs, faites donc en sorte que Allâh occupe dans votre cœur la plus haute place. Le peuple de Moussa (‘alayhi s-salam) ne prit en adoration le veau que parce que ce dernier sema dans leur cœur un sentiment de grandeur sublime, et ceci parce que leurs cœurs étaient attachés à l’or duquel était constitué ce veau (car, comme nous l’avions précisé dans le cours précédent, l’amour que les hommes ont pour les choses qui les entourent pousse leurs cœurs à considérer et à prendre ces choses en divinité).

Sayidunâ Aboû Houreyra (radiAllâhu ‘anhu) rapporte ainsi que le Messager d’Allâh (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) a dit : « Que l’esclave du dinar ne connaisse pas le bonheur, et que l’esclave du dirham ne connaisse pas le bonheur […] »

Celui qui adore un veau, ou bien quoi que ce soit d’autre, ne peut l’adorer que par amour pour ce dernier, et la plus forte des adorations est l’adoration réalisée par passion (hawa). Or la réalité de cette passion est relative à tout ce que désire la nafs (l’égo), il s’agit donc d’une chose intérieure à chacun et cachée, mais qui peut se manifester extérieurement sous forme d’adoration. En ce sens il fut rapporté par Aboû Umâma : « J’ai entendu le Prophète (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) dire : « Aucune des divinités d’entre celles qui furent adorées sous le ciel n’est plus détestée par Allâh que celle de la passion (hawa). » 

Et Allâh –subhânahu wa ta’ala- dit dans le Coran : « Vois-tu celui qui prend sa passion pour sa propre divinité? Et Allah l’égare sciemment » [s45.v23] Le fait donc de s’en remettre à la passion uniquement, sans prendre en considération la Science, éloigne de la Vérité à partir du moment où le suivi de cette passion ne se réalise pas dans la Voie tracée par les Messagers. En revanche pour ce qui est de celui dont la passion est conforme à cette voie, sayiduna ‘Omar ibn ‘AbdelAziz (radiAllâhu ‘anhu) dit : « Si la passion est en accord avec la Vérité, alors c’est ce qu’il y a de mieux (litt : du miel et du beure) »

Et dans un Hadîth rapporté par ‘AbdAllâh ibn ‘Amr ibn l-‘Âss, le Prophète (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) a dit : « Nul d’entre vous n’est croyant jusqu’à ce que sa passion aille dans le sens de ce avec quoi je suis venu ». Fais donc de Allâh l’objet de ta passion, jusqu’à ce que cette passion te domine complètement. Disparais, anéantis-toi et délaisse ce qui est vain… car lorsque dans ta tombe les deux anges viendront te demander : Qui est ton Seigneur ? Ta langue ne saura répondre par autre chose que ce qui était l’objet de ta passion dans ce bas monde… et si tu vois une personne qui n’est pas encore droite dans la religion, sache que son cœur est hanté par d’autres divinités. Ne laisse donc dans le tien aucune place à qui que ce soit en dehors de Lui et demeure quoi qu’il arrive accroché à la Loi du Messager d’Allâh (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam)… sache également que les adorateurs se divisent en deux catégories :

  • La première catégorie est celle de ceux qui adorèrent Allâh pour Son Paradis ou bien par peur de Son Enfer… Si donc il n’y avait pas eu de Paradis ni d’Enfer, personne n’aurait adoré al-Qahhar (Le Très Coercitif, qui exerce des contraintes très difficiles). Ceux-là ne font donc que demander les bienfaits qui satisfont la passion de l’égo (cela dit cette passion est bonne et honorable puisque la Loi divine l’a permis et même encouragé).
  • La seconde catégorie est celle de ceux qui adorèrent Allâh pour Allâh uniquement, sans désirer Son Paradis ni rechercher l’éloignement de Son Enfer… Il s’agit là de ceux qui répondirent à l’Appel : « Fuyez donc vers Allâh » [s51.v50], ils constituent l’élite d’entre les serviteurs, ceux qui préférèrent la vision de leur Seigneur, Sa Connaissance, Son Rapprochement et Son invocation à tout autre chose.

Deuxième point :

Détermine ta propre réalité en fonction de qui tu fréquentes… car ton compagnon est soit du nombre de ceux qui, lorsque on les regarde, on évoque Allâh… soit de ceux qui, lorsque on les regarde, on évoque ce qui ne vaut pas la peine d’être évoqué. Choisis donc bien tes compagnons. La fitna qui toucha ainsi les fils d’Israël lorsqu’ils en sont venus à adorer le veau est ainsi due à leur fréquentation de as-Sâmiriy, qui est l’incarnation humaine de l’égarement et de la perdition. Si donc leur fréquentation de sayidina Moussa (‘alayhi s-salâm) avait été sincère, intérieurement et extérieurement, ils auraient été du nombre des bien-guidés, parce que sayiduna Moussa est quant à lui l’incarnation humaine de la guidée et de la réussite. Et de même, toute personne fréquentant un héritier Muhammadien sans toutefois faire preuve de sincérité avec lui, intérieurement ou extérieurement… ne peut que périr. Le mourid doit donc impérativement se montrer sincère sur les deux plans.

Troisième point :

Le secret du détournement du peuple de sayidina Moussa (‘alayhi s-salâm) vers l’adoration du veau en dehors d’Allâh en particulier, et de l’adoration de certaines personnes envers certaines autres choses en général, réside dans le flux émanant du Nom al-Qayyoûm, Celui qui Existe et persiste par Lui-même… Les choses relevant du possible doivent ainsi donc se conformer à deux choses : la Volonté créatrice sans laquelle elles ne seraient pas apparues, et la Volonté de soutien de ces choses, sans laquelle elles n’auraient pas persisté.…et selon le point de vue de la Haqîqa, toutes ces choses ne sont que fana’, c’est-à-dire inexistantes, conformément au verset qui dit : « Toute chose est anéanti (hâlik) excepté Sa Face (wajh) » [s28.v88], et c’est pour cela que leur détournement vers ces divinités et leur adoration en dehors d’Allâh ta’ala n’était que par suivi de passions détestables, car l’adoration ne convient que pour Allâh, Seul et sans associé : « et ton Seigneur a décrété que vous n’adoreriez que Lui » [s17.v23], étant donné que l’adoration est en fait le degré le plus élevé de magnificence qu’on puisse accorder à un être, et ce degré ne convient à personne d’autre qu’au Créateur des êtres Lui-même.

Quatrième point :

Ne vas pas t’imaginer, ô mourid, que la lecture du Nom « Allâh » ne contient qu’un seul niveau… car en réalité le cheminement des aspirants commence mais n’a pas de fin. Son point de départ est le fana’, l’extinction dans le hâ’ al-hawiya du Nom « Allâh », puis le cheminant s’élève selon la volonté divine au sein des niveaux du Nom. Et en cela se trouve une allusion au verset : « Il est Celui qui est élevé aux degrés les plus hauts , Possesseur du Trône » [s40.v15]. Dans ce verset Allâh ta’ala n’a pas parlé d’un seul degré mais bien de plusieurs, sous-entendu un grand nombre de degrés réunis en un seul et unique… Et prends garde de ne jamais oublier, au sein de la réunion et de la réalisation du tawhid, les autres niveaux de lecture… car tu manquerais ainsi aux droits qui leur sont dus. Réalise les donc tous par la chari’a de notre Prophète (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) afin que ne t’en soit pas demandé compte au Jour du Jugement.

Cinquième point :

Si le mourid penche vers autre chose qu’Allâh, alors l’œil de son cœur se referme… c’est ainsi que ceux qui prirent en adoration le veau et suivaient auparavant sayidana Moussa (‘alayhi s-salâm) ont vu disparaitre leur vision interne permettant de discerner entre le Vrai et le Faux… et de même, lorsque l’œil du cœur se referme chez le mourid, cela n’est pas sans effet sur le comportement du mourid, que tu vois alors manquer de respect et de adab dans les assises de dhikr, que tu vois manquer de ta3dhim pour l’Ism al-Moufrad avec lequel il est pourtant entré en khalwa… Prenez donc garde !

Si vous ne magnifiez pas le Nom d’Allâh, quelle ma’rifa et quels secrets prétendez-vous détenir ? Le Shaykh vous a fait grâce de la Lumière et de la Connaissance, et il ne vous a demandé pour cela ni argent, ni rien de ce bas monde… mais plutôt il a fait de la convenance et du adab le prix de cette Connaissance. Le bon comportement est le prix de ce que tu vois avec ton cœur. Si ton comportement se perfectionne et si tes traits de caractère deviennent louables, nous t’élevons d’avantage… mais si tu venais à penser que tu es quelque chose qui mérite d’être mentionné, alors nous t’arracherons absolument tout !

Le Shaykh, de la même manière qu’il donne, peut priver. Et de même qu’il plante et sème, il arrache. Et Mawlay al-‘Arbiy ad-Darqâwiy (radiAllâhu ‘anhu) se mettait très en colère contre celui qui étendait sa jambe dans une assise (au lieu de les garder croiser)… Que penserait-il donc de l’un d’entre vous qui se permet de parler pendant une assise de dhikr !? Ayez donc honte vis-à-vis d’Allâh : le mourid peut s’avérer être un obstacle pour d’autres sur la Voie, sans même qu’il ne s’en rende compte, car le commun des gens ne vous considère pas par le nombre de Secrets auxquels vous avez accédé, ni par la quantité de Lumière que vous avez dans le cœur… Car ceci leur échappe. En revanche ils regardent et guettent vos comportements et vos moindres faits et gestes, puis fondent dessus leur jugement.

La transmission de ceci ne consiste pas seulement en une série de paroles, mais se divise en plusieurs choses : Il y a des gens qui invitent par la langue, d’autres qui invitent par leur état, d’autres qui invitent par leurs explications et éclaircissements, d’autres par leur comportement… à toi donc de voir où tu en es par rapport à cela… Et si tu constates que tu as des manques sur certains points, alors crains d’être en réalité un obstacle empêchant les gens en quête de Vérité d’accéder à leur But…

Et enfin, je vous ai appris à ne pas ouvrir vos yeux pendant le dhikr, de façon à ce que les choses présentes ne vous distraient pas de l’Objectif, afin que vous puissiez passer rapidement du monde matériel à celui des sens profonds… N’ouvrez donc pas vos yeux pendant le dhikr… jusqu’à ce que vous accédiez au degré où la vision du cœur se mélange à celle des yeux, et qu’il soit pour vous égal que vous les gardiez fermés ou bien ouverts.

Suivez-nous sur les réseaux

Dernières publications

Les livres du Shaykh