بسم الله الرحمن الرحيم
و الصلاة و السلام على أشرف المرسلين
و على اله و اصحابه أجمعين
Tafsîr sourate an-Najm :
La Balance d’Equité
Résumé de l’assise du 4 juin 2016
Jumu’a 27 Cha’ban 1437
Nous revenons à la Lecture du lâm par le lâm, ou à la Connaissance du lâm al-qabd lorsqu’il est saisit depuis sa nafs vers sa nature spirituelle première, de façon à connaître la réalité de sa nafs au travers du miroir de son esprit, et qu’ainsi la ramification retourne à son fondement, et par là même à la Connaissance de la Haqiqa de son Seigneur. Nous allons donc poursuivre l’étude de la sourate al-Najm, que nous avions débuté la semaine passée. Cette sourate débute par un jurement d’Allâh ﷻ, et elle recèle de multiples enseignements relatifs aux fondements de la Voie menant à Lui. Par cette Etoile déposée dans le cœur purifié du serviteur pieux, celui-ci peut s’élever dans les hauteurs célestes. De là, il sera en mesure d’établir une balance d’équité entre la nafs et les passions d’un côté, et la réalité de la Seigneurie (Haqiqat al-Rouboubiya) de l’autre. Et c’est par la perfection de son état de servitude qu’il atteindra la Connaissance de la Seigneurie d’Allâh ﷻ.
Allâh ﷻ dit : « près d’elle se trouve le jardin de Ma’wa » [s53.v15], qui est le jardin vers lequel convergent, comme nous l’avions dit la semaine passée, les esprits des martyrs (chouhada) et des véridiques, ceux qui ont accordé une foi totale en la Voie. Quant aux martyrs ils sont ceux qui ont tué leurs propres nafs et se sont définitivement débarrassés de leurs passions vaines ainsi que de leurs illusions. Vers ce jardin convergent également les Prophètes qui ont atteint et sont parvenus à percevoir la Nouvelle Suprême (al-Naba al-A’dham). C’est l’endroit vers lequel se retrouvent les pensées des mystiques, les Secrets des Savants ainsi que les esprits des rapprochés. C’est une assemblée (diwân) de nobles, à laquelle ne peut assister que celui dont l’esprit est pur, le détenteur d’un intellect à la quintessence immaculée : quelqu’un qui perçoit et comprend les sens profonds, qui saisit les Sciences et les réalités issues de la Lumière, et qui par son Seigneur réalise le retour en la Présence d’Allâh ﷻ. Tel est l’emplacement de la rencontre et de la connaissance céleste. C’est depuis cet emplacement que les esprits se lient d’amour, c’est là que l’on découvre les dépositaires des différentes Sciences en fonction de ce que chacun exprime… et cette assemblée se trouve réunie autour de sayidina al-Mustafa ﷺ.
« au moment où le Lotus (sidra) était couvert de ce qui le couvrait » il s’agit ici du seizième verset de la sourate, en référence aux sept terres, sept cieux, al-Kursi et al-‘Arch (7+7+1+1=16). C’est-à-dire que de tout ce qui existe du néant, absolument rien n’en a été omis. Le Lotus fut couvert de ses Beautés célestes, il fut couvert par l’extrême limite de l’horizon, et de tout ce néant il ne demeura absolument rien, ne permettant plus d’autre vision que celle du Vrai ﷻ. L’intellect ne peut en aucun cas saisir les réalités de ce qui le couvre. Il ne peut cerner ce qui le couvre provenant du degré de Sidrat al-Muntaha, cela lui échappe complètement… parce que l’intellect a systématiquement besoin de la matière, du temps et de l’espace, et il est incapable de fonctionner sans ces trois éléments. Ne me dis donc surtout pas que par l’intellect tu vas comprendre et connaitre cela. Tu ne vas rien connaitre du tout ! L’intellect est limité, et tout ce que tu acquiers par son intermédiaire est nécessairement limité par la matière, par le temps et par l’espace. Or nous avons dit que la Sidra avait été couverte, et donc ce couvrement de la Sidra ou bien de cet horizon ultime qui n’a aucune limite, qui est sans fin de toute éternité, d’une pureté absolue… qu’est-ce qui va couvrir cet intellect ?
Ou dit autrement, jusqu’où l’intellect va-t-il pouvoir parvenir ?
S’il parvient à son degré le plus haut, il accèdera à ce qui relève du ‘Arch de al-Rahmân, et il s’arrêtera là, sans jamais pouvoir parvenir à quelque chose de plus élevé que cela, et ce peu importe ce qu’il aurait pu voir ou contempler… car la pensée de l’intellect demeure inexorablement liée à la matière, au temps et à l’espace… or, l’incréé transcende de manière totale et absolue et n’est en aucun cas concerné ni par la matière, ni par le temps, ni par l’espace. Voilà pourquoi tous ceux qui furent bannis de la Voie demeurèrent prisonniers de ces trois choses, sans jamais pouvoir s’en libérer. Quant à celui qui au contraire sera parvenu à aller au-delà de ces trois obstacles au cheminement, tu constateras soit qu’il demeure fermement attaché à son degré spirituel dans la Voie, soit qu’il a évolué, s’est élevé et a reçu davantage de Savoir. En revanche celui qui se cramponne coûte que coûte aux chaînes de son intellect, celui-là est en réalité à l’image de l’âne actionnant la meule, comme le dit sayiduna ibn ‘Ata Allâh al-Iskandariy (radiAllâhu ‘anhu) dans ses Hikam. Il ne fait que tourner en rond dans le moulin, et à la fin de la journée il s’imagine avoir parcouru une grande distance, avoir traversé le temps et l’espace vers un emplacement nouveau… alors qu’en réalité il n’a jamais bougé de son emplacement.
L’Arbre de la Sidra dont il est question ici (le jujubier), est en réalité une manière de désigner le miroir de Son Apparition ﷻ. Voilà pourquoi toute personne dénigrant la moindre chose relevant du deuxième ou du troisième (Secret), ne pourra jamais transcender et accéder à ces stations célestes. Et c’est là qu’apparait véritablement la Balance d’équité : à peine tu dénigreras, tu seras privé… et ici il s’agit de dénigrement vis-à-vis de soi-même (en son for-intérieur), quant à celui qui dépassera carrément cette limite et s’exprimera oralement devant autrui, celui-là n’a évidemment pas la moindre part dans la Tarîqa, de manière générale. Donc ici il s’agit bien de l’individu par rapport à lui-même : s’il lui vient un doute, ou s’il remet en question quelque chose à ce sujet, qu’il sache alors qu’il est incapable de transcender et aller au-delà des limites de son intellect.
Notre Seigneur ﷻ le dit clairement dans la sourate al-Rahmân : « Si vous pouvez sortir du domaine des cieux et de la terre, alors faites-le. Mais vous ne pourrez en sortir qu’à l’aide d’un pouvoir (Sultân) » [s55.v33] Et ce « Sultân », si tu l’interprètes du point de vue des Noms divins, tu le renverras au Nom le Souverain (al-Malik), au Nom le Gouvernant (al-Hâkim), c’est-à-dire à un Attribut d’entre les Attributs divins. Donc si Allâh ﷻ te fait don de la substance et du flux émanant de cet Attribut, tu seras en mesure de transcender le domaine des cieux et de la terre, et tu atteindras alors la Haqîqa de : « le ciel se fendra et deviendra alors tel une rose écarlate » [s55.v37] et de cette fissure, tu percevras ce que nul œil n’a vu ni nulle oreille entendu. Mais tant que tu resteras prisonnier de ta nature d’argile, tu ne pourras aller ni au-delà du temps ni au-delà de l’espace, ni d’un degré spirituel vers un autre. Et si tu t’imagines que tu es en mesure de parvenir à cela par l’intellect uniquement, par Allâh, sache que tu n’as jamais bougé et que tu ne bougeras jamais de là où tu te trouves. Parce que comme nous l’avons dit, l’intellect est obligatoirement soumis aux contraintes du temps et de l’espace. Les mystiques ont nommé l’intellect al-lawh (la Table gardée), or cette Lawh est elle aussi une créature d’entre les créatures… mais quand tu entends que notre Seigneur dit : « et Je lui ai insufflé de Mon Esprit » [s15.v29], tu ne peux pas dire que l’Esprit est une créature. « Et ils t’interrogent au sujet de l’esprit. Dis : « L’esprit relève de l’Ordre de mon Seigneur » »… il n’a pas été dit que l’esprit est une créature. Médite sur la précision du vocabulaire Coranique et comprends comme il faut la portée de ses versets.
Et l’Arbre était le miroir de Son Apparition ﷻ …et il n’est pas de chose plus subtile que Son Apparition, dont nul ne connait la véritable dimension si ce n’est Lui-même. Tu ne peux interpréter ou comprendre ces choses que par Allâh. « Lis, par le Nom de ton Seigneur » [s96.v1], de manière à ce que l’explication à laquelle tu parviendras ne relève que de la Seigneurie (Rouboubiya). Alors, tu comprendras le sens du verset qui suit « Il a créé l’Homme d’une adhérence (‘alaq) » [s96.v2]. Les gens fermement ancrés dans le Savoir sont ceux à qui Allâh ﷻ a fait don de cette Science, qui est la Science par la Lumière : leur croyance et leur foi est basée sur une connaissance expérimentée à titre personnel. Ce qui couvre donc l’Arbre, qui n’est autre que l’Arbre de l’Univers, c’est tout ce qui relève du fana, et qui se dissipe jusqu’à l’anéantissement total, lorsqu’apparaît le Soleil de la gnose… C’est alors qu’effectivement l’Arbre « semble éclairer sans que le feu ne le touche » [s24.v35] Cet Arbre de l’Univers, c’est un miroir… mais où est le Secret ?
Le Secret se trouve dans la quintessence subtile qui émane de cet Arbre. Et dans la sourate al-Rahmân : « Et l’herbe (najm) et les arbres se prosternent » [s55.v6] Ici, notons que le mot arbre est employé au pluriel, donc il s’agit d’un certain nombre d’arbres qui se prosternent… quant au mot « najm » (qui peut vouloir dire Etoile), il renvoie ici à l’herbe qui ne dépasse pas quelques centimètres. Et il s’agit bien ici de l’herbe, non pas de l’Etoile qu’on voit dans le ciel, car dans ce verset on compare des plantes et non pas ce qui est supérieur (‘olwi) avec ce qui est inférieur (soufli). Donc les arbres et l’herbe se prosternent… or, notre Seigneur ﷻ dit dans sourate al-Noûr que cette Lumière « provient d’un Arbre »… un seul Arbre, au singulier. Donc il ne s’agit pas de n’importe quel arbre. « elle provient d’un Arbre béni, un olivier ni oriental ni occidental » [s24.v35] Et tu ne peux pas dire ou considérer que cet Arbre-là est concerné par la prosternation, parce que la prosternation est nécessairement faite par le corps et par l’intellect. On dit « untel s’est prosterné en direction de la Qibla »… De quoi a besoin ce « untel » pour se prosterner ?
Il lui faut nécessairement un corps, un sol, une direction… c’est-à-dire qu’il ne peut se prosterner sans considération spatio-temporelle ni matière. Quant à l’Arbre, que précise notre Seigneur ﷻ à son sujet ? : « ni oriental, ni occidental », soit un Arbre qui n’est pas comme tous les arbres. Un Arbre Béni, un Arbre de Lumière, « dont l’huile semble éclairer sans que le feu ne la touche », car si le feu la touchait, l’Arbre serait de ce fait concerné par le mouvement, étant donné que le feu (la chaleur) est le résultat du mouvement. Mais à partir du moment où Allâh ﷻ précise que le feu ne la touche pas, c’est qu’il n’y a pas de mouvement. Et de même lorsque vous êtes venus prendre la bay’a, vous n’avez eu à produire aucun mouvement. Le Shaykh t’a simplement dit que tu as le idhn, et immédiatement tu as vu la Lumière. Tu n’as produit aucun mouvement pour y parvenir. Si notre Seigneur n’avait pas précisé, dans ce verset, que le feu ne la touche pas, tu aurais alors été contraint de veiller dans le dhikr sans interruption jusqu’à ce que cette Lumière te parvienne. Mais à partir du moment où il est bien précisé que le feu ne la touche pas, cela signifie que le mouvement, c’est-à-dire les actes d’adoration, ne sont en aucun cas liés à l’accès ou non à la vision de cette Lumière. « Lumière sur Lumière, Allâh guide vers Sa Lumière qui Il veut » [s24.v35] L’intellect a quant à lui besoin de mouvement. Toi et ton intellect, toi et tes études, ton université et ton doctorat… tu l’as fait fructifier par le mouvement (par les efforts). Mais en ce qui concerne la Connaissance d’Allâh, non ! « Lumière sur Lumière, Allâh guide vers Sa Lumière qui Il veut » … si tu considères que la Lumière divine est le fruit d’efforts et d’adorations accomplies par le serviteur, alors tu es un parfait ignorant ! Car ce faisant, tu t’attribues à toi-même la Capacité (qudra), et c’est comme si tu t’associais à Allâh. « J’ai fait ceci… J’ai accomplis cela… ». La Lecture du Nom divin ne se fait pas par le « moi », mais plutôt par « Lui ». En ramenant ton égo ici, tu sabote tout ton avancement spirituel.
Sayiduna al-Mustafa ﷺ le voyait (l’Arbre) par la réalisation de l’Existence véritable, non pas par ses propres yeux mais plutôt par les yeux d’Allâh. Et c’est ainsi qu’il vit le Vrai manifesté sous sa forme. L’Arbre de Sidra fut alors couvert par la théophanie ; il le vit par l’œil du fana et ne fut pas voilé par lui, du fait de l’éminente perfection de sa réalisation de la transcendance divine… ceci veut dire que le lâm al-qabd est la Lecture de ta propre nafs selon le degré du miroir de ton esprit, tu n’as donc pas besoin que la réalité de la chose soit couverte. Si au contraire tu demeures avec ce qui couvre, tu seras voilé de la réalité de la Seigneurie… et on ne dit pas ici que tu seras voilé de la Connaissance d’Allâh, parce que quoi qu’il arrive tu demeures cheminant dans le Nom « Allâh », et ce jusqu’à ce que tu parviennes à la Lecture du Fasl par le Fasl… Ainsi, tu comprendras que le lâm al-qabd tel qu’il est considéré dans la Lecture par le hâ’ n’est en réalité qu’une prémisse et une introduction qui te mènera à sa réalité fondamentale. Au début, tu étais toujours limité au sein du hâ’… mais maintenant ce hâ’, on n’en a plus besoin. Donc si tu persistes à nous renvoyer vers les sept terres, sept cieux, al-Kursi et al-‘Arch, tu ne fais par-là que nous renvoyer à la matière, au temps et à l’espace.
Quand le disciple se plaint et dit : « Le lâm al-qabd est trop difficile pour moi », qu’est-ce que cela veut dire ?
Simplement que son intellect et ses pensées ont pris le dessus sur lui, de sorte qu’il se trouve prisonnier et se voit incapable de se libérer de l’oppression du temps, de l’espace et de la matière… un tel disciple n’est donc en réalité qu’un philosophe prétendant au soufisme. Parce que tant qu’il garde ces trois choses comme références, il ne fait rien d’autre que ce que tout un chacun est capable de faire.
Dès lors, qu’est-ce qui fait de toi un privilégié ?
Comment peux-tu te considérer comme faisant partie de l’élite, alors que tu en es toujours au niveau où tu te bases sur l’existence de la créature pour établir celle du Créateur ?
La Connaissance mystique, c’est au contraire de se baser sur le Créateur pour considérer la créature comme il se doit. La Connaissance ésotérique ne consiste pas en le fait de dire : « Il y a un ciel, il y a une terre… donc il y a un Créateur ! » Ça, c’est un ressenti des gens de l’exotérisme. Quant aux gens de la Voie, ils disent plutôt : « Allâh a créé le Soleil, les cieux et la terre ». Au début du cheminement, lors de la Lecture du hâ’, qu’as-tu fait ?
Tu as fourni des efforts afin de réaliser la nature anéantie de toutes ces créatures, jusqu’à ce qu’elles n’aient plus pour toi la moindre existence, et tu es alors entré dans un état de fana total. Tel est le Secret des sept degrés de la Lecture du hâ’ al-hawiya. Puis, par le lâm al-qabd, tu apprends à rétablir toutes ces créatures en te basant sur le Créateur pour affirmer leur existence. Donc si dans un premier temps ton cheminement se faisait vers le haut, il se fait à présent vers le bas. Tel est le cheminement du Saint (waliy). Le Messager (rassoul) et le Prophète (nabiy) cheminent vers le haut de manière continue. Quant au Saint, il évolue vers le bas. Sayiduna al-Khidr (‘alayhi s-salâm) descend, tandis que sayiduna Moussa (‘alayhi s-salâm) monte. Voilà pourquoi leur compagnonnage fut marqué par les incompréhensions de l’un vis-à-vis de l’autre. Et de même, si entre toi et ton miroir il y a des différends, alors sache que tu n’as aucune part dans cette descente, mais plutôt que tu demeures enchaîné par tes considérations spatio-temporelles.
Nous disions donc que sayiduna al-Mustafa ﷺ voyait l’Arbre par la réalisation de l’Existence véritable, non pas par ses propres yeux mais plutôt par les yeux d’Allâh. Et c’est ainsi qu’il vit le Vrai manifesté sous sa forme. L’Arbre de Sidra fut alors couvert par la théophanie ; il le vit par l’œil du fana et ne fut pas voilé par lui, du fait de l’éminente perfection de sa réalisation de la transcendance divine… C’est-à-dire qu’il parvint à la Connaissance complète, qu’il réalisa le fana de toute chose, puis qu’il réalisa l’établissement de toute chose, de sorte qu’il ne vit plus que le Vrai, manifesté en toute chose. C’est différent de toi, qui tantôt tend vers cela, tantôt plonges dans l’insouciance… et tu comprends ici qu’en réalité, tu n’es jamais parvenu à atteindre cette Connaissance cernant toute chose.
Puis, lorsqu’il le vit une seconde fois… et comprends ici que c’est à cela que se réfère la seconde fois, et non pas à une répétition qui encore une fois serait considérée dans le temps et l’espace… la seconde fois renvoie au degré de la descente. Donc dans un premier temps il y a la réalisation du fana, puis il s’agira de rétablir tout ce dont on a réalisé le parfait anéantissement. Ainsi, lorsqu’il Le vit une seconde fois, il sut que rien de ce qui est créé ne L’occulte, et l’on reconnait en cela l’éminence de la marque de Son Amour pour Son Bien-Aimé. C’est ainsi qu’Il ﷻ voulut Se faire Connaitre, et ainsi Il fit Connaître à Son Bien-Aimé ﷺ le maqâm de l’iltibâs. Il se revêtit (labisa) donc de l’Ordre (amr), et le Vrai Se manifesta depuis l’Arbre de Sidrat al-Muntaha. Alors lorsque tu entends « qui provient d’un Arbre Béni », si tu es du nombre de ceux qui sont considérés par les considérations spatio-temporelles, tu t’imagines qu’il s’agit là de l’Arbre du sanad… or ceci n’est correct que dans le hâ’ : tu dis que tu as pris d’untel, qui a pris d’untel, qui a pris d’untel… qui a pris du Prophète ﷺ. D’ailleurs cela ne concerne pas uniquement les gens de la Voie, mais aussi les gens de toutes les Sciences religieuses… mais tous ces arbres ainsi que les herbes alentours se prosternent devant le Vrai. Quant à l’Arbre de Sidrat al-Muntaha, qui est l’Arbre Véritable, il se réfère à l’Arbre de l’ultime horizon en la négation parfaite de toute considération spatio-temporelle. Et c’est de là que tu tiens ta bay’a pour l’Arbre, c’est-à-dire par « Lumière sur Lumière ». Et après avoir anéanti l’univers et tout ce qu’il contient, tu es revenu avec un univers nouveau, établi par la Lumière issue de Sidrat al-Muntaha. C’est ainsi qu’Il ﷻ voulut Se faire Connaitre, et ainsi Il fit Connaître à Son Bien-Aimé ﷺ le maqâm de l’iltibâs… c’est-à-dire qu’Il Se revêtit (labisa) de cette Lumière et fit apparaître les pierres et les arbres… « Lequel donc des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? » [s55.v13]. Lorsque nous lisons au début de la même sourate : « Le Tout Miséricordieux. Il a enseigné le Coran »… comprend que ce n’est pas toi qui enseigne le Coran. « Il a créé l’homme. Il lui a appris à s’exprimer clairement » [s55.v4]. Tout ceci est bien différent de « Lis, par le Nom de ton Seigneur ! » [s96.v1] Qui est en train de lire ici ?
C’est toi ! Tu t’élèves afin de pouvoir Lire le Nom divin… mais lorsque tu parviens à la compréhension véritable de « Le Tout Miséricordieux S’est établi sur Son Trône » et « Et Son Trône se trouvait sur l’eau »… à ce moment-là ce n’est plus toi qui lis, mais plutôt c’est le Tout Miséricordieux qui t’a créé, qui t’a enseigné le Coran, qui t’a appris à t’exprimer clairement, qui t’a appris à voir le Soleil et la Lune selon un calcul minutieux, puis Il a créé pour toi les arbres et les herbes qui se prosternent devant Lui… Et petit à petit, Il te dévoila ces choses depuis la base fondamentale de Son Trône, et Il te dit alors : « Lequel donc des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? » [s55.v13]. Soit : as-tu toujours des doutes relatifs au lâm al-qabd ?
As-tu toujours des doutes quant à la forme de la nafs qui apparaît au travers de la vision de l’Esprit ?
As-tu encore des doutes sur ceci.. ? As-tu encore des doutes sur cela.. ?
Voilà pourquoi tu entends répéter ce verset : « Lequel donc des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? ». Il te dit que tu n’es pas capable de sortir du domaine des cieux et de la terre, que tu ne peux pas et que tu n’es jamais allé au-delà de quoi que ce soit, que tu n’as pas fait apparaître de Niche (michkâte), ni de Lampe (misbâh) dans cette Niche, et que tu n’as absolument rien fait si ce n’est par une force extérieure à toi-même (Sultân). « Puis quand le ciel se fendra » qui va fendre le ciel ?
C’est le Tout-Miséricordieux (al-Rahmân), et de même la sourate s’appelle sourate al-Rahmân : « Puis quand le ciel se fendra et deviendra tel une rose écarlate » [s55.v37]. Si tu vas regarder dans d’autres sourates, tu trouveras que l’évolution se fait par l’élévation de soi-même et non pas comme ici par la descente de soi (vers le néant). Par exemple, concernant l’évolution par l’élévation, Allâh ﷻ dit : « Dans des maisons (des cœurs) qu’Allâh a permis (idhn) que l’on élève, et où Son Nom est évoqué » [s24.v35] Alors tu vas nous dire que tout cela relève de la Permission (idhn) divine, mais quand tu considères la suite du verset : « des hommes que ni le négoce, ni le troc ne distraient de l’évocation d’Allâh », ceci veut bien dire que ces hommes s’élèvent spirituellement par l’évocation d’Allâh.
Ou bien dans un autre verset : « Ceux qui, debout, assis, couchés sur leurs côtés, invoquent Allâh » c’est bien ici le serviteur qui agit et qui évoque Allâh. « et qui méditent » rapport à l’élévation « sur la création des cieux et de la terre : Seigneur, tu n’as pas créé cela en vain ! Soubhânak » [s3.v191]. Mais maintenant (dans la lâm al-qabd) non. « Soubhânak » doit intervenir en tout premier lieu : Soubhânak, Tu as créé ceci. Soubhânak, Tu as fait apparaitre cela. Donc cette parenthèse pour mettre en évidence qu’il y a des versets qui parlent d’évolution par élévation (taraqqi), tandis que d’autres renvoient à la descente (tanazzul). C’est-à-dire, de la créature vers le Créateur (taraqqi), ou du Créateur vers la créature (tanazzul).
Le Vrai ﷻ Se manifesta depuis l’Arbre de Sidrat al-Muntaha, de la même manière qu’Il S’était manifesté à sayidina Moussa (‘alayhi s-salâm) depuis la vigne, sous la forme d’un feu. Ceci afin de Se faire Connaître, et afin que Son Bien-Aimé parvienne à la Connaissance parfaite et complète… Quant au ‘Arif, il ne sera véritablement ‘Arif que lorsqu’il aura appris à Connaître l’Aimé dans toutes les apparences sous lesquelles Il peut Se manifester. C’est alors qu’on dit du ‘Arif qu’il a réalisé et a atteint la Connaissance de son Seigneur dans l’ensemble de tous Ses voiles. Et comme le précise le Hadîth : « Allâh –tabâraka wa ta’âla- a soixante-dix mille voiles de Lumière et de ténèbres ». C’est-à-dire qu’il s’agit de Le Connaître par les 70 Oummahâte (voiles, ou degrés fondamentaux). Mais si tu n’as atteint la Connaissance que d’un seul voile, ou bien de deux… et que de là, tu prétends avoir atteint la Connaissance du Vrai ﷻ, et bien sache qu’en réalité tu en es loin, très loin… Nous ne nions pas qu’effectivement tu en Connais une facette, mais la Connaissance d’Allâh, non ! Tout ce que tu as étudié depuis le début, les sept degrés du hâ’, avec les visions, la compréhension et la saveur qui les accompagnent… malgré tout ce chemin parcouru, tu n’as en réalité atteint que la Connaissance d’Allâh au travers du hâ. Or le Nom « Allâh » ne se lit pas uniquement par le hâ’… que fais-tu de la Lecture par le lâm al-qabd, puis par le lâm al-ma’rifa, etc.. ? « Allâh » se lit avec quatre Lettres : Alif, lâm, lâm et hâ’. Si tu en retirais ne serait-ce que le lâm, Allâh ( الله ) deviendrait alors ilâh ( اله ). Et le Vrai ﷻ te dit dans ce cas : « lâ ilaha » ( لا اله / il n’y a pas de dieu…) illa Allâh, excepté Allâh. C’est ainsi que s’établit parfaitement le Nom qui les réunit tous, le Nom indicateur de l’Essence, avec un Alif, deux lâm et un hâ’. Donc ne viens pas me dire « J’ai réalisé la Lecture du hâ’, donc je Connais Allâh ». Non, plutôt tu as Connu le Nom « Allâh » au travers du hâ’ seulement.
Tout ceci est le Savoir des Savants fermement ancrés dans la Connaissance et faisant partie de la Oumma de sayidina Muhammad ﷺ , la Oumma de : « la vision n’a nullement dévié ».
« la vision n’a nullement dévié ni outrepassé la mesure » [s53.v17] Comment pourrait dévier la vision de celui qui ne voit les choses qu’au travers de la réalité du fana, sans jamais se laisser voiler par elles ?
Evidemment, la vision (qui désigne ici la vision intérieure) ne dévie pas de la contemplation des Secrets pour considérer quoi que ce soit d’autre. Ni terre, ni ciel, ni Kursi ni ‘Arch ne détournent son attention : il demeure dans son état entièrement consumé et annihilé par la Lumière, qui n’est autre que le souffle de la Seigneurie (nafkhat al-Rouboubiya). Et si au contraire tu te tournes vers la considération de ces cieux et de ces terres, à l’instar des anges, des djinn et autres… alors sache que tu n’as aucune part dans la réalisation spirituelle dont nous parlons ici. Tu en restes au niveau de la créature avec la créature, c’est-à-dire au niveau de la dualité, de la trialité, quadralité etc… tu ne fais ainsi que te fatiguer en vain, et dans les faits tu demeures dans un état de chirk vis-à-vis du Créateur, puisque tu t’es détourné et que ta vision a dévié. Or ceci n’est pas le cas des membres de la Communauté de sayidina al-Mustafa ﷺ qu’il nomma lui-même dans le Hadîth connu : « « J’aurais aimé rencontrer mes frères ». Les compagnons demandèrent : « Ne sommes-nous pas tes frères ? ». Il répondit : « Vous êtes mes compagnons, mes frères sont ceux qui croiront en moi sans m’avoir vu » ». [Rapporté par Ahmad] C’est-à-dire ceux qui ne s’en seront pas tenu à son apparence corporelle, ceux qui n’auront pas connu le Messager d’Allâh ﷺ uniquement comme ayant les dents parfaitement écartées, les yeux noirs, blanc de peau… Non !
Qui sont les frères du Messager d’Allâh ﷺ ?
Ce sont ceux qui l’on vu sous sa réalité de Lumière, sans voir son corps. Et y compris à l’époque du Prophète ﷺ , il y avait des gens qui étaient ses frères bien sûr. Qui étaient-ils ?
Il s’agissait des Ahl as-Suffa :
Selon Anas : « Je suis sorti avec le Prophète ﷺ de la maison vers la mosquée. Il y avait des gens (qawm) dans la mosquée qui levaient leurs mains en faisant des invocations. Il dit : « Vois-tu dans leurs mains ce que je vois ? »
-Qu’y a t-il dans leurs mains ?
-Il y a de la Lumière.
-Demande à Allah qu’Il me la fasse voir !
Il invoqua et Il me la fit voir. Je me dépêchais (de les rejoindre) et nous levâmes nos mains. »
[Rapporté par al-Boukhâriy]
Et qu’est-ce que cela veut dire… ?
Ceci signifie que le Messager d’Allâh ﷺ ne se séparait jamais d’eux !
C’est bel et bien au sujet de ces Ahl as-Suffa qu’Allâh ﷻ révéla à Son Bien-Aimé ﷺ :
« Fais preuve de patience en restant avec ceux qui invoquent leur Seigneur matin et soir, désirant Sa Face. Et que tes yeux ne se détachent point d’eux… » [s18.v29] c’est-à-dire : ne va pas auprès de tes épouses, ne va pas au marché, ne va nulle part mais reste avec eux. Et est-ce qu’il est resté avec eux ou non ?
Bien sûr, il est resté avec eux sous sa forme de Lumière, ouvre donc tes yeux ! Comprends les choses ! Il ne s’est jamais séparé d’eux ! Sa vue n’a jamais dévié d’eux un seul instant, et Allâh ﷻ leur a octroyé une Poignée de Lumière qui ne les quitta jamais… tels sont les frères du Messager d’Allâh ﷺ. Quant aux compagnons, ils sont ceux qui ont accompagné son corps et sa forme apparente. Donc, pour résumer, si tu vois le Messager d’Allâh ﷺ avec des yeux noirs et les dents parfaitement écartées : tu te trouves au degré d’un Compagnon. Tandis que si tu le vois Lumière : tu fais partie des frères du Prophète ﷺ. Et si cette Lumière te submerge, te fait fondre et disparaître entièrement, tu deviens alors : « Lumière sur Lumière. Allâh guide vers Sa Lumière qui Il veut » [s24.v35].
Il s’agira donc de pleinement réaliser le fana, sans jamais se détourner vers la considération de soi-même, sans jamais franchir les limites du degré de la servitude en vue de celui de la Seigneurie… parce que, en réalité, qui est-ce qui lorgne et a une attirance pour ce qui relève de la Seigneurie ?
Ce sont l’intellect et la nafs. Or nous avons bien dit au préalable que l’intellect et la nafs sont toujours confinés et limités au domaine spatio-temporel. Le fait de désirer ou de tendre vers ce qui relève de la Seigneurie est donc la conséquence d’une déviation de la vision intérieure. Maintenant si au contraire tu ne cesses jamais de désirer et rechercher la Face d’Allâh, la Face d’Allâh, la Face d’Allâh… à ce moment-là, la vision intérieure ne peut en aucun cas dévier, et jamais tu ne désireras quoi que ce soit de ce qui revient à la grandeur de la Seigneurie. Plutôt, tu n’espèreras qu’une seule chose : la Satisfaction du Tout-Miséricordieux. Ceci parce que la magnificence de la Seigneurie est apparente dans la création : « Lequel donc des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? ». Il a créé les arbres, il a créé ceci, il a créé cela… c’est ainsi que se manifeste la magnificence de la Seigneurie. Et si toi tu te détournes vers elle, ton avancement spirituel deviendra difficile, parce que de tout ce qui se trouve autour de toi, rien ne perdurera éternellement… contrairement à l’état de contemplation qui lui demeure ici-bas et dans l’au-delà. Par cette élévation spirituelle et grâce à ces visions (mouchâhadates) par le cœur, tu franchiras petit-à-petit les différents degrés jusqu’à parvenir à l’accomplissement de la Lecture du Nom « Allâh ». Et par le Nom « Allâh », tu accèderas à la Connaissance du Nommé, c’est-à-dire que tu atteindras la Connaissance de l’Essence divine.
« Il a bien vu certaines des grandes merveilles de son Seigneur », il s’agit ici de l’Attribut du Tout-Miséricordieux, duquel découlent l’ensemble de tous les Attributs, et qui renvoie à la Hadra du Nom Suprême « Allâh », qui n’est autre que l’Essence ainsi que la réunion de tous les Attributs. C’est là une Hadra au sein de laquelle les Attributs ne sont pas voilés de l’Essence, ni l’Essence des Attributs ; et ne peuvent y avoir accès que des cœurs ne contenant absolument rien en dehors de Lui, des cœurs pouvant accueillir les grandes merveilles du Seigneur, à défaut des cieux et de la terre qui eux ne le purent. Ce cœur n’a jamais dévié. Il a brûlé, jusqu’à devenir un cœur sain. Au point qu’il ne fut même plus appelé cœur, puisqu’il ne s’agit plus que d’un « morceau » de Lumière, si tu le considères par le tachbîh… Et par le tanzîh, il est devenu et est considéré comme un Esprit pur, il n’est plus limité ni confiné par quoi que ce soit.
« Avez-vous vu (les divinités) al-Lât et al-‘Uzza ? », al-Lât et al-‘Uzza sont des idoles que les gens de l’époque préislamique adoraient. Mais ces idoles et ces Shayâtin se retrouvent en réalité en tout un chacun. En chacun d’entre nous, on retrouve une idole qui s’appelle al-Lât et une autre qui s’appelle al-‘Uzza. Al-Lât, c’est l’amour des passions charnelles. Tant que tu aimes ces passions, et tant que tu es touché par le désir charnel de tout ce qui est lié au ventre et au sexe : c’est cela même que désigne al-Lât, c’est-à-dire l’arc-de-cercle inférieur constituant l’être humain. Et celui qui s’empresse de satisfaire les attentes de cette idole, il n’est ni plus ni moins que l’un de ses adorateurs, et il fait partie de ces gens qui avancent sur leur ventre… Si tu fais partie de ceux dont la préoccupation première est l’amassement des richesses, et toutes ces choses… alors sache que tu es l’un des adorateurs de al-Lât, et que tu fais partie des gens de cet arc-de-cercle inférieur.
Quant à al-‘Uzza, il s’agit de l’amour de la gloire et de la renommée, de la réputation, du pouvoir ainsi que de toutes les passions du cœur. Leur emplacement se trouve dans la partie supérieure, c’est-à-dire le cœur, et ce sont là les voiles qui couvrent le cœur et empêchent à la Lumière d’y pénétrer. Celui donc qui recherche la satisfaction de ces passions du cœur est un adorateur de al-‘Uzza.
« ainsi que Manât, cette troisième autre ? », il s’agit là des vains espoirs (tamanni) que l’on place en ce monde illusoire et éphémère, pensant qu’on y demeure éternellement. Cela comprend aussi le fait de détester la mort… Celui dont l’état est ainsi est un adorateur de dounia, et de même qu’il déteste la rencontre de son Seigneur, son Seigneur déteste le retrouver. A partir du moment où l’individu déteste la mort, c’est son Seigneur qu’il déteste, car c’est par la mort que l’on Connait et que l’on retrouve son Seigneur. Donc si tu crains et si tu détestes la mort, sache qu’en réalité c’est le Seigneur qui te déteste.
Nous retrouvons bien ici trois divinités mentionnées… mais pourquoi trois ?
Parce qu’il s’agit là des trois points de l’ombre de la Basmala : un côté pour l’amour des passions charnelles, un côté pour l’amour du pouvoir et de la gloire, et un troisième côté pour l’espérance placée en ce bas-monde. Ce sont là les trois côtés qui nous donnent l’ombre de la Basmala, et c’est ainsi que le carré (ou le losange) est complété. Quant à celui qui parviendra, par la Lumière d’Allâh, à prendre le dessus sur eux trois, il se débarrassera de cette ombre de Scission avec le divin (fasl) et pénètrera dans la Lumière de la persistance par Allâh (baqa), devenant ainsi le centre de la Basmala, ou bien simplement l’un de ses côtés, en fonction de l’état et du degré qu’il aura atteint.
Et si la Ka’ba n’avait que trois côtés et non quatre, si Hijr Isma’il avait été complété et que la Ka’ba était complètement achevée, jamais aucun pervers (fasiq) n’aurait pu entrer dans la Ka’ba, ni même faire le tawâf autour d’elle. C’est-à-dire que tant que tu n’aurais pas parfaitement réalisé ce degré de la Basmala et tant que tu ne te serais pas débarrassé entièrement de son ombre : tu n’aurais pas pu faire le tawâf autour de cette Ka’ba. Cependant étant donné qu’elle fut construite avec quatre côtés, même les adorateurs de al-‘Uzza, de al-Lât et de Manât peuvent y entrer sans être inquiétés. Voilà pourquoi, fut un temps, la Ka’ba était remplie d’idoles… et voilà pourquoi tu peux voir aussi un fâsiq vendeur de drogue faire le tawâf autour de la Ka’ba, sans que pour autant il ne lui arrive quoi que ce soit. Lui aussi il dira : « Labbayk Allâhuma labbayk… Labbayk Allâhuma labbayk.. » Et puis de retour au pays, on l’appellera sidi al-Hajj, on boira l’eau de zamzam qu’il nous donnera… mais la réalité de son état demeurera une affaire entre lui et son Seigneur. Pourquoi cela ?
Simplement parce que la Ka’ba est un quadrilatère, c’est-à-dire une Basmala et son ombre. Si la Ka’ba n’avait été construite qu’avec le triangle de la Basmala (sans son ombre), alors tu n’aurais vu que deux ou trois personnes qui auraient pu faire le Hajj… et encore ! même les personnes chez qui il y a du bien, ils auraient eu peur !
« Sera-ce à vous le garçon, et à Lui la fille ? », prétendez-vous à l’état de perfection pour vos âmes, et Lui attribuez-vous ce que vous considérez comme étant le plus méprisable (une fille) ? Ceci n’est qu’un dénigrement de votre propre adoration, car vous avez pris en adoration les femmes et avez délaissé celle de l’Unique. Si vous parvenez à vous débarrasser de cette idole, vous accéderez par là-même au lâm al-ma’rifa. Et si vous vous annihilez dans le miroir, il ne demeurera plus que l’Unique et Exclusif, c’est-à-dire le Alif al-Mouqaddar. Et c’est alors que vous pourrez atteindre la Connaissance du Alif al-Mouqaddar. Mais si au contraire vous demeurez accrochés au suivi de ces trois idoles, alors vous demeurerez dans un état de chirk et vous adorerez votre propre nafs au lieu d’adorer Allâh l’Unique.
« Que voilà donc un partage injuste ! », c’est là une répartition qui n’est pas bonne, du fait que vous avez associé le divin aux ténèbres inférieures, en vous imaginant qu’il s’agissait là de choses louables. Vous avez inversé la balance et n’avez pas été équitables dans l’établissement de la juste mesure. Or Allâh ﷻ dit dans sourate al-Rahmân : « Quant au ciel, Il l’a élevé bien haut. Et Il a établi la balance » [s55.v7]. Si tu sais que le ciel est élevé, établis alors la balance et sache que la terre n’est pas comme le ciel, de même que le ciel n’est pas comme la terre : attribue donc à chacun la part qui lui revient. De même, sache que l’Arbre Béni n’est pas comme tous les arbres… et que les étoiles ne sont pas comme la lune, ni comme le soleil, raison pour laquelle Il dit ﷻ dans la même sourate : « Le soleil et la lune sont conformes à un calcul minutieux » [s55.v6]. Et Il n’a pas dit que le soleil et la lune se prosternaient… La prosternation n’a pas été donnée pour le soleil ni pour la lune, mais plutôt à ce qui se trouve sur la terre comme les herbes, les arbres et autres. Etablis donc toi-même une balance d’équité dans la considération de ce qui est noble (‘olwi) et de ce qui est vil (soufli).
C’est ainsi que vous vous êtes détournés de l’Elevé et Omnipotent, Celui qui « n’a jamais engendré et n’a pas été engendré, et dont nul n’est égal à Lui » [s112.v3/4]. Vous avez délaissé l’Exclusivité divine et vous vous êtes tournés vers ce qui est vil tout en vous imaginant qu’il s’agissait là de l’Exclusivité (al-Ahadiya). Ainsi, vous avez fini par vous imaginer que c’est vers Allâh que vous vous prosternez, alors qu’en réalité vous ne vous êtes jamais prosternés que vers vos propres nafs.
« Ce ne sont que des noms que vous avez inventés, vous et vos ancêtres. Allâh n’a fait descendre aucune preuve à leur sujet. Ils ne suivent que la conjecture et les passions de leurs nafs, alors que la guidée leur est venue de leur Seigneur. », c’est-à-dire que ces noms inventés sont voués au fana, tandis que demeure le châtiment pour celui qui les suivait. Vous les avez-vous-mêmes inventés et élevé leur statut, vous et vos ancêtres, comme un véritable héritage transmis de génération en génération. Allâh n’a pas enjoint à leur suivi, mais plutôt Il vous a mis en garde contre eux, après vous y avoir vu fortement accrochés. Etant donné qu’Il nous a créé et qu’Il nous connait parfaitement, Il nous a mis en garde contre ce bas-monde en nous disant qu’auprès de Lui il n’a même pas la valeur d’une aile de moustique. S’il en avait été autrement, Il n’aurait pas permis au mécréant de boire ne serait-ce qu’une gorgée d’eau. De là, Il te demande de délaisser toute chose et de ne plus demeurer qu’avec Lui. Le problème, c’est que non seulement tu en es toujours à te battre pour cette aile de moustique, mais en plus tu te prends pour un adorateur d’Allâh… alors que l’équilibre de ta balance est ruiné et que tu n’as pas établi la juste mesure en accordant à chaque chose ce qu’elle mérite (c’est-à-dire en considérant ce qui est vil comme vil, et ce qui est noble comme noble). Et c’est là le sens de la balance et de la juste mesure dans la pesée… ici il ne s’agit pas du sac de pommes ! Ça, c’est ce qu’en comprennent les gens de l’exotérisme : quand tu vends un kilo de pommes, tu ne triches pas dans la pesée… ça, c’est quelque chose de facile et à la portée de tout un chacun ! Tu mets un poids d’un kilo d’un côté, et de l’autre tu équilibres avec un kilo d’oranges, et tu prétends ne pas avoir triché dans la pesée. Et ensuite le client atteste qu’effectivement tu établis la juste mesure, pourquoi ? Parce que dans ton poids d’un kilo tu as rajouté une patate… Mais non enfin ! Sourate al-Rahmân : « Donnez toujours le poids exact et ne faussez pas la pesée » [s55.v9] cela veut dire accordez chaque chose selon l’arc-de-cercle qui lui revient. Concernant l’arc supérieur et Lumineux, donne-lui ce qu’il mérite, de manière parfaite et irréprochable : accorde à l’Esprit ce qui revient à l’Esprit, jusqu’à ce que par cela même tu atteignes la Connaissance de la divinité. La balance dont il est question dans la sourate al-Rahmân n’est pas la balance qu’on retrouve dans les marchés :
Allâh ﷻ dit : « Le Soleil et la Lune sont conformes à un calcul minutieux. L’herbe et les arbres se prosternent. Quant au ciel, Il l’a élevé bien haut. Puis Il a établi la balance, afin que vous ne transgressiez pas dans la pesée : donnez le poids exact et ne faussez pas la pesée. Quant à la terre, Il l’a étendue pour les êtres vivants : il s’y trouve des fruits, et aussi les palmiers aux fruits recouverts d’enveloppes, tout comme les grains dans leurs balles, et les plantes aromatiques. » [s55.v5/12] Si la balance avait été, comme tu te l’imagines, celle qui sert à peser les fruits et légumes, elle aurait été mentionnée après le dernier verset que nous venons de citer, c’est-à-dire après la mention des fruits et de ce que produit la terre. Or, dans cette sourate, la balance est évoquée après l’évocation de l’élévation du ciel. Alors pourquoi viens-tu rabaisser ce que Allâh a élevé et élever ce qui est rabaissé ?
En réalité, tu élèves l’arc-de-cercle inférieur et terrestre vers le ciel… Quant à l’arc-de-cercle supérieur céleste, qui est apparu dans toute sa splendeur grâce au Soleil et à la Lune (sirâj al-mounîr), tu le rabaisses au niveau de la terre. Tu t’étonnes et tu te demandes comment ça ?
Je vais te dire comment… Tu as la Lumière, mais tu ne lui as jamais accordé d’importance. Tu prétends qu’au contraire tu la grandis et tu la magnifies… mais tu mens ! Tu ne t’en préoccupes pas le moins du monde ! Quand de temps en temps il t’en prend l’envie, tu fais ton wird en fermant les yeux et en cherchant un petit peu… Mais à qui donnes-tu vraiment de l’importance au quotidien ?
A comment tu vas gagner de l’argent ! Le travail, les enfants, ta femme… combien de temps tu leur accordes ? Il y en a qui leur consacrent 23 heures, et la dernière pour dormir. D’autres 20 heures… Et si ta femme se met en colère contre toi, catastrophe ! On te retrouve dans la rue à trainer comme un fou ! Si ton enfant ne se comporte pas bien, tu en deviens malade. Si on te retire ta retraite, tu te passes la corde autour du cou et on te voit passer dans les faits divers ! Voilà ce à quoi tu accordes de l’importance. Et quand tu t’énerves, tu en deviens malade, plus personne ne peut t’adresser la parole, tu deviens comme un serpent prêt à mordre ! Pourquoi… ?
Pour dounia. As-tu vraiment fait des efforts pour faire grandir la Lumière ?
Non, tu mens ! As-tu véritablement établi la juste mesure dans la balance ?
As-tu élevé le ciel comme le Vrai l’a fait ?
As-tu établi et considéré l’arc-de-cercle inférieur et terrestre à sa juste valeur ?
Alors pourquoi tu veux et tu réclames que ta Lumière augmente ?
Qu’est-ce que tu veux que je te dise !?
Remercie ton Seigneur de ne pas te l’avoir entièrement retiré du cœur, et qu’il n’y demeure plus que des ténèbres ! Parce que en réalité, les ténèbres sont la seule chose à laquelle tu accordes de l’importance. Or, tout ce à quoi tu accordes de l’importance vient prendre une place dans ton cœur. Là, tu comprends qu’il n’y a que par la Miséricorde d’Allâh que tu progresses, parce que sans elle, par Allâh tu ne l’aurais jamais vue !!
Fais le calcul, tes 24 heures, tu les passes à quoi ?
Et le petit quart d’heure que tu passes à faire ton wird, comment est-il ?
Même en plein milieu de ton wird, tu n’établis même pas la balance comme il se doit ! En plein wird !… et même si tu te lèves dans le dernier tiers de la nuit, par Allâh tu ne l’établis pas non plus ! Dans ton dernier tiers de la nuit, tu fais tes comptes ! Et si tu as un différend avec ta femme, ta femme est sur le lit en train de dormir pendant que tu fais ton dhikr de nuit, mais tout ce que tu as en tête c’est comment tu vas faire pour que les choses s’arrangent entre vous ! Alors c’est ça, la juste mesure dans la balance ?
Non, tu n’établis pas la juste mesure pour la Lumière. Et Allâh ﷻ te dit : « le Soleil et la Lune sont… » toi aussi tu as un Soleil et une Lune dans ton cœur « … selon un calcul minutieux. Et l’herbe et les arbres se prosternent », or les herbes et les arbres se trouvent bel et bien du côté inférieur (soufli). Donc est-ce qu’effectivement, lorsque toi tu vois ce Soleil et cette Lune, ils sont grandis et magnifiés dans ton cœur, de manière à devenir toi-même une herbe et un arbre… et t’es-tu alors prosterné devant Allâh ﷻ ?
Non ! Tu vas me dire, « mais moi j’établis l’Unicité d’Allâh… » mais non ! tu as une multitude de divisions et de considérations dans ta tête. Des pensées, des illusions, des idéologies entières… en toi se trouve la pensée chiite, zoroastrienne, juive, chrétienne… des idées à n’en plus finir ! Tu passes ton temps à fouiller sur internet, tu enregistres et tu emmagasines tout ça.
Tout ceci, tu te dois de le rabaisser jusqu’à l’emplacement du soujoûd. Et à ce moment-là, que devras-tu établir et affirmer ?
Le Soleil et la Lune, selon un calcul minutieux. Alors seulement tu atteindras la réalité du verset suivant : « Quant au ciel, Il l’a élevé bien haut. Puis Il a établi la balance » Tu pourras dès lors t’élever dans les cieux de ton cœur, vers le sirâj al-mounîr (ce Soleil et cette Lune). Et c’est ainsi que tu pourras établir la juste balance…
Mais toi non, tu préfères filer vers al-Lât et al-‘Uzza, tout en t’écriant : « Non, mais la Lumière doit remplir mon cœur, parce que ceci et cela… »
Jamais !!
C’est pour cela que dès que le moindre petit vent vient te refroidir, il t’emmène avec lui (hors de la Tariqa). Parce que c’est la réalité de ce que tu cherches et de ce que tu magnifies dans ton cœur, et le temps finit toujours par révéler ta vraie nature.
Donc nous disions que ces noms inventés sont voués au fana, et que demeure le châtiment pour celui qui les suivait. Vous les avez-vous-mêmes inventés et élevé leur statut, vous et vos ancêtres, comme un véritable héritage transmis de génération en génération. Allâh n’a pas enjoint à leur suivi, mais plutôt Il vous a mis en garde contre elles, car c’est Lui qui pourvoit aux besoins de Ses serviteurs (al-Razzâq). Si tu te diriges vers ton Seigneur, Il Se manifeste à toi par Son Nom al-Razzâq et pourvoit à ton besoin de là où tu ne t’y attends pas. C’est ainsi qu’Il privilégie certaines personnes sur d’autres dans la subsistance. Voilà pourquoi tous ne reçoivent pas la même part : c’est pour vous éprouver. Pour que, si tu es pauvre, tu dises : « Pourquoi celui-là est riche ? »… et pour que, confronté aux autres, tu finisses par extérioriser ce qui se trouve en toi. Si tu es pauvre et que tu vois quelqu’un de riche, tu seras prêt à faire l’impossible pour devenir comme lui ou meilleur encore. Pourquoi ça ?
Parce qu’en toi se trouve une maladie, et cette maladie doit ressortir. Comment ?
Par le miroir que ton frère est pour toi.
(retour au tafsir du verset)… Bien qu’ils s’imaginent que le suivi de ces noms est autorisé par la Chari’a… Et que dis-tu, selon la chari’a ?
Tu affirmes : « Non, mais le travail c’est une adoration ! » Et qu’en sais-tu, peut être que le travail auquel se référait le Prophète ﷺ c’était le travail des membres dans la prière, le tawâf autour de la Ka’ba, etc…
Donc ils s’imaginent que le suivi de ces noms est autorisé selon les apparences de la Chari’a, qu’il n’est pas néfaste au cœur et qu’il ne voile pas le serviteur de la contemplation de son Seigneur. Bien au contraire, le cœur n’a qu’une seule et unique face, et si le serviteur la dirige vers la quête des désirs vains, il se coupera du même coup de la quête du Vrai. Et si au contraire il se dirige vers son Seigneur, cela le coupera de tout autre que Lui.
Ils recherchent également ce que désire la nafs, et la nafs ammâra par exemple ne désire que ce qui est à son avantage, au gré de ses passions.
« Alors que la guidée leur est venue de leur Seigneur », il est ici question de ceux qui mènent vers la Voie du cheminement spirituel (souloûk) consistant en la rupture de tous les liens de la nafs et du cœur, c’est-à-dire les successeurs des Messagers (‘alayhim as-salâm), les Shouyoûkh de tarbiya qui, à chaque époque, appellent les gens à Allâh.
« Ou bien l’homme aura-t-il tout ce qu’il désire ? », en réalité, l’homme n’a rien à espérer de plus que ce qui lui a d’ores et déjà été prescrit, aussi bien en ce qui concerne sa vie de ce bas monde que celle de l’au-delà. Tout ce que Allâh t’a destiné te parviendra. Ne te laisse donc aspirer ni entraîner par le désir de rien d’autre que l’accès à la Connaissance de ton Seigneur, afin que même si tu venais à mourir avant d’y parvenir, celle-ci te soit écrite. Car à partir du moment où tu as agi en vue de parvenir à ce fondement essentiel, tôt ou tard tu finiras par en récolter les fruits. Et si à l’inverse ton intérieur est entièrement tourné vers ce bas-monde, même si tu meures avant d’obtenir ce que tu désires de dounia, tu seras quoi qu’il arrive compté parmi les gens de dounia.
« A Allâh appartient la vie future ainsi que la vie d’ici-bas. », Il cerne absolument toute chose et exerce Sa Toute-Puissance sur toute la création, qu’il s’agisse de Son Moulk ou de Son Malakoûte, de la vie d’ici-bas ou de l’autre. L’être humain ne détient absolument rien des deux demeures : par Son Nom al-Wahhâb, Il accorde ce qu’Il veut de Son Moulk de l’au-delà à la personne chez qui Il manifeste Son Jamâl. Et à l’inverse, par Son Nom al-Mouqsit, Il accorde ce qu’Il veut de Son Moulk de dounia à la personne chez qui Il manifeste Son Jalâl. Et cela n’ajoute ni ne retranche absolument rien de Son Moulk, mais plutôt il s’agit d’une opposition parfaitement équilibrée des deux Noms.
Al-Wahhâb est le Nom par lequel Allâh manifeste Son Jamâl à Son serviteur, lui faisant voir le Jamâl de Son Malakoûte. Quant à celui pour qui Il voudra argent, richesses et fortune, Il lui manifestera Son Nom al-Mouqsit afin de l’éprouver et déterminer si oui ou non il fait partie de ceux qui établissent la juste balance.