La primordialité du Fasl dans la distinction entre Wilâya, Noubouwa et Risâla

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و على اله و اصحابه أجمعين

La primordialité du Fasl dans la distinction entre Wilâya, Noubouwa et Risâla

Résumé de l’assise du 22 Juin 2018 / Jumu’a 8 Chawwâl 1439 [Partie 3] :

Dans son chemin, le disciple se confronte au voile de la Scission (fasl)… et j’insiste sur celui-là, car nous en aurons besoin à l’avenir. Le voile de la Scission est le plus difficile de tous les voiles, le plus difficile des degrés dans l’ascension vers la connaissance de la Haqiqa. Ce fasl le coupe et le sépare de toute connaissance préalablement acquise par l’intellect, ou mêlée à l’intellect. Avec vous, nous avons étudié la Scission (fasl) et la Jonction (wasl) dans la Lecture du hâ’ al-hawiya… et parmi les disciples, certains se sont laissés tromper et tombèrent dans l’erreur. C’est ce qui fait du voile du fasl le plus difficile de tous les voiles… car le disciple, même si tu le vois assis avec toi, et même s’il te dit qu’il accepte cela et qu’il se résigne à cette vérité… ce n’est pas du tout le cas. Son intérieur est rongé par le doute.

S’il tombe dans l’erreur, il tombe dans l’erreur… et s’il tombe juste, il tombe juste. C’est-à-dire que s’il tombe juste, le fasl devient pour lui comme la pleine réalisation de la transcendance (tanzîh). Et s’il tombe dans l’erreur, le fasl devient pour lui comme la prétention à la divinité. Et ça, évidemment, ce n’est pas acceptable… A partir du moment où nous parlons de ghayb, de voiles occultés… il ne s’agit pas que des voiles du paradis ! Non, et l’enfer, tu le laisses où ? Il fait lui aussi partie du ghayb.

C’est pour cela que le dernier des piliers de la foi, c’est de croire en le Jour Dernier et en le destin, avec ce qu’il comprend de bien… et de mal ! Le mal, qu’est-ce que tu comptes en faire ? Le laisser dans ta poche ? Le bien, tu y crois volontiers… et le mal : « laisse ça pour le Shaykh ! ». Et bien non !

C’est en ce sens que, lorsque nous transmettons le Secret du wasl, nous transmettons en réalité cette foi (Imân) en ce que le destin comprend de bien. Nous faisons précéder la Beauté, le Jamâl, afin que tu puisses étudier et goûter la nature de ce Jamâl, et que le cœur s’épanouisse et s’apaise dans cet état. Puis après seulement, nous y introduisons le Jalâl, afin que les choses s’équilibrent. Parce que si le Jalâl entre sans que tu n’aies pu profiter et goûter au Jamâl, il brûlera et détruira absolument tout.

Mais qu’est-ce que le fasl ?
Comme nous l’avons dit, le fasl est ce qui te coupe de toute connaissance atteinte par l’intellect, ou mêlée à l’intellect. C’est-à-dire que c’est ce qui te coupe de toute logique, de tout raisonnement que tu travaillerais par l’intellect. Dans la lecture du fasl, ton intellect, laisse-le juste chez toi. Laisse-le avec ta femme, ton père, ta mère, tes frères… viens sans. Parce que ici, l’intellect, ce n’est pas la quintessence… la quintessence, c’est le cœur, c’est le fou’âd. Quant à l’intellect, c’est ce qu’on désigne lorsqu’on parle du cerveau.

Cet organe qu’est le cerveau, c’est un endroit où l’on va stocker les informations qui nous parviennent, y compris au travers des mœurs et du milieu social. Tu dois te débarrasser de tout cela et changer littéralement de méthodologie. « Sidi Shaykh, moi je suis entièrement résigné… » oui, tant que tu es dans la zawiya… mais à peine dehors tu deviens… tu deviens tel que c’est à nous de dire qu’on se soumet à toi…

Tu dois te concentrer sur le comment de cette réalité qui veut que tu sois néant. Pourquoi n’acceptes-tu pas cette vérité, dans le fasl ? L’intellect est créé, pas vrai ? Alors pourquoi veux-tu en faire le Créateur ? Si nous le coupons (fasl) et le renvoyons au néant… c’est la part qu’il mérite, parce que c’est une créature, et parce que « tout ce qui est sur elle est anéanti (fân) [1]. » Toi, tu aimes à dire que tu es fana, par le corps… mais par l’intellect non, tu restes bien là, persistant (baqi). Cela n’est pas concevable… la réalité, c’est que tu es néant (fâni) de par ton intellect, de par tes illusions, de par ta pensée, de par l’ensemble de toute ta science… quelle que soit le point de considération qu’on puisse avoir de toi, tu es fana, et le Persistant, c’est Allâh ﷻ.

Il s’agira donc de concevoir dans quelle mesure tu es fana pur et absolu. Ce voile est l’expression d’une force élevée (‘olwi) fermement ancrée dans l’intellect. Il s’agira donc pour le cheminant d’atteindre et connaître cette force fermement ancrée, ou ce voile, que nous nommons la quatrième lecture ou le quatrième secret… et dans ce voile, il est indispensable de saisir les indications allusives (ichârat) ainsi que les corps entitaires fondamentaux de l’intellect. Car le corps a effectivement des corps, ou des mondes, ou des domaines. S’il en avait été autrement, jamais il n’aurait pu penser à traverser le ciel, ni à voyager vers d’autres planètes. Ces domaines spatiaux nouveaux vers lesquels il veut voyager, il en a déjà les informations qu’il tient en sa pensée. Donc cet intellect comprend bien des mondes différents. Mais nous, à quoi nous travaillons ? Nous travaillons à ce que, depuis ce degré spirituel, tu saisisses l’allusion (ichâra) correspondant à un domaine spécifique. Car chaque domaine a une ichâra qui lui est propre. Ces domaines sont répartis en huit degrés… raison pour laquelle nous parlons de la quatrième lecture. Que veut dire le quatrième secret ? En réalité, il s’agit du quatrième et de son ombre… qui nous donnent huit. Il y a donc huit degrés.

…Alors tu vas nous interrompre et dire que cela n’a aucun rapport avec la Risâla… au contraire ! C’est par cela que tu seras en mesure de séparer (fasl) la Noubouwa, la Risâla et la Wilâya d’une part… et d’autre part, tu pourras lier (wasl) la Noubouwa, la Risâla et la Wilâya. Si tu lies la Noubouwa, la Risâla et la Wilâya, alors tu dis que le messager… le messager quel qu’il soit, et pas forcément sayiduna Muhammad ﷺ… ce peut être sayiduna ‘Issa, sayiduna Moussa, etc. donc tu diras dès lors que ce messager est un saint et un prophète. C’est ainsi que tu établis la Jonction (wasl). Parce qu’effectivement, tout messager est nécessairement un saint et un prophète.
Et tu distingues (fasl) en disant que tel prophète n’est pas un messager, et que tel saint n’est pas et ne sera jamais un prophète. Car de fait, un messager est nécessairement un saint… mais un saint (waliy) n’est pas forcément un messager. C’est comme cela que tu vas apprendre à organiser et classer les choses.

C’est pour cela que le fasl est nécessaire et indispensable, dans le Alif al-mouqaddar. Parce que, qu’est-ce que le Alif al-mouqaddar selon toi ? C’est un trait. Ça, c’est à l’école que tu vois ça… quant au Messager d’Allâh ﷺ, lorsqu’il traça un trait dans le sable… pourquoi le traça-t-il dans le sable ? pourquoi pas sur une pierre, ou sur une planche ? Parce que le Alif est en effet un ensemble de points, d’où les grains de sable. Et ces grains de sable évoluent très rapidement, contrairement au trait inscrit à l’encre qui lui demeure fixe sur son support. Dans le sable, le moindre coup de vent recouvre le trait et l’occulte, nous renvoyant à la réalité cachée, mais dans une certaine mesure apparente, du Alif al-mouqaddar.

Dans le Hadîth connu, le Messager d’Allâh ﷺ, en traçant ce trait, l’initie devant lui et le fait revenir à lui, disant : « Voilà le chemin d’Allâh [2]. », puis il récita le verset : « Voilà ma Voie dans toute sa rectitude : suivez-le donc, et ne suivez pas les sentiers qui vous écartent de sa Voie [3]. » … donc ce chemin qui fut désigné comme étant le chemin d’Allâh, comment est-il apparu ? Par celui qui l’a tracé ! Et qui l’a donc tracé ? Le Messager ﷺ. Cela veut dire que si le messager devient caché… le trait tracé le devient aussi. Ou en d’autres termes : si tu n’atteins pas la connaissance du messager, la risâla s’efface et disparait, de sorte que tu ne peux plus en saisir ni percevoir quoi que ce soit. Parce que si tu renies le messager, tu renies celui qui rapporte la risâla, donc tu renies la risâla. Si en revanche ton cœur s’attache à celui qui a tracé ce trait, alors tu atteindras la risâla.

Le messager ﷺ, est lui-même la risâla… et c’est la raison pour laquelle sa dernière parole fut : al-Rafîq al-a’lâ (le Compagnon Suprême) : si tu réalises son compagnonnage, par sa risâla, alors tu pourras toi aussi dire « al-Rafîq al-a’lâ ». Mais si tu prends le trait sans celui qui l’a tracé, tu n’obtiendras que des illusions, le trait s’effacera pour toi, et tu demeureras sans aucune preuve.

Comment feras-tu donc pour t’ancrer fermement et te préserver de cela ?
Toujours, il te faudra revenir aux sources premières : « Allâh dit :  » et « Le Messager d’Allâh ﷺ dit : « . Dès lors, comment établiras-tu les choses comme étant telles que tu les présentes ?
Non pas par la parole, mais bien par l’auteur de cette parole. Si tu rapportes la parole toute seule, sans son auteur… alors ton auditoire peut douter de la justesse de ton propos. En revanche si tu renvoies cette parole à qui de droit, alors tu établis le propos ainsi que la Haqiqa qui l’accompagne.

C’est pour cela que la baraka de la Science n’est effective que dans la mesure où tu la renvoies à qui de droit. Si au contraire tu prends cette Science et tu te l’attribues à toi-même… le moindre vent qui passera par-là t’effacera, toi et tout ce que tu auras pu dire. En renvoyant les paroles et la Science à qui de droit, Allâh ﷻ t’en donnera la baraka, tu persisteras et tu évolueras dans leur flux spirituel et ésotérique. Il s’agira donc de prendre l’habitude de toujours questionner son cœur sur ce point-là… si toutefois tu es doté d’un cœur.

Disions-nous, ces signes (‘alâma) sont répartis en huit degrés, ou huit allusions, huit signes (‘alâma). En référence à cela, ce signe (‘alâma), dans un Hadîth connu à propos du Jour dernier :
« Demeureront Muhammad ﷺ et sa communauté. Le Seigneur ﷻ Se manifestera alors, Il viendra à eux et leur dira : « Pourquoi n’êtes-vous pas partis comme les gens sont partis ? »
Ils répondront : – Nous avons un Dieu que nous n’avons pas encore vu.
– Et si vous Le voyiez, Le reconnaîtriez-vous ?
– Il y a entre Lui et nous un signe (‘alâma) qui, si nous le voyions, nous Le reconnaîtrions 
[4]. »
Y compris avec le Seigneur, tu as besoin de cette ichâra, de ce signe particulier. Si tu as un signe entre toi et Lui, fais-le donc valoir. Et si tu n’as rien… tu n’as vraiment rien du tout.

Pour le disciple, dans ce voile du fasl, soit il tombe juste, soit il tombe faux. Car en effet, la Science du bâtin a deux directions : le côté Lumineux, et le côté ténébreux. Les djinns et les chayâtin relèvent du domaine de l’inconnaissable (ghayb) eux aussi. S’ils relevaient du domaine du monde perceptible (‘alam al-chahâda), tout le monde les verrait. Au contraire, si certains peuvent effectivement les voir, d’autres ne les voient pas, de sorte que ceux qui les voient ont en ce sens reçu un dévoilement du ghayb dans le domaine des djinns. C’est pour cela que tu dois faire preuve de la plus grande prudence vis-à-vis de cette force ténébreuse.

Les deux côtés sont nécessaires, afin que la Science synthétise et réunisse les deux extrêmes, ou les deux opposés. Dans le cas où le disciple s’en tient à ce qui est juste, c’est-à-dire le signe Lumineux, s’il s’ouvre vers la Qibla, alors il devient du nombre des gens qui ont atteint le degré de réalisation (tahqîq) dans la connaissance ésotérique… ceci bien sûr dans le cas où il ferait de cette ichâra Lumineuse sa Qibla.

C’est pour cela que nous insistons pour que, dans ton dhikr, tu te places dans la direction de la Qibla physique dans un premier temps, puis que tu fasses de cette Lumière ta Qibla. Parce que l’ichâra est l’esprit de la Qibla. Cette Qibla, c’est la Ka’ba ; et la Ka’ba, c’est un ensemble de quatre murs, un sol et un plafond. C’est un symbole, un talsam… quant à la Haqiqa de la Qibla, c’est la Lumière, la force ou l’énergie spirituelle que recèle cette Maison. Et cette Lumière, d’où vient-elle ? De al-bayt al-ma’moûr.
C’est ainsi que tu te mets en lien avec l’esprit de la Qibla, c’est-à-dire al-bayt al-ma’moûr. Si en revanche tu te contentes de te diriger vers les quatre murs, c’est-à-dire vers la Qibla apparente, en oubliant l’esprit de la Qibla… alors ta force spirituelle devient extrêmement faible. Tu as bien une force particulière, mais qui est incomparable à côté de celui qui lie la vision de l’apparent et du caché.

Idem pour le cœur : tu considères que le cœur est un organe, un morceau de chair, un muscle, une pompe… nous ne renions pas ton avis, car tu vois les choses dans leur nature apparente. Si en revanche tu vois le cœur comme un fou’âd, c’est-à-dire un Souffle (nafas) de sayidina al-Mustafa ﷺ : « Certes, vous est venu un messager de vous-mêmes (anfous) [5]. » alors tu réalises que ce n’est pas un simple organe qui porte et est le réceptacle des réalités ésotériques (haqa’iq).

C’est ainsi que tu deviens du nombre des gens de la pleine réalisation spirituelle (tahqîq). Et tu seras alors en mesure de relever les erreurs commises par certains d’entre ceux qui n’auront pas encore atteint le degré de plein ancrage et établissement dans cette Science. C’est-à-dire que lorsque tu reviendras à l’étude des livres des gens d’Allâh, t’apparaîtront ce que nous n’appellerons pas des erreurs… mais plutôt, disons que leurs degrés spirituels (maqam) se révèleront à toi. Tu connaîtras le maqâm de tel waliy, tu sauras depuis quel point de vue il s’exprime. De là, tu ne remettras en question les propos de personne, mais plutôt depuis l’état qui est le tien, tu goûteras et savoureras les sens émanant de tous. Tu boiras à toutes les sources, et ne pourra boire à ta source que celui qui aura atteint le même degré que toi. De cette immense toile d’araignée, tu en marqueras le centre, de sorte que tous les fils partiront de toi… et reviendront à toi.

En revanche, tant que tu n’auras pas atteint ce degré de réalisation, tu considèreras la parole de celui qui parle d’un point de vue similaire au tien comme juste… et tu renieras entièrement celui qui contredira ton avis.


[1] Sourate al-Rahmân, verset 26.
[2] Rapporté par ibn Mâjah.
[3] Sourate al-An’âm, verset 153.
[4] At-Targhîb wa at-Tarhîb
[5] Sourate al-Tawba, verset 128.

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