En quoi consiste la bay’a ?

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و على اله و اصحابه أجمعين

En quoi consiste la bay’a ?

Résumé de l’assise du 9 Février 2018 / Jumu’a 22 Jumada al-ola 1439 [Partie 2] :

La bay’a, c’est un lien (silat), et le Créateur ﷻ dit : « Allâh est la Lumière des cieux et de la terre. Un exemple de Sa Lumière est semblable à une Niche dans laquelle se trouve une Lampe. La Lampe est dans un Cristal, et le Cristal est semblable à un Astre de grand éclat. Son combustible provient d’un Arbre béni, un Olivier ni oriental ni occidental. Son huile semble éclairer (diyâ’) sans que le feu ne la touche. Lumière sur Lumière, Allâh guide à Sa Lumière qui Il veut » [1]
Ici, « Son combustible provient »… il s’agit ici de la Lumière (noûr). Et par la suite « Son huile… » est ce qui te donne la patience « sans que le feu ne la touche » car en réalité, ce résultat doit te parvenir par tes propres efforts dans la Voie, par ta propre aspiration spirituelle (himma), par ton flux ésotérique personnel. Personne ne te donnera cette Force : c’est à toi de la produire toi-même, en accomplissant les awrâd de la Voie.

Par exemple, celui qui fait veille la nuit, il le fait de lui-même. Celui qui jeûne la journée, il le fait de lui-même. Rien n’a été versé en lui pour qu’il jeûne… par contre la Lumière, si : elle a bien été projetée en lui. La Lumière est projetée dans le cœur du serviteur croyant. Et à partir du moment où elle y est projetée, c’est bien qu’auparavant elle ne s’y trouvait pas. Quant à la lueur, c’est-à-dire l’éclat et l’intensité de cette Lumière, c’est toi-même qui dois le provoquer et le faire naître, en faisant bouger et en activant le moustaqarr que constitue ton corps physique.

Voilà pourquoi le Alif al-Mouqaddar implique beaucoup d’actions. De même, le sirât est plus fin qu’un cheveu et plus tranchant qu’une épée… et toi, tu te dois de parvenir à traverser ce sirât. Lorsque sayiduna al-Mustafa ﷺ traça un trait dans le sable et qu’il dit : « Voilà le chemin d’Allâh, suivez-le donc ! »… il n’a pas dit : Voilà le chemin d’Allâh, regardez-le donc, contemplez-le !
Non, il a bien dit : « Suivez-le ! » Or le suivi implique nécessairement le mouvement, l’action. « …Suivez-le donc, et ne suivez pas les sentiers ! » [2] Que sont les sentiers ?
Ce sont tes pensées, tes passions charnelles, et tous les sentiers de ce qui constitue ton entourage. Tu dois donc suivre cette Réalité, jusqu’à ce qu’elle te mène à la Source (manba’) de la Wilâya, d’où tu tireras ta grande nouvelle (naba’ al-‘adhîm), que tu pourras alors traduire et faire apparaître, par l’intermédiaire du moustaqarr (ton corps) que tu auras éduqué et assigné au suivi de ce Chemin.

« Lumière sur Lumière, Allâh guide vers Sa Lumière qui Il veut » : le lien que tu entretiens avec l’Arbre, c’est donc le lien que tu entretiens avec le Créateur ﷻ. A partir du moment où Il guide à Sa Lumière qui Il veut, et à partir du moment où cette Lumière « provient d’un Arbre béni, un Olivier ni oriental ni occidental. Son huile semble éclairer (diyâ’) sans que le feu ne la touche. Lumière sur Lumière… »  c’est donc bien que le lien que tu entretiens avec l’Arbre n’est autre que le lien que tu entretiens avec le Seigneur Lui-même ﷻ. Et de ce fait, ce que tu feras pour ton Seigneur ne sera qu’à la mesure de ce que tu feras pour l’Arbre.

Et Il fit de ce lien (silat) la Lune du Tawhîd, Lumineuse, par l’intermédiaire de laquelle Il guide et fait parvenir à l’état de contemplation. Tu ne peux pas comprendre le sens de « Tawhîd », tu en es complètement incapable, tant que tu n’as pas compris le sens des Noms divins. Et parmi les plus Beaux Noms d’Allâh (asma’ Allah al-husna), si tu en comprends un sans l’autre… nous disons que tu as abjuré [3] (ilhâd) les Noms. Tu ne seras considéré comme faisant partie des gens du Tawhîd qu’à partir du moment où tu auras compris les Noms dans leur globalité, tous ensembles. Parce que le Tawhîd véritable n’est autre que : « Et Il enseigna à Adam tous les Noms » [4]

Quant à toi, tant que tu es dans un état dans lequel tu reconnais un Nom tout en en reniant un autre… ainsi, par exemple, la majorité des gens aiment le Nom al-Rahmân, le Miséricordieux… ils aiment al-Rahîm (le Clément), al-Halîm (le Doux)… mais ils renient al-Dârr (Celui qui pourvoit en mal), al-Qahhâr (Celui qui soumet toute créature), parce qu’il s’agit là de Noms de Jalâl : des Noms que la nafs va fuir par tous les moyens. Cela constitue une abjuration (ilhâd) et un état de mécréance vis-à-vis des Noms divins. Allâh ﷻ dit : « C’est à Allâh qu’appartiennent les Noms les plus beaux, invoquez-Le donc par eux, et laissez ceux qui les abjurent : ils seront rétribués pour ce qu’ils ont fait. » [5] « Invoquez-Le donc par eux », c’est-à-dire invoquez-Le par l’ensemble de tous Ses Noms, et non pas par certains Noms à défaut des autres !

Voilà pourquoi, dans cette Tariqa bénie, nous travaillons sur al-Ism al-Jâmi’. Et que veut dire al-Ism al-Jâmi’ ?
Le Nom Allâh est en lui-même Jâmi’ (Réunissant) de l’ensemble de tous les Noms divins. Et jamais au grand jamais nous ne donnons un Nom d’entre les Beaux Noms, sans le faire précéder par le Nom divin « Allâh », faisant de ce Beau Nom ce que l’on appelle Ism al-Ism. C’est-à-dire que tu dois commencer par entrer par la Porte de « Allâh », par la Porte du Nom divin te permettant de parvenir à la Connaissance du Nommé, et après cela tu partiras en siyâha (spirituelle) dans l’un de Ses Noms. Mais surtout, jamais n’oublie que tu dois entrer en premier lieu par le Nom qui les réunit tous et indicateur de l’Essence : Allâh (ou bien par le Nom al-Rahmân). Car si tu venais à entrer directement dans l’un des Beaux Noms, quel qu’il soit, c’est alors comme si tu avais abjuré les Noms divins.

Nous disions : Il fit de ce lien (silat) entre l’individu et l’Arbre Béni une Lune du Tawhîd, Lumineuse, par l’intermédiaire de laquelle Il guide et fait parvenir à l’état de contemplation. Et de même que la Lune a plusieurs phases, plusieurs stations, plusieurs étapes… il en est de même pour le cheminement spirituel. C’est pour cette raison que tu viens et tu dis, niaisement : « elle apparaît et disparait ! Elle bouge ! »
Sois sérieux un petit peu, ce n’est pas un jeu ! Le fait qu’il bouge, cela veut dire qu’il passe d’une station vers une autre ! Et qui est-ce qui bouge, qui est-ce qui passe d’une station vers une autre ? C’est toujours pareil : tu passes ton temps à désigner autrui, et tu t’oublies toi-même ! « Il bouge, il se déplace, il apparaît, il disparaît… » Pourquoi ne te dis-tu jamais plutôt « C’est moi qui disparais… c’est moi qui bouge » Pourquoi ne te dis-tu jamais qu’il est fixe, et que c’est toi qui es en mouvement !? Tu lui attribues le mouvement… et à toi-même, encore et toujours, tu t’attribues l’établissement, fixe et ferme, inébranlable ! Systématiquement, tu te vois et tu te considères comme étant au sommet. Toujours, tu estimes que c’est toi le Waliy… Pourquoi ne considères-tu jamais que c’est toi l’hypocrite, le mécréant, l’éloigné !?

Allâh t’a gratifié de la vision de la Lune, mais encore faut-il que tu bouges, si tu veux parvenir à Lui !
Ce mouvement et ce déplacement n’ont en vérité fait bouger que ta nafs et ton intellect, depuis une station vers une autre. C’est ainsi que tu es devenu un cheminant, et c’est bien là le sens de « suivez-Le donc ! »… cette Lune est resplendissante, elle éclaire le chemin sur lequel tu avances en t’efforçant d’accomplir ce qu’il t’est demandé d’accomplir. Tu sais ainsi d’où tu pars, et vers quoi tu te diriges. Tel est le cheminement véritable. Car la Lune est là pour te guider, de même que les étoiles : « Et au moyen de l’Etoile, les gens se guident » [6]

Il ne s’agit pas de voir les étoiles et de les voir seulement, de les considérer simplement comme des images qui défilent ! …et puis tu viens nous mettre ça sur facebook… avec un petit commentaire « SubhânAllâh, ce qu’Allâh a créé… ». C’est bon, ça on connaît tous !

Déjà, commence par étudier sérieusement l’astronomie de ces étoiles, jusqu’à pouvoir au minimum établir et déterminer ton orbite à toi, dans cet univers… C’est à partir de là qu’on pourra considérer que tu te guides au moyen des étoiles. Il ne s’agit pas de regarder, passivement… puis faire une capture d’écran en disant « Ah, aujourd’hui elle est vraiment mashaAllâh ! »
Tu ne sais même pas faire la différence entre les étoiles… et ce que tu appelles l’étoile, tu ne sais même pas dire si elle fait partie de ta galaxie, ou bien d’une autre galaxie… Alors que dire de la Lune du Tawhîd qui est apparue dans ton cœur !?

Quant à sayiduna Ibrâhîm (‘alayhi s-salâm), « Lorsque la nuit l’enveloppa, il vit un astre (kawkab) et dit : « Voilà mon Seigneur ! » » Il n’a pas dit « Voilà une étoile », mais bien « Voilà mon Seigneur ! » parce qu’il avait parfaitement compris ce qu’il avait à comprendre de ce cheminement intérieur (bâtin) dans la Vision de l’Astre du Tawhîd menant à la Connaissance de la Seigneurie. Il dit donc : « Voilà mon Seigneur ! » Puis, lorsqu’il disparut, il dit : « Je n’aime pas les choses qui disparaissent » » [7] Mais, en vérité… qui a disparu ?

C’est Ibrâhîm (‘alayhi s-salâm) ! Ce n’est pas l’astre dans le ciel qui a disparu ! Comment la lune pourrait-elle apparaître et disparaître dans la même nuit ? C’est impossible ! La Lune est et demeure telle qu’elle est, jusqu’au lever du soleil. Ça, c’est dans le cas où l’on concevrait un cheminement par cette lune qui se trouve dans le ciel… Quant à la Lune de la Khalwa, la Lune du cœur, la Lune de noûr… elle ne disparaît que pour laisser apparaître le Soleil : « Lorsqu’ensuite il vit le Soleil se levant, il dit : « Voilà mon Seigneur ! Celui-ci est plus grand ! » » [8] quant au soleil physique qu’on a l’habitude de voir… de même que toi, sayiduna Ibrâhîm (‘alayhi s-salâm) avait l’habitude de le voir tous les jours, et ce depuis que sa mère l’avait mis au monde ! Depuis qu’il est né, il voit le soleil, la lune et les étoiles dans le ciel… Par contre, le Soleil de la Khalwa, c’était la première fois qu’il le voyait ! C’est pour cela qu’il s’est écrié : « Voilà mon Seigneur ! ».

Il ne s’est pas changé subitement en un adorateur du soleil physique ! Ça, c’est la reine de Saba’, Balqîs… c’est elle qui adorait le soleil ! Et si tu t’imagines que sayiduna Ibrâhîm a dit « Voilà mon Seigneur ! » pour les astres qu’il voyait, comme tout un chacun, dans le ciel au-dessus de sa tête… alors c’est que tu as établi son maqâm comme étant le même que celui de Balqîs, avant qu’elle ne rentre en Islâm avec sayidina Sulaymân (‘alayhi s-salâm). En d’autre termes, tu auras commis une ignominie comme personne n’en a commis avant toi. Allâh ﷻ a fait des Prophètes et des Messagers des Hommes infaillibles. Jamais ils n’ont associé quoi que ce soit à Allâh. Ils ont toujours été des gens du Tawhîd. Mais toi… tu as qualifié sayiduna Ibrâhîm d’associateur (mouchrik). Ou autrement dit : tu n’as absolument rien compris de ces versets.

Pourquoi sayiduna Ibrâhîm rapporte tout d’abord la vision de l’Astre, puis de la Lune, puis du Soleil ?
C’est pour te donner le Hadîth de sayidina al-Mustafa ﷺ, mais dans son époque à lui : « La prière est Lumière (noûr), la patience est une lueur (diya’), et l’aumône est une preuve (bourhân). » [9] Le message est le même, simplement ici, il te le donne dans une autre version. Il te transmet la même chose, mais au travers d’allusions. Il te le donne par le moustaqarr de la Noubouwa, et te transmet ainsi la grande nouvelle (al-naba’ al-‘adhîm). Donc toi de même : si tu vois le Soleil, c’est que tu dois faire preuve de patience et d’endurance (sabr). Si tu vois la Lune : tu fais partie des gens du Tawhîd. Et si tu vois l’Astre : c’est pour toi une preuve (bourhân) et un signe. Travaille donc, selon ce qui te parvient du naba’ al-‘adhîm !

Allâh ﷻ fit de cette bay’a un bourhân, elle constitue une sadaqa pour le disciple, un signe et une preuve du fait que tu aimes Allâh et Son Messager ﷺ.
Comme nous l’avions déjà mentionné, Allâh ﷻ dit : « Prélève de leurs biens une sadaqa par laquelle tu les purifies et les bénis, et prie sur eux. Certes, ta prière est pour eux une quiétude. Et Allâh est Audient et Omniscient. » [10]
Et à propos de ce verset, Ahmad ibn ‘Ajîba (rahimahullâh) dit :
« Le fait que le Shaykh prenne des biens de leurs disciples est une cause de leur enrichissement et de l’élargissement de leur état, aussi bien dans le domaine exotérique qu’ésotérique. »

Lorsque le Shaykh prend des biens du disciple, quel va être le résultat pour le disciple ?
Le disciple va devenir riche ! Et si le Shaykh veut que son disciple reste pauvre… lorsque ce dernier vient lui présenter un cadeau, le Shaykh lui répond : « Non, je ne peux pas me permettre de prendre de toi quoi que ce soit. »
Et là, le disciple se dit « Ah.. le Shaykh est vraiment intègre et pudique ! Il ne prend rien du tout… »
Alors que non, il n’a fait en réalité que te pousser vers un état d’indigence et de pauvreté. S’il prend de toi, alors bonne nouvelle pour toi. Et s’il ne la prend pas de toi… n’espère pas obtenir quoi que ce soit.

Si tu vas et donne une sadaqa de 1 dirham à n’importe qui, tu en obtiens une Hassana d’une valeur équivalente ou jusqu’à 10 fois plus, et Allâh multiplie pour qui Il veut. Que dire alors si tu vas présenter cette sadaqa à la Source (manba’) de la Wilâya ? Qu’est-ce qu’on va pouvoir te dire, qu’est-ce que tu vas recevoir en retour… ? En vérité, tu ne peux pas établir ce que tu vas recevoir en retour, parce que c’est purement incomparable.

Voilà pourquoi sayiduna Abou Bakr as-Siddîq (radiAllâhu ‘anhu) a simplement dit : « Je leur ai laissé Allâh et Son Messager. » Parce qu’il savait qu’en retour il obtiendrait l’absolu tout entier, de même que le confinement tout entier : Allâh, sans début ni fin… et le Messager d’Allâh ﷺ, l’exemple suprême. Voilà ce qu’a obtenu sayiduna Abou Bakr as-Siddîq. Quant à sayiduna ‘Omar, il a obtenu la moitié. Peut-on dire qu’il ait pris la moitié de la Seigneurie (rouboubiya) ? Bien sûr que non… mais plutôt, on dit qu’il est encore dans son cheminement, dans une station spécifique de la Lune, et il va vers la pleine Lune du Tawhîd. Et cette Lune, l’intensité de sa lueur (diyâ’) est à la mesure de son degré de réalisation. Voilà pourquoi, lorsque ‘Omar est rentré chez lui, il a trouvé la moitié de ses biens. Dès lors, son cœur est devenu partagé entre d’une part, la moitié de ses biens, et de l’autre : Allâh et Son Messager ﷺ. Quant à sayiduna Abou Bakr, il a vidé son cœur tout entier, de sorte qu’il put accueillir Allâh et Son Messager… car Allâh est Jaloux (ghayoûr)…

Lorsque Allâh veut rendre riche quelqu’un de pauvre (faqîr), Il le soumet à un Waliy qui prendra son argent… ou bien, le Shaykh ordonnera à son disciple de lui donner cet argent. C’est-à-dire, lorsque le Shaykh vient à toi et te dit « donne moi… », c’est contraint et forcé, cela ne dépend pas de ton bon-vouloir. Cela veut dire que le Seigneur ﷻ a voulu pour toi un bien. Parce qu’en échange, que reçoit le disciple ? La prière (salât) et la quiétude (sakîna)… et évidemment, la prière (salat) des Shouyoûkh sur leurs disciples est pour eux quiétude, noûr et diyâ’.

…La prière du Shaykh sur le disciple est Lumière… et s’il n’en était pas ainsi, tu ne l’aurais pas vue toi-même, alors que tu prenais bay’a. Il prie sur toi, et alors te parvient ce flux Lumineux dans ton cœur, et avec lui la quiétude, la dévotion et la remise en la Présence divine. Tu n’es pas contraint à cela, dans l’absolu… mais à partir du moment où tu as reçu le signe et la preuve évidente, c’est comme si tu n’avais pas d’autre choix.

La Lumière (noûr) de la bay’a est un don (hiba), un lien (silat) et une jonction (wasl), dans un premier temps… puis, elle est patience et endurance (sabr), lueur (diya’), par les efforts fournis dans la Voie, et par la négation des passions charnelles de la nafs. Puis, elle est une preuve (bourhân), un état de pureté, une purification et une occultation. Voilà un résumé de ce qu’est la bay’a.

La bay’a est d’abord et avant tout noûr ! S’il n’y a pas de noûr, il n’y a pas de bay’a. Et la Lumière qui accompagne cette bay’a est un don (hiba) : ce n’est pas toi qui a fourni des efforts et qui a mérité cela. Tu n’as pas reçu cette Lumière après avoir fourni des efforts, non. C’est un don, comme la Lune dans le ciel. Tu n’as rien fait pour que la Lune vienne t’éclairer… La Lune apparaît dans ses phases pleines les jours 13, 14 et 15. Si tu ne vois que le début de la Lune, alors jeûne… ou rompt le jeûne. Et si tu vois la Lune entière, jeûne aussi… Jeûne, si ce que tu veux c’est véritablement fournir des efforts dans la Voie. Et il ne s’agit pas ici de jeûner pour t’imposer et te contraindre par la faim ! Non, plutôt, jeûne dans le sens : prive-toi des désirs et des passions de la nafs.

Concernant cette bay’a, sa Lumière est un don, un lien et une jonction. Puis, elle est patience et endurance (sabr), lueur (diya’), par les efforts fournis dans la Voie, et par l’abstraction des passions charnelles de la nafs. Puis, elle est une preuve (bourhân), un état de pureté, une purification et une occultation.

C’est pourquoi nous disons de la Voie que son début est folie (jounoûn)… pourquoi folie ? Tu vois la Lumière comme ça, d’un seul coup, et tu deviens fou. Tu te demandes comment cela t’est-il venu !? …son milieu est un art (founoûn)… parce que tu commences à établir un lien avec le monde du Malakoûte, et de cela tu tires effectivement un art, dans ta manière de comprendre les versets du Coran …et sa fin est quiétude (soukoûn)… c’est-à-dire occultation et dissimulation, observation du silence. Car, à ce moment-là, si tu te mettais à parler, tu aurais comme le ressenti de commettre du chirk. Tu te dis que puisque tu n’as aucune existence propre, alors tu te dois de rester complètement immobile (soukoûn). Et alors, plutôt que de voir les gens te chercher, tu te mettras à te chercher toi-même.

Le cheminant commence alors à recevoir des symboles, des sciences, des Noms, des Attributs, et des compréhensions, provenant de cet Arbre béni que ni le temps ni l’espace ne sauraient contenir. C’est bien là toute la grandeur de la Source de la Wilâya : tu ne peux pas l’indiquer en la confinant à quoi que ce soit. Et notre Seigneur dit à son sujet : « ni oriental ni occidental » [11], ce qui veut dire que ni le temps ni l’espace ne la contiennent. Tu ne peux l’établir nulle part, dans aucune époque, et à aucun endroit particulier.

Ainsi, ceux pour qui se réalisa pleinement cette bay’a comprirent son langage et son naba’ : ils furent en mesure de circuler dans ses différentes branches, de cueillir de ses fruits, de profiter de l’ombre de son feuillage, se réalisant ainsi dans la Parole divine : « Allâh a certes agréé les croyants qui te prêtent serment d’allégeance (bay’a) sous l’Arbre. » [12] Note bien que l’Arbre est toujours élevé, et tu y viens toujours par le bas. Si tu prends de ses fruits, tu restes sous l’Arbre. Si tu suis ses branches, tu restes sous l’Arbre. Si tu profites de son ombre, tu restes sous l’Arbre… tu viens toujours dans un état spirituel qui veut que tu sois en dessous. Voilà pourquoi je dis dans un poème :

« Monte à moi par la descente : il s’agit là du fondement des fondements »

Si tu descends, tu seras élevé spirituellement. Et si tu entends approcher par un autre moyen, jamais tu ne parviendras à quoi que ce soit.

Si le disciple travaille à l’acquisition de la lueur (diyâ’), alors il sera en mesure de traduire ces sciences et de les faire descendre dans le Moulk… si toutefois cet état de pureté venait à gagner son moustaqarr. C’est-à-dire qu’il s’agit de faire en sorte que la pureté du cœur s’unifie à la pureté de l’ouïe, de la vue et de la langue… et c’est bien là le sens de « Ô Allâh, place dans mon cœur de la Lumière, dans ma vue de la Lumière, dans mon ouïe de la Lumière, dans ma langue de la Lumière ». Et cela demande un état d’éveil total : tu ne peux plus te permettre de tomber en état d’insouciance. A partir du moment où tu es en train de travailler sur un signe (ichara) particulier, et à partir du moment où cette ichara te parvient, sayiduna ‘Ali (karramAllâhu wajhah) te dit : Tu ne dois jamais te séparer de ton crayon. Pour pouvoir prendre note des dons du Miséricordieux. Quand le tajalli te parvient, tu dois en prendre note dans l’instant, parce que ce qui te parvient maintenant ne reviendra jamais une deuxième fois de la même manière que la première.

C’est donc grâce à un état de total éveil des cinq sens que tu seras en mesure de traduire et faire descendre ces Sciences, ces symboles, ces formes, pour les stocker dans ton cerveau. Et si tu vois des choses mais que tu n’es pas capable de les traduire et de leur donner forme dans le monde physique, c’est que tu n’as aucune Science. Si tu n’es pas capable de rapporter cette Science et de la faire descendre dans une forme physique claire : tu n’as aucun Savoir. Il ne s’agit donc pas seulement de voir. Au départ, oui, le but c’est d’atteindre la vision (mouchâhada)… mais par la suite, il s’agit de cheminer par cette mouchâhada, et cheminer, c’est apprendre à faire descendre cette mouchâhada dans une forme apparente du Moulk.

Ou dit autrement : ton but premier est de parvenir à la Source du Jabaroûte et de te fondre et disparaître entièrement dans cette Source de la Wilâya. Après quoi, il s’agira pour toi de revenir au Malakoûte, c’est-à-dire au moustaqarr de la Noubouwa, d’où tu iras puiser les Sciences ésotériques. Et enfin, il te faudra faire descendre ces Sciences dans le Moulk, afin qu’elles soient un bienfait et un bénéfice pour toi, pour nous, et pour l’ensemble des musulmans.

La Science véritable, c’est donc ce que tu prends de la Lumière, puis que tu gardes sous forme traduite, soit dans ta mémoire, soit dans une forme matérielle. C’est cela, la Science ! C’est à propos de cela que l’Imam as-Shâfi’i (rahimahullâh) dit :

« La Science est une Lumière, et la Lumière d’Allâh n’est pas donnée au pécheur. »

La Science, ce n’est pas un polycop que tu ranges sur ton étagère, la philosophie, ou les sciences que tu étudies à l’école… SubhânAllâh qu’est devenue la science aujourd’hui : la hawla wa la quwata illa billâh !

Ramenez-nous un scientifique qui aurait produit quelque chose… allez, ramenez en un… même les recherches qui sont faites dans les universités, ce n’est que de la mémorisation et de la restitution de connaissances. Mêmes si tu étudies les mathématiques, ce ne sont que des théorèmes que tes maîtres ont fait, que tu mémorises et que tu restitues… et on te considère comme un mathématicien. Ramenez-nous un mathématicien qui a établi un nouveau théorème, quelque chose de nouveau… En vérité, tu n’es rien de plus qu’un disque dur : tu mémorises, et tu restitues.

C’est comme pour le Coran : au lieu de le comprendre, tu l’as mémorisé, puis tu t’es mis à le répéter… et on t’a appelé faqih. On en est arrivé là… un état de routine et de stagnation totale. SubhânAllâh. Pourquoi tout ça ?
Branche-nous un enregistrement audio et qu’on écoute, puisqu’il ne s’agit de rien d’autre… Puisque tu ne fais qu’entendre, puis répéter, entendre, puis répéter…

Non ! Produis-nous quelque chose toi-même !
Mais pour produire quelque chose… encore faudrait-il que tu aies cette base dont nous parlons ! Tu ne pourras jamais rien produire de nouveau sans cela : tu dois avoir de la Lumière (noûr) dans ton cœur ! Puis, tu dois accomplir des actes pour en obtenir la lueur (diyâ’), afin que t’apparaissent les sens profonds dans le Malakoûte, puis que tu sois en mesure de les traduire dans le Moulk, dans des formes physiques et concrètes. Dès lors, on considèrera que tu es détenteur de Sciences, de compréhensions, que ton cerveau recèle toutes ces Sciences… et c’est alors qu’on pourra te désigner comme étant un Savant, quelqu’un qui, comme l’a dit sayiduna ‘Ali (karramAllâhu wajhah) : « Lorsqu’il parle, il te mène à Allâh. » Tel est le ‘Arif : lorsqu’il parle, il te mène à Allâh ! Et si tu le vois, tu évoques Allâh. Pourquoi dit-on cela ?
Toi, évidemment, tu vas nous expliquer cela en disant « Oui, quand tu le vois, tu évoques Allâh parce qu’il te donne une image de l’Islam et… » Mais non, enfin !
Quand tu le vois, tu évoques Allâh, parce que tous ses états sont bâtis sur un Ordre du Malakoûte descendant dans le Moulk. Dès lors, forcément quand on le voit, on s’élève spirituellement ! Par un simple regard, on s’élève. Et s’il parle, il te transmet des règles, des fondements, des développements, des preuves qui te prennent et te transportent vers la Présence du Seigneur ﷻ.

Voilà pourquoi le Messager d’Allâh ﷺ dit : « Nul d’entre vous ne sera croyant tant que je ne serais pas plus aimé de lui que ses parents, que ses enfants, et que l’ensemble de tous les gens. » [13]
Et Il dit ﷺ dans un autre Hadîth : « Nul d’entre vous ne sera croyant tant que ses penchants n’iront pas naturellement dans le sens de ce avec quoi je suis venu. » Et al-Imân est la plus grande de toutes les Sciences. Parce que qu’est-ce que va te donner al-Imân ?
Al-Imân c’est de croire en Allâh, en ses anges… si tu as la Science des anges… et en ses Livres, toute la Science des Livres… et en ses Messagers… la Science des Messagers… et en le Jour dernier, avec ce que le destin comprend de bon et de mauvais : la Science du futur, et on parle ici du véritable futur, non pas ce futur que nous vivons ici-bas… nous parlons du futur dans sa dimension éternelle. C’est ça la Science véritable ! Dans quoi verrais-tu une autre Science !?

Et dans un autre Hadîth relaté par Anas, le Prophète ﷺ s’adressa un jour à un jeune parmi les Ansâr : « Comment te portes-tu ce matin ô Hâritha ? »
Celui-ci répondit : « Je suis devenu un croyant véritable en Allâh. »
Il dit ﷺ : « Attention à ce que tu dis, à toute Vérité son authentification ».
Il répondit : « Ô Messager d’Allâh, je suis las de ce bas-monde, je me prive de sommeil la nuit et de boire la journée… » Ici, nous voyons qu’il parle des efforts accomplis en vue de parvenir à la lueur (diyâ’), après quoi il parle de Lumière (noûr) et dit « et c’est comme si le Trône (‘arch) de mon Seigneur m’apparaissait clairement » Et après cela, il dit : « et c’est comme si je voyais les gens du Paradis s’y rendre visite, et les gens de l’Enfer y imiter l’aboiement des chiens… » C’est ici que commence la descente et la traduction des images du Malakoûte dans le Moulk. Et à cela, le Messager d’Allâh ﷺ n’a pas répondu : « Ô Hâritha, tu as transgressé et outrepassé les limites ! » Non, plutôt il dit ﷺ : « Tu as atteint la Connaissance, demeures donc là où Allâh t’a placé. Voilà un croyant dont Allâh a illuminé le cœur ». C’est-à-dire demeure dans ce maqâm, ce degré spirituel qui est le tien, et ne t’en sépare jamais. Il ne lui a pas défendu de raconter et faire part de cela, comme l’expliquent certains par rapport à ce Hadîth… non, car dans ce cas on devrait considérer que sayiduna Hâritha a trahi l’ordre Prophétique, puisque le Hadîth continue d’être rapporté jusqu’à nos jours.

Et enfin, dans un dernier Hadîth le Messager d’Allâh ﷺ dit : « Ô gens, j’ai laissé parmi vous ce que, si vous vous y attachez, vous ne vous égarerez pas : le Livre d’Allâh, et l’élite (‘itra) des gens de ma maison. »… et ce Hadîth a été reconnu authentique (Sahîh) par al-Albâniy ! Pourquoi mentionne-t-on al-Albâniy ?
Parce que de nos jours, si on ne mentionne pas l’avis de al-Albâniy, le Hadîth est considéré comme douteux. Pour que les gens croient et aient confiance en l’authenticité du Hadîth, il faut mettre un trait en dessous et préciser que al-Albâniy l’a authentifié.

Ce Hadîth, nous l’avons ramené ici pour ce qu’il fait mention de la ‘itra (l’élite) de âl al-bayt, c’est-à-dire l’Arbre. Celui donc qui prend bay’a de l’Arbre, obtiendra de ce dernier la Lumière (noûr), la lueur (diyâ’) et la preuve (bourhân). Son cheminement se fera dans la compréhension et dans la descente de ces Sciences divines dans le moustaqarr de la Noubouwa, l’Etoile de la Noubouwa fluera dans son cœur, cette Etoile qui n’est autre que l’Etoile de sayidina al-Mustafa ﷺ, et au sujet de laquelle notre Seigneur ﷻ dit : « Par l’Etoile lorsqu’elle descend, votre compagnon ne s’est pas égaré ni n’a été induis en erreur » [14] Donc si l’Etoile de sayidina al-Mustafa ﷺ apparaît dans le cœur de celui dont Allâh voudra du bien, cette personne ne sera plus sujette à l’égarement, de quelque manière que ce soit : elle sera du nombre des gens de la guidée et de la compréhension des Sciences divines et ésotériques. Il laissera une trace durable dans ce bas monde, son corps sera un réceptacle (moustaqarr) pour ces Sciences, et il travaillera à faire apparaître dans le monde physique ces Sagesses cachées.

Nous arrêterons ici, et pour conclure, sachons que le moustaqarr de la Noubouwa ne vient qu’avec et par les efforts, et en aucun cas par la fuite de ces derniers, le silence et l’oisiveté. Ce moustaqarr a besoin d’un mouvement perpétuel afin de suivre et se conformer à la Voie d’Allâh et de Son Messager ﷺ.


[1] Sourate al-Noûr, verset 35.
[2] D’après ‘Abdallah Ibn Mas’oud (radiAllâhu ‘anhu), le Prophète a fait pour nous un trait sur le sol puis il a dit: « Ceci est le chemin d’Allah ». Puis à sa gauche et à sa droite il a fait des traits et a dit: « Ceci sont les sentiers. Il y a à chacun d’entre eux un Chaytan qui appelle à ce sentier » puis il a récité le verset : « Et voici Mon chemin droit, suivez-le donc… » [Rapporté par Ahmed]
[3] Abjuration (ilhâd) : incroyance, abandon d’une religion, d’une partie, d’une doctrine.
[4] Sourate al-Baqara, verset 31.
[5] Sourate al-A’râf, verset 180.
[6] Sourate al-Nahl, verset 16.
[7] Sourate al-An’âm, verset 76.
[8] Sourate al-An’âm, verset 78.
[9] Rapporté par Muslim.
[10] Sourate at-Tawba, verset 103.
[11] Sourate al-Noûr, verset 35.
[12] Sourate al-Fath, verset 18.
[13] Rapporté par al-Boukhariy et Muslim.
[14] Sourate al-Najm, versets 1 et 2.

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