بسم الله الرحمن الرحيم
و الصلاة و السلام على أشرف المرسلين
و على اله و اصحابه أجمعين
La Science ne vaut que par sa mise en pratique
Résumé de l’assise du 6 Juillet 2018 / Jumu’a 22 Chawwâl 1439 [Partie 1] :
Nous revenons à la Lecture du lam al-qabd, ou lam al-‘ishq, par le Alif indicateur de l’Unicité du Créateur ﷻ. Et après avoir traité des degrés que sont le manba’ (source) de la wilâya et le moustaqarr (réceptacle) de la noubouwa, nous nous pencherons à présent sur le athar (trace) de la risâla. A ce titre, sayiduna al-Mustafa ﷺ traça un jour un trait dans le sable… « Le Messager d’Allah ﷺ traça un trait (sur le sol), puis il traça à la gauche et à la droite du trait principal d’autres traits, et dit : « Voici le Chemin droit d’Allâh, et ceux-ci sont les sentiers. Sur chaque sentier se trouve un Shaytân qui appelle à lui ». Puis il récita le verset : « Et voici mon Chemin droit » [1]. » Ce trait tracé fut un athar (trace) du Prophète ﷺ, et c’est de là que nous parlons, dans cette série de cours, du « athar » de la risâla, car nous ne pouvons pas traiter de la risâla selon sa Haqiqa première, que nul en dehors du Prophète ﷺ ne saurait véritablement cerner.
A titre d’exemple, si nous regardons ce bas-monde comme étant un Océan, alors le corps de l’individu devient tel une embarcation voguant dans cet Océan. Quant aux actes, ils sont ce qui permet à l’embarcation d’avancer, de voguer vers ses objectifs… sachant qu’il n’est nul objectif en dehors d’Allâh ﷻ. Etant donné que ce bas-monde est tel un Océan noir et obscur, ténèbres entassées les unes sur les autres, le corps de l’individu devient l’arche de sayidina Noûh, pour celui à qui Allâh aura accordé le salut, par l’athar de la risâla, grâce auquel il aura poursuivi son but : la Présence divine. Quant à la Science, elle constitue la provision dont a besoin le voyageur dans le périple qui le mènera jusqu’à son Seigneur.
Le voyageur doit magnifier son But au-delà de toute autre chose, plus encore que la Science et les actes. Il s’agira donc de ne pas faire prévaloir la Science et les actes sur le But, qui est la Connaissance du Créateur ﷻ. Si tel était le cas, l’individu irait directement à sa perte, sans même s’en rendre compte. C’est la raison pour laquelle tu remarqueras que celui qui s’est causé beaucoup de tort à lui-même, celui qui a commis beaucoup de péchés… et nous parlons de nous-mêmes avant de faire allusion à qui que ce soit d’autre… parce que quand quelqu’un a fait une action, par exemple lorsqu’il a veillé une nuit dans le dhikr, ou lorsqu’il a jeûné une journée, il s’imagine tout de suite qu’il est quelqu’un d’exceptionnel, et que personne ne l’a égalé. S’il fait une sadaqa, même chose. Un seul instant dans lequel il entendrait se rapprocher du divin suffit à lui faire oublier s’un seul coup tout ce qu’il a pu commettre de mal contre lui-même dans le passé.
Il vaudra donc mieux pour lui enseigner à sa nafs à ne pas s’en tenir à ce qu’il a pu réaliser comme actions ou atteindre comme Science. Car lorsque l’individu apprend quelque chose, il le fait dans le but de pouvoir le répéter et le retransmettre. L’objectif de son apprentissage est qu’on le désigne et qu’on parle de lui comme étant un savant, ou un étudiant, ou quelque chose de ce genre… au lieu d’en faire un moyen de parvenir au But, à savoir la Connaissance d’Allâh ﷻ. Il existe ainsi des gens qui ont appris des choses, mais qui ont tenu cela secret, de crainte de tomber dans ce qui déplaît au Seigneur ﷻ, ou encore d’être touchés par une maladie intérieure. Mais ces gens sont très peu nombreux. Ce sont des gens choisis et élus d’Allâh. Ils sont repliés sur eux-mêmes, silencieux, ils font très attention à tout ce qui peut sortir de leurs bouches.
Ce groupe de gens est vraiment très restreint, pour la simple raison qu’il s’agit là de ce que les gens d’Allâh désignent et considèrent comme étant l’aboutissement du cheminement spirituel. Et comme le dit l’adage soufi : « Le début (de la Voie) est folie, son milieu est art, et sa fin est immobilité (soukoûn). » Le soukoûn vient du soukoût (fait de garder le silence). Lorsque l’individu accède à cet état d’apaisement, il n’a plus aucun mouvement. Mais cet état de sakîna ne vient évidemment qu’après s’être fatigué par de nombreux mouvements. Une fois parvenu à cet état, il se voit incapable de tout mouvement et de toute parole.
Mak-hoûl relate, selon ‘Abdullâh ibn Ghanam, dix compagnons du Messager d’Allâh ﷺ ont rapporté : « Nous étudiions la Science dans la mosquée de Qubâ [2], lorsque vint à nous le Messager d’Allâh ﷺ et nous dit : « Apprenez ce que vous voulez apprendre de la Science, car Allâh ne vous en récompensera pas tant que vous ne l’aurez pas mis en pratique. Certes, la motivation des Savants réside dans le soin et l’attention qu’ils prêtent (à la religion), tandis que la motivation des faibles d’esprit réside dans l’accumulation des narrations. » » Prends de la Science ce que bon te semblera… tu n’obtiendras la récompense de cette Science que et uniquement dans la mesure où tu mettras en pratique ce que tu as appris. Et dans le cas où effectivement tu appliquerais ce que tu as appris, et si tu agis avec sincérité (ikhlâs), ce sera pour toi comme un pont par lequel tu accèderas à la Présence divine.
C’est pour cela que la science aujourd’hui n’est plus que livresque. Ce ne sont que des diplômes, personne ne se soucie de la pratique. L’individu travaille, travaille, travaille… pour au final obtenir un morceau de papier avec son nom écrit dessus. Il s’écrie alors : « J’ai obtenu mon diplôme… j’ai obtenu mon doctorat. » alors qu’en vérité, si on se penchait sérieusement sur son cas, on constaterait qu’il ne maîtrise même pas ce domaine scientifique auquel il a pourtant consacré des années d’études. Quel fut l’intérêt de tout cela, de toutes ces années d’études et de sacrifices… pour un tel résultat ?
La Science accumulée sans mise en pratique n’a pas plus d’importance que le cahier dans lequel on consigne des informations. C’est en mettant en pratique son savoir que le Savant donne véritablement son droit à la Science.
Si l’individu a acquis une certaine Science qu’il transmet aux gens au travers de cours, de rappels, de conférences, etc… mais sans lui-même mettre en pratique cette Science… il est alors semblable à un cahier. Le cahier ne tire aucun profit de ce qu’il peut contenir comme informations. Celui qui tire profit de son contenu, c’est celui qui a appris la Science. Si donc l’individu étudie la Science sans la mettre en pratique, il est semblable au cahier. C’est-à-dire qu’il est le détenteur d’informations, de connaissances ésotériques, de saveurs spirituelles… il en parle et en fait de beaux discours, mais n’a rien pour lui. Est-ce que le livre peut se mouvoir et agir ? Non, et cette personne de même, il ne fait rien. Ils sont donc tous les deux égaux. La distinction ne se fait qu’au travers de la mise en pratique de ce que tu sais. Et si tu mets en pratique ce que tu sais, Allâh t’enseignera ce que tu ne sais pas.
Dans cette mesure, la Science devient une Science lillâh (pour Allâh), un lien qui te rapproche de Son adoration. Sufyân at-Thawri (rahimahullâh) dit : « La Science sollicite l’action et ne demeure que dans la mesure où cette dernière lui répond. Dans le cas contraire, la Science disparaît. » Que veut dire que la Science disparaît ?
C’est que son détenteur en est dépossédé (salb).
Le niveau de ta Science dépend donc de ton niveau d’action. Quand bien même tu n’aurais saisi de la Science qu’une petite partie, encore faudrait-il la mettre en pratique. Si tu appliques cette Science que tu as, alors Allâh ouvrira ta vision intérieure (basîra) et ton intellect, Il élargira ton cercle de perception, et tu deviendras un enseignant. Tu commenceras à raconter et diffuser cette Science, sans même en avoir conscience.
Donnons un exemple : le Hadîth de sayiduna al-Mustafa ﷺ nous dit : « A partir du dernier tiers de la nuit, notre Seigneur descend au ciel le plus proche de la terre et dit : « J’exauce les invocations de celui qui M’invoque, Je donne à celui qui Me demande et pardonne à celui qui Me demande le pardon. » [3] » seulement toi, tu ne veille pas la nuit, tu n’as pas de qiyâm, tu ne fais que dormir. Tu ne te réveilles jamais dans le dernier tiers de la nuit, et tu ne pratiques pas l’istighfar. Aujourd’hui, tu rapportes ce Hadîth. La semaine prochaine, tu rapportes ce Hadîth… mais du fait que tu as pris cette habitude de le rapporter alors que tu ne le mets pas en pratique, viendra tôt ou tard un jour où tu en auras besoin, mais tu seras complètement incapable de le retrouver ou de t’en rappeler. Ceci parce que de base, tu n’as rien mis en pratique, et tu n’as jamais été du nombre des gens du qiyâm. En revanche si tu fais partie des gens du qiyâm, mais que tu n’as pas connaissance de ce Hadîth, il te suffira de l’entendre une seule fois dans ta vie, sans t’arrêter dessus, ni le méditer, ni tenter de le mémoriser, ni rien de tout cela… mais par le travail que tu accomplis, Allâh te rappellera ce Hadîth par un hâtif (inspiration dans le cœur), et dès lors il restera gravé dans ton cœur et tu ne l’oublieras plus jamais.
C’est pourquoi l’on se doit de toujours demander de mourir sur une bonne fin. La bonne mort ne te viendra pas par ce que tu as su, mais plutôt par ce que tu as su et appliqué. La parole de la Chahâda, nous la connaissons tous par cœur. A peine quelqu’un entre en Islam : ce sont les premiers mots qu’il apprend et qu’il prononce en tant que musulman. Aucun musulman ne peut ignorer ou oublier cette parole… mais alors pourquoi, au moment de mourir, si peu sont ceux qui la prononcent ?
Tout simplement parce que très peu sont ceux qui la mettent en pratique !
Tu l’as mémorisé et tu la répètes par la langue seulement, raison pour laquelle elle t’est retirée dans les derniers instants de ta vie. Parce que toute ta vie durant, tu ne l’as pas travaillée. Tu ne faisais que la prononcer, rien d’autre. Comment la mettre en pratique ?
Reviens donc au Hadîth de sayidina al-Mustafa ﷺ : quel est le plus haut degré de la foi ?
« La foi est constituée de soixante-dix et quelques branches. La meilleure d’entre elle est la Parole « lâ ilâha illa Allâh », et la plus basse est de débarrasser le chemin de ce qui l’encombre. Et la pudeur est une branche de la foi [4]. » La parole de la Chahâda est donc la meilleure des branches de la foi… et ne va pas t’imaginer qu’elle se limite à douze lettres que tu prononces par la langue, aussi simple que ça puisse paraître. Comment donc la mettre en pratique ?
Tu dois pour cela purifier ton cœur d’une pureté totale… et alors, quand bien même tu ne répèterais cette Parole qu’une seule fois dans la journée, ce serait suffisant car sa mise en pratique serait pour toi constante et perpétuelle. Tu y penserais continuellement, ton esprit et tes pensées seraient systématiquement absorbées par ces lettres, et chaque jour ta foi par « lâ ilâha illa Allâh » augmenterait. De cette manière, il te serait impossible de l’oublier aux derniers instants de ta vie. Si à l’inverse tu la répètes par ta langue sans jamais la pratiquer, alors tu n’as aucune part en elle. Et le temps fini toujours par dévoiler la réalité des gens.
La question n’est donc pas de savoir comment a vécu la personne… mais plutôt de quelle manière sa vie a-t-elle pris fin ?
Notre Seigneur est vraiment bon. Si tel n’était pas le cas, alors les gens cachés, à qui personne ne prête attention, n’auraient jamais eu la moindre chance… le salut aurait été exclusivement réservé aux gens connus et populaires. Mais notre Seigneur ﷻ n’a pas ainsi fait les choses. Tu vois quelqu’un mourir par exemple en prosternation. Un autre, Allâh le fit mourir dans la mosquée, un autre à la Mecque, etc. Comment pourrait-on comparer un tel individu à un autre qui serait mort au milieu du marché, en plein débat ou en train de se disputer avec son voisin… évidemment, ils ne sont pas égaux ! Donc il ne s’agit pas de savoir comment il a vécu, mais plutôt comment il a fini. Voilà pourquoi on doit toujours craindre la ruse (makr) d’Allâh, quel que soit notre état.
Sayiduna ‘Issa (‘alayhi s-salâm) dit : « Comment l’Homme peut-il étudier la Science dans le but de parler et non pas d’œuvrer ? » C’est-à-dire que lorsque tu apprends quelque chose, avant d’en parler, veille bien à l’avoir préalablement appliqué à toi-même. Applique ce que tu sais à toi-même, et lorsque tu l’auras maîtrisé, alors parles-en aux autres.
Sahl (rahimahullâh) dit : « La Science toute entière est dounia. Quant à l’au-delà, c’est sa mise en pratique. » Nous avons ainsi par exemple l’information, au travers de la Sunna, que « SubhânAllâh, al-hamdulillâh, lâ ilâha illa Allâh, Allâhu akbar » te donnent un arbre au Paradis. Nous connaissons tous cela, tout le monde sait qu’il s’agit-là d’une promesse faite par sayidina Ibrahim (‘alayhi s-salâm) à la Communauté de sayidina al-Mustafa ﷺ. C’est une recommandation que Ibrahim fit à sayidina al-Mustafa ﷺ lors de son ascension. Mais il ne s’agit pas pour toi de savoir que cette parole plante pour toi un arbre dans le Paradis… plutôt, il s’agit pour toi de pratiquer le dhikr de cette formule, afin d’en obtenir cet arbre ! Commence par mettre cela en pratique, et n’en informe personne tant que tu n’as pas obtenu, grâce à ton dhikr, des jardins entiers. Commence par être toi-même digne de ces jardins, et ensuite viens nous en informer.
[1] As-Sunan al-Kubrâ; al-Nasâ’i.
[2] Celui qui prie deux rak’at dans la mosquée de Qubâ, se voit inscrire le mérite d’une ‘Omra.
[3] Sahîh al-Boukhâriy.
[4] Sahîh Muslim.