Résumé de l’assise du 11 Mars 2016 / Jumu’a 1 Jumâda al-Thâniy 1437
Al-ahadiya : réalité spécifique ou générale ?
Puisque nous sommes dans le lâm al-qabd, dans sa première lecture, et étant donné que la fois passée nous avions évoqué les fils (khuyût) ésotériques de la qudra divine, avec notamment le fait que celui qui est prédestiné à la félicité finira quoi qu’il advienne heureux, et que celui qui est prédestiné au malheur finira quoi qu’il advienne malheureux… Chacun obtient ses actes en fonction de ce qui lui a été prédestiné, de la part du munificent et tout-puissant. Nous poursuivrons donc sur ce thème, en revenant au hadîth qudsî : « J’étais un trésor caché et J’ai aimé à Me faire connaître. Je créais donc la création, et c’est par Moi qu’ils Me connurent »
Ce hadîth, les soufis s’y sont fermement attachés et se sont notamment basés sur lui comme indicateur renvoyant à la qabda[1] du Prophète ﷺ. Car al-Mustafa ﷺ, plutôt que de le voir sous l’apparence d’un corps physique, ou sous une forme déterminée, tu dois rechercher le retour à la contemplation de sa haqîqa, à savoir une poignée (qabda) de lumière.
Concernant cette qabda de lumière, sache que celui qui la considère comme étant la manifestation de l’esprit sera un véritable être spirituel.
Celui qui la considère comme une manifestation de ce qu’est l’accomplissement spirituel (al-wusûl), son cheminement sera un cheminement véritable, son intermédiaire (wâsita) un excellent intermédiaire, et son objectif de même sera l’excellence.
Celui qui la considère comme la manifestation de l’état de parfaite extinction dans la présence divine sanctifiée aura, par là-même, saisi une excellente définition de ce qu’est l’unicité (al-tawhîd) de Allâh ﷻ.
En vérité, nul ne l’a ni ne saurait évidemment être en mesure de l’unifier ﷻ, mais plutôt c’est sa lumière qui permit la réalisation de cette unicité. Seule la lumière l’a unifié (wahhadahu), et seule la lumière a pu révéler sa haqîqa. Quant aux insouciants et aux gens voilés, ils ont renié cette lumière, prétendant que ça n’existait pas, que cela n’avait aucun sens ni aucun fondement, qu’aucune vision de cette lumière n’était possible. Comme s’il ne s’agissait que d’une lumière que l’on cite et que l’on mentionne, c’est-à-dire une association de lettres que prononcerait la langue.
Celui qui en arrive à ce point, c’est comme s’il en venait à renier les noms et attributs divins, sans même s’en rendre compte.
Quant à celui qui aura affirmé la possibilité de la vision de cette lumière, sans pour autant y être lui-même parvenu, ce sera pour lui comme s’il avait atteint la moitié de la science.
Enfin, celui qui aura eu le privilège de parvenir à cet état de proximité du divin, celui qui aura pu effectivement atteindre l’état de contemplation de la lumière de son Seigneur, celui-là en aura fait l’expérience physique et concrète, une expérience par laquelle il sera dès lors en mesure d’accéder à la haqîqa de la seigneurie du Vrai ﷻ.
Ce trésor caché, qui effectivement est un trésor caché, est un trésor qui est apparut, d’une apparition telle qu’il en devint caché. C’est comme s’il était en vérité le voile, et en même temps la lumière au-delà du voile. C’est comme si tu considérais un tissus, d’une vision globale et totale, et que tu percevais que sa couleur serait intrinsèquement liée à une profonde sagesse, et ce d’une manière extrêmement précise et subtile. Et puis, lorsque tu regarderais quelque part, c’est comme si tu retrouvais une trace de cela… une trace qui se manifesterait de manière changeante et évolutive.
La lumière est le seul et unique chemin vers la connaissance d’Allâh ﷻ. La lumière est le seul et unique chemin de la guidée. Notre Seigneur dit effectivement : « Lumière sur lumière : Allâh guide à Sa lumière qui Il veut[2]. » Tu ne peux accéder à la connaissance de ses noms et attributs que par et à travers sa lumière. Quand bien même tu les apprendrais tous par cœur, quand bien même tu serais capable de tous les énumérer avec ta langue… sans lumière, tu ne pourras pas en goûter les saveurs spirituelles qui mènent à cette connaissance du divin.
La lumière de son essence sublime a illuminé la face (wajh) des théophanies de complétude divine sanctifiée. Cependant, cette réalité est et demeure une chose étrange et incroyable, une réalité qui laissa perplexes des gens pourtant bien dotés d’acuité intellectuelle. Parce que cette montée du soleil des réalités ésotériques (chams al-haqâ’iq) renvoie précisément à cette essence sublime qui aurait été débarrassée de la trace, ou du voile qui la couvrait, ces ténèbres de tissus… et qui en vérité n’était autre que la lumière elle-même.
Ici, c’est donc comme si le voile n’avait jamais été ténèbres, comme s’il n’avait jamais eu la moindre existence… raison pour laquelle il fut désigné par les maîtres comme étant néant (‘adam). Lorsqu’on parle de ténèbres, nous savons qu’elles sont présentes, existantes, physiquement. Lorsque tu fermes les yeux, au cœur de la nuit… tu te retrouves dans les ténèbres. Tu ressens ces ténèbres, tu ne peux les nier. Certains viennent même me voir et me confient que ces ténèbres leur ont causé des maladies psychiques. Certains sont ainsi par exemple incapables de rester seuls dans le noir. Or, si dans sa pensée était établi que ces ténèbres ne sont qu’illusion et n’ont aucune existence, il n’en aurait pas eu peur et n’aurait pas cherché à les fuir par tous les moyens.
Quant à la lumière, elle est présente d’une présence réelle bien plus vaste et bien plus incroyable que tout ce que ne pourraient jamais proposer les ténèbres. Si la lumière n’avait pas d’existence, alors comment expliquer le fait que tous ces disciples la voient, lorsqu’ils se consacrent au dhikr et dans leur quotidien ? Si la lumière n’avait pas d’existence… même si l’un de ces disciples s’était laissé tromper par ses propres illusions, comment aurait-elle pu tromper autant de personnes, aujourd’hui… on parle de centaines, ou plus… nous mêmes, nous ne savons pas déterminer leur nombre en vérité, car tout le monde a commencé à voir cette lumière.
Cette lumière est une émanation (tal’a) de sa réalité vers sa réalité, et de lui-même vers lui-même. Elle est elle-même le voile des ténèbres du tissus (recouvrant). Parce que cette émanation est l’exclusivité (ahadiya) du soleil de l’essence, dans laquelle puisent les étoiles des noms et des attributs. Ces étoiles ne sauraient donc se distinguer par elles-mêmes les unes des autres. C’est pour cette raison que celui qui prétendit au tawhîd, ou celui qui prétendit à la syncrétisation[3], finit par renier les noms (al-asmâ’). Et nous ne pouvons affirmer le contraire… car même si tu dis que, lorsque le soleil se lève, les étoiles disparaissent… tu ne peux pas nier l’existence de ces étoiles, étant donné que nous sommes nous-mêmes existants.
…en vérité, même si tu cherchais un exemple pour illustrer cela, tu n’en trouverais aucun qui puisse justifier ta négation de l’émanation de ces étoiles ou de ces noms…
Cette lumière du soleil se retrouve donc dans les étoiles, et c’est grâce à elle que les étoiles se révèlent comme telles durant la nuit. Le ciel te semble ainsi décoré et embelli de nuit, d’une manière qui semble être différente de celle qu’on lui connaît le jour. Il en est de même pour les noms (al-asmâ’), qui révèlent leurs entités par la lumière du nom caché (al-ism al-maknûn), et par la lumière du nom qui les réunit tous (al-ism al-jâmi’). Par cette lumière, et par cette exclusivité (ahadiya) chacun des noms s’établit en tant que nom à part entière, établissant par là-même leur existence propre… cependant, lorsque apparaît le nom qui les réunit tous (al-ism al-jâmi’), chacun de ces noms doit s’effacer et retourner… C’est la raison pour laquelle nous disons que lorsque l’essence (al-dhât) se manifeste, les attributs (al-sifât), les noms (al–asmâ‘), les lois (al-ahkâm) et les actes (al-af’âl) doivent s’effacer, parce qu’ils doivent enseigner à autrui le adab : ils sont donc plus en devoir d’appliquer cette règle de adab qui impose l’effacement ou la dissimulation de leurs entités propres dès lors qu’apparaît l’essence ultime. Cependant, dès lors que l’essence ultime est dissimulée, ils sont en droit de se mouvoir et d’agir pour ce qu’ils sont.
Par cette émanation (tal’a) également, les sens profonds prirent forme, et apparurent les nombres, depuis le deuxième, jusqu’à l’infini. Cependant, la nature de chaque nombre est intrinsèquement celle du Un. Chaque chose comprend en elle-même cette exclusivité (ahadiya). Une exclusivité qui ne pourrait être comparée à aucune autre chose. Et cette exclusivité est propre à chaque nom, en ce sens que la ahadiya du nom al-dârr n’est pas la ahadiya du nom al-nâfi’. Et la ahadiya du nom al-rahmân n’est pas la ahadiya du nom al-qahhâr.
Si tel était le cas… si tu considérais le nom al-qahhâr, et si tu affirmais que la ahadiya du nom al-qahhâr était précisément la ahadiya du nom al-rahmân… tu n’aurais de fait absolument rien saisi ni entrevu de la ahadiya de al-qahhâr. Et si tu affirmais que la ahadiya du nom al-dârr est la ahadiya du nom al-nâfi’, tu n’aurais alors absolument rien saisi de la nature préjudiciable (darar) du nom al-dârr.
Plutôt, c’est lorsque le nom al-dârr se manifeste que ce préjudice (al-darar) te touche. Et c’est lorsque le nom al-qahhâr se manifeste que la coercition (al-qahriya) te touche. Si tu dis que la ahadiya de chaque nom est la même… alors explique-nous comment se fait-il que les gens du feu subissent le châtiment ? Ceux que Allâh a inscrit parmi les malheureux, ceux qui sont destinés au feu de l’enfer…
Puisqu’il en est ainsi, selon toi, alors ose l’espérer pour toi-même ! Puisque tu prétends qu’il s’agisse de la même chose, ose espérer de ceux qui en assumeront les conséquences sur eux-mêmes dans l’au-delà, ose affirmer que tu es parfaitement en mesure de faire face au feu de l’enfer, du fait de ta considération de la ahadiya de ce feu !
Il est donc indispensable qu’apparaisse en toi une exclusivité (ahadiya), dans ton secret, pour réaliser le tawhîd de al-rahmân… cependant, la spécificité de l’exclusivité (khususiyat al-ahadiya) t’apparaîtra malgré tout dans le fait que, de fait, chaque nom est indépendant et parfaitement distinct des autres noms, de même que chaque attribut est indépendant et parfaitement distinct des autres attributs.
Puis, lorsque cette ahadiya descend vers les différents degrés de la création, c’est-à-dire vers les différentes formes physiques du monde créé… alors, tu distingues les choses les unes des autres, comme le fit Allâh ﷻ lui-même. Tu dis alors que la ahadiya du monde végétal est bien distincte de la ahadiya du monde animal. Tu ne peux pas considérer une plante et affirmer que la ahadiya de cette plante est la même que celle de l’animal… ni que la ahadiya de l’animal est la même que celle de la plante.
De même, la ahadiya de l’humain est parfaitement distincte de toute autre ahadiya. Cependant, dans le genre humain, il est un individu qui dispose de la ahadiya propre à tout autre que lui. Allâh indiqua, à propos de cet individu, que c’était comme s’il était lui-même le nom suprême (al-ism al-a’dham)… parce qu’il s’est singularisé en adoptant une nature d’être que nul autre ne put jamais adopter. De ce fait, pour chaque chose de l’existence, il lui revient une part de leur ahadiya propre. S’il n’en avait pas été ainsi, jamais il n’aurait pu tirer profit des plantes, ni du ciel, ni de la terre, ni des animaux… ni les anges, qui n’auraient donc pas agi ni œuvré pour lui… ni les djinns. Toutes ces spécificités, ou toutes ces factions de l’existence, sont donc sous sa gouvernance.
Al-Ghâya : le but
Al-insân al-kâmil est ainsi la créature qui est à l’image du divin. Il est le plus complet des éléments de l’existence, et il est le but. Celui qui contreviendra à cela, qu’il aille donc effacer le hadîth dans le sahîh al-Bukhâriy, ainsi que celui de al-Tirmidhiy. Parce que quand on dit « à l’image du divin », tout le monde se braque et se scandalise, on crie au chirk ! Non mon cher… si je suis un associateur, alors al-Bukhariy et al-Tirmidhiy ont associé avant moi.
Goûte un peu le hadith ! al-Bukhâriy rapporte : « Allâh créa Adam à l’image de al-rahmân. » Hadith authentique. Et al-Tirmidhiy et Muslim rapportent : « Allâh créa Adam à Son image. » Il n’a pas dit « à l’image de al-rahmân« , mais bien « à Son image », faisant donc de Adam une image absolue (sûra itlâqiya).
Si Allâh le permet, dès que nous entrerons dans la lecture du lâm par le lâm, je vous réunirais tous les hadîth qui traitent de cela. Vous repartirez d’ici complètement abasourdis… tous sont des hadith sahîh et qudsiy, qui parlent des spécificités de la création de l’Homme. L’Homme… mais pas comme tous les hommes. Il s’agit ici du premier Homme que Allâh fit apparaître, et qui n’est autre que Adam. « et Il enseigna à Adam tous les noms[4]. » Cela signifie clairement que sayiduna Adam a saisi l’ensemble de tous les noms divins (al-asmâ’ al-husna). Quant à toi… tu les as peut-être mémorisés, effectivement, et tu as peut-être l’habitude de les réciter… cependant, as-tu la pleine connaissance de ces noms ?
Voilà la différence qu’il y a entre nous et Adam, ‘alayhi salâm.
Disions-nous : il est le plus complet des éléments de l’existence, et il est le but. Et puisque le but est ce qui est exigé pour la créature d’atteindre… il est tout à fait clair que la dite créature ne fut créée que pour ce but.
Adam ‘alayhi salâm est la dernière des créatures. Allâh créa la création, avec en son sein une multitude de choses et d’êtres différents. Il créa les anges et les djinns. Il créa la terre et le ciel. Il créa une diversité de créatures que nul sinon lui ne saurait énumérer. Quant à nous, nous sommes strictement incapables de tous les dénombrer. Puis, en tout dernier lieu, Allâh créa l’Homme (al-insân). L’être humain est la toute dernière créature à avoir été créée.
Auparavant, lorsque les djinns finirent par sombrer dans la corruption, Allâh leur envoya des guides pour les ramener au droit chemin, mais qui n’étaient pas de leur espèce, puisque c’était des anges. Une guerre débuta entre les djinns et les anges, et ces derniers combattant pour lâ ilâha illa Allâh, ils finirent par vaincre les djinns.
Cependant, lorsque l’Homme commit le péché… Allâh envoya des prophètes et des messagers de son espèce, c’est-à-dire des individus du genre humain. Ce ne furent pas des créatures d’un autre genre qui furent envoyées pour enseigner à l’Homme ce qu’il devait apprendre.
Toi-même, lorsque tu veux te repentir, qu’est-ce que tu fais ? Tu attends qu’un ange descende te voir pour faire tawba ? Non. Tu reviens au Livre d’Allâh, tu reviens au hadith de al-Mustafa ﷺ, et qui t’a rapporté cela ? C’est le Messager d’Allâh ﷺ, un être humain, quelqu’un de ton espèce. Voilà donc ce qu’il faut prendre en considération : pour l’Homme, Allâh a envoyé un guide de son espèce. Au travers de cela, c’est donc comme si Allâh ﷻ nous signifiait que l’être adamien est la meilleure des créatures. Comment pourrait-il donc ramener une créature meilleure encore, pour former et enseigner à cet être humain ?
Peut-être seras-tu tenté de proposer un ange, pour cela ?
Mais, lequel des anges ou des hommes est le meilleur ?
Peut-être diras-tu que l’ange Jibrîl est le meilleur…
Mais nous te répondons que lors de l’ascension nocturne (al-mi’râj), al-Mustafa ﷺ, c’est-à-dire l’Homme, traversa (jusqu’à atteindre sidrat al-muntaha), contrairement à l’ange Jibrîl, fait pourtant de lumière, qui s’en révéla incapable.
Alors, à qui revient la prévalence, au final ?
Elle revient à l’Homme, et non à l’ange. L’ange est effectivement meilleur… mais il est meilleur que les gens. Cependant, si l’on considère le meilleur d’entre ces gens, on constate qu’il est meilleur que le meilleur des anges. Il y a par ailleurs un hadîth qui dit « certains de Mes serviteurs sont meilleurs que certains de Mes anges. » Celui qui est concerné par ce privilège peut donc se révéler meilleur que des êtres qui furent créés de lumière.
Par conséquent, cet être adamien, c’est le but, c’est la dernière des créatures qui soit apparue. Il n’y a pas de créature qui apparaîtra après lui. Y compris les créatures étranges, si tu t’intéresses à elles… les créatures qui apparaîtront à la fin des temps… en vérité, si tu étudies vraiment la question, tu aboutiras au fait que ce sont ou bien des descendants d’Adam eux aussi, ou bien des créatures qui existaient déjà avant Adam. Parce que la vérité, c’est qu’il n’y a pas de nouvelle créature, depuis la création de l’Homme. Tu ne trouveras aucune preuve qui pourrait laisser croire que Allâh ait créé autre chose, après l’Homme.
Disions-nous : il est le plus complet des éléments de l’existence, et il est le but (al-ghâya). Et puisque le but est ce qui est exigé pour la créature d’atteindre… il est tout à fait clair que la dite créature ne fut créée que pour ce but.
Pourquoi Allâh a-t-il créé cet univers ?
Il l’a créé pour l’Homme. De ce fait, l’Homme en devient le but, pour chaque créature. Voyez-vous donc, à quel point notre Seigneur ﷻ a magnifié l’Homme ?
Il fit de toi un but, un objectif à atteindre (ghâya). Toutes ces créatures qui se succédèrent, tous ces âges et ces époques successives… tout cela pour qu’au final, Allâh créa l’Homme.
Par exemple, si tu veux te marier… avant de te marier, il va te falloir construire une maison, ou louer un logement, le meubler, acheter un lit, une bouteille de gaz, etc… tu dois faire tous ces préparatifs. Mais ces préparatifs, ils sont pour qui ? Ils sont pour que tu sois en mesure de faire entrer une femme dans cette maison. De même donc, le Vrai ﷻ prépara cet univers. Il prépara sept cieux, sept terres, les anges, les djinns… etc. Pour au final installer Adam ‘alayhi salâm, au sein de cet univers. Toi, si on te demande pourquoi tu fais tout cela, pourquoi tous ces travaux, tous ces achats… tu réponds que le but de cela, c’est le mariage. Et si l’on demandait au Seigneur pourquoi tout cet univers, pourquoi ces cieux, pourquoi ces terres… la réponse serait que c’est pour que soit créé un serviteur, dont le nom serait Adam, et qui serait la meilleure des créatures, la créatures qui serait la raison d’être de toutes les autres.
C’est alors qu’effectivement apparaîtrait la markaziya du hâ’.
Voilà donc le but, ou la raison d’être, des sept terres, des sept cieux, du kursiy et du ‘arch. Ne viens pas me dire que non, Adam est un homme comme les autres…
Non, jamais, impossible… pour les autres hommes, Allâh n’a pas dit qu’il leur avait enseigné tous les noms, comme il le fit pour Adam –‘alayhi salam-. Il ne l’a pas dit non plus pour les anges, ni pour aucune autre créature quelle qu’elle soit. Uniquement pour les enfants de Adam. En d’autres termes : tu es responsable, et c’est une obligation qui t’incombe (fard ‘ayn) d’apprendre les noms divins (al-asmâ’ al-husna), car c’est une réalité qui flue en toi. Si tu la renies, tu renies ta nature primordiale (fitra). Tu renies ce que tu es, tu renies celui qui t’a créé.
Si tu considères que ton Seigneur a effectivement créé ces cieux et cette terre… et si tu n’es pas heureux et satisfait de cela… regarde, tout ce qu’a impliqué ton apparition dans l’existence, et malgré tout cela tu n’es pas satisfait ? SubhânAllâh ! Réfléchis, médite à cela…
L’Homme a été créé en tant que markaz d’un absolu extrêmement vaste, que nul ne peut embrasser entièrement, à l’exception du Prophète ﷺ. C’est al-insân al-kâmil qui a pu embrasser, ou établir la limite (qayyada) à cet absolu (itlâq), en accédant lors du mi’râj à sidrat al-muntaha.
Disions-nous : puisque le but est ce qui est exigé pour la créature d’atteindre… il est tout à fait clair que la dite créature ne fut créée que pour ce but, c’est-à-dire pour que sa nature intrinsèque se révèle, car sans cela, rien de ce qui la précéda ne serait jamais apparu.
Dit autrement : sans la révélation de ce but (ghâya), aucune chose existante ne serait jamais apparu… alors : y a t-il un amour divin au-delà de cela ?
Certains se plaignent et disent : « Seigneur, pourquoi m’as-tu fait comme ça… ? »
Que voudrais-tu que le Seigneur fasse de plus pour toi ? Il t’a donné bien plus que tout ce que tu pourrais jamais demander. Avant même que tu ne demandes, il t’a donné. Avant que tu ne demandes, il a tout préparé pour toi. Avant que tu ne demandes, il a fait qu’en toi flue une nature primordiale (fitra) de science. Même si tu n’as jamais rien étudié, même si tu es illettré. Même si tu prétends être un ignorant… non, en vérité tu es un savant. Tu n’es pas ignorant. Tu as juste voulu te rendre toi-même ignorant. En vérité, Allâh t’a créé savant. Pas un savant qui lit des livres… non. Un savant qui a une pensée, une conviction, une croyance. Quant au fait de lire et réfléchir, ça c’est autre chose.
Le but (al-ghâya), c’est ce qui est attendu de l’individu, en conséquence de tout ce qu’a impliqué la préparation de son entrée en existence. Idem du point de vue de la logique (al-mantiq), si vous vouliez que nous descendions dans ce domaine. Tentons de représenter une délimitation (taqyîd) de l’absolu (itlâq). Pour ce faire, on se réfère à ce que nous en rapporte le hadîth, à savoir que « le premier ciel par rapport au deuxième est tel un anneau dans une vaste étendue désertique. Le deuxième ciel par rapport au troisième est tel un anneau dans une vaste étendue désertique. Le troisième ciel par rapport au quatrième est tel un anneau dans une vaste étendue désertique… » et ainsi de suite. Autrement dit, tu vas être amené à considérer qu’il s’agit d’un anneau, dans un anneau, dans un anneau… et l’Homme, il se trouve qu’il est le centre (markaz) de ces anneaux. Attention, ce ne sont pas des anneaux éparpillés un peu partout… mais bien imbriqués les uns dans les autres. Ils sont au nombre de sept, comme nous en informa le Messager d’Allâh ﷺ. Et il se trouve qu’au milieu de ces anneaux fut établi un markaz : l’Homme.
Cet Homme, qui désigne al-insân al-kâmil, et non pas l’homme lambda évidemment… cet insân al-kâmil est détenteur d’une force, d’une énergie universelle. C’est-à-dire que toute l’énergie qui flue dans l’univers, il en détient une synthèse. Il détient de ce fait l’ensemble des degrés (al-marâtib). S’il venait à renier ces degrés… alors il renierait par là-même les énergies qui leur sont propres. Et s’il se raccrochait à un seul degré, en se détournant des autres, il ne ferait que se rattacher à une énergie en se détournant de toutes les autres. C’est un peu comme si tu demandais à quelqu’un qui se trouve là avec lui. Il te répondrait qu’il y a deux anges à ses côtés. Il confirmerait donc l’existence de deux énergies nobles et célestes… mais nierait celle du shaytân qui flue en l’homme par ses veines, conformément au hadîth. Voilà donc qu’il aurait renié l’énergie basse et abjecte.
Les soufis ont dit que l’intellect (al-‘aql) était en vérité al-‘arch. En ce sens que la première chose que Allâh aurait créé serait cette ‘archiya… ou bien, certains ont dit que c’était la tablette (al-lawh). Dans chacun des cas, cela renvoie à l’intellect (al-‘aql). Et qui est le détenteur de l’intellect complet ? C’est bien sûr al-insân al-kâmil.
C’est la raison pour laquelle il reçut ce privilège unique et divin de la forme (al-sûra). De là, il fut en mesure de réunir les réalités divines (al-haqâ’iq al-ilâhiya), qui sont les noms (al-asmâ’), ainsi que les réalités du monde créé (haqâ’iq al-‘âlam), car il est de fait la dernière des créatures. Dès lors que Allâh lui a enseigné tous les noms[5], il est de facto détenteur de réalités divines. Et de même, du fait qu’il soit un membre à part entière de ce monde créé, il est le détenteur des réalités de cet univers tout entier. Car lorsque Allâh ﷻ créa l’univers, il fit de la terre la plus belle et la plus extraordinaire de toutes les planètes existantes. Ceci pour la simple raison que c’est sur la terre que se trouve la vie. Sur les autres planètes, il n’y a pas de vie. Si tu vas sur Mars, tu ne pourras pas y vivre. Ici, tout est adapté pour toi. Et que trouveras-tu sur Mars ? Tu y trouveras exactement les mêmes matières que celles que tu trouves ici… seulement, dans des proportions différentes. Ce sont ces proportions qui permettent la vie, ou qui au contraire la rendent impossible. Sur Terre, on retrouve une harmonie parfaite de ces proportions… et cette harmonie parfaite des proportions, c’est précisément cela : al-insân al-kâmil.
Les scientifiques parlent ainsi du « nombre d’or »… Si nous voulions donc lier notre propos à ce domaine de la science, nous dirions que ce nombre d’or, c’est al-insân al-kâmil.
Ou bien, on parle aussi du nombre Pi. Si l’on veut calculer l’aire ou le périmètre d’un cercle, nous avons forcément besoin de Pi. Le nombre d’or correspond à 1,618 tandis que Pi correspond à 3,14. En vérité, dans chacun des cas, cette valeur renvoie à al-insân al-kâmil.
De même pour cet univers : si tu veux le calculer de manière précise, si tu veux mesurer son énergie, depuis les premiers temps jusqu’à aujourd’hui : tu dois retourner à al-insân al-kâmil.
Et qui est al-insân al-kâmil ?
Pour le savoir, retourne et calcule al-Mustafa ﷺ.
Mais, comment pourras-tu calculer al-Mustafa ﷺ ?
Par sa parole (qawl), par ses actes (fi’l) et par ce qu’il a acquiescé (taqrîr). Soit autrement dit : sa sunna.
Qui est al-Mustafa ﷺ ? C’est « un Coran qui marche ».
Qui est al-Mustafa ﷺ ? C’est Yâ-sîn : le cœur du Coran. Tel est le Messager d’Allâh ﷺ, Yâ-sîn : yâ sayid al-nâs (ô maître des hommes). Si l’on voulait donc calculer le nombre d’or, dans cet univers, nous devrions calculer « yâ sayid al-nâs« , qui n’est autre que al-Mustafa ﷺ.
Sa taille ﷺ… si l’on considère sa taille : c’est la meilleure des tailles possibles pour l’être humain. Son poids est de même le meilleur des poids possibles pour l’être humain.
Si tu te conformes à sa taille, à son poids, à sa largeur et à ce qui le constitue physiquement : jamais de ta vie tu ne tomberas malade. Telle est la nature du Prophète ﷺ. Lorsque tu entends « un arbre béni », voilà le sens véritable de « béni (mubâraka) », c’est-à-dire qu’il renvoie à la descendance de al-Mustafa ﷺ, ou aux ahl al-bayt.
Le souffle (nafas) de al-rahmân vint ainsi, et avec lui l’ensemble des degrés (marâtib) du monde créé tout entier. C’est en ce sens que, par et au travers de l’Homme, apparaît et se manifeste ce qui n’apparaît avec aucun autre élément de ce monde créé.
Ainsi, si par exemple tu souhaites étudier les réalités ésotériques (al-haqâ’iq), et si pour ce faire tu considères un nom d’entre les noms… cela ne fonctionnera pas aussi bien que si tu considérais ces haqâ’iq au travers du prisme d’un Homme.
De même, si tu souhaites étudier un élément ou une matière physique de cet univers, tu ne pourras pas le faire aussi efficacement que si tu l’étudiais au travers du prisme de l’Homme.
Par conséquent, plutôt que d’aller chercher au loin… et le Seigneur te le dit de manière claire et explicite : « Nous leur montrerons Nos signes dans les vastes étendues du monde créé (al-âfâq) ainsi qu’en eux-mêmes » en d’autres termes : tout ce qui se trouve dans al-âfâq se trouve en toi-même. Et qu’est-ce que ce « toi-même » ? C’est ton corps, c’est ton souffle, c’est ta nafs, ton cœur, tes poumons… seulement, tu ne seras pas en mesure de goûter réellement à la beauté de cet univers si tu ne connais pas la haqîqa de ta nafs, raison pour laquelle : « Celui qui connaît sa nafs, connaît son Seigneur. »
Toi, tu marches, d’un point à un autre… submergé par l’insouciance, endormi. Tel un animal : animé par le désir de manger, de boire et de dormir. Tu ne peux pas goûter aux sens de la vie que tu as vécu. Tu as vécu soixante ans… soixante années dans le soucis constant d’amasser de l’argent, à mentir, à faire de la médisance, manger la chair des gens, causer du tort et empiéter sur le droit des créatures… comment pourrais-tu goûter au sens de ta vie ?
Tu te justifies : « Non, moi je fais mes adorations… j’en fais beaucoup, toute la journée… »
Tu es un salarié, qui attend sa paie, rien de plus. De toutes ces pratiques, tu n’as tiré aucune saveur. Il n’y a absolument rien.
Pour y parvenir, tu as besoin de cela… tu dois être un individu spirituel (rûhâniy). Attention, rûhâniy ne signifie pas que tu sois en mesure de voir un djinn ! Non ! Si pour toi, être rûhâniy signifie voir un djinn… c’est que tu es malade ! Tu as besoin d’une roqiya. Cherche quelqu’un qui puisse te faire cette roqiya. Tu as un gros problème, si tu en es là…
Non, plutôt, être rûhâniy renvoie au fait de savoir puiser l’énergie de toute chose. Seulement, tu ne seras capable de puiser cette énergie de toute chose que dans la mesure où tu seras toi-même devenu un markaz. Et de même, tu ne seras en mesure de transmettre de ton flux (madad) à autrui que dans la mesure où tu seras toi-même un markaz. Sans cela, c’est impossible. Tu ne peux pas donner à toute chose, et prendre de toute chose, si tu n’es pas un soleil, avec les planètes faisant le tawâf tout autour de toi. C’est pour cela que le soleil est la source de laquelle puisent toutes les planètes… et en vérité, le soleil lui aussi puise dans les planètes. Ça, tu ne le vois pas, tu n’en as pas conscience. Tu t’imagines qu’il n’y a que toi qui tires bénéfice du soleil, que toi seul puise de l’énergie dans le soleil… alors qu’en vérité, le soleil lui aussi puise en toi de multiples énergies. Ceci pour la simple raison qu’il est le markaz : comme il te donne, il te prend.
Disions-nous : le souffle (nafas) de al-rahmân vint ainsi, et avec lui l’ensemble des degrés (marâtib) du monde créé tout entier. Par ce souffle est apparu l’Homme. Par ce souffle, et pas par l’intermédiaire d’aucun élément du monde créé quel qu’il soit, ni par aucun autre nom d’entre les noms des réalités divines (haqâ’iq al-ilâhiya). Le nom considéré à part entière, donne ce qu’un autre nom ne saurait donner, et c’est ce qui justement le distingue des autres. Or justement, tout en dehors de l’Homme est créature. Seulement cet Homme, si tu le regardes, tu le considéreras comme une créature. Si tu parviens à faire abstraction de sa forme physique, tu le verras comme un attribut de lumière. Et si tu le considères comme un secret, tu constateras qu’il est vérité (haqq).
Tout cela, tu n’as rien à y redire. Si tu nies ces faits établis, tu vas devoir nier également le hadîth « Je pris une poignée de Ma lumière et lui dis : « Sois Muhammad » », mais également le hadîth qudsi « Je suis tombé malade et tu ne M’as point rendu visite… J’ai enduré la faim et tu ne M’as point nourri… » Dans toutes ces narrations, le Vrai te révèle ce souffle du miséricordieux (nafas al-rahmân).
Dans ce hadîth, le Seigneur précise bien : « Mon serviteur untel (fulân) est tombé malade, si tu lui avais rendu visite, tu M’aurais trouvé auprès de lui. » notez bien qu’il ne s’agit pas ici de n’importe quel serviteur, mais bien du serviteur untel (fulân). Si le hadîth n’avait pas mentionné « untel », alors tu aurais été en devoir de visiter tous les malades sans distinction. Cependant ici, la précision renvoie à ce qui distingue le dit individu de tous les autres, à savoir : nafas al-rahmân. « Mon serviteur untel (fulân) est tombé malade… » le secret se trouve donc dans le nom de ce serviteur fulân. Parce que le nom de fulân est précisément le markaz de tous les noms de l’Homme. Cherche donc qui pourrait être ce fulân, et sache alors que si tu lui rends visite, tu trouveras le Seigneur auprès de lui. En revanche, il se peut très bien que tu rendes visite à un malade, mais que tu ne trouves pas pour autant ton Seigneur auprès de lui… pour la simple raison que ce malade n’est peut-être pas musulman, peut être est-il kâfir, peut-être muchrik, peut-être… tu dois donc chercher qui est ce fulân.
Le signe (ayah) qui se trouve en chaque chose, c’est la ahadiya de chacune de ces choses. De sorte qu’en vérité, toute chose est telle qu’aucune chose ne ressemble à la dite chose[6]. C’est la raison pour laquelle, si tu multiplies le un par le un, ne pourra en résulter que le un lui-même. Seulement, si tu multiplies le un par deux, tu obtiens deux. Pourquoi donc deux, et non pas un ? Puisque le un est un… ?
Ô toi qui renies les différents degrés (al-marâtib)[7]… c’est comme si tu venais prétendre que un multiplié par quarante font un. Nous allons donc devoir modifier toutes les mathématiques pour que tes affirmations puissent avoir un sens…
Comprenez bien, ici, je suis en train de vous donner tous les arguments pour que vous puissiez répondre à ceux qui renient les marâtib. Donc si tu prends un, et si tu le multiplies par quarante… demande-lui, combien ça fait !? S’il te dit un, dis lui qu’il a tort, et que même un enfant saurait qu’il a tort… Si les choses sont comme il le prétends, alors nous perdons une science toute entière.
La réunion (al-jam’) est la diffraction-même (‘ayn al-farq). Et la multiplicité (al-kathra) est la singularité-même (‘ayn al-fard). Par son exclusivité ﷻ (ahadiya), toute chose s’estompa et fut effacée… mais c’est également par elle que toute chose fut établie en tant que telle. Par conséquent, si tu dis que par elle, toute chose fut effacée, mais que tu n’ajoutes pas à cette affirmation que c’est également par elle que toute chose fut établie en tant que telle, alors ta connaissance (ma’rifa) est défaillante. Tu n’as pas la connaissance complète. Si tu viens affirmer que « toute chose est anéantie [8] »… cependant que toi, tu es bel et bien existant… Si tu affirmes une telle chose, effectivement, nous irons dans ton sens, puisque c’est ce dont nous informa Allâh ﷻ lui-même.
Cependant, Allâh nous informa également que « Il créa l’Homme, lui enseigna l’explication claire [9]. »
Comment vas-tu faire ici ?
Le Seigneur a établi quelque chose, et c’est toi qui vas venir nier cet état de fait peut-être ?
Tu ne peux faire une telle chose… la seule manière de concilier cela, c’est de devenir toi même une interface (barzakh), et de réunir ainsi tous les opposés. Si tu ne prends que d’un côté, pour délaisser l’autre côté… alors sache que tu es un ignorant. Si en revanche tu prends les deux ensemble, et si tu tombes dans le trouble et la stupéfaction, pour la simple raison que tu es parfaitement incapable de réunir ces deux réalités antagoniques… alors sache qu’effectivement, mâ châ’ Allâh, tu es un savant et un connaissant. Voilà donc la stupeur, voilà la science véritable, et voilà le secret.
Disions-nous : par son exclusivité ﷻ (ahadiya), toute chose s’estompa et fut effacée… mais c’est également par elle que toute chose fut établie en tant que telle. Allâh dit en effet : « Allâh efface ce qu’Il veut, et Il établit ». Il n’a pas dit « Allâh efface ce qu’Il veut », point final, plus rien après cela. Non, il a bien ajouté : « et Il établit. »
C’est la raison pour laquelle les gens du hâ’ ont effacé toute chose… tandis que les gens du lâm al-qabd ont commencé à réaliser l’établissement (al-ithbât). On ne dira pas qu’ils ont établi toute chose… mais plutôt qu’ils ont commencé à réaliser cet établissement. Comment s’y sont-ils pris ?
Tout simplement, en réalisant l’établissement du but (al-ghâya), au cœur de l’effacement. Goûte un peu la ma’rifa ! Ils ont établi le but au cœur-même de l’effacement. Et dès lors qu’ils firent cela… qu’en est devenu ce but ? Al-ghâya est devenu pour eux ce voile (hijâb) qui révèle toute chose mais qui dans le même temps est et demeure un voile.
Ici, tu vas me dire que vraiment, tu n’as rien compris. Effectivement, c’est évident… Pour cela, il faudrait qu’au cœur de « non » (lâ), tu ailles prendre « oui » (na’am)… et qu’au cœur de « oui », tu retrouves ce « non ». Lorsque tu te retrouveras submergé par cette stupeur, lorsque tu finiras complètement abasourdis… sache que c’est précisément cela que l’on appelle le secret (al-sirr). Quant à ces étapes, ou ces degrés, que nous avons déterminés… on les appelle les marâtib. Ce sont des stations de cheminement spirituel… en revanche cette stupeur, cette touche de folie… tu es complètement incapable de la décrire, ni d’en parler. Tu ne peux pas réunir « oui » et « non » dans une seule et même parole. Voilà ce qu’est le secret d’Allâh ! Va donc, et cherche-le !
Comment vas-tu pouvoir le lire et le découvrir ?
Si tu ne commences pas par lire les marâtib, tu ne pourras pas l’établir, et encore moins en parler. Quoi que tu dises à son sujet, celui qui aura un degré (martaba) en plus de celui que tu as atteint viendra et détruira tout ce que tu auras pu dire… parce que ce que tu auras dit, tu l’auras dit depuis un point de vue tout en en ayant délaissé un autre.
Que comprendre lorsque ce que tu vois dans le malakût ne se concrétise pas dans le mulk ?
Parmi ce qui est sujet à cet effacement (al-mahuw) ou à cet établissement (al-ithbât), figurent les flux spirituels divins (al-wâridât al-ilâhiya) qui atteignent les cœurs. On parle ici des gens qui expérimentent les visions de formes ou d’images (suwar). Ces flux spirituels sont sujets à l’effacement, ou bien à l’établissement, selon le temps.
Lorsque le cœur se purifie et se débarrasse de la considérations de ce qui est illusoire, tout ce qui y apparaît et s’y manifeste, de théophanies relevant des mondes insondables (al-ghuyûb), est vrai (haqq). Oui ! Si ton cœur n’est pas concerné par les penchants vers les choses viles et abjectes (soufliya), alors c’est le Vrai (al-haqq) qui s’y manifeste de sa théophanie, et tu dois savoir que ce que tu vois est la pure vérité. En revanche, si tu persistes à renier ces théophanies de al-rahmân… alors sache que ce doute persistant et cette incrédulité proviennent de toi-même, et non pas de ce qui t’est parvenu du divin.
Ces théophanies sont donc absolument vraies (haqq)… cependant, certaines viennent en abroger d’autres. C’est-à-dire qu’une théophanie vient, abroge et remplace la théophanie précédente… ou inversement.
La question est de savoir pourquoi Allâh ﷻ agit-il de la sorte ?
Il peut informer le waliy d’une chose qui sera… ou qui ne sera pas. Selon ce qui s’est manifesté dans son cœur. Puis, Allâh efface cette chose de son cœur, et y établit autre chose. « Les cœurs des serviteurs sont entre deux des doigts de al-Rahmân : Il les retourne comme bon Lui semble. » Il efface, ou il établit. Il efface, ou il établit…
« J’ai reçu une théophanie, j’ai vu telle chose et telle chose… et puis le lendemain, j’ai vu le contraire de ce que j’avais vu la veille… »
Que comprends-tu de cela, que comprends-tu de ces signes ?
Retourne simplement au verset : « Allâh efface ce qu’Il veut, et Il établit »
Par exemple, tu as une vision du malakût, dans laquelle tu vois une projection du mulk, c’est-à-dire du monde physique qui t’entoure. Puis, lorsque tu ouvre les yeux, tu te rends compte que ce que tu perçois du mulk n’est pas comme ce que tu as perçu du malakût. Dans ce cas, évidemment, si tu es du nombre des gens de science, tu comprends le message qui t’est transmis par cela. En revanche, si tu es ignorant, tu ouvres grand la porte à Iblîs, et tu renies le Vrai ﷻ. C’est ainsi que tu finis par te jeter dans la perdition.
En vérité, il n’y a pas de mensonge qui soit imputable au divin. Si tu vois quelque chose pendant la nuit, et puis qu’au matin tu constates que les choses se révèlent différentes de ce que tu as vu… cela ne signifie pas que c’était un mensonge. Non, jamais et en aucun cas. Plutôt, cela signifie que le Vrai dévoile à ses créatures des choses relevant de ce qu’il aurait pu prédestiner (maqdurâtihi). Le Seigneur veut que tu apprennes… mais toi, tu n’as pas voulu comprendre. Qu’allons-nous pouvoir faire de plus pour toi ?
Dans le monde apparent (al-dhâhir), tu nous a achevé à coups de « Moi je suis intelligent, je comprends vite, ma pensée fuse dans le ciel… »
Pourquoi n’as-tu donc pas pu comprendre cela ?
Pourquoi ne comprends-tu pas que Allâh efface et établit pour toi ce qu’il veut, comme il veut ?
Si Allâh établit pour toi une théophanie, et si cette manifestation reste avec toi, dans son entièreté… alors elle restera avec toi pour l’éternité. A l’inverse, s’il efface pour toi cette théophanie, tu ne la reverras plus jamais.
Vient ici sayiduna ‘Ali (karramAllâhu wajhah), qui dit : « L’ami du connaissant (al-‘ârif), c’est la plume. » parce que les flux spirituels et ésotériques, les souffles divins, lorsqu’ils parviennent à l’individu, ils ne reviennent jamais une deuxième fois. Même s’ils semblent se répéter, ils viennent en vérité avec des caractéristiques différentes. C’est la raison pour laquelle il est primordial que tu les écrives. Voilà pourquoi ce disciple doit toujours avoir avec lui une feuille et un crayon, afin de consigner ce dépôt par lequel al-rahmân s’est manifesté à lui… parce que le lendemain, c’est le contraire qu’il verra. Il doit donc tout écrire, puis après un certain temps, lorsqu’il relira son registre depuis le début, il y trouvera des contradictions… c’est précisément dans ces contradictions que se trouve le secret d’Allâh.
Si tu ne comprends pas ce secret d’Allâh… c’est que tu ne l’as simplement jamais connu. Ni Allâh, ni ta nafs. Tu es complètement idiot. Tu n’as pas adoré al-rahmân, mais plutôt tu as adoré un signe précis et déterminé, et tu es resté attaché à lui toute ta vie.
Quel est le signe (al-ichâra) établi et présent chez l’ensemble des disciples ?
C’est évidemment la poignée lumineuse. Elle seule reste et ne change jamais.
D’ailleurs, pourquoi ne change t-elle pas ? Pourquoi n’est-elle pas sujette à l’effacement ?
C’est ici que tu es sensé connaître et comprendre le signe qui te vient d’Allâh ﷻ.
Lorsque je te dis et te répète de toujours t’attacher à la poignée lumineuse… quoi que tu puisses voir. Tu vois les anges : mâ châ’ Allâh. Tu vois les djinns : mâ châ’ Allâh. Tu vois les prophètes : mâ châ’ Allâh. Tu vois les messagers : mâ châ’ Allâh… cependant, quelle est l’origine fondamentale (al-asl) de toutes ces visions ?
Tout ce que tu vois, il va venir te visiter, puis il repartira. Quant à cette poignée lumineuse, je l’établis pour toi… et si tu réalises pourquoi je l’ai établie pour toi, pourquoi elle ne s’effacera jamais, pourquoi elle restera toujours établie… alors tu auras par là-même compris l’ensemble de tous les secrets, depuis le tout premier, jusqu’à la fin. Ceci dit, tu ne seras pas en mesure de comprendre cela tant que tu n’auras pas dûment étudié les marâtib, Parce que même si tu les embrasses par l’intellect, tu finiras par les oublier. Et si tu les oublies, tu les renieras. Et si tu les renies, tu les combattras. Telle est la nature du disciple.
Son existence est dépendante de causes et de conditions que le Vrai ﷻ cache à ses créatures, afin de révéler leur incapacité à cerner sa science. Or, l’abrogation (al-naskh) concerne son acte (fi’l) et non pas la base fondamentale de sa science (asl ‘ilmih). Attention : l’abrogation concerne l’acte, pas la base fondamentale de la science. Il y a ainsi des choses du Coran qui furent abrogées, mais leur abrogation concerne l’acte (al-fi’l), pas la base fondamentale de la science. Cette base fondamentale de la science reste telle qu’elle est. « la science est lumière[10] », tu ne peux pas l’abroger. La science est lumière, elle reste donc originelle (asl). Quant à ce qui est abrogé, ou remplacé (al-naskh), cela concerne ce qui est en mouvement, donc l’acte (al-fi’l) : injonction, interdiction, ordre, don, reprise, retour… c’est en cela qu’il peut y avoir du naskh. En revanche dans la réalité originelle, il ne peut pas y en avoir.
Al-Quchayriy -qu’Allâh l’agrée- dit : « L’accomplissement des choses (al-machi’a) ne dépend que des événements factuels (al-hudûth). L’effacement (al-mahwu) et l’établissement (al-ithbât) ne concernent que Celui qui aura permis l’accomplissement de ces événements factuels. Les attributs de l’essence du Vrai ﷻ, qu’il s’agisse de sa parole ou de sa science, ne sont en aucun cas sujets à l’effacement (al-mahwu) ni à l’établissement (al-ithbât). Plutôt, ces deux principes ne concernent que les attributs de ses actes. »
Par conséquent, si tu dis que tel verset coranique abroge tel autre verset… ou bien si tu dis qu’il l’efface… et bien va, efface le dit verset abrogé du Coran !
Non, tu ne peux pas l’effacer. Ce verset doit rester établi (thâbit) comme tel. Donc en vérité, il n’y a pas de naskh dans la parole (al-kalâm). Le Seigneur ﷻ… astaghfirullâh ! Il n’a pas dit une parole pour ensuite revenir dessus ! S’il en avait été ainsi… ô toi qui prétends plonger dans les réalités cachées (ghayb)… alors va et efface la première parole ! Ne garde que la parole qui fait loi, au final…
Mais non, plutôt, tu liras le verset tel quel dans le Coran, et tu l’abrogeras avec tel autre verset. Il te restera les versets qui se ressemblent (al-mutachâbihât), les versets qui s’abrogent… et tu n’auras au final de naskh que dans l’acte (al-fi’l). Quant à l’attribut de parole (sifat al-kalâm) du Vrai ﷻ, il reste et demeure établi (thâbit), tel quel. Ce n’est pas uniquement moi qui affirmes cela, mais c’est également la parole de al-Quchayriy, ainsi que celle de l’ensemble des gens de la connaissance (ma’rifa), et l’ensemble des gens qui ont connu leur nafs ainsi que leur Seigneur ﷻ.
L’effacement (al-mahuw) et l’établissement (al-ithbât) sont des causes (asbâb). « … et Il détient umm al-kitâb » ici, tu ne peux lui imputer ni l’effacement, ni l’abrogation. Plutôt, umm al-kitâb est un établissement total, car c’est le décret indéfectible (al-qadâ al-mubram). Dans le Coran en revanche, on trouve un verset qui vient abroger un autre verset, un verset qui efface et remplace un autre verset, un verset qui ressemble à un autre verset… mais al-Fâtiha[11] est entièrement exempte de cela, car al-Fâtiha est ce décret indéfectible.
De cela apparaît que la ahadiya de toute chose ne saurait être autre que la ahadiya-même de toute chose, malgré que la ahadiya de toute chose prévale sur la ahadiya de toute chose…
Oui, en vérité, je ne pourrai pas trouver d’autres mots que ceux-là pour exprimer ceci…
Toute chose a une ahadiya, et cette ahadiya de toute chose n’est autre que la ahadiya-même de toute chose… avec la prévalence de la ahadiya de toute chose sur la ahadiya de toute chose.
Voilà : c’est comme si nous n’avions rien dit, au final… et pourtant, ici nous avons absolument tout dit.
Nul n’est adoré en dehors de Lui ﷻ
Le nom d’Allâh al-ahad, dans son entièreté, est apparent (dhâhir) en toute chose. Raison pour laquelle il ﷻ dit : « et nul (ahad) ne fait d’association (chirk) dans l’adoration de son Seigneur[12]. » ici, le Vrai ﷻ fait une allusion à une réalité cachée, qui est que l’associé (al-muchrak) ne saurait être associé à l’exclusif (al-ahad), si ce n’est parce qu’il est al-ahad lui-même. On peut associer, on peut commettre du chirk… mais en réalité, il n’a jamais été possible d’associer à l’exclusif (al-ahad) sinon l’exclusif lui-même… puisqu’il n’y a rien en dehors de al-ahad.
Allâh ﷻ dit : « C’est lui le premier, le dernier, l’apparent et le caché[13]. » C’est-à-dire que al-ahad a associé al-ahad avec al-ahad, l’associé étant al-ahad lui-même. Allâh ﷻ informa de cette réalité à travers sa parole : « et votre dieu est un dieu unique : point de divinité en dehors de Lui (huw) [14]. » Allâh ﷻ a par là-même informé que sa hawiya est l’essence-même de toute divinité adorée, de sorte que rien dans l’existence ne saurait être adoré, si ce n’est lui-même. Il ﷻ dit en ce sens : « Et ton Seigneur a décrété (qadâ) que vous n’adoreriez nul en dehors de Lui[15]. »
C’est la raison pour laquelle nous répondons à celui qui prétend que la lecture du nom divin débute par le alif qu’il nage dans l’erreur. Si tu débutes par le alif, tu associeras au alif les deux lâm et le hâ’. A l’inverse, si tu débute cette lecture par le hâ’, alors tu débuteras par la réalisation de ton extinction et de l’anéantissement total de toi-même, et tu réaliseras que le but et la quête ultime se trouve dans la markaziya de ce hâ’. Tu flueras et tu évolueras ainsi, de but en objectif, et d’objectif en but… sans jamais sortir ni faire défaut à ton état d’extinction (fanâ’). Dans ce cas là, tu seras préservé de tout chirk.
Si en revanche tu débutes la lecture du nom divin par le alif, alors tu associeras obligatoirement le alif avec le lâm, ou le lâm avec le lâm, ou le lâm avec le hâ’… Alors certes, conformément au verset « et nul (ahad) ne fait d’association (chirk) dans l’adoration de son Seigneur[16]. » tu seras innocenté de chirk, mais ceci du point de vue de la haqîqa seulement.
Et si tu les renies… si tu renies les deux lâm et le hâ’, alors pourquoi les prononces-tu ? Pourquoi dis-tu « Allâh » ? Toi qui ne reconnais que le hâ’, toi qui renies les deux lâm… pourquoi continuer de dire « Allâh » ?
Disions-nous… Allâh ﷻ a par là-même informé que sa hawiya est l’essence-même de toute divinité adorée, de sorte que rien dans l’existence ne saurait être adoré, si ce n’est lui-même. Dans tout ce qui a jamais été adoré… en vérité, seul al-ahad fut adoré. La ahadiya limitée (muqayyada) est un statut (hukm) de la ahadiya absolue (mutlaqa). Un exemple de ceci est la multiplication du un par d’autres nombres. Peu importe le degré auquel tu multiplieras le un, n’en sortira jamais que ce degré lui-même… et le un deviendra dissimulé. Un multiplié par deux donne deux. Un multiplié par dix donne dix. Etc… C’est-à-dire que le un a établi par lui-même ces degrés, et il est celui qui les efface par son nom : le un (al-wâhid). Car l’ensemble de tous les degrés n’ont pour haqîqa que le un (al-wâhid) lui-même… le un qui est celui qui efface (al-mâhiy), et en même temps celui qui établit (al-muthabbit). Si tu affirmes qu’il est celui qui efface, et que tu t’en tiens à cela… alors ce sera comme si tu avais prétendu toi-même à cette faculté d’établir. En revanche, si tu affirmes qu’il est à la fois celui qui efface et celui qui établit, alors tu te seras innocenté toi-même de tout cela, et tu auras réalisé que toute chose n’est établie que par le Vrai.
La multiplicité (al-kathra) est en vérité un ensemble de statuts (ahkâm), au sein d’une seule et même entité. Allâh ﷻ dit en effet : « Où que vous vous tourniez : là se trouve la face (wajh) d’Allâh[17]. » or la face d’Allâh est ahad et ne saurait avoir quelconque associé. Raison pour laquelle Allâh informa que le fait de lui associer (chirk) ne saurait être pardonné. C’est-à-dire que cette association (chirk) ne peut apparaître chez l’associateur que par lui-même. Car il n’existe avec lui aucun associé, si ce n’est lui-même…
Le secret de ceci se trouve dans sa parole ﷻ : « prosternez-vous pour Adam[18]. » C’est lui qui a demandé, c’est lui qui a ordonné cette prosternation pour Adam… car il n’est autre que le prosterné (al-sâjid) lui-même, et il n’est autre que l’ordre lui-même, et il n’est autre que Adam lui-même. La dimension ésotérique (bâtin) de ce verset est un serment (wa’d), tandis que sa dimension exotérique (dhâhir) est une menace et un avertissement (wa’îd). Allâh ﷻ dit : « Son intérieur (bâtin) renferme de la miséricorde, et son extérieur (dhâhir) expose le châtiment[19]. » sa porte est al-ahadiya, de sorte que si il l’ouvre, par la théophanie de l’exclusivité absolue (al-ahadiya al-mutlaqa), « ce qu’ils avaient inventé de toute pièce (leurs idoles) se perdirent loin d’eux[20]. » et le voile de la muraille leur sera retiré, par la manifestation de la ahadiya de la lumière. C’est alors que le chameau (al-jamal), c’est-à-dire le sens profond exclusif (ahadiy), qui réunit (jamala) cette parfaite synthèse de la multiplicité, afin de passer dans le chas de l’aiguille[21].
Tels sont les mirages « dans une plaine désertique que l’assoiffé prend pour de l’eau. Puis, lorsqu’il l’atteint, il constate que ce n’était rien. » quand il l’atteint, il constate qu’il n’y a rien… « et il trouve alors Allâh auprès de lui[22]. » C’est à dire qu’ils réalisent alors qu’ils l’ont associé à leurs propres personnes. Ils ont associé leurs nafs à Allâh ﷻ. La jalousie divine a décrété (qadat) que nul ne serait adoré en dehors de lui. Et comment n’en serait-il point ainsi, en considération de sa parole ﷻ : « et Je n’ai créé les djinns et les hommes que pour qu’ils M’adorent[23]. »
Si, dans l’existence, autre que lui avait été adoré, sa volonté n’aurait pas été accomplie, ni pour les djinns, ni pour les hommes. Ceux-ci n’ayant été créés que dans le seul but de l’adorer, aucun djinn ni aucun homme qui qu’il soit n’est en mesure d’adorer autre que Allâh ﷻ. Tel est l’ordre qui fut décrété. Toi, évidemment, lorsque tu considères ce verset d’un point de vue superficiel, tu donnes une explication en disant que les djinns comme les hommes ont le choix et la liberté de l’adorer ou de ne pas l’adorer… Seulement il s’agit ici d’un ordre. Dès lors que le Seigneur t’a ordonné, tu ne disposes plus d’aucune liberté de choix. Tu es tel un outil, qui fait ce que Allâh a décrété (qada) pour toi, avant même que tu ne sois créé… comme nous l’avons développé dans le cours de la semaine dernière. Ce choix et cette décision divine te fut attribué avant que tu ne sois, et elle apparut et se révéla par toi, au fil de tes actes. Car l’ensemble de tous tes actes ne sont qu’une prédestination antérieure à toi-même, établie par Allâh ﷻ… et chaque individu œuvre selon et conformément à ce pour quoi Allâh l’a créé, ni plus, ni moins.
Quoi qu’il arrive donc, il n’aura jamais adoré autre que lui (huwa), puisqu’il a informé ne l’avoir créé que pour son adoration, et avoir décrété (qadâ) le fait qu’aucun serviteur n’adore autre que lui[24]. Or, étymologiquement, le mot « qadâ » en arabe, traduit en français par « décret », renvoie à une loi immuable (hukm), une loi qui ne saurait être révoquée, raison pour laquelle il est inenvisageable qu’un serviteur ait pu adorer autre que lui.
En ce sens, al-Mustafa ﷺ dit : « Œuvrez, car chacun est facilité en ce pour quoi il fut créé[25]. » Voilà… si tu viens renier le fait que le moindre des faits et gestes de l’individu est le résultat d’une volonté omnipotente (qudra) divine, tu vas finir par…
En vérité ici, on ne peut plus rien dire de plus. Parce que tu ne pourras accéder à la connaissance d’Allâh que si tu entres par le hâ’. Puis, de là, tu devras établir le but (al-ghâya). Et une fois que tu auras établi le but, tu auras de même établi que l’acte et le mouvement ne résultent que de la volonté omnipotente (al-qudra) du miséricordieux, qui te permit ainsi d’adorer l’éternel.
En revanche, si tu établis le hâ’, mais renies la lampe (al-misbâh)… c’est-à-dire si tu renies le but (al-ghâya)… alors, tu auras l’apparence de ce statut d’extinction (fanâ’), mais ayant renié les actes et toutes choses, il te sera complètement impossible de continuer à être du nombre des adorateurs, ni du nombre des gens du dhikr. Malgré que Allâh ﷻ dise « et Je n’ai créé les djinns et les hommes que pour qu’ils M’adorent[26]. » tu persistes à être du nombre de ceux qui ne souhaitent pas être du nombre des adorateurs…
Quant à nous, nous ne pouvons plus rien faire de plus pour toi. Tout ce que nous pouvons dire, c’est que le décret et le statut d’Allâh se sont révélés sur toi, et qu’il ne te reste rien d’autre à faire que suivre et te conformer à ce décret. Et ceci étant effectivement le décret d’Allâh, nous considérons cette situation et nous disons « subhânAllâh ! Lâ hawla wa la quwata illa billâh ! »
Voilà comment au final, toujours et quoi qu’il arrive, tes gestes et tes actes ne sont qu’un rappel (dhikr) et un message pour nous : grâce à toi, nous nous sommes souvenus d’Allâh, nous avons évoqué Allâh, nous avons loué Allâh. Tout n’est pour nous au final que du bien. Toutes tes actions sont pour nous un rappel et un message. Pas pour nous dévoiler l’état et la réalité de l’insouciance (al-ghafla), mais plutôt pour nous montrer l’étendue de l’omnipotence (al-qudra) d’Allâh ﷻ. Cela fait partie des émanations de jamâl qui te mènent à la stupeur et te laissera complètement abasourdis en Allâh.
« Œuvrez, car chacun est facilité en ce pour quoi il fut créé[27]. » Dans ce hadîth, le Messager d’Allâh ﷺ a établi l’adoration de tous, et il a attesté pour chacun le fait d’être facilité en ce pour quoi il fut créé. De ce fait, si tu considères les choses du point de vue de la haqîqa, celui qui évolue sur un chemin (sâ’ir) devient inclus et bénéficiaire de son intercession (chafâ’a). Comment n’en serait-il pas ainsi, alors tout n’est que de sa lumière et par sa lumière… alors qu’il est son apparition (dhuhûr) et son occultation (butûn)… alors que sa lumière est la lumière-même du nom d’Allâh al-nûr ?
Compte tenu de cela, il est obligatoire que la porte de la muraille s’ouvre, et donc que le feu vienne se fondre et s’inclure dans la lumière. C’est la raison pour laquelle, lorsque tu contemples la lumière d’Allâh, le feu de tes passions se dissipe et disparaît. Tu te rattaches alors à l’incommensurable lumière de sa beauté, et tu ne peux plus nier quoi que ce soit de cette lumière, au sujet de laquelle Allâh dit : « Allâh est la lumière des cieux et de la terre ».
Puis, il nomma al-Mustafa ﷺ « flambeau illuminant », et c’est alors que les cieux et la terre purent puiser et bénéficier des flux (madad) de ce flambeau illuminant, qui devint par là-même leur but (ghâya).
Et si tu viens dire que cela concerne un temps qui n’est plus, que ton époque est bien différente de la sienne… le Seigneur parachève son exemple en te disant « un exemple de sa lumière est telle une niche » débutant ainsi pour toi la lecture, ou cet apprentissage, par la lecture du hâ’. Cette niche (michkât), comme le dit ibn ‘Ajîba, c’est un creux prévu dans le mur, fermé (à la différence d’une fenêtre qui est ouverte des deux côtés), et dans lequel se trouve une lampe (misbâh). Cette lampe remplit ce creux de sa lumière et resplendit alors de tout son éclat. Si le fond de la niche était percé (à l’instar d’une fenêtre), la lampe ne pourrait avoir le même éclat. Cette lampe se trouve dans une autre niche, qui quant à elle fut nommée cristal (zujâja). C’est-à-dire que la lampe est préservée dans une niche, qui elle-même se trouve dans une niche. Et ce cristal est tel un astre de grand éclat (kawkab durriy).
Alors : « son combustible provient d’un arbre béni, un olivier ni oriental ni occidental. Son huile semble éclairer, sans que le feu ne la touche. » Cet arbre est l’arbre du hâ’ de al-Mustafa ﷺ. C’est à son sujet qu’il ﷺ nous dit dans un hadîth : « J’ai laissé parmi vous deux fardeaux (thaqalayn) : le Livre d’Allâh et la ‘itra des gens de ma maison. » et dans une version « celui qui s’y accroche ne se perdra pas après moi. » Il est bien sûr ici question de celui qui s’accrochera à l’arbre béni de la famille de al-Mustafa ﷺ, à savoir ceux qui ont pleinement et entièrement réalisé les lectures des marâtib du nom divin. De cela, ils obtinrent le secret de son Coran, et la capacité d’ouvrir sa porte. Ils sont ceux qui ont la capacité de faire apparaître et de révéler cette lumière dans les cœurs de ceux qui vivent en ce bas-monde. Par eux, les illusions et les ténèbres de ce bas-monde se dissipent, et apparaît la lumière de al-Mustafa ﷺ.
C’est de cette manière que tu obtiens la markaziya et le but (al-ghâya), que tu t’efforceras de suivre et de te conformer à lui. Le problème étant que ce but n’a en vérité pas de fin, la quête est infinie, puisqu’elle mène jusqu’à sidrat al-muntaha. Si tu parviens à la suivre, tu finiras par atteindre toi aussi sidrat al-muntaha, et celui qui y parvient : comment pourrait-il en revenir ?
Seul le Prophète ﷺ put en revenir, pour moi, pour toi, et pour la création toute entière. Toi en revanche, si tu y parviens, tu n’auras pas cette possibilité. Si tu voyais la beauté absolue (al-jamâl), comment pourrais-tu ensuite la renier ? A moins que tu ne sois totalement ignorant et insouciant de ce que tu as vu… Si en revanche tu es des gens du barzakh et de la porte de la miséricorde, tu prendras d’elle des récits, des enseignements, des sciences… tu comprendras le message qu’il t’incombe de comprendre, et c’est ainsi que se présenteront à toi les stations et les étapes du cheminement, sur les pas de al-Mustafa ﷺ.
[1] « Je pris une poignée (qabda) de Ma lumière et lui dis : Sois Muhammad ».
[2] Sourate al-Nûr, verset 35.
[3] Syncrétisation : Terme désignant en langue française la fusion de différents cultes ou doctrines religieuses, ou la tentative de conciliation des différentes croyances en une nouvelle qui en ferait la synthèse. Dans ce texte, le sens voulu renvoie plutôt à la volonté d’unifier (puiqu’il est question de tawhîd) l’ensemble des noms et attributs divins.
[4]Sourate al-Baqara, verset 31.
[5] « et Il enseigna à Adam tous les noms. » [s2.v31]
[6] Référence aux termes du verset : « aucune chose n’est comparable à Son exemple / laysa ka-mithlihi chay’ » sourate al-Chûrâ, verset 11.
[7] Il s’agit ici des différents degrés de lecture du nom divin, ou autrement dit ce qu’on désigne communément par « les secrets ».
[8] Sourate al-Qasas, verset 88.
[9] Sourate al-Rahmân, versets 3 et 4.
[10] Référence au célèbre poème de l’imam al-Châfi’iy.
[11] Un des noms de al-Fâtiha est Umm al-kitâb.
[12] Sourate al-Kahf, verset 110.
[13] Sourate al-Hadîd, verset 3.
[14] Sourate al-Baqara, verset 123.
[15] Sourate al-Isrâ’, verset 23.
[16] Sourate al-Kahf, verset 110.
[17] Sourate al-Baqara, verset 115.
[18] Sourate al-Baqara, verset 34.
[19] Sourate al-Hadîd, verset 13.
[20] Sourate Hûd, verset 21.
[21] « ils n’entreront au paradis que lorsque le chameau entrera dans le chas de l’aiguille. » sourate al-A’râf, verset 40.
[22] Sourate al-Nûr, verset 39.
[23] Sourate al-Dhurriyat, verset 57.
[24] « Et ton Seigneur a décrété (qadâ) que vous n’adoreriez nul en dehors de Lui. » sourate al-Isrâ’, verset 23.
[25] Sahîh al-Bukhâriy.
[26] Sourate al-Dhurriyat, verset 57.
[27] Sahîh al-Bukhâriy.