بسم الله الرحمن الرحيم
و الصلاة و السلام على أشرف المرسلين
و على اله و اصحابه أجمعين
L’état de Présence divine est plus concret encore que le contact physique d’une chose
Résumé de l’assise du 20 avril 2018 / Jumu’a 3 Cha’ban 1439 [Partie 2] :
Par la perpétuité de l’état de Présence, par le dhikr et par la méditation, l’adorateur puise les flux ésotériques, il perçoit le sens des Actes du Créateur prenant forme autour de lui. Il les saisit véritablement. Il ne commence pas par autrui, mais bien au plus profond de lui-même, c’est-à-dire en sa nature première. Puis il saisit les Actes du Seigneur dans sa Présence, et il les perçoit dès lors dans ce qui l’entoure. Il saisit cela de la même manière qu’il saisit et goûte à l’évanescence (fana) physique dans le moulk. C’est-à-dire que la Haqiqa lui apparaît dans le monde physique et palpable. Il la vit perpétuellement. Il n’est pas dans cet état où, lorsqu’il recherche la Haqiqa, il a besoin de réaliser tout le rituel de l’assise, se diriger vers la qibla, éteindre la lumière, se concentrer, ne pas être perturbé par des bruits extérieurs, etc… pour parvenir à percevoir l’Etoile Lumineuse. Si tu en es encore à là, et bien sache que tu n’as simplement aucune part, même pas l’équivalent d’un atome dans le lâm al-qabd. Parce que, que veut dire lâm al-qabd ?
Cela renvoie au fait que ton esprit ait été saisi (qubida) et aspiré dans la Présence divine, d’un saisissement continu et éternel, sans retour possible… jamais personne n’est revenu d’après qu’il ait rejoint son Seigneur. As-tu déjà vu quelqu’un mourir et revenir ensuite ? Celui qui est mort est mort. Donc à partir du moment où tu prétends avoir atteint l’état de Présence perpétuel avec le Seigneur, c’est que tu n’as aucune possibilité de retour au monde superficiel. Plutôt, lorsque te parvient ce flux spirituel divin, il te vient plus fort que tes perceptions du monde physique, au point de submerger ce dernier.
Par exemple, en ce moment même, tu admets mon existence, parce que tu me vois et tu m’entends. Ton état de présence avec moi est encore plus intense lorsque tu viens jusqu’à moi et que tu me touches, ou que tu m’enlaces dans tes bras. A cet instant-là, tu réalises vraiment que tu es existant et que je suis existant. Ah, si tu goûtais au véritable hâl… tu réaliserais un état de résignation en la Présence divine encore plus fort et plus intense que cela… que tu considères toi comme étant l’existence…
Comment parvenir à cela ?
Tu dois changer toutes tes manières d’être, toutes tes habitudes, toutes tes mœurs, toutes tes idées reçues… ta vie toute entière doit changer. Parce que tant que tu en es à reconnaître l’existence de la matière, niant ou déconsidérant celle des sens profonds, simplement sur base du fait que cette matière, tu la touches et elle te touche… tant que tu ne vis pas et ne réalises pas cet état de Présence dans la contemplation de la Lumière du Prophète ﷺ, jusqu’à t’éteindre et disparaître en elle… ne viens pas prétendre être du nombre des gens de la Présence divine.
Disions-nous, cet état de Présence te vient plus intense et plus concret encore que le contact physique de la matière, et c’est alors que ta science devient ‘ilm al-yaqîn (la science de la certitude). C’est-à-dire, lorsque tu deviens un individu malakoûtiy, comme c’était le cas de sayidina Ibrahim (‘alayhi s-salâm) : « Ainsi avons-Nous montré à Ibrahim le malakoûte des cieux et de la Terre, afin qu’il soit du nombre des gens de la certitude (yaqin) [1]. » Et à partir du moment où sayiduna Ibrahim a vu cela, toi aussi tu dois parvenir à cette vision. Etant donné que tu pries sur sayidina al-Mustafa ﷺ et sa famille, ainsi que sur Ibrahim et sa famille… tu te dois donc d’être dans un état de jonction avec Ibrahim et la famille de Ibrahim d’une part, et avec sayidina al-Mustafa et la famille de sayidina al-Mustafa d’autre part ﷺ. Donc lorsque le cheminant atteint les Secrets de Oumm al-Kitâb (la sourate al-Fâtiha), par cela lui apparaît ce qu’ont rapporté les Prophètes par l’intermédiaire des anges, la Lumière de la Présence divine le submerge, et son état de crainte et de recueillement augmente.
Pourquoi le flux spirituel divin (madad) ne te parvient-il pas ?
Parce que tu n’as aucune considération dans le monde du malakoûte. Certes tu perçois la mouchâhada… mais eux (les gens du malakoûte) ne te considèrent même pas. Si tu faisais partie des gens de l’état spirituel (hâl), tu remarquerais que ta prestance (hayba : prestance suscitant et suscitée par la crainte d’Allâh) est estimée et remarquée chez les gens d’Allâh.
Comment peux-tu savoir si oui ou non tu es évoqué dans leur présence ?
Simplement, lorsque tu constates que tu es habité par la crainte, que tu recherches l’isolement intérieur, que tu baisses systématiquement la tête, lorsque tes larmes ne cessent de couler de révérence et de résignation à cette Présence (Hadra)… lorsque ta certitude et ta crainte du Seigneur augmente, alors tu peux être certain que ta hayba a été élevée auprès du Miséricordieux. Mais lorsque tu t’arrêtes sur ton cas et que tu constates que toute ta journée n’est faite que de badinage et d’amusement, colportant les dires des uns et des autres, riant à tout va… alors tu peux être sûr que ta hayba ne s’est pas élevée au-dessus de ta tête de ne serait-ce qu’un centimètre.
Tu n’as purement et simplement aucune hayba. Comment ton esprit serait-il donc saisi (qabd), alors que tu n’es même pas reconnu, alors que tu n’as aucune considération dans le monde du malakoûte ? Tu ne pourras être considéré que dans la mesure où tu seras reconnu dans le malakoûte, ayant recueilli en toi cette crainte révérencielle qui permettra le mélange en toi des deux mondes, faisant de toi un être malakoûtiy, malgré que tes gestes et tes mouvements soient entièrement inclus dans le moulk.
Ce malakoûte que tu vis, il se traduit très clairement dans le moulk : on voit en toi cet état de recueillement, cette humilité, ce brisement de ton égo… parce que tu es un cheminant (sâlik), tu dois donc obligatoirement passer par là, il n’y a pas d’autre porte. Et si au contraire tu n’as pas de regret, pas d’état de méditation, pas de crainte… si le fait de parler des Secrets de la ma’rifa ou de la Lumière du Seigneur ﷻ ne stimule en toi aucune aspiration spirituelle (himma), si cela te vient comme n’importe quelle autre parole, alors sache que l’état qui est le tien est retourné contre toi, et que tu es dépourvu de toute hayba. Et du fait que tu n’as pas de hayba, tu es incapable de percevoir la nouvelle (naba’) qui serait éventuellement amenée à s’établir en toi.
Cela n’a absolument rien de nouveau : cette Science était parfaitement connue des bani Isra’il. Ce n’est pas exclusivement réservé à la Communauté de sayidina al-Mustafa ﷺ. Au contraire, cette Science fut initialement apportée par sayidina Adam (‘alayhi s-salâm), et perdura parmi les hommes, jusqu’à nos jours. À l’époque où cette Science se trouvait parmi les bani Isra’il, elle était appelée la Science du Livre (‘ilm al-kitâb). Et cette Science du Livre fait naître en l’individu la crainte révérencielle (khachya), le souci permanent de son état, la hayba… la Science du Livre ne te fait pas gagner la connaissance des chiffres que tu calcules, comme dans un cours de mathématiques ! Cela n’a rien à voir avec la Science du Livre. Lorsque tu es détenteur de cette Science, tu connais la place qui est la tienne, tu sais à quoi correspond ce Livre… notre Seigneur ﷻ disant : « Le Jour où Nous plierons le ciel comme le rouleau du livre. [2] »… donc toi, à partir du moment où tu te trouves dans le premier degré (le degré humain : farch) de ce Livre et de sa lecture, tu te trouves certes dans une opportunité d’ascension élevée, et tu as effectivement le droit à prétendre être des gens de cette Science. Maintenant, si cela ne stimule absolument rien en toi, quelles que soient les connaissances que tu puisses atteindre, tes paroles resteront limitées à ce qu’en entendra ton auditoire, sans jamais atteindre le deuxième monde… or en ce qui nous concerne, dans le lâm al-qabd, nous n’avons aucune considération pour ce qui relève du moulk, puisqu’il s’agit au contraire de réaliser une immersion totale dans le monde du malakoûte.
La Lecture du lâm al-qabd est un cheminement qui se fait entièrement dans le malakoûte, et non pas dans le moulk. Ce n’est pas comme dans la Lecture du hâ’ al-hawiya, la Lecture précédente… où tu retournais les formes apparentes à leur dimension physique et matérielle. Non, à présent les choses sont tout à fait différentes. Tu dois éteindre tout cela dans le lâm al-qabd, d’un fana total et absolu. C’est pour cela que l’on lit « A Lui (lahu) le moulk des cieux et de la Terre [3] » à Lui le moulk des cieux, avant celui de la Terre. Tu dois donc débuter par les cieux et te débarrasser d’absolument toute considération de la Terre. Car tant que tu resteras cantonné à la matérialité de la Terre, tu demeureras dans le hâ’ al-hawiya, c’est-à-dire dans : « Dis : c’est Lui (qul huwa) [4] ».
Ainsi, cette Science du Livre, s’ils ne l’avaient pas falsifié en détournant les versets de leur sens réel, en vue bien sûr de satisfaire les penchants de la nafs… Car c’est cela qu’il s’est produit… ne tombe donc pas dans le même travers, ne te rends pas coupable de falsification de la Lumière d’Allâh afin de satisfaire les pressions viles et animales de ta nafs, ce qui te mènerait à accomplir des choses qui ne te seraient d’aucune utilité ni dans ce monde ni dans l’autre. Tu deviendrais alors durement éprouvé dans ce domaine. Ne délaisse donc pas la vie dans le malakoûte, la stimulation d’un état spirituel (hâl) véritable, et la purification de l’âme… pour revenir à ce par quoi tu avais débuté.
Souviens-toi, avant ta prise de bay’a : tu avais le recueillement et la crainte révérencielle, tu avais la paix intérieure, et tu avais soif de Haqiqa. Tu as alors commencé à changer tes habitudes, changer tes mœurs, modifier tous tes acquis, afin de rétablir le lien entre toi et ton Seigneur. Et ton Seigneur t’a effectivement exaucé. Il t’a donné une Lumière, et Il en a fait pour toi un signe et une allusion habitant ton cœur, afin de te permettre de t’élever vers une hayba et vers un état de jonction (wasl) perpétuel.
Mais aujourd’hui, où en es-tu ?
Tu es retourné d’où tu as commencé… comme si tu n’avais pris qu’une preuve (hujja) contre toi, dans ce monde et dans l’autre. Ah si seulement, au lieu d’en faire une preuve contre toi, tu en l’avais mise à ton avantage, si seulement tu t’en étais servi pour t’élever davantage et pour établir fermement le lien avec ton Seigneur…
Souviens-toi, ce temps où tu veillais tes nuits dans le but de découvrir enfin ce que recélait ta khalwa… lorsque tu étais hanté par ce désir irrépressible d’atteindre et de comprendre ce Secret… souviens-toi, souviens-toi de ta Haqiqa… ou encore, cette époque où tu abandonnais tout, où tu délaissais ta femme, tes frères, tes amis… et tu partais t’isoler dans les montagnes pour pratiquer le dhikr. Certains ont abandonné leur commerce, d’autres ont abandonné autre chose… que chacun se remémore sa propre histoire… et aujourd’hui tu veux, toi, pénétrer le lâm al-qabd et la Haqiqa de la Science des Noms divins, et tu t’imagines que cette Science se résume à un talsam, à un symbole, à un Nom… ? Quelle déchéance… que de temps perdu… malheur à toi ! Malheur (wayl) à toi au Jour du Jugement pour cette nafs qui est la tienne !
Si cela stimule en toi la crainte, si effectivement tu as peur de ce wayl [5], alors cherche dans ce bas-monde un moyen d’en éteindre le Feu, avant qu’il ne soit trop tard ! Ne reste pas là, figé, à attendre que les choses se passent. C’est toi qui initialement es parti en recherche de la Haqiqa ! Ce n’est pas la Haqiqa qui est venue à toi, mais bien toi qui a délaissé tout ce que tu avais en vue de parvenir à la Lumière du Seigneur… et bien, la voilà donc, la Lumière d’Allâh ! Et la Lumière d’Allâh n’accepte et ne tolère que la Lumière.
Bien sûr, cela vaut si vous voulez accomplir les différentes Lectures… parce que si vous voulez qu’on s’arrête là et qu’on revienne au hâ’ al-hawiya : « Il n’y a que Allâh… il n’y a que Allâh… », où tu peux te prélasser, dormir paisiblement et faire ce que bon te semble, comme si tu étais al-Khidr (‘alayhi s-salâm)… à ce moment-là on peut changer les cours, on efface le tableau, on dessine un grand soukoûn et on reste installés dedans toute notre vie. Mais si tu veux lire les différentes parties, les différents points de référence des degrés progressifs de l’ascension… après al-Isra, vient al-mi’râj… et sache que dans le mi’râj, on ne retrouve pas le moindre atome de Terre. Il n’y a que des cieux : l’élévation première, l’élévation secondaire, l’élévation tertiaire… et cette élévation débute par le lâm al-qabd, c’est-à-dire par le centre (markaz) de la pierre depuis laquelle sayiduna al-Mustafa s’éleva (à Jérusalem) et accomplit son ascension, soit le markaz de la première qibla (al-Quds), le markaz de la Haqiqa première, depuis laquelle s’éleva le Prophète ﷺ.
Toi aussi, tu te dois en cela de suivre ton Prophète ﷺ, puisqu’il t’en a lui-même clairement ouvert la porte, lorsqu’une fois parvenu au plus élevé des degrés de l’ascension il dit : « Que la paix soit sur nous, ainsi que sur les serviteurs d’Allâh vertueux. » Etant donné qu’il a passé le salâm aux gens de al-muntaha, ne pourront lui rendre son salâm que les gens de al-muntaha. Tant que tu n’en fais pas partie, tu ne peux pas rendre le salâm au Prophète. Et si tu restes agrippé à la Terre, comment rendrais-tu le salâm aux gens de l’élévation céleste ? Tant que tu restes sur Terre, comment entendrais-tu ceux qui sont dans les cieux ?
Il y a des gens que leur attachement à la Terre a même fini par faire sortir de la Présence (Hadra)… par leur demande du pouvoir et des responsabilités, et en commençant à tout se permettre et à tout rendre licite. C’est ainsi que les bani Isra’il ont commencé, tout d’abord en s’accaparant le pouvoir, depuis lequel ils purent s’exempter de toutes les contraintes de la Loi divine. C’est ainsi que toi aussi, tu trouves des excuses, et tu produis sur mesure de nouvelles fatwa. Et ce cours, je te le rapporte pour que tu te rendes compte que tu ne fais que reproduire exactement le même modèle que celui des générations passées. Aujourd’hui également, nous rendons licite ce que le Seigneur a établi comme étant illicite, sous couvert de prétendues argumentations par la Loi divine… et nous nous imaginons que c’est cela, la Voie droite d’Allâh. La fatwa va dans le sens des penchants de notre nafs, et notre conscience s’apaise…
[1] Sourate al-An’am, verset 75.
[2] Sourate al-Anbiya’, verset 104.
[3] Sourate al-Hadid, verset 2.
[4] Sourate al-Ikhlâs, verset 1.
[5] Wayl : nom d’une vallée de l’Enfer.